mardi 26 novembre 2024
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Kinovisions de retour à Marseille

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Berlin été 42 (From Hilde with love), d’Andreas Dresen © Frederic Batier : Pandora Film

Des films en langue allemande. C’est ce que propose le festival Kinovisions depuis maintenant neuf éditions à Marseille. Cette année, le rendez-vous s’ouvre aux Variétés avec Berlin été 42 (From Hilde with love), d’Andreas Dresen. Il nous fait revivre l’histoire de Hilde Coppi, membre du groupe communiste allemand Orchestre rouge, en présence de Liv Lisa Fries qui l’incarne. Les 26 et 28 septembre, deux films de Volker Schlöndorff : Baal, adapté du drame de Brecht avec Rainer Werner Fassbinder, Margarethe Von Trotta, Hanna Schygulla et L’homme qui ressuscite les arbres (Der Waldmacher), un essai documentaire sur le parcours de l’agronome australien Tony Rinaudo.

Le 27, Langue étrangère de Claire Burger, un portrait de la jeunesse européenne d’aujourd’hui, mettant en scène deux adolescentes, l’une française, l’autre allemande ; des séjours linguistiques marqueront à jamais leurs vies. À 18 h au Vidéodrome 2, en partenariat avec le FIDMarseille, un hommage sera rendu au documentariste Thomas Heise, disparu en mai dernier, avec son film Mein Bruder. Well Meet Again, soitles retrouvailles de deux frères longtemps éloignés. Le même jour à 20h30 à La Baleine, en partenariat avec Films Femmes Méditerranée, Shahid de  Narges Kalhor, une réalisatrice iranienne qui vit à Munich. Pour terminer, en coopération avec le Goethe Institut, Wann wird es endlich wieder so, wie es nie war de Sonja Heiss, le parcours de Joachim, fils du directeur d’une clinique psychiatrique pour enfants et adolescents.

ANNIE GAVA

Kinovisions
25 au 29 septembre
Divers lieux, Marseille

Viêt and Nam, les amants de la terre noire

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D’une grande beauté formelle, tourné en argentique 16mm, Viêt and Nam tient à la fois du cinéma réaliste et fantastique, du road trip et du huis clos, du mélodrame sentimental et du documentaire. C’est tout ensemble un film sur un amour homosexuel, sur la société vietnamienne, sur le monde rural, sur l’extraction de la houille, sur l’émigration clandestine, sur l’absence des pères, sur les fantômes et les traumatismes de guerre, sur le Nord et le Sud d’un pays autrefois divisé. Pourtant ce n’est en rien un collage ou une juxtaposition : styles et thèmes s’interpénètrent, font matière de cinéma.

Viêt et Nam, deux jeunes mineurs, vont tous les jours au charbon : ils descendent dans les entrailles de la terre par un monte-charge archaïque, avec leurs frères de labeur. Rêve ou réalité ? Ils s’aiment, nus sur la terre noire. Leur peau mate et moite, barbouillée de poussière, se détache sur fond de houille pailletée. Nam n’a jamais connu son père disparu sur le front sud pendant la guerre. Il vit avec sa mère dans un univers rural très pauvre. S’occupe d’elle, la couche en suivant un rituel qui la prépare au rêve. Un rêve récurrent, obsédant dans lequel le spectre de son mari lui donne des indices pour retrouver sa dépouille ensevelie à la hâte. Nam cherche pourtant à tout abandonner, à s’exiler comme tant d’autres, en acceptant le risque de l’asphyxie dans des sacs plastiques portés par le fleuve ou le naufrage de conteneurs scellés par les passeurs. Il est prêt à quitter Viet, son âme sœur, son double qui lui ressemble tant. Mais avant, il entreprendra un périple vers le Sud avec son amant, sa mère et un vétéran, compagnon d’arme de son père. Le petit groupe guidé par les songes maternels et les visions d’une chamane, spécialiste de ces recherches de corps perdus. Une plongée historico-onirique, à travers forêts, cimetières, mémoriaux officiels, souvenirs intimes ou mensonges du vieux soldat rescapé.

Eaux de vie, eaux de mort

Le temps s’immobilise en longs plans pausés et la bande son constituée essentiellement de bruits concrets nous fait entrer dans l’image : gouttes d’eau suintant des parois, explosions des forages, froissement des vagues échouées sur le sable… Les eaux épuisent leur palette imaginaire et poétique : courantes ou stagnantes, claires ou troubles, vertes ou bleues. Mêlées à la terre comme la chair de ceux inhumés sans suaire.

À l’instar de son titre duel, et de sa structure bipartite, le film multiplie les oppositions binaires : le dessus et le dessous, le dehors et le dedans, la vie et la mort, le souffle et l’étouffement. Les cadres savamment composés jouent sur les reflets et les symétries, en une géométrie sensible.

Son réalisateur Truong Minh Quy appartient à la même génération que son compatriote Pham Thièn An, Caméra d’or à Cannes l’an dernier pour L’Arbre aux papillons d’or. On trouvera quelques convergences entre les deux cinéastes bien que le premier affirme qu’il n’y a pas de mouvement artistique commun dans un pays où réaliser et diffuser ses films s’avèrent très difficile et où les trajectoires par là-même, demeurent personnelles.

ÉLISE PADOVANI

Viêt and Nam, de Truong Minh Quy

En salles le 25 septembre

Purement techno

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Une rue déserte, la nuit. Un parking souterrain vide, des flaques d’eau. Au fond, une porte d’où s’échappe une musique qui s’amplifie et soudain nous voilà immergés dans un club techno underground, au milieu de visages, filmés de près. Un long plan séquence : une foule de gens qui dansent, comme en transe. Corps qui se frôlent, bouches qui se sourient, qui se joignent, cheveux qui ondulent, regards qui se cherchent, se rencontrent. Quand le morceau est fini, on entend des bribes de conversations, banales, comme on en échange dans ces lieux où les gens se retrouvent pour faire la fête. On boit, on fume, on sniffe. Parmi eux il y a Félicie (Louise Chevillotte) et Saïd (Majd Mastoura), chauffeur VTC. Félicie, agacée par les reproches d’une ex, propose à Saïd un after chez elle. À l’ambiance survoltée du dancefloor, succède celle, feutrée, de l’appartement de cette jeune avocate pénaliste ; des étagères remplies de livres, une décoration soignée, un tableau « grave beau » que Said découvre tandis que Félicie, en body léopard se refait une beauté dans la salle de bain.

Des images filmées en 16 mm. À partir de ce moment, et jusqu’à la fin du film, un montage alterné nous fait passer du cocon de l’appartement au dancefloor où jusqu’au petit matin, la jeunesse se déchaine. Félicie et Said se rapprochent, se racontent leurs premières fois : expériences de danse, de dope et même, pour Félicie sa première relation sexuelle, sous dope, « tellement puissante » ce qui met Said très mal à l’aise. Au morceau I go to sleep d’Anika, qui fait le lien avec le Club, succède la musique des corps, des baisers, de l’étreinte de ces deux êtres, socialement si différents à qui seul la danse et la musique ont permis de se rencontrer. Ils vont échanger, parler de leur génération à la croisée des chemins entre le découragement et l’envie de se battre.

« Ça ne sert à rien de se battre parce qu’on est déjà battus, dit Félicie. L’humain est structurellement mauvais, on tend vers la facilité, donc vers le pire. Regarde le progrès : l’humanité n’a jamais été aussi riche et aussi avancée, on détruit tout ce qu’on touche ! » Au contraire pour Saïd, l’avenir peut s’éclairer si on se bat ensemble. Rapprochement amoureux et discussion politique, philosophique, écologique, existentialiste : on pense à Jean Eustache ou à Rohmer. Quand soudain, plus de lumière, écran noir. On se retrouve au Club, au milieu des danseurs, en noir et blanc, à présent ; l’ambiance est à son paroxysme avant la blancheur du petit matin.

La fête fédère-t-elle vraiment ou n’est-elle qu’un simulacre de communion ? C’est une des questions que pose ce film : « C’est un peu les deux, le film ne tranche pas. C’est à la fois l’enfer sous terre et le lieu paradisiaque où tout est possible, un purgatoire qui nous permet d’accepter le chaos extérieur. C’est une forme d’utopie profondément négative, très à l’image de notre époque. Des gens se défoncent, dansent et s’aiment dans des caves en écoutant de la musique industrielle. C’est à ça qu’aboutissent les sociétés néolibérales : je crois que la façon dont les gens s’amusent peut nous aider à comprendre le monde » explique Anthony Lapia, le réalisateur de ce film immersif, entre captation documentaire de soirées techno et fiction, qu’apprécieront particulièrement ceux qui aiment cette musique et retrouveront avec plaisir tous ces morceaux remixés par Panzer.

ANNIE GAVA

After, d’Anthony Lapia
En salles le 25 septembre

Les Belles Créatures , l’été meurtrier

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Il était une fois dans une époque récente trois jeunes Islandais qui vivaient dans une périphérie urbaine qu’on ne nommera pas. Le premier, Konni, (Viktor Benóný Benediktsson) surnommé « l’animal », chef de la bande, cognait avant de réfléchir et ne craignait que la brutalité de son père. Le second Siggi (Snorri Rafn Frímannsson) suivait aveuglément le premier. Quant au troisième, Addi (Birgir Dagur Bjarkason), il cohabitait comme sa petite sœur, avec une mère aimante, un peu chamane, à la blondeur de fée illuminée (Anita Briem). Le père, alcoolique, ayant été éloigné du foyer. C’est du point de vue d’Addi, de plus en plus empathique, que va se raconter l’histoire.

C’est lui qui intégrera à la bande d’adolescents désœuvrés, prompts à aller bastonner une quatrième « créature », chétive et « puante » Balli (Áskell Einar Pálmason), jusqu’alors victime résignée de leur harcèlement quotidien et de leur brutalité. Balli survit, dans un taudis, quasi abandonné. Son beau-père Svenni (Ólafur Darri Ólafsso ) véritable ogre incestueux et violent est sur le point de sortir de prison. Sa mère junkie (Ísgerður Elfa Gunnarsdóttir) et sa grande sœur, la plupart du temps, s’absentent du « foyer ». Et les péripéties s’enchaîneront pour le pire et le meilleur.

Les Belles Créatures de Guðmundur Arnar Guðmundsson a quelque chose du conte,  habité des visions prémonitoires de Danni, héritier, bien malgré lui, des pouvoirs maternels de médium, au pays des sagas légendaires et guerrières. Pays-paysage autour de Reykjavik, qui,  s’il n’est pas au premier plan ici, apparaît par moments, dans la beauté âpre et chaotique de l’été islandais. C’est aussi un film social sur la déliquescence des familles, la perte des repères, et des pères absents ou toxiques, sur la représentation mortifère de la masculinité et la défaillance des services de protection. C’est encore un film d’apprentissage qui met en scène très finement les rapports de force et de faiblesse dans un groupe, la logique solidaire de la meute contre d’autres meutes, l’allégeance au plus fort, au plus fou, les prises de risque insensées propres à l’adolescence, le jeu de rôles entre les individus marqués chacun par leur trauma, et traînant leur boulet de souffrances et de peurs. Car la violence n’est pas « gratuite » : elle est rançon à payer pour d’autres violences dans un enchaînement fatal.

Mais Les Belles Créatures, c’est surtout un film qui ne nous conduit jamais vraiment où on croyait aller. Du naturalisme à l’onirisme, de la cruauté à la tendresse, de la haine à l’amitié, d’un tunnel où on se cache des loups qui guettent les tout petits Poucet à un pont qui enjambe les rives et relie les amis. Qui nous plonge, caméra à l’épaule, en immersion dans les rixes, les viols, les agressions, les orgies, les hallucinations. Qui nous renvoie en pleine poitrine, une violence oppressante, parfois à la limite du supportable. Mais capte, inattendus les gestes de tendresse, de fraternité, de fragilité. Qui nous perche avec les garçons sur les toits dans un vertige anticipant à tout moment la chute et nous happe dans le drame par une mise en scène, un casting et une direction d’acteurs impeccables.

« Le tournage était comme une danse entre le chef opérateur, les jeunes et moi, Sturla Brandth Grøvlen, notre directeur de la photographie, est génial pour sa manière de lire une scène et d’interagir avec l’acteur. Son travail est magique », dit le réalisateur.

En 123 minutes qu’on ne voit pas passer, le film Les Belles créatures redonne à un titre qui s’appréhende au premier abord comme ironique, son sens littéral.

ÉLISE PADOVANI

Les Belles Créatures, de Guðmundur Arnar Guðmundsson 

En salles le 25 septembre

Le TPA rempile pour un tour 

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La Caravane Passe © Tija Pakic

27e édition déjà pour le festival porté par l’infatigable association Aix’Qui. D’abord connu sous le nom Tour du Pays d’Aix, il avait surpris son monde en changeant de nom en 2023 pour devenir le Tour de Provence Amplifiée, réduit en TPA. Autre surprise de l’an dernier, sa gratuité, et bonne nouvelle, c’est reconduit. 

Il ne faudra donc rien débourser pour aller voir la dizaine d’artistes programmés cette année, entre le 20 septembre et le 2 octobre, dans plusieurs communes des Bouches-du-Rhône. Et ça commence au Portail Coucou de Salon-de-Provence avec les Américains du Koch Marshall Trio. Les mêmes rockeurs-bluesmen iront ensuite à Meyrargues (le 21), Martigues (22), Aix-en-Provence (23) et aux Pennes Mirabeau (24). Chaque soir, des premières parties issues du dispositif Class’EuRock (tremplin musical organisé par Aix’Qui également) ouvriront la soirée, comme Mathilde, Last Rainbow ou Doctor Swamp & The Spoon Blues Therapy

Après les Américains, les Français entrent en scène. D’abord avec La Caravane Passe le 28 septembre au parc Jourdan d’Aix-en-Provence, puis avec la chanson poétique et engagée de HK, qui s’installera sur la Plaine à Marseille – et ainsi célébrer une première visite dans la cité phocéenne pour le TPA ! 

NICOLAS SANTUCCI 

Festival TPA
Du 20 septembre au 2 octobre
Divers lieux, Bouches-du-Rhône

Automne baroque

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ICI LES PENOMBRES © NAZIN TADAFI

Pour cette 22e édition du festival Mars en Baroque, les instruments sont mis à l’honneur. Car si on connait surtout la période baroque comme celle ayant inventé l’opéra, on sait moins qu’elle a connu une autre révolution : l’émancipation de la musique instrumentale. Cette dernière s’est dotée d’un immense répertoire de sonates, de concertos et de champs sonores nouveaux. L’Harmonie Céleste dont la polyphonie vocale de la Renaissance devait être le reflet, céda le pas à l’Harmonia Instrumentalis. 

Ouverture des festivités le 13 septembre à l’église Saint-Nicolas-de-Myre (Marseille, 6e). Les Passions, orchestre baroque de Montauban, nous emmènent dans l’ univers de Vivaldi, Telemann et Boismortier, trois compositeurs parmi les plus populaires de l’époque. Violon, flûte, hautbois, basson, violoncelle et clavecin dialogueront avec humour et charme. Même lieu le 14 septembre pour une soirée de suites pour violoncelle seul interprétées par Christophe Coin qui s’annonce d’exception. Le violoncelle à l’époque baroque est d’invention récente. Il n’a pas encore supplanté la viole. Trois compositeurs vont le mettre sur le devant de la scène : Johann-Sebastian Bach, Domenico Gabrieli et Joseph-Marie-Clément dall’ Abaco. Le 10 octobre le concert Harmonia instrumentalis (salle Musicatreize) nous emporte à la découverte de la polyphonie instrumentale germanique du XVIIe siècle. Grâce à l’ensemble Clematis, c’est une occasion unique de découvrir un répertoire rare dans lequel les compositeurs, sans la contrainte d’une commande, laissent libre cours à leur imagination. Liberté totale également avec la carte blanche au célèbre claveciniste Pierre Hantaï (12 octobre salle Musicatreize) qui nous régalera d’œuvres de ses compositeurs préférés Johann-Sebastian Bach et Domenico Scarlatti.

650e anniversaire

Le festival nous réserve bien d’autres moments intenses dans lesquels la voix n’est pas oubliée. Le 22 septembre au Temple Grignan, nous passerons une heure avec Couperin grâce à trois jeunes artistes marseillais nous invitent à partager un moment avec le plus célèbre claveciniste français, qui fut aussi un organiste génial. Loin de l’image galante et légère que reflète nombre de ses pièces, nous allons découvrir les œuvres les plus grandioses de l’organiste : le Huitième Ordre en si mineur avec sa longue Passacaille, des extraits de la Messe des Paroisses et enfin, illuminées par la voix de Gabrielle Varbetian, les deux Leçons des Ténèbres du Mercredy Saint pour voix seule, chef-d’œuvre de la musique vocale du compositeur.

Minimum semble © X-DR

C’est un hommage à Pétrarque que nous proposent Romain Bockler et Jean-Marc Aymes,les deux directeurs artistiques du festival, à l’occasion du 650e anniversaire de sa mort. La poésie de Pétrarque connut un grand succès auprès des musiciens du XVIe siècle, engouement qui se perpétua jusqu’au début du XVIIe. C’est cette période charnière entre « style antique » et « style moderne » que l’ensemble Concerto Soave nous invite à découvrir. 

La création sera bien présente également (22 septembre Théâtre de l’Œuvre). Fin 2020, Loïc Guénin invite la violoniste Alice Pierot pour une résidence, à l’initiative de l’Espace Culturel de Chaillol. Les deux artistes décident de travailler sur cette année si singulière. La Trotteuse est née de cette volonté de donner à entendre les émotions suscitées par la traversée de cette crise. Création encore avec Paysages composés de Martin Mey quia emmené en balade les membres du Minimum Ensemble ainsi que la violoniste Christelle Lassort, pour composer ensemble des morceaux issus de sentiments musicaux partagés.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Mars en Baroque
Du 13 septembre au 13 octobre
Divers lieux, Marseille
marsenbaroque.com

Aux marges du palais… la révolte

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Le Varois Marcus Malte nous avait séduits avec ses romans noirs et le garçon (Éditions Zulma) récit poétique sur un enfant sauvage qui lui avait valu en 2016, un prix Fémina amplement mérité. Dans ce nouveau roman, il est aussi question d’un jeune adolescent Zap, petit voleur naïf et sans famille et d’une adolescente, Aneth, princesse de la république médiocratique de Frzangzwe, ce doux pays où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dans son palais de 365 pièces, Aneth, fille unique de l’archimaréchal Robert Dupont de Bavoire, vit confinée protégée du monde extérieur. Elle est cependant « ultralike ». La vie que lui scénarise Pipaudi, chargé de communication du Palais, sorti de « la grande école », fait rêver les gens du peuple sur les réseaux sociaux et leur font oublier qu’ils ont de moins en moins de drelins, la monnaie locale. On suit les pseudos amourettes et les ruptures scénarisées de la princesse, ses engouements vestimentaires, son combat pour la défense… des bébés pandas. Dans le Palais, tout est fake. Même l’immense bibliothèque ouverte une fois par an lors des Journées du patrimoine est composée de faux livres. Heureusement Aneth peut compter sur l’amour inconditionnel de Chantal sa gouvernante. Pour les seize ans de sa protégée, celle-ci décide d’offrir une « escapade » à la princesse. 

Du beau monde

Aux marges du palais, le fossé entre les riches et les pauvres ne cesse de se creuser. Dans une pension de famille pas comme les autres tenue par une veuve libidineuse – elle a assassiné ses trois maris – cohabitent d’attachants laissés pour compte de la société. Mo, l’homme à tout faire, Mouna la Souris experte en informatique, le Toubib au passé sulfureux. Retranchée dans leur manoir, la bande de marginaux fomente un coup d’éclat : occuper la Grande Tour F, la kidnapper, la démonter. Bientôt les deux mondes vont se croiser. Et gronde la révolution. Il y a de l’Émile Ajar et du Daniel Pennac dans ce monde né de l’imagination de Marcus Malte, un monde fait de petites gens qui n’ayant plus rien à perdre s’avère rebelle, créatif innovant.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Aux marges du palais, de Marcus Malte
Éditions Zulma – 24 €
Sorti le 22 août 

Bon grès, malgré… le patriarcat

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Fille « bâtarde » du maître potier Talbot et de sa domestique, la petite Jeanne Brûlé grandit solitaire, observant à la dérobée le travail des hommes dans l’atelier. La matière travaillée dans la région est le grès, une argile particulière, utilisée par les potiers du Berry. Une terre qui, à la cuisson, devient dure comme la pierre. Rebelle à toute coloration. Brute. Éternelle. A la fabrique, les femmes ne sont admises que pour les humbles tâches : apporter les repas, nettoyer les pots. C’est ainsi, les hommes sont potiers et aucune femme n’a accès à la terre. Mais dans ce pays de sorciers où les goupils pondent des œufs, l’impossible est un possible.  

Jeanne est vite « possédée » par sa passion pour la sculpture. En cachette, elle modèle… Des femmes exclusivement. Elles représentant leurs luttes, leurs souffrances et leurs espoirs comme un moyen de les faire exister là où naître femme est une infirmité. « Elles étaient là, apprêtées, imposantes, libres, solides comme le grès, en magistère dans leurs nouvelles demeures. J’imposais leur présence partout comme une allégorie. Les rendre visibles ». Ces guerrières de pierre deviennent les « cadences de ses jours ». 

Comme une bête sauvage

Son « père » découvre ses œuvres par hasard et lui permet d’intégrer l’atelier : « À partir de ce jour, ma vie a véritablement commencé. Je fus la première femme à pénétrer dans ce monde d’hommes, je travaillais avec mon père. Je ne l’observais plus de loin ou derrière une vitre comme une bête sauvage ». Bientôt elle choisit de se faire prénommer Marie. Jeanne Brulé devient Marie Talbot.

Contrainte de se marier comme l’obligeait l’époque, elle ne sera pas heureuse dans sa prison maritale : « Comment aurais-je pu supporter l’intimité d’une personne que je haïssais ? ». « Pourquoi le mariage abolissait-il ainsi la liberté ? Assujettissait-il à un maître ? Pourquoi les hommes voulaient-ils faire de leur compagne des servantes ? »

Marie Talbot est une énigme. Aucun portrait d’elle n’existe à part une petite sculpture réalisée par son père. Restent ses créations, ses femmes fontaines… Sublimes. Ingrid Glowacki a romancé sa vie autour de dates réelles et connues de son existence. Elle a mêlé à son histoire George Sand, qu’avec toute vraisemblance, Marie aurait pu rencontrer et avec laquelle elle aurait sans doute été amie. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

La poète aux mains noires, de Ingrid Glowacki 
Gallimard – 22 €
Sortie le 12 septembre

L’Amu fait danser les neurones 

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Guid, Ballet Preljocaj © Jean-Claude Carbonne

Le festival Jeu de l’Oie, manifestation portée par la Mission Interdisciplinarité(s) d’Aix-Marseille Université, revient du 19 au 21 septembre, sur les deux villes. Avec un « before » le 18 septembre à Aubagne, au campus de la Satis, école de cinéma d’AMU. Le réalisateur Régis Sauder y sera présent pour la projection de son film Nous, princesses de Clèves (2011), documentaire puissant sur les échos du roman de Mme de La Fayette dans les vies de lycéens marseillais des quartiers Nord. Une excellente entrée en matière pour le thème de cette 5e édition, « les mises en jeu du corps dans nos sociétés contemporaines ». 

Neurones en mouvement

La journée du 19 septembre se déroulera à Aix-en-Provence, sur trois sites : le 3bisf, centre d’arts contemporains de l’hôpital psychiatrique Montperrin, l’Université, et le 6mic, salle de musiques actuelles. Relevons trois propositions dans un programme dense, notamment un autre film assorti d’une rencontre avec sa réalisatrice, la chorégraphe Balkis Moutasha. Climal (2023) évoque les relations entre humains et animaux : corps, rythmes, mouvements… « notre commun comme notre altérité ». Puis la performance du Groupe Urbain d’Intervention Dansée qui présentera le répertoire du Ballet Preljocaj. Et enfin Jouir, spectacle de Juliette Hecquet cherchant à répondre à une question impudente : « Pourquoi existe-il un écart orgasmique ? ».

Le 20 septembre, direction Marseille et le Mucem, où les enseignants d’Aix-Marseille Université apporteront des éclairages sur quelques interrogations passionnantes : comment est-ce que les bébés communiquent ? Nos fluides corporels influent-ils sur notre personnalité et notre tempérament ? Comment mieux accompagner la fin de vie ?

Quant à la fin du festival, le lendemain, elle se conjuguera avec les portes ouvertes du Centre dramatique national de Marseille, La Criée. Le public est invité à mettre la main à la pâte, lors d’ateliers variés : d’écriture, d’arts plastiques, de hula hoop, de philosophie… Et de danse : après avoir réalisé son masque d’animal imaginaire avec l’artiste Loïse Bulot, tous sur la piste pour Le grand bal, mené par Carole Errante. « Intergénérationnel, multiculturel et inclusif, réunissant professionnel·le·s et amateur·ice·s », il promet que la pesanteur ne sera plus qu’un lointain souvenir, rien que ça !

GAËLLE CLOAREC

Jeu de l'Oie
18 au 21 septembre
Aubagne, Aix-en-Provence, Marseille
festivaljeudeloie2023.univ-amu.fr

Aix en veut encore !

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CHIHARU SHIOTA © Philippe Biolatto

La deuxième édition de la Biennale d’Aix a pris un peu de repos le temps des festivals et des Jeux olympiques, mais elle reprend de plus belle à partir du 21 septembre. Elle ne cédera la place qu’aux fêtes de fin d’année ! Sophie Joissains, maire de la Ville et vice-présidente en charge de la Culture de la Région Sud, a voulu créer une manifestation d’envergure qui ait le sens de la fête et de l’exigence artistique. Le programme de ce premier week-end répond parfaitement à ce vœu.

Alors, on danse ? 

Pour célébrer cette reprise, le Grand Théâtre de Provence (GTP) donne un grand bal méditerranéen dans les rues du centre ville le 21 septembre. Une soirée en quatre temps qui commence à 18 h place François Villon avec un « Bal des minots » durant lequel Josette Baïz et la Cie Grenade initieront les enfants de 6 à 14 ans au bollywood, au hip-hop, à la danse africaine et au dabkeh. Ensuite, direction l’avenue Mozart derrière le GTP pour un concert du chanteur et oudiste tunisien Dhafer Youssef, accompagné par les danseur·euse·s du Ballet Preljocaj. À 21 h, retour sur la place Villon pour un balèti au rythme des reprises du groupe Sue Ellen. Et pour le public plus friand de musiques électroniques, une série de DJ sets commencera à la même heure en haut du cour Mirabeau, et se poursuivra jusqu’à 1h30 du matin. 

À moins qu’ils aient commencé la veille dans le jardin du pavillon de Vendôme, avec un before nocturne, de 18 h à 2 h, le 20 septembre, en forme de Solstice sonore et électro proposés par Basses Fréquences, alliant DJ·e·s aux couleurs kabyles ou libanaises, mapping et food-trucks, et plaisir d’une bière plébéienne dans un jardin aristocratique !

By heart de tiago Rodrigues © Christophe Raynaud de Lage

Spectacles et expos

Côté spectacles, le collectif  La Ville en feu revisite le poème symphonique Les Planètes de Gustav Holst en une déambulation chantée a cappella, jouée et dansée. Les 10 interprètes, chanteur euse·s et danseur·euse·s feront planer dans les rues aixoises le système solaire, entre la guerre de Mars, la paix de Vénus, et la mystique de Neptune (les 21 et 22 septembre à 20 h).

Dans la cour de l’Archevêché, un événement. Tiago Rodrigues reprend By Heart, une magnifique variation sur la mémoire, les sonnets de Shakespeare, l’effacement, la vieillesse, les traces ancrées des dictatures. Avec un appel à participation du public tout à fait hors norme, et émouvant (les 21 et 22 septembre à 18h et 19h45). Attention, l’événement est gratuit, mais la réservation indispensable !

Côté art contemporain, les deux propositions inaugurées en avril et juin se poursuivent : à l’hôtel Gallifet la Collection Lambert a décentralisé quelques-uns des chefs-d’œuvre de Barceló, Sol LeWitt, Nan Goldin, Boltanski… dont le musée avignonnais regorge, tandis que les fils tendus de Chiharu Shiota occupent le musée des Tapisseries, le Pavillon de Vendôme et la Chapelle de la Visitation comme autant de réseaux veineux, capillaires, plongeant les visiteurs Beyond Consciousness, dans un fascinant inconscient rouge, assez terrifiant. 

Ces deux expositions resteront visibles jusqu’au 6 novembre et un nouveau lieu s’ajoute au parcours à partir du 21 septembre et jusqu’au terme de la Biennale : à la Chapelle des Andrettes une exposition de photographies de Yuksek Beirout ma bet mout, Beyrouth ne meurt pas, reprend le titre que le musicien avait écrit après les explosions dans le port de la capitale libanaise, en soutien aux habitants. 

AGNÈS FRESCHEL ET CHLOÉ MACAIRE

Biennale d’Aix
Du 21 septembre au 16 décembre
Aix-en-Provence
biennale-aix.fr