mercredi 17 septembre 2025
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Musiques intérieures

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Jean-Claude Pennetier © Marseille Concerts

Avant Martha Argerich, très attenduele 17, et l’orchestre universitaire Osamu dans un programme Prokofiev/Stravinski les 19 et 20 à l’auditorium du Pharo, c’est sur deux concerts plus intimes et singuliers qu’a débuté le mois des fêtes.

Un piano intime

Le pianiste désormais octogénaire Jean-Claude Pennetier s’est ainsi illustré dans un programme particulièrement ambitieux et sensible, fait de jeux d’échos et d’associations singuliers et émouvants. Trois tableaux dominés par trois esthétiques fortes : celle de Schumann et de ses désarmantes Kinderszenen, scènes d’enfance dont l’émoi désarmant résonne chez Chopin et Schubert ; celle de Debussy et d’Et la lune descend du temple qui fut, faites d’harmonies modales et d’agrégats évoquant Fauré et préfigurant Ohana et Schönberg ; et enfin celle de Beethoven et de l’immense opus 110, où le phrasé se fera plus délicat que jamais, avant de devenir, sur Haydn, plus léger et sautillant encore. De quoi faire, à en croire le concertiste, ses adieux à la scène soliste en beauté, devant une salle de La Criée conquise.

Danses sans frontières

Quelques jours plus tard, un duo singulier s’illustre au Palais du Pharo : le mariage rare mais harmonieux de la clarinette et de l’accordéon engage Théo Ould et Florent Héau sur la voie royale de la danse, et tout particulièrement de la danse teintée de folklore et de mélodies voyageuses. Les ostinatos, harmoniques et arpèges délicats de l’accordéoniste s’aventurent ainsi sur les pages riches et mouvantes de Witold Lutoslawski, Prélude de danses, sublimée par la ligne et le timbre plus clairs de la clarinette tenant ici le rôle du chant. Celle-ci se teintera de sonorités klezmers sur Sholem Aleikhem rov Feidman, pièce maîtresse et particulièrement virtuose du hongrois Béla Kovács. Après un passage par la mélodie française – Fauré, Pierné et Poulenc – le crochet par les pièces baroques de Marin Marais éclaire d’un jour nouveau les pages latines de Piazzolla, De Falla et d’Arturo Márquez : imitations contrapuntiques et legato savamment dosé unissent ces univers pourtant très lointains, avec une musicalité et une virtuosité constantes.

SUZANNE CANESSA

À venir
Martha Argerich et l’Orchestre Philharmonique de Marseille
17 décembre à 16h
Palais du Pharo, Marseille
Prokofiev/Stravinsky : Orchestre universitaire Osamu
19 décembre
Conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence
20 décembre
Palais du Pharo, Marseille

Avec de la ficelle et du papier  

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Un des valises spectacles au Museum d'Histoire naturelle de Marseille © Mara Kapoia

En point d’orgue du week-end de clôture de cette 6e édition du festival organisé par Anima Théâtre, les 20 ans de la compagnie célébrés à la Friche la Belle de Mai le samedi soir ! Dès le vendredi, Anima investissait le soir venu le Muséum d’Histoire Naturelle et ses travées de fantomatiques animaux assoupis – une expérience sensorielle en soi, aux allures de traversée clandestine, qu’affectionne la compagnie avec de réguliers safaris nocturnes. Présenté ce soir-là, Laterna regroupait cinq « valises spectacles », courtes formes de théâtre d’objets tenant dans un bagage, chacune réalisée dans le cadre de laboratoires menés avec des groupes d’exilés en Grèce et au Liban en 2021. Au gré des allées, on croisait ainsi du théâtre d’ombres autour des ravages du forage de pétrole, un tour de tango avec la Mort, ou encore les émotions chavirées présidant à la célébration d’un mariage arrangé… En épilogue, un making of retraçait le procédé de fabrication de ces valises, glanant des échanges issus de laboratoires menés à Athènes ou Beyrouth, avec des réfugiés de multiples horizons – mauritaniens, tanzaniens, syriens… Parmi eux, une très jeune fille évoquant la distanciation permise par les marionnettes pour oser une liberté de ton confisquée au quotidien. 

Un théâtre inventif

Le surlendemain, changement de ton avec Pomelo se demande dans la salle Seita de la Friche, adaptation de la série pour enfants créée par l’illustrateur Benjamin Chaud et l’autrice Ramona Badescu. Volontiers psychédélique, posant de vertigineuses questions sans forcément amener de réponses, Pomelo – minuscule éléphant rose, aimant à philosopher sous le pissenlit qui lui sert de demeure – est le héros fétiche d’enfants traversés de questions existentielles, mais parfois démunis de moyens pour les verbaliser ! Belle inventivité pour ce théâtre d’objets totalement artisanal reprenant les principes japonais du butaï – petit théâtre de bois – et du kamishibaï – papier découpé –, sur des chansons jouées au ukulélé à entonner en chœur avec un public complice et ravi. Une création réussie de la locale Et compagnie, autre déclinaison de cet art marionnettique protéiforme, pétri de vertus émancipatrices et vecteur d’imaginaire. 

JULIE BORDENAVE

La 6e édition du Marché noir des petites utopies se tenait à Marseille du 1er au 10 décembre. 

Le Bel indifférent : la musique d’une voix solitaire

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Dix ans après La voix humaine, ce « dialogue à une voix », disait son auteur, était écrit à l’intention d’Edith Piaf. Le Bel Indifférent, véritable monologue même si apparaît un second personnage face à la protagoniste, elle aussi, comme dans le texte précédent, femme trompée qui souffre des mensonges de son amant. La force théâtrale du texte, ses respirations internes n’incitent pas à la construction mélodique pure, aussi, la musique de Machado suit les volutes de la voix parlée. C’est elle d’ailleurs qui ouvre la pièce, on entend peu à peu derrière les mots les instruments dans le lointain. De retour de son tour de chant dans une chambre d’hôtel, elle appelle un certain Totor qui pourrait savoir à se trouve Émile, « un ange », puis le téléphone sonne, la sœur de l’absent demande où il se trouve… Le chant s’élève alors, la délaissée évoque les scènes précédentes, les commente… le jazz de la mélodie emprunte alors au registre klezmer pour marquer ses impatiences, ses révoltes, la douleur de son enfermement entre les quatre murs de ses attentes vaines du « magnifique gigolo au bord de ne plus l’être ». La soprano Aurore Bucher  (directrice artistique du projet) apporte son talent de comédienne à cette partition dont elle épouse toutes les formes, bouleversante de vérité dans toutes les expressions des émotions multiples qui la traversent. L’effectif réduit des musiciens souligne ce travail en épure, Pierre Cussac (accordéon), Carjez Gerretsen (clarinette), Anthony Leroy (violoncelle) Ludovic Montet (percussions et le vibraphone). Le livre lui-même se présente en accordéon qui peut se déployer en longue fresque sur laquelle courent les dessins stylisés de Laure Slabiak, véritables photographies de l’âme, imprégnées du monde onirique de Cocteau. Une merveille qui ne déparera pas le sapin de Noël !

MARYVONNE COLOMBANI

Le Bel indifférent, ensemble Virêvolte
Enphases

Musées de Marseille : de la place pour les femmes 

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Vue de l'exposition ©VilledeMarseille

Chaque année, la majestueuse salle en pierres voûtées du Préau des Accoules, occupant une partie de l’ancien observatoire de Marseille, se pare d’une nouvelle scénographie, adaptée aux oeuvres accueillies. Ces plongées successives dans les époques et esthétiques sont rendues possibles grâce aux prêts en provenance du FCAC, du Mac, de la Vieille Charité ou encore du très riche fonds Cantini, mettant à disposition des plus jeunes de réels originaux, un fait rare en France. Avec Elles!, il s’agit de mettre en valeur le travail de femmes artistes emblématiques des XXe et XXIe siècles. Selon les préceptes de cet exigeant musée jeune public, cette nouvelle exposition thématique intègre des jeux pédagogiques en regard de chaque oeuvre – tous imaginés et conçus par l’équipe du musée : un puzzle pour expérimenter les influences cubistes de Jenny-Laure Garcin, les fantasques et replètes Nanas colorées de Niki de Saint Phalle à reconstituer en figurines, l’éblouissante lumière méditerranéenne vue par Maria Helena Veiria da Silva (Marseille en blanc, 1931) à éprouver en 3D à l’aide de modules en bois, ou encore un jeu en kit aux allures de bronze doré, rappelant tant l’usage des matières de Germaine Richier, que la palette de couleurs de Louise Nevelson

Vue de l’exposition © VilledeMarseille

S’emparer des œuvres 

C’est l’occasion aussi pour les plus jeunes de découvrir des oeuvres plus conceptuelles issus du mouvement japonais Gutaï, des fragments photos d’Annette Messager (Mes voeux, 1988) ou encore une fantasque couverture respirante posée à terre, issue de la série Somnambulist de Wendy Jacob, conçue en collaboration avec l’étholoque autiste Temple Grandin (1993). Cette douzaines d’oeuvres éclectiques, mixant techniques, univers et époques, attire l’oeil et démange les mains – ah, cet irrésistible tableau textile à composer à l’aide d’étoffes à superposer, pour donner vie aux belles dames et songes d’Orient de Baya, dont est ici exposée Femme et cithare (1966) ! La frontière est délibérément floue entre la contemplation et la mise en pratique, et le parcours se double de quelques réflexions théoriques – chronologie liée à la parité, coin lecture avec des ouvrages thématiques. Pour élargir le propos à travers les époques et les continents, les sociétés matrilinéaires sont mises à l’honneur dans un préambule. Une manière sensible et pertinente de s’emparer intuitivement des oeuvres, au lieu de les contempler en chiens de faïence.  

JULIE BORDENAVE

Elles ! Femmes artistes dans les collections des musées de Marseille
Jusqu’au 27 juillet
Préau des Accoules, Marseille
musees.marseille.fr

À Luma Arles, la science-fiction transcendée

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Symposium Réalités de la science-fiction II (2022), LUMA Arles © Adrian Deweerdt

Comme depuis deux ans, Luma Arles s’intéresse à cette matière artistique et interroge ce qu’elle dit de nous dans son colloque Réalités de la science-fiction. Du 15 au 17 décembre, une série de conférences, ateliers, projections et réunissant plusieurs artistes, auteurs·ices, chercheuses·eurs vont ainsi traiter de « contre-dystopie », d’ « effondrement du présent », et vont même envoyer la Cour Suprême des Etats-Unis dans l’espace. 

Un monument

En ouverture, le 15 à 18 heures, Luma Arles accueille (en visioconférence) une légende de la science fiction en la personne de Samuel R. Delany. L’auteur américain qui s’est distingué en publiant de la science-fiction féministe et gay dans l’Amérique des années 1970 – quitte à voir son lectorat offusqué, et ses ventes baisser. Il échangera avec Benjamin Thorel, critique d’art. Place ensuite à la projection de deux films de Mati Diop : Atlantique et Atlantiques, suivie d’une conversation avec la réalisatrice. Le lendemain, dès 10 heures, l’autrice Atheel Elmalik invite à un atelier d’écriture qui se veut être « un exercice en fiction visionnaire ». Les participants écriront « ensemble des mondes fictifs en explorant les questions qui trouveront écho dans le groupe. » Le reste de la journée verra se décliner plusieurs conférences : une de Isiah Lavender III (professeur à l’université de Géorgie) autour du roman de Samuel R. Delany La Ballade de Bêta-2, une autre intitulée«Fan-fiction, science-fiction et la communauté épistémique de la sécurité de l’IA » par Shazeda Ahmed, chercheuse à Los Angeles. Le dimanche, on guettera celle de Nicolas Giraud, professeur à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, autour du poids des images dans la société. Ou encore la projection de Neptune Frost, où des cyberpirates anticolonialistes mènent une « insurrection virtuelle et puissante ». 

NICOLAS SANTUCCI

Réalités de la science-fiction III
Du 15 au 17 décembre
Luma, Arles
luma.org

Mon grand-père, ce harki

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Les Accords d’Evian en 1962 actent la fin de la Guerre d’Algérie. Pendant les huit années du conflit, quelque 200 000 Algériens se sont ralliés pour des raisons diverses à l’armée française – patriotisme hérité de la guerre de 14-18, rivalités entre les clans familiaux, vengeance, pauvreté, lassitude face aux excès du FLN : ce sont les harkis. Abandonnés par l’armée, désarmés, ils sont livrés aux représailles et aux massacres des vainqueurs. Seuls 60 000 d’entre eux pourront s’embarquer pour la France à côté des pieds noirs. Transférés dans des camps enclos de barbelés et surveillés par des miradors, privés d’école publique pour leurs enfants, de soins médicaux, soumis au mauvais vouloir de l’administration, ils ont connu l’horreur. Quand, des années plus tard, leurs conditions se sont améliorées, ils n’en ont plus parlé. Pour Sarah, petite-fille de harkis, qui vient de devenir mère, ce secret de famille est insupportable. Comme si la continuité vers le futur de son enfant ne pouvait se faire sans crever cet abcès-là. 

« Une et indivisible »

Journaliste d’investigation, avec douceur et opiniâtreté, elle entreprend contre l’avis de son père et de sa grand-mère, un retour sur les lieux du crime. Ce lieu c’est Bias, en Lot-et-Garonne, le camp de « transit » où ses grands-parents ont vécu 15 ans et où leurs anciens voisins et amis demeurent encore. À son nez, les portes se ferment. Personne ne veut raviver les plaies. Ni ceux qui ont vécu les traumatismes et l’indignité, ni parfois leurs descendants qui craignent qu’on sache que leurs pères et grands-pères ont été des « traîtres » à leur pays, et veulent les protéger. Il y a aussi la honte, paradoxale de ceux qu’on a traités honteusement. Sarah doute. Et s’ils avaient raison ? Pourquoi en parler ? Pourquoi convoquer ces souvenirs douloureux ?

Puis peu à peu, les maisons s’ouvrent avec les mémoires. Il y a les anciens qui racontent en rigolant leurs 400 coups de jeunes hommes, mais disent aussi les paillasses infestées de punaises, les meurtres, les fous et les rebelles qu’on enfermait dans une maison au milieu du camp. La mise à l’écart de la République pourtant « une et indivisible », qui voulait oublier ceux qui l’avaient servie, et leurs enfants.

Montage d’archives nationales et personnelles, témoignages autour d’un thé. Les albums photos se feuillettent. On se souvient de la Kabylie, d’un paradis perdu, de ses voisins d’infortune. Sarah cherche à comprendre les motivations du ralliement à la France de chacun. On parle de guerre civile, de jalousie paysanne, de dénonciations intéressées, d’une fille pendue par le FLN parce que des soldats français l’avaient ramenée en voiture, de manipulations pour dresser les gens les uns contre les autres. Les larmes coulent, mais ça fait du bien. Et ceux qui étaient réticents au projet remercient Sarah dont la démarche trouve une justification, qui dépasse sa motivation personnelle initiale. Pour n’en plus parler, il faut avoir dit.

Le 20 septembre 2021, le président Macron demandait pardon pour la nation aux harkis appelant à « panser les plaies » qui doivent être « fermées par des paroles de vérité, gestes de mémoire et actes de justice ».

ÉLISE PADOVANI

N’en parlons plus de Cécile Khindria et Vittorio Moroni a été présenté le 6 décembre à la bibliothèque de l’Alcazar, Marseille dans le cadre du Primed

Le film est disponible sur France 24 : https://f24.my/9zBI

Derrière l’armure

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Sergent major EISMAYER_Still © Golden-Girls-Film

Primé à la Mostra, récompensé par l’Académie du Cinéma autrichien, sélectionné dans de nombreux festivals LGBTI, Sergent Major Eismayer, de David Wagner, est somme toute une comédie romantique des plus classiques. Schéma canonique : C. rencontre M.. Attraction réprimée puis avouée. Crise, épreuves. Résolution heureuse… et ils se marièrent… Sauf que les protagonistes sont des soldats de l’armée autrichienne : l’austère major Charles Eismayer (Gérard Liebmann), redoutable instructeur d’âge mûr aux méthodes dignes de Full Metal Jacket, et Mario Falak (Luka Dimić) une jeune recrue homo et tschusch (terme péjoratif pour désigner un ex-yougoslave. Sauf que ça se passe dans une caserne autrichienne, non moins austère, temple du surpassement viril et pas vraiment gay-friendly. Sauf que le scénario « s’inspire d’une histoire vraie ».

Deux générations

Le réalisateur dit avoir été captivé par cette histoire, jamais adaptée au cinéma, intime et exemplaire qui sape les idées toujours chevillées dans l’esprit de beaucoup, sur la masculinité et la normalité. Un « vrai » homme a femme, enfant, sait se battre, a « des couilles ». Charles, depuis sa petite enfance sous le poids du désaveu paternel, cherche à se conformer à ce modèle, devenant la caricature de l’autoritarisme militaire, se rendant malheureux et rendant malheureuse la femme qu’il a épousée. Personnalité fragmentée entre l’officier hurlant sur ses élèves, le père aimant, à la voix douce, le mari muet et l’amant clandestin assouvissant ses désirs à la hâte. Mario sera un bouleversement pour lui : jeune, rebelle, répondant avec arrogance au racisme et à l’homophobie, assumant son orientation et se faisant accepter de tous, par son courage, son intransigeance et sa sincérité. Deux façons opposées de vivre son homosexualité, deux générations aussi. Les méthodes musclées du major instructeur ne sont plus de mise, lui rappelle son supérieur, le capitaine Karnaval. L’homophobie, non plus. Même si l’institution reste rétive – « un homo à l’armée c’est comme un prof pédophile » ronchonne un de ses collègues, Eismayer est un dinosaure. Peu sympathique.

David Wagner filme avec une rigueur toute militaire cette relation laissant parfois exploser l’émotion. Joue habilement du flou et du net. La caméra mobile, reste stable et précise captant au plus près le corps des hommes. Ou explore méthodiquement les lieux particulièrement prégnants. La caserne et son architecture rigide, l’appartement bourgeois du Major et les zones d’entrainement dans la forêt alpine. Une forêt symbolique, qui revient, récurrente, autour et à l’intérieur d’une maison en ruines sur laquelle tombe la neige. Pas celle des contes de fée. Bien que la fin en soit digne : « Il se pourrait qu’il y ait la place pour deux pédales dans l’armée autrichienne » conclut Mario.

ELISE PADOVANI

Sergent Major Eismayer, de David Wagner
Sorti le 13 décembre

Le Département fête Noël en chansons 

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Noel créole © Fred Bouteille

L’édition 2023 propose à sept formations de nous inviter à un voyage autour du monde dans l’esprit de Noël. Les différents groupes, tous composés de musiciens issus ou vivant dans le département ou la Corse et dont les noms sont déjà bien connus des afficionados des scènes de la région. 

Créations originales

Les Voix Animées ont déjà inauguré les festivités lundi 4 décembre avec leur humour et leur répertoire qui ne dédaigne pas taquiner la chanson populaire. Le Minimum Ensemble, collectif réuni par Martin Mey en 2020, mêle folk et modernité dans une série de tableautins évoquant les paysages de Noël avec Les dits sont de là. Cette création s’attachera aux moments de l’hiver, aux ciels de neige, aux instants de fête que l’on peut apercevoir de l’autre côté des fenêtres éclairées. Sammy Decoster, Marilou Gerard, Capucine Trotobas joindront leurs voix à celle de Martin Mey et, lors du « grand concert » à celles de Marion Rampal, Lonny, Fred Nevché et Lina Marcela Lopez. 

Voyages outre-Atlantique

La Clique Production présente deux concerts qui nous entraînent au-delà de l’océan. Célébration de la Navidad Negra au Pérou grâce à Elisabet Gomez Cabrera, Simon Bolzinger, Paul Llinares, Andrea Meijas, Alberto Bazan Talge, Tommy Jégu additionnés du Chœur Calle Sol dirigé par Patricia Gajardo, de Rodolfo Muñoz et des danseurs Mercedes Latina et Luis Panduro Estela pour le « grand concert ».  Après les chants traditionnels péruviens c’est aux traditions de l’Amérique du Nord que nous serons conviés avec le Gospel de Joël Rhino et Pascal Versini qui ont rassemblé autour des thèmes de la fin de l’année Magali Ponsada (soprano), Sandrine Garcia (mezzo), Audrey Rasoamanana (alto), Sibongile Mbambo « Bongi » (contre alto), Frédéric Camprasse (baryton), David Bardy (ténor), voix soutenues par l’orgue de Franck Lamiot et la batterie de Jessy Rakotomanga. Leur « grand concert » invitera le Chœur TGGG sous la houlette de Latonius. Les Caraïbes quant à elles sont représentées par la Compagnie du Bayou. Le fameux Gwo Ka (ce tambour fabriqué par les esclaves à partir d’un « gros-quart », tonneau transporté sur les navires), sera joué par le grand chanteur créole Thierry Galand, sollicité par les huit musiciens de Souvnans (Alexandra Satger, Wilda Philippe, Pierre Mougne, Olivier Boyer, Romain Morello, Wim Welker, Djamel Taouacht, Sylvain Terminiello) dans leur exploration des « chanté nwel » des Antilles. Un hymne à la joie que rejoindra pour le « grand concert » la Chorale Afrimayé.

Méditerranée universelle

Le chant corse ne se résume pas à la polyphonie ! Certes, mise en avant lors du grand mouvement du Riacquistu, cette réappropriation de la langue et la culture corses, cette forme musicale qui comprend la fameuse paghjella, classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2009 par le comité de sauvegarde de l’Unesco, est devenue un symbole du « chant corse ». Il ne faut pas oublier cependant les merveilles de la monodie, elle aussi traditionnelle en Corse. Le groupe I Messageri, fondé par les frères Andreani en 1996 (Fabrice, chant, guitare, cetera et Jean-Michel, chant) s’est emparé de cet univers musical, le relie aux rythmes actuels et à la world music. Les accompagnent Jean-Paul Colombani, Ghjaseppu Mambrini et Michel Tomei. La compagnie Rassegna qui sait si bien relier les rives de la Méditerranée grâce à ses musiciens hors pair qui, chacun, apportent des tonalités différentes, Bruno Allari, Fouad Didi, Carine Lotta, Sylvie Paz, Julian Babou, Hassan Boukerrou, Isabelle Courroy. Noël est alors vécu comme le temps des retrouvailles lors d’un « festin musical » bouleversant de sensibilité et de joie auquel s’ajouteront les chants et tambours de Cesar Maltina au « grand concert ». 

MARYVONNE COLOMBANI

La tournée des chants de Noël
Jusqu’au 22 décembre
Divers lieux, département des Bouches-du-Rhône 
departement13.fr

Populaire, le Mucem ?

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Empêchée de récit, je fais des histoires. Miss.Tic. 2012. Paris, France. Peinture à la bombe et au pochoir sur bois © MISS TIC - Adagp _ Paris, 2023, photo © Mucem _ Marianne Kuhn

Lors de la conférence de presse annonçant les 10 ans du musée dont il prenait la présidence, en mai dernier, Pierre-Olivier Costa déplorait une sur-représentation dans son public des CSP+, révélatrice d’importantes barrières culturelles. Pour attirer d’autres visiteurs, moins familiers des cimaises, il mise sur « la force émotionnelle de sa collection » – une position d’ailleurs dénoncée par des salariés du Mucem dans une lettre qui lui est adressée [lire notre édito]. Le Mucem est l’héritier du Musée national des Arts et Traditions populaires, fonds auquel s’ajoutent le pan européen du Musée de l’Homme, et les acquisitions réalisées depuis le début des années 2000 dans l’aire méditerranéenne. Sa nouvelle exposition permanente, Populaire ?, s’appuie sur les étonnants trésors des réserves, qui en disent autant sur la société dans laquelle ils ont été produits que sur notre contexte contemporain, en quête désespérée de sens. On fait toujours bien de puiser dans l’histoire pour cela, avec humilité, curiosité, et c’est ce qu’a entrepris l’équipe de conservation, autour d’Émilie Girard, directrice scientifique.

GAËLLE CLOAREC

Lisez notre article sur cette exposition

Populaire ?
À partir du 13 décembre
Mucem, Marseille
04 84 35 13 13
mucem.org

Les danses projetées de Charmatz 

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Vue de l'exposition ©Photos Laurent Lecat_Frac Sud

Ouverte le 8 décembre jusqu’au 24 mars prochain, l’exposition Boris Charmatz – Danses gâchées dans l’herbe s’inscrit elle aussi dans le projet Faire société avec lequel Muriel Enjalran est arrivée à la direction du Frac Sud en 2020 : accompagner l’intérêt renouvelé des artistes pour les liens art et société. Des liens que le danseur et chorégraphe Boris Charmatz, tout juste cinquantenaire, représentant éminent de ce qui a été appelé « la non-danse » (en opposition à la danse « virtuose ») ou « la danse plasticienne » (par ses rapprochements avec les concepts et dispositifs de l’art contemporain), directeur depuis l’été 2022 du Tanztheater de Pina Bausch à Wuppertal, interroge depuis longtemps à travers sa pratique de danseur et de chorégraphe. Notamment avec le « Musée de la danse » projet qu’il a mené de 2009 à 2018 depuis le CCN de Rennes, travaillant sur les paradoxes de conservation et de transmission d’un art vivant. Mais Danses gâchées dans l’herbe n’est pas une rétrospective de son travail, même si évidemment on en trouve de larges échos : l’exposition est uniquement constituée de six films.

Films-œuvres

Six films qui sont revendiqués comme des films-œuvres, car même s’ils convoquent des chorégraphies ayant existées en tant que spectacles, la danse et les situations dans lesquelles elle s’est déroulée ont été retravaillées spécifiquement pour chaque film. Dans la salle d’exposition du Frac, ils sont projetés dans la pénombre sur de larges et solides cimaises posées au sol. Disparates ouvre la danse, film de 1999, le plus ancien, tourné à Dieppe (bar, pont tournant, friche, piscine, plage…) par César Vayssié, d’après le solo Les Disparates, proposant des « états de danse » éclatés, créé 5 ans plus tôt. 

Vue de l’exposition © Photos Laurent Lecat_Frac Sud

Derrière, on découvre quatre autres films, répartis de chaque côté d’un espace dont le centre est occupé par deux bancs. Ceux signés par Boris Charmatz et César Vayssié ont été réalisés à partir de la pièce Levée des conflits (2010), chorégraphie pour 24 danseurs et 25 gestes pendant 1h40, gestes qui, à l’origine, glissent imperceptiblement d’un danseur à l’autre. Il s’agit de Levée (14mn – 2014) dansée sur un terril filmé depuis un hélicoptère qui déclenche, en se rapprochant des danseurs, une tempête de déchets de charbon, de pierres, et de poussière. Et de Danse gâchées dans l’herbe (16mn – 2023) où les mêmes « matériaux chorégraphiques » sont dansés de nuit sur un terre-plein d’herbes folles par Marion Barbeau, première danseuse du ballet de l’Opéra de Paris. De l’autre côté, deux films réalisés par Boris Charmatz et Aldo Lee : étrangler le temps (34mn – 2021) d’après la pièce éponyme conçue et interprétée par le chorégraphe avec Emmanuelle Huyn en 2009, un extrait dansé de façon très ralentie, filmé de nuit au Grand Palais, de « Trois boléros » d’Odile Duboc. Et Une lente introduction (24 mn – 2007) d’après Herses, chorégraphie de 1997, cinq danseurs nus, dans le noir et le silence, interrogeant-explorant en corps, en mouvements et en danse le couple et le collectif. Enfin, à l’étage, le film Transept (55 mn – 2023), co-produit par le Frac Sud, projeté sur l’écran de la salle du plateau expérimental, montre la performance impressionnante, dansée et sifflée en même temps, de Boris Charmatz, imaginée à partir de Somnole, présentée au Festival de Marseille en 2022, rejouée ici dans l’église gothique de Saint-Eustache de Paris.

MARC VOIRY

Boris Charmatz - Danses gâchées dans l’herbe
Jusqu’au 24 mars
Frac Sud – Cité de l’art contemporain, Marseille 
fracsud.org