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Accueil Blog Page 211

Revoir l’Avare

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L AVARE de Moliere mise en scene par Jerome Deschamps © Juliette Parisot, Hans Lucas

En juin 2019, le public de l’Opéra de Montpellier découvrait, lors du Printemps des comédiens, un Bourgeois Gentilhomme onirique et opulent créé à l’Opéra Comédie. Revenu sur ce plateau pour y camper un autre archétype made in Molière, Jérôme Deschamps valivrer cependant une lecture bien moins lumineuse de L’Avare. On retrouve certes les motifs et obsessions chères au metteur en scène : les rôles travestis ou très bouffes d’Yves Robin, ou encore improvisations joliment boulevardières de Lorella Cravotta en Frosine ou de Bénédicte Choisnet, fringante Élise ; la bonhommie de Vincent Debost en Maître Jacques ou de Fred Epaud dans les rôles d’Anselme et de Brindavoine. Le goût pour le mélange des tons est à nouveau ce qui fonctionne le mieux dans cette distribution unissant le tragique excessif, et donc hilarant, d’Aurore Lévy dans le rôle de Marianne ou même de l’outré Cléante de Stanislas Roquette.
Sans oublier la méchanceté et la folie qui semblent guetter Valère, qui devient, sous les traits de l’impressionnant Geert Van Herwijnen, l’un des personnages les plus fascinants de la pièce, là où tant d’autres l’auront simplement dépeint comme un pleutre, ou un arriviste. 

Désamour familial
Ce joyeux mélange de tons laisse tout le loisir à Jérôme Deschamps camper, sur un mode de jeu qui ne semble appartenir qu’à lui, cet Harpagon plus décalé que réellement cruel. Pourtant Harpagon n’a ici plus rien de l’émerveillé Monsieur Jourdain ; les costumes de Macha Makeïeff sont élégamment outrés et colorés, mais le décor demeure vide, au grand dam de comédiens heureusement aptes à faire entendre leur voix sur les larges plateaux d’opéra. Un certain malaise s’installe dans cette chronique de désamour et de petites trahisons familiales, que la gaieté de la scène finale ne balayera jamais complètement. L’austérité demeure, sous les oripeaux de la comédie, un bien triste programme, et Harpagon un bien triste sire.

SUZANNE CANESSA

L’Avare
Du 14 au 16 mars
Opéra Comédie, Montpellier,
dans le cadre de la saison du Domaine d’O

Se fondre ou se dissoudre ? 

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Mues © Jean-Louis Fernandez

Marion Aubert est une des auteures dramatiques dont l’écriture marque le paysage théâtral. Lyrique, passionnée, féministe dans ses thèmes, politique dans son attention aux marges, à la nécessité  d’emprunter d’autres chemins. Depuis  1997 elle forme avec Marion Guerrero un de ces duos autrice/metteuse en scène qui fonctionne comme les deux roues d’un vélo, dont on ne sait plus bien laquelle entraîne l’autre, tant le baroque, la foison, la délicatesse, l’obstination, semblent communs.

Mues, écrit en résidence au Centre National des Ecritures de Scène de la Chartreuse de Villeneuve, créé au Théâtre Joliette de Marseille après plusieurs semaines de résidence, met en scène une transformation hybride. Il y est question d’une femme, Marie, qui se cherche en fuyant la ville et la foule, pour se trouver en ruralité, dans les Cévennes. Elle tente des travaux d’approche, dans un village dont les habitant.e.s sont eux aussi décalé.e.s du monde, fuyant la ville et les hommes, s’essayant à l’art collectif, relevant les lieux où il fait bon se perdre. Elle s’y essaie aussi, s’abandonnant dans une nature où, concrètement, elle cherche à se fondre, à s’unir avec les vies, animales, végétales, minérales, élémentaires, qui l’entourent. 

Réflexion sur l’extase, la perte de soi, la rencontre des autres vraiment différents, Mues résonne des mots et d’élans mystérieux, en un temps où les hybrides ressurgissent, affirmant le mal-être général de l’humanité, et l’ambiguïté de notre rapport au Règne animal. Comme le nom de ce film dont le succès étrange n’est pas sans rappeler les Mues de Marion Aubert, ou les Métamorphoses d’Ovide. 

Agnès Freschel

Mues
Du 13 au 15 mars
13 Vents, Centre dramatique national de Montpellier

De maris natura

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Habiter le seuil © Gwendal Le Flem

La scène nationale a pris l’habitude, dans ses deux pôles de Toulon et Châteauvallon, de proposer des temps thématiques, les Théma, autour de sujets déclinés en spectacles, concerts, expositions et conférences, mais aussi en activités partagées en journée. Ainsi il sera possible de faire du yoga avec la chorégraphe Marine Chesnais, juste avant son duo Habiter le seuil (les 14 et 15 mars) écrit autour de sa rencontre avec des baleines à bosse.

On pourra aussi parler des cachalots de la disparition de la diversité marine avec la militante écologiste Camille Etienne, des secrets des abysses inexplorés, du génie des animaux marins avec le naturaliste Bill François. On pourra aussi, ou pas, aller écouter Sylvain Tesson et son apologie misanthrope de la solitude du navigateur. Une grande exposition sur les Travailleurs de la mer, d’Aglaé Bory, se déploiera dans le hall du Théâtre Liberté : la photographe humaniste a cherché à capter la beauté de ces métiers passionnés, et difficiles. Les enfants ne seront pas en reste avec un animé de Masaaki Yuasa sur Hinako une jeune surfeuse, et 20 000 lieux sous les mers, avec marionnettes, machinerie féérique et acteurs, mis en scène par Christian Hecq et Valérie Resort (les 15 et 16 mars).

Naviguer dans l’Histoire

Le 12 mars un spectacle de Jeanne Mathis : accompagné d’un repas, conte en musique Le voyage d’O au fond des mers à travers les siècles, des océans caribéens ou glaciaires jusqu’aux mers de plastique. Avec Vanish (le 13 mars) Lucie Berelowitsch adapte et met en scène le récit de Marie Dilasser Océanisé.es : Rodolphe, parti en navigateur solitaire, disparaît…

Quant à Christophe Perton, il confie à Stanislas Nordey (du 19 au 23 mars) une traduction libre de De rerum natura par Marie NDiaye. Le best seller épicurien de Lucrèce, illustrée d’images maritimes contemporaines, devient un Evangile de la nature, poétique et puissant, où le comédien tournoie dans les cercles d’images et de son des atomes que décrivait le philosophe latin, affranchi de l’idée d’une force divine qui gouverne la nature, conscient de son mouvement propre, cohérent, continu, où l’homme est inclus. Et qu’il détruit aujourd’hui comme s’il en était le maître.

AGNÈS FRESCHEL

Passion Bleue #4,
Du 12 au 29 mars
Scène nationale Châteauvallon-Liberté
Toulon, Ollioules

Le Printemps des poètes en terre occitane 

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Maison de la poésie Jean Joubert © X-DR

Après « L’Ephémère » et « Frontières » le festival de poésie fondé par Jack Lang a choisi, pour sa 25e édition, le thème de « La Grâce ». La manifestation nationale du Printemps des Poètes, soutenue par le ministère de la Culture, se décline régionalement, et Montpellier est le chef-lieu de cette édition, où la Maison de la Poésie Jean Joubert organise de nombreux événements du 9 au 25 mars. Le 9 mars, lors de l’inauguration, l’artiste-peintre Anne Slacik ainsi que les poètes James Sacré et Michaël Glück liront des textes de poétesses avec qui l’artiste a collaboré. Une belle mise en bouche, avant le reste des réjouissances poétiques. 

La poésie est une langue universelle

Quelle que soit la langue d’origine dans laquelle elle s’exprime, toute poésie renvoie à une expérience sensible qui ne se préoccupe pas de frontières. La Maison de la Poésie de Montpellier l’a bien compris et propose un large horizon d’intervenant·e·s et d’actions, tout en se basant sur le réseau local de ses partenaires et de la Région Occitanie. La présentation des poèmes aux racines bretonnes d’Yvon Le Menn (le 20) ainsi que la lecture poétique en occitan par des étudiants (le 22 ) trouvent une place de pareille importance dans la programmation. Le Printemps montpelliérain vogue même au-delà des frontières de l’Hexagone, outre-rhin, en traduisant la langue de Goethe. Dans le cadre d’un partenariat entre la Maison de Heidelberg – centre culturel allemand à Montpellier – et la Maison Jean Joubert, le projet « Expédition Poésie » s’attache à proposer des traductions alternées des poèmes du montpelliérain Joubert et de l’allemande Domin. Le 23 mars, poètes et traducteurs se réuniront pour évoquer les enjeux liés à la traduction, ô combien essentielle pour une transmission internationale. Le Printemps des poètes s’annonce donc riche, malgré les polémiques qui l’entourent. 

Un Printemps défaillant ? 

Le problème le plus évident, c’est Sylvain Tesson, parrain de l’édition 2024. Cette nomination du Président du Printemps des poètes, proche des milieux d’extrême droite, a suscité l’indignation légitime de 1200 acteur·ice·s du monde de la culture. En dehors de cette problématique déjà suffisante pour s’insurger, il y a d’autres raisons qui poussent à interroger cette manifestation poétique. La poétesse marseillaise Luz Volckmann voit les cercles de poésie classiques auxquels s’apparente le Printemps des poètes comme « des cercles bourgeois, blancs, hétérosexuels » qui ne représenteraient donc pas l’ensemble du spectre des versificateurs. Une autre critique d’ordre plus formel concerne le choix d’une thématique. Ce faisant le Printemps des poètes tombe dans l’écueil de la mièvrerie et promeut une vision simplifiée. Quoi qu’il en soit, ce festival est une sensibilisation bienvenue – y compris en milieu scolaire – à la poésie, bien qu’incomplète et critiquable. Pour le reste, le milieu ne manque pas de ressources et ne se résume ni au printemps, ni aux festivals ! 

RENAUD GUISSANI

Printemps des poètes
Maison de la Poésie Jean Joubert, Montpellier 

Au Château de Servières, souviens-toi… l’été dernier 

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Célia Tremori - Détail d'installation - Rouvrir le Monde, avec toi - Château de Servières, 2024 - Photo © Studio Meimaris

Rouvrir le monde est la déclinaison par la Direction régionale des affaires culturelles de la Région Paca du dispositif national L’été culturel, impulsé depuis 2020 par le ministère de la Culture. Des résidences artistiques participatives d’une quinzaine de jours ont ainsi été organisées sur le territoire régional, dans de bonnes conditions matérielles pour les artistes (2000 euros de rémunération), dont la coordination a été confiée au Château de Servières à Marseille, qui a accompagné au cours de l’été dernier 22 projets. Dans l’exposition visible jusqu’au 23 mars au boulevard Boisson, seize des artistes résidents présentent le travail réalisé pendant ces résidences au regard de leur pratique (les six autres artistes ont exposé au Mac Arteum de Châteauneuf-le-Rouge, du 10 au 24 février). L’exposition est dédiée à Hélène Lorson, « conseillère action culturelle et territoriale en charge des Bouches-du-Rhône, dont le soutien, l’investissement et l’exigence ont contribué à la mise en œuvre et au succès du dispositif et des restitutions Rouvrir le Monde, Eté culturel », disparue brutalement le 5 janvier dernier, à l’âge de 50 ans.

Six espaces

Rouvrir le monde se décline en six espaces, orientés chacun par une « dominante ». Dans le vaste et cosy – ce n’est pas si courant – espace consacré aux travaux vidéos, on peut notamment voir sur grand écran le travail de Clara Drevet et Suzon Pinard avec un équipage de gamin·e·s embarqués dans une épopée maritime, munis d’une solide inventivité, quelques bouts de ficelles, et d’astucieux cadrages. Ou celui de Nina Almberg et Margaux Sirven, partagé avec des habitant·e·s de Fos-sur-Mer, témoignant de l’histoire, le présent, la transformation, la préservation et la transmission des paysages dans lesquels ils vivent. Une autre salle propose, avec les œuvres délicates de Sophie Blet, d’Alexandre Takuya-Kato et d’Hélène Bellanger, une rêverie entre matérialités et immatérialités. Autour de la notion de temps qui passe, une salle propose des œuvres liées à l’architecture et au paysage, En attendant qu’elle tombe de Delphine Mogarra, The wall are the wind and the ceiling is the sky d’Elsa Martinez, et plus loin The line project de Rita Parker

On trouve également la proposition urbaniste de Laurine Schott, qui a créé avec les enfants, ados et adultes du centre social Saint-Gabriel les différentes pièces d’une grande maquette sur table, pour concevoir de façon collective et ludique un espace public. Une autre salle est entièrement rythmée par les portraits photographiques réalisés par Aurélien Meimaris avec les résidentes de « Moulin Accueil » à Marseille, au sol les carreaux et chaussures en céramique de Célia Tremori. Dans un petit espace en recoin, Kania Hubert-Low documente et interroge à travers ses publications sur les réseaux sociaux et depuis sa triple origine, française, états-unienne et chinoise, l’espace du « chez soi », l’intime et le public, l’étranger et le familier. Enfin une salle met en présence les figures entre gore et sacré d’Elvire Ménétrier, tonsure sur moquette rouge sang, eau de javel peinte sur tissu noir ou sur coton, ferronnerie, et les interrogations ironiques (Camouflag, L’artiste en vacances) sur le rôle de l’artiste dans la société de Léonard Rachex.

MARC VOIRY

Rouvrir le monde
Jusqu’au 23 mars
Château de Servières, Marseille
chateaudeservieres.org

Urgences pour les femmes

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Laure Daussy, journaliste de Charlie Hebdo, a enquêté sur l’assassinat d’une jeune fille de 15 ans, Shaïna, enceinte, poignardée et brûlée vive, le 25 octobre 2019. Ce drame ne fut connu des médias qu’en 2021. Shaïna avait déjà porté plainte pour agression sexuelle en 2017 et l’affaire n’avait pas été jugée tout de suite. Dès ce moment, l’adolescente avait été calomniée, traitée de « pute » et les lenteurs de l’instruction l’ont mise en danger. Le meurtrier a été condamné à 18 ans de prison en juin 2023 car l’excuse de minorité n’a pas été levée. Pour les garçons, une fille salie devient une fille dont on peut abuser, ce sont eux qui entretiennent cette idéologie et font les réputations. L’affaire s’est passée dans la ville de Creil, dans l’Oise, ville multiculturelle où, depuis les années 1990, les usines ont fermé, où les offres d’emploi se font rares, où la loi islamique devient loi pour toutes : port du voile, vêtements amples pour avoir la paix, et passer inaperçues tandis que l’injonction de virginité jusqu’au mariage continue à peser et fait des ravages. 

Isolement et communautarisme

Le meurtre de Shaïna a déclenché une volonté d’aider les femmes. Des associations se sont créées ; sans publicité, elles sont difficiles à trouver. Peu de jeunes ou d’adultes ont entendu parler de MeToo. Les centres médicaux ferment et les habitantes doivent se rendre dans une ville voisine pour consulter des gynécologues alors qu’il y a peu de transports en commun. De plus, les communautés ne communiquent pas entre elles et les enfants n’entendent parler français que lorsqu’ils rentrent à l’école. Laure Daussy propose ici une étude qui devrait enfin décider nos gouvernants à agir plus vigoureusement.

CHRIS BOURGUE

La réputation de Laure Daussy
Les échappés – 19,50 €
Laure Daussy était l’invitée de l’association Femmes solidaires de Marseille, le 2 février à la Maison pour tous de Saint Barnabé (13012 - Marseille)

De l’Art en partage

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Dorine Julien dans l'atelier des Pas Perdus, Usine Pillard © Les Pas Perdus

Zébuline. Après une première édition en septembre dernier, votre « joyeux débarras » sera de retour le 9 mars prochain. Pouvez-vous nous en expliquer le principe ?

Dorine Julien. Disons que cet événement de septembre dernier nous a servi, en quelque sorte de mode d’emploi. Nous avons imaginé des modalités pour « se débarrasser » avec joie et en train d’œuvres créées ces 35 dernières années. Les Pas Perdus ont toujours mis en place des dispositifs de co-création, des méthodes collaboratives de travail. Cet « esprit cabanon » est un peu notre marque de fabrique, et il repose également sur la présence de ces arts visuels dans l’espace public. C’est pourquoi nous avons toujours privilégié des formes artistiques mélangées avec le quotidien, et des pratiques en autodidacte, hors des circuits d’enseignement des arts. Lorsque nous avons créé notre association en 1989, quelques années avant le début de son activité réelle, nous avions à l’esprit de faire naître une création formalisée, et plutôt une création familiarisée, façonnée par les circonstances et moyens dont on dispose. Nous parlons même d’occasionnels de l’art, ceux qui s’y aventurent et même s’y rencontrent à différents moments.

Et comment vous est venue cette idée du débarras comme mode de redistribution ?

Notre présence à l’usine Pillard, aux côtés de structures et d’artistes formidables, nous a permis de créer dans un grand souffle de générosité et de partage. Mais nous ne savons pas combien de temps ce siège si confortable durera. La convention durera-t-elle encore un an ? Dix ans ? L’idée de redistribuer ce que nous avions créé avant de nous voir contraints de nous en débarrasser pour de bon s’est imposée peu à peu. Mais en vérité, le véritable déclencheur a été notre désir de nous alléger pour partir dans d’autres directions, tout en favorisant la circulation des œuvres, qui a toujours été notre principe fondateur. 

Et le succès de la précédente édition vous a encouragé à renouveler l’expérience…

Tout à fait ! Cet esprit de « joyeusetés » a séduit un public important : on ne s’imaginait pas qu’il y aurait autant de monde ! Le rendez-vous avait lieu loin du centre ville, il ne faisait pas beau du tout (rires). Cent œuvres sont parties par un système de tombola, et nous n’avons même pas eu à proposer de lots de consolation ! Nous avons constaté que la question du processus même du débarras et celle de la valeur marchande se posait – ou en tout cas, sans mauvais jeu de mots, qu’on ne pourrait pas en faire l’économie ! Mais la journée du 9 mars sera différente : le corps, et avec lui l’idée de mouvement, et même de la danse, accompagnera ce processus de passation. Le lieu sera transformé pour accueillir de nouvelles œuvres : une cabane son, une cabane image et un coin écriture … Avant la prochaine édition de ce Joyeux débarras qui aura lieu le 4 mai pour le Printemps de l’Art Contemporain.

Entretien réalisé par SUZANNE CANESSA

Bon débarras #2
9 mars 
Les 8 pillards, Marseille

Au cinéma, des rencontres plurielles

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Les Filles de Mai Zetterling est projeté le 8 mars à l'Institut de l'image - Aix-en-Provence

Plurielles sont les approches cinématographiques des mouvements de femmes et des femmes en mouvement, les trajectoires intimes ou collectives dans le combat féministe contre les inégalités et la violence. À l’initiative de la Métropole Aix Marseille, et avec le soutien programmatique de Vidéodrome 2, les Projections plurielles sont organisées du 6 au 11 mars, avec l’ambition d’explorer cette pluralité. Tout à la fois, faire état, nommer, comprendre les causes profondes du mal mais aussi rendre compte des solidarités de lutte et des énergies libératrices. 
Après la séance spéciale du 15 février dernier, autour de La Nouvelle femme de Léa Todorov, dans six villes de la Métropole, ce seront onze longs-métrages dont six avant-premières. Projections prolongées par des débats, en présence de cinéastes et de chercheur·euse·s.

De nombreux portraits de femmes – personnes ou personnages–, jalonnent ce programme. 
Celui de Sylvie Hofmann, sur le point de prendre sa retraite d’infirmière cadre à l’Hôpital Nord, après 40 ans de dévouement, et que Sébastien Lifshitz met à l’honneur dans Bonjour Madame Hofmann (6 mars, Alhambra). Celui de la peintre Apolonia Sokol, avec Apolonia, Apolonia, projeté en présence de la réalisatrice Lea Glob, (10 mars, Le Mélies, Port-de-Bouc) en partenariat avec V.I.E au féminin et le Centre Plastique Fernand Léger. Une « épopée intime et sinueuse » tournée sur 13 ans. Celui de Zaffan dans  Tiger Stripes d’Amanda Nell Eu où l’adolescente découvre les forces mystérieuses qui travaillent son corps en mutation. Séance au Mazarin à Aix-en-Provence animée par Hélène Breda, spécialiste des représentations de genre. Celui de Maria enfin, dans Il reste encore demain de Paola Cortellesi, proposé le 8 mars à La Ciotat. Un film en noir et blanc, populaire, politique, qui met en scène dans la Rome d’après guerre, une mère de trois enfants, victime des violences d’un mari confondant amour et possession. Un mari semblable à celui de Blanche dans l’Amour des forêts de Valérie Donzelli, proposé le même jour à Port Saint Louis du Rhône en présence de Sophie Aubradour.

Loin du male gaz

Ne pas rater le très beau Smoke Sauna Sisterhood d’Anna Hints (9 mars, la Baleine) qui nous emmène loin de tout male gaze (regard masculin qui sexualise les femmes à l’image) dans un sauna sacré estonien au cœur de récits de femmes. Le très libre et frondeur Losing Faith de Martha Mechow en partenariat avec le FID Marseille et les Artistes en exil (10 mars, Videodrome 2). Le premier film très attendu de Christine Angot, Une famille, décrypté par Dorothée Dussy chercheuse anthropologue (Martigues, 11 mars, La Cascade) et celui de Delphine Girard Quitter la nuit (10 mars, Les Variétés)qui explore l’ « après » d’une agression sexuelle

Deux films du siècle dernier contre le sexisme et le racisme, s’invitent au programme : Les Filles de Mai Zetterling (1968) et Born in Flames de Lizzie Borden (1983). Ils n’ont perdu ni de leur tonus ni de leur portée subversive, rappelant que toute évolution sociale ne peut se faire qu’avec l’émancipation des femmes.

ÉLISE PADOVANI

Projections Plurielles
6 au 11 mars
Divers lieux, Bouches-du-Rhône
videodrome2.fr

Les mots des autres

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MobyDick2018 © X-DR

Bienvenue au pays des mots, là où l’art se découvre comme un roman. Protéiforme et éclectique, Entre les lignes, art et littérature se raconte en une introduction, un préambule historique, un intermède vidéos et cinq chapitres à parcourir au MO.CO et au MO.CO Panacée. Dans les premières salles, l’exposition s’intéresse à la critique d’art en affichant des textes en regard des œuvres qu’ils commentent. S’y croisent Charles Baudelaire et Eugène Delacroix, Émile Zola et Gustave Moreau, Camille  Claudel (dont l’incroyable sculpture La Valse nous envoûte toujours autant) et son frère Paul, mais aussi Paul Valéry, Joan Miró, Simone de Beauvoir, André Malraux… Pour finir avec Gao Xingjian, prix Nobel de littérature et dessinateur. Un intermède audiovisuel donne à entendre une vingtaine d’artistes répondant à la question « Quel rôle la littérature tient-elle dans votre travail et dans votre vie ? ». S’y essaient entre autres Abdelkader Benchamma, Vincent Bioulès, Hervé di Rosa, Jeanne Susplugas… 

Raconter l’irracontable

Vient le cœur même de l’exposition. Plus exactement cinq accrochages très différents, récit choral en cinq chapitres du rapport à l’art contemporain d’écrivains eux aussi contemporain.e.s. Chacun.e avec sa perception de l’art comme de la littérature, son style singulier, sa sensibilité, sa façon de raconter et ses obsessions. Daniel Rondeau, membre de l’Académie française, a choisi de faire découvrir l’oeuvre narrative du peintre espagnol Eduardo Arroyo, Maryline Desbiolles se penche sur le compagnonnage artistique qu’elle mène avec l’artiste Bernard Pagès, Christine Angot demande à l’architecte Patrick Bouchain de recréer un dressing où elle pourrait continuer à raconter l’irracontable. Pour ce qui est de Jakuta Alikavazovic, il est plutôt question de rêverie dans un temps suspendu hors de pensée, tandis qu’avec Jean-Baptiste Del Amo, qui fut un temps montpelliérain, notamment lors de l’attribution du Goncourt du premier roman à Une éducation libertine en 2009, il est question de la façon dont l’art nourrit une écriture dans laquelle le corps, souvent malmené, joue un rôle central. Ainsi, l’écrivain a choisi de parler de ses dernières recherches sur le corps… mort. Les photographies de cadavres d’Andres Serrano prises dans une morgue à New-York dans les années 90, les années Sida, nous laissent sans mots. 

ALICE ROLLAND

Entre les lignes, art et littérature
Jusqu’au 19 mai
MO.CO, Montpellier
moco.art

10 printemps pour Babel Minots

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Babel minots © Naïri

De la musique, des spectacles et de l’émerveillement. Voilà ce que propose depuis 10 ans le festival Babel Minots à destination du jeune et du très jeune public. Porté par Le Nomad’ (à l’initiative du rendez-vous) et Villes des Musiques du Monde, le festival itinérant s’installe dans plusieurs lieux culturels de Marseille : À la Friche la Belle de Mai, souvent, mais aussi au Théâtre de l’Œuvre, à la Cité de la Musique ou au Mucem. Avec pour thème « le respect des droits individuels et collectifs », l’organisation propose une généreuse série de spectacles puisque l’on compte quelque trente compagnies pour cinquante représentations s’étalant du 12 au 23 mars dans la cité phocéenne. 

Enfants gâtés 

Comme chaque année, c’est évidemment la musique qui tient la part belle dans la programmation. Mais de la musique souvent augmentée par l’ingéniosité des artistes invités. C’est le cas avec Histoires sans queue ni tête et de la mirgueta qui danse dans mes fouchettes, de la compagnie Moitié Mitat qui ouvre le bal le 12 mars au GMEM. Spectacle bilingue occitan et français, la musique se crée avec l’aide d’une batterie de cuisine… et d’un vieux vélo recyclé en instrument de musique (dès 3 ans). Le 15 mars, toujours à la Friche mais sur son Grand Plateau, Babel Minots propose Diva Syndicat de la compagnie Mise à Feu, du théâtre musical qui traverse l’histoire de la musique à travers celle des femmes « d’Hildegarde de Binger à Aya Nakamura » et ainsi présenter aux plus jeunes une histoire de la musique souvent oubliée (dès 7 ans). 

Parmi les nombreuses propositions, on notera la journée d’anniversaire du festival qui invite à deux spectacles participatifs. D’abord Rock You ! de Snap Orchestra, un concert entre jazz, groove et hip-hop où les spectateurs sont invités à une expérience d’improvisation collective, puis 123 Sonlive, une version dansante d’1,2,3 Soleil qui prend la forme d’un concours de danse avec juges et un DJ set enflammé. Babel Minots propose également plusieurs ateliers : un de batucada, un autre de DJ ou encore de création de chanson… autant d’initiatives pour éveiller les sens des bambins, et artistes de demain.

NICOLAS SANTUCCI

Babel Minots
Du 12 au 23 mars
Divers lieux, Marseille
babelminots.com