mardi 16 septembre 2025
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Cliquez sur l'image pour vous abonnerspot_img
Accueil Blog Page 211

Ça danse à Monaco

0
Sol Invictus © Nathalie Sternalski

Les compagnies DK-Bel et 6eSens reprennent l’expression que tout spectateur a prononcée  C’est beau ! et s’interrogent sur la signification de cette notion, ses implications émotionnelles, sa portée individuelle et collective. Y a-t-il quelque chose d’universel dans le terme « beau » ? Le spectacle met en scène des danseurs avec et sans handicap, sur des chorégraphies de Cécile Martinez et Sophie Bulbulyan. La volonté de donner aux corps quel que soit leur état la grâce de dire, relève d’une conscience pleine de l’humanité. C’est, véritablement, beau…

La nouvelle création d’Hervé Koubi, Sol Invictus, « célèbre les liens qui nous unissent, ceux de la vie, enchevêtrés au cycle des saisons » afin de « renaître et retrouver alors l’enfance, (et) redevenir cet enfant émerveillé par la découverte du monde et du mystère de la Vie » explique le chorégraphe qui conjugue avec virtuosité les grammaires hip-hop, contemporaines et classique. Il y est question d’élan, de dépassement, d’amour inconditionnel pour la danse. Le mouvement est autant le lieu que l’expression de la vie. Les musiques arrangées par Guillaume Gabriel naviguent entre Mikael Karlsson, Maxime Bodson, Steve Reich et  Beethoven. Le programme des fêtes se poursuivra avec la création de Jean-Christophe Maillot le 20 décembre. 

MARYVONNE COLOMBANI

C’est Beau !
14 décembre

Sol Invictus
15 et 16 décembre
Grimaldi Forum, Monaco 
balletsdemontecarlo.com

Pour un Noël Gipsy 

0
O Sole Mio © X-DR

Soucieux des publics empêchés, Les Théâtres (qui regroupent le Grand Théâtre de Provence, le Gymnase, Jeu de Paume…) mènent de nombreuses actions permettant à ceux qui ne peuvent se déplacer d’accéder malgré tout aux spectacles. Sortir des salles des deux grandes villes de la Métropole pour essaimer ailleurs fait partie des divers dispositifs imaginés. Aussi, c’est avec enthousiasme que la suggestion du « ténor Gipsy », Joseph Gautier a été retenue et mise en œuvre. Le parcours du musicien est atypique : la légende veut que le jeune garçon travaillât dès l’âge de quatorze ans sur des chantiers dans le secteur du bâtiment, ce qui ne l’empêchait pas de chanter de tout son cœur ; le hasard fit passer le leader d’un groupe Gipsy à proximité du gamin chantant ; il le prendra sous son aile. Sa voix accompagnera les musiciens du monde entier comme Charles Aznavour ou Serge Lama. Une nouvelle rencontre, vingt-cinq ans plus tard, conduira au premier album solo du musicien, Gipsy Belcanto en 2020. La voix de ténor de Joseph Gautier se glisse avec la même aisance dans les airs Gipsy que dans les grands morceaux d’opéra, créant des ponts entre les musiques dites « populaires » et celles présentées comme « savantes ». Son Ave Maria Tour convoque les chansons Gipsy des fêtes de fin d’année accompagnées de deux guitares. Virtuosité, communion musicale et enchantements au programme !

MARYVONNE COLOMBANI

Ave Maria Tour
Du 13 au 17 décembre
À Marseille, Istres, Aubagne,
Mimet, Cereyste…
lestheatres.net

Vive les intellectuels et la complexité !

1

Alors que les moyens alloués à la médiation culturelle et à l’éducation populaire se sont réduits comme peau de chagrin, le reproche d’élitisme surgit de plus en plus fréquemment dans les conversations autour de l’offre culturelle. Elle serait adressée à des publics trop âgés, trop profs, trop blancs.

Qu’est-ce à dire ?

Il y a 135 ans un jeune homme de 15 ans écrivait Ubu Roi, parodie d’un Hamlet roturier qui s’empare du pouvoir, des phynances et plonge son pays dans la merdre. Les Ubu depuis ont fleuri jusque dans les démocraties, élus par des peuples qui préfèrent leurs excès destructeurs à l’élaboration progressive du bien commun.

Depuis l’avènement de la République s’opposent à ces Ubu, ces Caligula, les poètes et intellectuels. Puis le peuple, qu’ils éclairent souvent. L’élite intellectuelle, contrairement à l’élite économique, a longtemps accompagné, voire guidé et précédé, la dénonciation de l’esclavage et de l’impérialisme, les luttes décoloniales, les féminismes, le combat contre la pauvreté…

Mais dans une société où la chaîne C8 tient lieu de baromètre et où les medias sont aux mains de quelques grandes fortunes très à droite, les professions intellectuelles sont isolées et accusées de wokisme, remplacées à la Une des journaux par les stars du Paf, et par les influenceurs dans les consciences. Les Ubu n’ont plus besoin de la force des armes pour s’emparer du pouvoir, notre « temps de cerveau disponible » étant, depuis la privatisation des médias de masse, entièrement entre leurs mains. 

Il reste dans notre pays quelques lieux où la résistance est possible : les médias indépendants, l’université, la plupart des lieux culturels. Pour s’en emparer et conserver le pouvoir les Ubu, les Berlusconi, les Trump, n’ont plus besoin d’autodafé : ils les achètent ou les mettent en doute. La tâche est facile : les intellectuels adeptes de l’autocritique, culpabilisés quand ils viennent des élites économiques, et aussi quand ils sont transfuges de classe, offrent peu de résistance au reproche d’élitisme.

Certains, pourtant, ne sont pas dupes. Dans une lettre ouverte à leur Président Pierre Olivier Costa, en fonction depuis un an, une partie de personnel du Mucem écrit : « Nous regrettons amèrement que […] la richesse apportée à notre établissement par le monde de la recherche et de la création soit jugée élitiste. » Au delà de la souffrance au travail, qui n’est pas une nouveauté au Mucem, les conservateurs redoutent la perte de sens progressive de cet établissement d’État, son recentrage sur l’héritage du musée des arts et traditions populaires. Décentralisé à Marseille, le Mucem est aussi, surtout, le musée de la Méditerranée, avec ses conflits, ses exils, ses cultures plurielles. Sa complexité, qu’il ne suffit pas d’amoindrir pour qu’elle disparaisse.

AGNÈS FRESCHEL

Chuter et… rebondir

0

Chuter, et rebondir

Blackbird Blackbird Blackberry, le troisième long-métrage de la Géorgienne Elene Naveriani présente l’histoire d’une femme, forte et vulnérable, qui s’affranchit de sa condition

Tout commence par une rencontre : une femme qui cueille des mûres, près d’un ravin, entend le chant d’un merle et, captivée par l’oiseau, glisse… Elle s’accroche, lutte pour ne pas mourir. Etero (Eka Chavleishvili), cette femme d’une cinquantaine d’années vit seule et tient, dans un petit tillage de Géorgie, une boutique « rien que pour vous, beauté et confort ». Sa vie n’est pas des plus épanouies dans ce village traditionnel où les femmes doivent se marier et élever des enfants pour « servir le pays », comme le lui rappellent ses voisines, la regardant avec un mélange de curiosité, de pitié et de dérision. Mais ce moment où elle a frôlé la mort change tout pour elle. Elle est troublée par  Murman (Temiko Chinchinadze), un livreur.

Cœur tendre

Elle, encore vierge à 48 ans, découvre le plaisir, le contact des corps, la sensualité. « Je n’ai pas fait ça parce que j’avais peur de quelque chose, mais en fait, j’en ai besoin » s’avoue-t-elle. Une histoire de désir et d’amour caché, d’une grande tendresse, filmée avec pudeur et sensualité. Murman et Etero se retrouvent dans les bois, à l’hôtel, dans les lieux où cet homme au cœur tendre venait enfant… jusqu’au moment où il lui annonce qu’il va prendre la route vers la Turquie pour gagner plus d’argent. Grande est la tristesse de cette femme qui vient de découvrir l’amour mais qui sait ce qu’elle veut au plus profond d’elle même. « Je veux être seule, faire ce que je veux, quand je veux, comme je veux » lui dira-telle plus tard alors qu’il lui propose de l’emmener au bout de la terre…

Inspiré par un roman de Tamta Melashvili, le troisième long métrage de la géorgienne Elene Naveriani, Blackbird Blackbird Blackberry est un film très fort dont les images en rouge, rouille, terre cuite, contrastant avec le vert, superbement cadrées et éclairées par la directrice de la photo Agnesh Pakozdi, restent longtemps en mémoire. Eka Chavleishvili incarne avec force et délicatesse cette femme, forte et vulnérable à la fois, qui aspire à la liberté et s’affranchit du rôle prédéterminé attribué aux femmes dans la société. Une interprétation qui lui a valu le Prix de la meilleure actrice au festival de Sarajevo.

ANNIE GAVA

Film présenté à la Quinzaine des Cinéastes 2023

Blackbird Blackbird Blackberry, d’Elene Naveriani
En salles le 13 décembre

Les travaux et les jours

0
Copyright Norte Distribution

Légua est un village au nord de Portugal. Et le film, qui prend ce toponyme pour titre, s’y déroulera intégralement. Dans la vallée paradisiaque, où il se niche, gardée par l’effraie blanche, la société archaïque rurale se dissout. Les propriétaires terriens perçoivent encore le fermage de leurs métayers mais vivent loin de là. Les familles émigrent, faute de travail. Les enfants font leurs études dans les villes qu’ils jugent plus attractives, et s’y installent. Les rapports maîtres-serviteurs sacralisés par un catholicisme de soumission deviennent intolérables.

Emília (Fátima Soares), vieille bigote revêche fait partie de l’ancien monde. Elle s’occupe (on le devine, depuis bien longtemps) de l’entretien d’une grande demeure bourgeoise où elle habite, cantonnée dans l’espace modeste qui lui est réservé. Fidèle et respectueuse malgré l’évident mépris de classe dont elle est victime. Son allégeance, intériorisée, ne se fissurera qu’à l’ultime fin de sa vie par une transgression sacrilège : boire dans la tasse préférée de Madame !

Mutations

Elle doit à tout moment pouvoir accueillir ses patrons qui ne viennent plus guère. Dans cette maison désertée, symbole d’un passé révolu, elle fait les lits, range, époussette les vieux cadres photos, astique les verres et les robinets, lustre les buffets lourdement ouvragés, aidée par Ana (Carla Maciel), une belle quinquagénaire sur le point d’émigrer avec son mari et sa fille Mònica (Vitória Nogueira da Silva). Emília, Ana, sa fille : trois générations de femmes. Anna écartelée entre sa propre histoire qui la pousse à partir et une dette morale (dont on ne saura pas grand chose) qui l’attache à Légua et à Emilía. Entre ce territoire qui est le sien et cet ailleurs de possibles qu’elle désire et auquel sa fille, impatiente, aspire.

Les chiens, les poules, la cuisine, le jardin, les champs : le réalisateur et la réalisatrice s’attardent aux gestes quotidiens qui filent les jours. Ils montrent les corps à l’œuvre. Celui d’Anna, mince, sec, musclé. Dans l’amour, le travail, le plaisir, le soin altruiste. Celui d’Emília, malade, dépendant, résistant jusqu’à ses ultimes forces. Un regard sensible, pudique et cru, qui saisit avec une force tranquille, tout à la fois, la permanence du cycle naturel des saisons, la boucle des existences et la mutation sociale, économique, politique du monde qui va.

ÉLISE PADOVANI

Légua, de Filipa Reis et Joāo Miller Guerra
En salles le 13 décembre
Film présenté à la Quinzaine des cinéastes 2023

« La survie de la gentillesse » : un plein de désespoir

0
Copyright: Triptych Pictures and Vertigo Productions

Une scène de massacre avec des figurines ouvre La Survie de la gentillesse de Rolf de Heer qui concourait pour l’Ours d’Or à la 73e Berlinale. Des soldats achèvent des villageois noirs cadrés de près; on entend des « oh » et des « ah » d’admiration sous les masques à gaz militaires de ceux qu’on découvre, la caméra s’éloignant, autour d’un énorme gâteau paré de cette boucherie qu’on imagine sucrée. Après ce sinistre festin, quelques miliciens transportent une cage cadenassée emprisonnant une femme noire dans le désert et l’y abandonnent.

On est dans un lieu et un temps indéterminés. Une maladie mystérieuse oblige les êtres humains à porter des masques respiratoires. Les Blancs pourchassent les Noirs, les encagent, les tuent ou les utilisent comme esclaves. Villes et villages ont été désertés, c’est un pays fantôme, post-apocalyptique, que la prisonnière, animée d’un instinct de survie, parcourt après s’être libérée.

On ne saura rien d’elle. Le générique la nomme Black Woman. Elle porte, concentrés en elle, des siècles d’oppression. Le film suivra son périple du désert à la montagne, de la montagne au désert. Une route, sans destination, comme celle de Cormac McCarthy, mais jalonnée de rencontres ou de haltes. Un squelette qui lui fournit ses premiers vêtements, un vieil homme contaminé avec lequel elle échange de l’eau contre de bonnes chaussures, un fossoyeur ensevelissant les cadavres disséminés, des mannequins dans un musée historique local où elle s’équipe, un homme blanc agonisant près d’un canyon et une femme terrifiée, des pendus, des fuyards.

Une image entêtante

La gentillesse annoncée par le titre du film se perçoit d’abord comme une antiphrase jusqu’à ce qu’elle croise Brown Boy et Brown Girl, un frère et une sœur dont on ne saura rien non plus, si ce n’est qu’ils fuient eux aussi l’ethnocide des dominants. Avec eux, elle nouera, sans mots ni effusion, une relation humaine, solidaire, amicale, comme si ce sentiment même au cœur d’un enfer ne pouvait mourir tout à fait. 

Rolf de Heer raconte que ce scénario est né d’une image entêtante s’accrochant à son esprit, une image qui donnera le départ de son film: il voit son ami Peter Djigirr, interprète dans plusieurs de ses films, enfermé dans une cage sur une remorque au milieu d’un désert. L’expérience de la pandémie a cristallisé le projet ainsi que les actions de la branche australienne de BLM (Black Lives Matter) contre le racisme. Une équipée commando dans l’usine monstrueuse qui zombifie les Noirs et crache son poison de fumée sur la terre, évoque cet activisme militant contre un capitalisme létal. 

Sur une partition d’Anna Liebzeit, utilisant les bruits ambiants, la caméra de Maxx Corkindale balaie le désert australien en panoramique, se détache du sol craquelé en vue aérienne ou saisit en macro de terribles fourmis rouges s’extrayant des failles de terre séchée. Elle traverse les rues désertes des villes mortes, s’enfonce dans les canyons de Tasmanie, s’attarde au bord d’un lac paradisiaque. Des lieux archétypaux. Mwajemi Hussein, venue en Australie en tant que réfugiée de la République du Congo, non professionnelle, incarne dans son mutisme et la densité de son corps une Black Woman qui crève l’écran. 

La Survie de la gentillesse est une fable minimaliste quasiment sans dialogue, d’une beauté plastique sidérante, qui utilise les codes du cinéma de science fiction voire du western pour atteindre à l’épure. Une fable qui malgré quelques touches d’humour et un titre qui se voudrait optimiste, reste désespérée. 

ÉLISE PADOVANI

La survie de la gentillesse, de Rolf de Heer

En salles le 13 décembre

Derrière l’armure

0
Copyright Salzgeber&Co;Medien

Primé à la Mostra, récompensé par l’Académie du Cinéma autrichien, sélectionné dans de nombreux festivals LGBTI, Sergent Major Eismayer, de David Wagner, est somme toute une comédie romantique des plus classiques. Schéma canonique : C. rencontre M.. Attraction réprimée puis avouée. Crise, épreuves. Résolution heureuse… et ils se marièrent… Sauf que les protagonistes sont des soldats de l’armée autrichienne : l’austère major Charles Eismayer (Gérard Liebmann), redoutable instructeur d’âge mûr aux méthodes dignes de Full Metal Jacket, et Mario Falak (Luka Dimić) une jeune recrue homo et tschusch (terme péjoratif pour désigner un ex-yougoslave). Sauf que ça se passe dans une caserne autrichienne, non moins austère, temple du surpassement viril et pas vraiment gay-friendly. Sauf que le scénario « s’inspire d’une histoire vraie ».

Deux générations

Le réalisateur dit avoir été captivé par cette histoire, jamais adaptée au cinéma, intime et exemplaire qui sape les idées toujours chevillées dans l’esprit de beaucoup, sur la masculinité et la normalité. Un « vrai » homme a femme, enfant, sait se battre, a « des couilles ». Charles, depuis sa petite enfance sous le poids du désaveu paternel, cherche à se conformer à ce modèle, devenant la caricature de l’autoritarisme militaire, se rendant malheureux et rendant malheureuse la femme qu’il a épousée. Personnalité fragmentée entre l’officier hurlant sur ses élèves, le père aimant, à la voix douce, le mari muet et l’amant clandestin assouvissant ses désirs à la hâte. Mario sera un bouleversement pour lui : jeune, rebelle, répondant avec arrogance au racisme et à l’homophobie, assumant son orientation et se faisant accepter de tous, par son courage, son intransigeance et sa sincérité. Deux façons opposées de vivre son homosexualité, deux générations aussi. Les méthodes musclées du major instructeur ne sont plus de mise, lui rappelle son supérieur, le capitaine Karnaval. L’homophobie, non plus. Même si l’institution reste rétive – « un homo à l’armée c’est comme un prof pédophile » ronchonne un de ses collègues, Eismayer est un dinosaure. Peu sympathique.

David Wagner filme avec une rigueur toute militaire cette relation laissant parfois exploser l’émotion. Joue habilement du flou et du net. La caméra mobile, reste stable et précise captant au plus près le corps des hommes. Ou explore méthodiquement les lieux particulièrement prégnants. La caserne et son architecture rigide, l’appartement bourgeois du Major et les zones d’entrainement dans la forêt alpine. Une forêt symbolique, qui revient, récurrente, autour et à l’intérieur d’une maison en ruines sur laquelle tombe la neige. Pas celle des contes de fée. Bien que la fin en soit digne : « Il se pourrait qu’il y ait la place pour deux pédales dans l’armée autrichienne » conclut Mario.

ELISE PADOVANI

Sergent Major Eismayer, de David Wagner

En salles le 13 décembre

Tout Risc est bon apprendre

0
Festival Risc - LA REPONSE DE LAT ERRE © X-DR

Zébuline. La quatorzième édition, déjà !

Serge Dentin. Eh oui, le festival Risc existe depuis 2006, même si il y a eu des « années sans », et si la dernière fois, en 2021, tout a dû se tenir en ligne. Nous sommes un peu tentaculaires dans la ville, avec dix lieux de diffusion, des partenaires historiques et des nouveaux, comme l’Artplexe sur la Canebière.

Vous déployez aussi beaucoup de projets à l’année semble-t-il ?

Oui, de plus en plus notre modèle économique repose sur les ateliers de réalisation que nous menons au long cours. On se retrouve producteurs, sans être des professionnels de la production, mais ce sont des partenariats qui se sont développés à partir de 2017 et que l’on construit avec des écoles, collèges, lycées, structures sociales… Essentiellement pour le jeune public, mais on pourrait tout à fait imaginer cela avec des adultes.

On note une nette montée en puissance des sciences humaines dans votre programmation.

En effet, elle s’est repositionnée pour inclure toutes les sciences, humaines comprises. Si à l’origine elle était plutôt portée sur les sciences dures, c’est un peu de ma faute, j’ai un doctorat en physique théorique… Or les ateliers que l’on mène sont justement très axés sur les questions de société, de citoyenneté, qui de fait relèvent des sciences sociales. Il y a aussi possibilité de croiser des champs disciplinaires : les questions environnementales, par exemple, peuvent être abordées par les sciences dures comme par l’anthropologie. On pourrait même inviter des philosophes.

Qu’est-ce qui a prévalu dans votre sélection, y a-t-il un fil rouge cette année ?

Le fil rouge est un peu toujours le même, qui est de partir du cinéma, mais nous le requestionnons régulièrement. D’autres manifestations se présentent comme des festivals de films scientifiques, informatifs avant tout ; nous ne sommes pas à cet endroit-là. Notre sélection comprend beaucoup de documentaires de création, d’œuvres expérimentales, parfois sans paroles, et pourtant parlantes. Il y a un comité de sélection, qui porte un regard collectif, et choisit des films d’artistes, suffisamment travaillés pour enrichir une réflexion dans un dialogue art-sciences.

Vont être remis différents prix (du jury, en court, très court, moyen et long métrage ; un prix jeune public ; et un prix du public très court métrage), mais vous présentez aussi des films hors-compétition ?

Oui, notamment lors de la soirée de clôture au cinéma La Baleine : une première nationale à Marseille d’une production locale, par les Films de Force Majeure, La mécanique des choses [lire notre critique p.XIV]. Ce n’est bien-sûr pas parce qu’il est marseillais que nous l’avons choisi, mais nous sommes attentifs à ce qu’il se passe ici, pour les cinéastes, ou les scientifiques. Nous travaillons, par exemple, étroitement avec les chercheurs et chercheuses d’Aix-Marseille Université, et c’est important pour nous.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR GAËLLE CLOAREC

« La Vie devant elle », sur les routes de l’exil

0
Zadig productions

« Quand je tiens une caméra dans mes mains, ça m’apporte beaucoup d’espoir, je sens que je peux tout surmonter. La caméra fait disparaître tous mes chagrins. »Ces mots sont ceux d’une jeune Afghane de 14 ans, Elaha Iqbali, co-réalisatrice et protagoniste du film La vie devant elle, sélectionné dans la catégorie « Enjeux Méditerranéens » de la 27e édition du PriMed. C’est à Lesbos, dans le camp de Moria que Manon Loizeau a rencontré Fanny Houvenaeghel, présidente de l’association Tolou qui aidait les réfugiés. Elle lui parle d’Elaha, une jeune fille qui, avec une petite caméra, filme la vie dans le camp. En 2018, Elaha avait pris la route vers l’Europe, avec sa famille, quittant le pays où ils ne pouvaient plus vivre, mais aussi y laissant leur maison, leurs amis. Manon Loizeau qui voulait faire un film à hauteur d’enfant, décide de la suivre pendant une année et ensemble, elles réalisent La Vie devant elle, un film touchant, une vraie leçon de vie.

Prendre de la distance

« Quand on migre, on devient plus fort ! » Et il faut l’être car dans le camp de Moria, il n’y a rien. Avec ses parents, Elaha crée une petite école où elle enseigne l’anglais aux enfants. Avec sa petite caméra, elle filme « sa classe », les rues du camp, les jeux, les cerfs volants, les repas jusqu’à ce jour terrible du 9 septembre 2020 où un incendie détruit le lieu. L’enfer sur terre ! « Toutes nos vies réduites en cendre » Elaha filme tout, les lieux dévastés, les ruines où des enfants récupèrent des peluches épargnées. Il faut reprendre le chemin, le bateau, qui les conduit à Athènes où ils survivront quelques semaines dans un appartement insalubre, puis un car vers Anissa à la frontière albanaise. Loin de tout. Pas de ville pour aller à l’école. Elaha ne baisse pas les bras même si, parfois, elle regrette d’être née afghane. Sa caméra lui permet de mettre à distance le réel, souvent tragique. Elle filme sa famille, ses sœurs – Saher qu’elle admire, Neda au grand cœur –son frère Shahab, et sa mère qui rêve de pouvoir étudier et d’apprendre à conduire. Mais chaque départ est douloureux. Elle y laisse des gens qu’elle aime ; son amie de cœur, Zuhra, restée à Kaboul, Hosna, à Athènes… «  Je ne veux plus me faire d’amies. Quand on les quitte c’est trop dur ! ». Après quatre années d’errance et 7000 km parcourus, Elaha et sa famille ont eu leurs papiers et se sont installés en Allemagne. La jeune fille a enfin réalisé son rêve, aller à l’école et construire un avenir… La Vie devant elle.

Le montage est habile, tricotant avec soin les images d’Elaha et celles de Manon Loizeau ;  la musique et les chansons de sa sœur, Emily Loizeau semblent donner  une 2e voix à Elaha. La Vie devant elle, journal intime,  nous montre les chemins chaotiques de l’exil, la vie dangereuse des enfants qui y sont forcés  mais aussi la puissance des rêves et le pouvoir du cinéma. Un documentaire réussi, touchant et percutant.

ANNIE GAVA

La Vie devant elle a été présenté à la Mairie de 1/7 de Marseille dans le cadre du festival PriMed.

ALÈS : Cratère en fête

0
L'après-midi d'un foehn Version 1 - Cie Non Nova - © Jean-Luc Beaujault

Tout au long de l’année, Le Cratère, Scène Nationale Alès propose de multiples actions en direction des publics des quartiers de la ville prioritaires en Politique de la ville et plus généralement vers les citoyens ayant peu accès à la culture. Portes ouvertes, rencontres hors-les-murs avec des artistes, stages et rendez-vous avec la création d’aujourd’hui, et des manifestations telles que Cratère Surfaces, festival d’art en espace public en juillet, les Journées du patrimoine en septembre, le Parcours Cirque en novembre. Et désormais Cratère en fête, nouveauté de ce mois de décembre 2023, première édition de quatre semaines de théâtre musical, concert, cirque, magie, installations plastiques et culture hip-hop, pour toutes les générations, de 0 à 101 ans. 

Pour tous les âges et pour tous les goûts

Une manifestation qui a débuté le 1er décembre avec Flower Power de la Cie Aérosculpture, « projet contemplatif légèrement hallucinatoire », installation plastique et ambiance musicale planante, composée de disques lumineux combinant lumière et vitesse sur la façade du Cratère. Rhizome de la Cie Moso, installation vivante et immersive pour le très jeune public (de 0 à 3 ans), sorte de parc d’aventures constitué d’une mini-forêt toute en bambou, installée jusqu’au 8 devant la Maison Pour Tous Louis Aragon. Également Prélude pour un poisson rouge de la Cie Sans Gravité les 6 et 7 au Tremplin de Saint-Ambroix et à la Salle Marcel Pagnol de La Grand’Combe, Coyote, du far-west burlesque par Patrice Thibaud, ancien de la troupe des Deschiens, présenté au Théâtre de Nîmes les 7 et 8. En clôture de cette première semaine, le concert, ce vendredi 8, à 19h30, de la classe Orchestre du collège Armand-Coussens de Saint-Ambroix, qui se produit sur la scène du Cratère.

La suite de la programmation s’annonce tout aussi riche en découvertes et plaisirs : du jeudi 14 au samedi 16, le spectacle magique, burlesque et intergénérationnel Déluge (dès 6 ans) de la Cie Sans Gravité avec chariot qui couine, robinet en lévitation, lampe qui se court-circuite, investira la grande salle de la Scène Nationale. Suivi le 16 d’un grand goûter de Noël, offert par le Cratère aux enfants. L’après-midi d’un Foehn, version 1 (dès 5 ans) de Phia Menard et la Cie Non Nova sera présenté également les 15 et 16 au Cratère, forme courte dans laquelle sur des musiques de Debussy, virevoltent autour d’une marionnettiste des dizaines de sacs plastiques, marionnettes plus légères que l’air, que l’artiste règle comme un ballet.

Événement dans l’événement 

Cratère en fête se concluera de façon explosive avec la Semaine Internationale du hip-hop organisée en collaboration avec l’association All’Style, à quelques mois des premières épreuves de breaking, style de danse issu de la culture hip-hop, aux Jeux Olympiques. La première soirée, le lundi 18, débutera par la présentation de la semaine, suivie d’une battle de danse dans le hall du Cratère. Le mardi 19, l’École des Mines d’Alès accueillera une soirée Show et Battle organisée par le renommé B-Boy Wazz, participant de renom aux compétitions mondiales de breakdance. Le mercredi 20, c’est à la Maison pour Tous qu’aura lieu une après-midi proposant graffiti, tremplins de skate, démonstrations de BMX et sessions de DJ. Le jeudi 21, retour au Cratère pour une soirée en trois parties, avec deux spectacles de la Cie Mazelfreten, le duo Perception suivi de Rave Lucid, dix interprètes d’exception plongés dans le monde des battles, suivi d’un DJ Set 100% vinyls signé Bobundé. Le vendredi 22, la place de la femme dans le hip-hop sera au cœur d’une conférence-débat animée par B-Girl ROXY, précédant une battle 1 contre 1 à la Médiathèque Alphonse Daudet, où une vingtaine de B-Girls régionales rivaliseront. Final le 23 à 15 heures, avec la Battle internationale de breakdance 4 contre 4 organisée par l’association All’Style rassemblera certains des meilleurs danseurs mondiaux, dont deux représentants olympiques, un Sud-Coréen et un Polonais, qui devront improviser sur de la musique classique jouée par Arkarena Orchestra.

MARC VOIRY

Cratère en fête, jusqu’au 23 décembre au Cratère, Scène Nationale Alès.