mardi 26 novembre 2024
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À l’instant V

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For Creation © Deborah Louise Kelly

Vidéos numériques et poétiques, le festival Instants Vidéo est à chaque édition, tel un recueil de poèmes, introduit par un titre. Petit florilège : L’homme est terre qui marche (2008), Tu me voulais vierge, je te voulais moins con ! (2015), Brûle ta propre patience (2016), Nos désirs font désordre (2017)… Des résonnances rêveuses et combatives dont chaque artiste invité peut se saisir ou pas. Cette année c’est : …devant une phrase inutile.

Rencontres internationales

Cœur du festival, les rencontres internationales se déroulent à la Friche la Belle de Mai, du 9 au 12 novembre. En ouverture, une programmation d’art vidéo concoctée par quatre groupes de personnels et usagers de plusieurs structures sociales. Elle est suivie de l’inauguration de A moment, installation du duo d’artistes belge Guido’Lu, adepte des détournements d’images et d’objets. Deux performances clôturent la soirée : ChimesEra#1.3f de Paul Jacques Yves Guilbert, et La Bulle non alignée, show audio-vidéo live sur bulle géante de Denis Cartet.

Parmi les diverses propositions qui rythment ensuite ces rencontres, à noter l’exposition (du 10 novembre au 22 janvier) au cinquième étage de la Tour Panorama de dix-neuf installations vidéos, dont la plus courte (1 minute), The passing d’Eve Provost Chartrand, évoque un décès maternel et la transformation du corps mort en énergie. Quand la plus longue (30 minutes), Intelligent Design d’André Goldberg, se penche sur la façon dont les créationnistes cherchent à donner des fondements scientifiques à la Genèse. Dans les différentes programmations, on relève Seuls les chiens peuvent gagner (11 novembre), hommage – carte blanche au festival Image Contre Nature, en compagnie de deux de ses co-fondateurs Hélène Bez et Claude Ciccolella. Ainsi qu’une sélection de huit vidéos d’artistes émergents palestiniens (le 12, à 22 heures) par la biennale d’art vidéo et de performance /si:n/. Du côté des performances, il y a Video Hearings – Anhörungen (10 novembre) concert-vidéo de Rochus Aust et du Quintet LTK4 (avec une trompette de 12 mètres !), Pauvre Baudelaire (le 11) hommage insolent à la poésie, performé par Jules Vipaldo, et Influences (le 12) de Sarah Violaine, traitant des thématiques du corps porteur d’images, de symboles et d’interprétations.

Be Maybe May © Olivier Jonvaux

Constellation Poétronique

Avant et après les rencontres, du 21 octobre au 4 décembre, une série de rendez-vous forment ce que Instants Vidéo appelle la « Constellation Poétronique ». Ce sera notamment à l’École supérieure d’art d’Aix-en-Provence, une rencontre imagée avec Alessandra Arno (2 novembre) qui parle de la nécessité de mettre en lumière l’art vidéo réalisé par des artistes femmes et queer de la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord). À Nice, du 2 au 4 décembre, une exposition dans une chambre de l’Hôtel Windsor, sur une invitation du festival Ovni. À Milan (du 16 novembre au 1er décembre), une programmation visible à [BOX], Videoart project space, et en ligne sur Visual Container TV. À Ispahan, en Iran, dans les galeries Safavi House et à Aknoon Gallery, une sélection d’œuvres d’artistes françaises qui fera écho à l’affirmation « Les filles elles respirent sous l’eau ». Et à Gaza, à l’Institut français, une projection internationale suivie d’une discussion en visioconférence.

MARC VOIRY

Instants Vidéo
Jusqu'au 4 décembre
Divers lieux dans la région et ailleurs
instantsvideo.com

Mémoire des salles obscures : l’Éden

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Éden de La Ciotat d'Alain Bergala © Kolam

Le Modernissimo de Bologne, le Champollion du Quartier latin, le Thission d’Athènes, le Lucerna de Prague… Chacun de ces cinémas a sa propre histoire, connectée avec celles de sa ville et des générations qui s’y sont croisées. La collection documentaire créée et dirigée par Joël Farges et Olga Prud’homme-Farges : Cinémas mythiques (Kolam Production) donne une cinquantaine de minutes à des réalisateurs pour retrouver cette « mémoire des salles obscures. » En ce qui concerne l’Éden, « la plus vieille salle du monde en activité », c’est à Alain Bergala que la tâche a été confiée.

Avec subtilité et malice, fort de la complicité cinéphile des frères Dardenne et d’un fonds conséquent d’archives, il articule le récit du destin de l’Éden à ceux de la famille Lumière, des chantiers navals de La Ciotat, et plus généralement à l’histoire du septième art. Sa proposition se bâtit sur une triple temporalité : la durée du documentaire (moins d’une heure), la durée de l’histoire (plus d’un siècle) la durée du séjour de Jean-Pierre et Luc Dardenne découvrant les lieux pour la première fois (quatre  jours d’octobre 2021).

Menace synchrone

Les voix off de Jean-Louis Tixier et Florence Basilio racontent, sur des photos ou des films d’archives, la fortune d’Antoine Lumière, peintre et photographe devenu riche industriel, les inventions de ses ingénieurs de fils Louis et Auguste, le coup de cœur du Lyonnais pour La Ciotat, l’édification d’une villa somptueuse où la famille passera tous ses étés, la projection dans le salon trois mois avant la première séance de cinéma à Paris, de la première « expérience cinématographique ».

Elles racontent la salle de l’Éden, les spectacles vivants, les tournages, les films projetés, les guerres, la fermeture. La chapelle des Pénitents bleus et le rôle de Michel Simon, nouveau citoyen ciotaden. Puis les années 1980, la menace synchrone de disparition de l’Éden et des chantiers navals.

Un mythe

Les lieux sont là, transformés par le temps mais somme toute pérennes. Un filtre noir et blanc comme une vue Lumière se pose souvent sur la couleur du paysage actuel de la ville : cadre dans le cadre et citation cinématographique. Car n’en doutons pas, Alain Bergala parle de cinéma. En suivant les frères Dardenne quand ils découvrent la fameuse gare immortalisée par « leurs » frères Lumière. Quand il les filme dans la belle salle de velours rouge de l’Eden rénové, confrontant ce cinéma des origines à leur propre cinéma, analysant, émerveillés le mouvement saisi par une caméra fixe, la hiérarchisation des plans, le sens de la mise en scène, et la capacité de Louis à saisir la vie. Ou, quand il consacre une longue séquence à la rencontre des réalisateurs belges avec le syndicaliste Denis Polo qui évoque les 10 ans d’occupation des chantiers, en écho avec cette mémoire ouvrière qu’ils ont documentée.

Un cinéma mythique relève bien du mythe, c’est à dire d’une construction imaginaire fondatrice et fédératrice, et aucun, plus que l’Éden, ne semble mériter davantage cet adjectif.

ÉLISE PADOVANI

L’Éden de La Ciotat présenté au festival Image de Ville le 20 octobre en présence d’Alain Bergala

« Cinés Méditerranée » : le cinéma en sobre majesté  

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Le Hoggar (ex-Century) à Oran:Algérie 2019 © Stephan Zaubitzer

Après la révolution numérique, le succès des plateformes, la multiplication des chaînes cinéma, après les confinements, et au seuil d’une crise énergétique, quel présent et quel avenir pour la salle de cinéma ? Le festival Image de Ville proposait d’y réfléchir, croisant comme à son habitude différentes approches, théorique et universitaire, pratique et professionnelle. Sensible aussi, avec la très belle exposition de Stephan Zaubitzer qui, après un travail similaire en Afrique Noire et aux États Unis, a photographié, à partir de 2010, les salles de cinéma désaffectées ou encore ouvertes dans cinq pays méditerranéens (Tunisie, Algérie, Maroc, Égypte et Liban).

Superbe déchéance

Du Mahraba à Tetouan, il ne reste qu’un volume vide occupé par un parking et la trace rectangulaire d’un écran sur un mur décrépi. La salle bleue de L’Oriental à Hamman-Lif  offre le spectacle théâtralisé de gravats tombés d’un plafond défoncé et de rideaux déchirés. Certains cinémas conservent de la superbe dans leur déchéance. Tel Le Liberté de Medenine, clos et tagué mais intact et toujours couronné du mot « CINE » en lettres capitales. Tel le fier Olympia au lourd diadème de colonnades, à Menzel Bourguiba. D’autres comme Le Florida à Beyrouth se sont fondus dans le quartier, leurs vestiges d’enseignes à peine identifiables. Ou ont été investis par des commerces sous un fronton rouillé comme Le Hilton à Saida. D’autres encore, comme le Rio, cinéma de plein-air à Alexandrie ou Le Colisée à Marrakech arborant son architecture moderniste, s’affirment dans la cité. Et les fauteuils rouges des grandes salles vides, saisis en plongée, de dos ou de face, dans leurs alignements graphiques, attendent les spectateurs.

Passé colonial et futur hasardeux

Par cet inventaire-état des lieux, Stephen Zaubitzer documente non seulement le patrimoine et la mémoire mais aussi le devenir du cinéma. Pourquoi ces photos de lieux que la plupart d’entre nous ne connaissons pas nous touchent-elles ? Outre le talent du photographe, la qualité de ses cadrages, la curiosité des façades qu’il nous montre, souvent marquées par un passé colonial, ces lieux portent une charge émotionnelle particulière. La vie est passée par là, la grande histoire de tous et les histoires de chacun dans le secret des salles obscures. Là, des yeux se sont ouverts, des larmes ont coulé, des rires ont fusé, des désirs et des rêves sont allés des films à la vie. Ces temples désertés seraient-ils encore hantés ? Souvent les habitants d’un quartier lui donnent le nom du cinéma qui est ou était là, dit le photographe. Le Rivoli, Le Lynx, le Colorado, Le Shéhérazade, Le Goya, le Colisée, le Byblos, le El Maghreb (ex Régent), le El Khayam (ex Debussy)… les amers d’un voyage au cœur des villes à ne pas rater.

ÉLISE PADOVANI

Ciné Méditerranée, de Stephan Zaubitzer
Jusqu’au 19 novembre
Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence

Une proposition d’Image de ville, avec le concours de l’Aflam, la bibliothèque Méjanes, Les Écrans du Sud et l’Institut de l’image.

Taqqi ou la magie du grand Nord

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Les yeux de Taqqi (c) Lionel Blancafort

Prenez deux contes inuits, mélangez-les soigneusement, confiez-les à un auteur talentueux, Frédéric Chevaux, à un metteur en scène inspiré, Cédric Revollon, à trois comédiennes, Anaël Guez, Camille Blouet, Nadja Maire, et naît un superbe spectacle de marionnettes. Comédiennes, dites-vous, pourtant ! C’est le choix effectué d’entrée par le metteur en scène qui souhaitait avant tout un jeu humain et expressif porté par des artistes venues de la scène avant d’être des manipulatrices d’objets, expliquent à la sortie de scène les interprètes qui précisent l’origine des deux histoires entremêlées, celle de l’orphelin aveugle ou légende du Narval et celle de Tarqiup Inua («l’Homme-Lune ») et Seqineq («l’esprit du Soleil ») sa sœur, qui décrit l’origine de la lune et du soleil. Du second récit n’est retenue que la fratrie heureuse et complice.

Passage initiatique

L’ombre emplit la salle du Jeu de Paume, comble de son public d’enfants et de parents, on a attendu un peu les retardataires, rien ne doit troubler la représentation. Émergent les formes d’un iceberg, d’une plaque de glace qui flotte dans l’obscurité. Sur cette éminence deux « personnages » constitués de papier kraft se dressent, amorcent la narration, le relais est vite pris par les marionnettes quasi-grandeur nature du petit garçon, Taqqi, de sa sœur, de se terrifiante et acariâtre grand-mère (qui se transformera en punition de sa méchanceté en narval). L’enfant est aveugle et c’est un obstacle au passage initiatique qui veut que tout Inuit devienne un homme lorsqu’il a tué son premier ours polaire. Ce dernier apparaît, immense, et livre une bataille épique contre un courageux chien de traîneau. Les formes stylisées soutenues par les manipulatrices vêtues de noir, parlent, chantent, fredonnent, glapissent, grognent, dans le cadre dessiné par les variations du jour et de la nuit dont les ombres ourlent de leur onirique poésie le décor et l’action. La simplicité de ce conte initiatique empreint de merveilleux séduit petits et grands. Délicate bulle poétique. 

MARYVONNE COLOMBANI

Les yeux de Taqqi a été donné les 12 et 14 octobre au Jeu de Paume, Aix-en-Provence.

La rage de dire

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Ludivine Sagnier© Christophe Raynaud de Lage

Voilà déjà deux ans que Vanessa Springora a signé son entrée fracassante en littérature avec Le Consentement. Deux ans que ce récit levant le voile sur les violences sexuelles et pédo-criminelles perpétrées au nom de l’art, et sur l’impunité d’écrivains prédateurs, a jeté un pavé dans la marre des lettres françaises. Porté à la scène par Sébastien Davis, ce texte âpre et troublant trouve en Ludivine Sagnier une interprète idéale. Car si la comédienne est aujourd’hui quadragénaire, elle convoque sans peine, par sa blondeur, son grain de voix et sa sensibilité, la puberté et ses tourments. Le portrait-robot esquissé par l’autrice de sa propre jeunesse était implacable : « Un père aux abonnés absents qui a laissé dans mon existence un vide insondable. Un goût prononcé pour la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et, surtout, un immense besoin d’être regardée. Toutes les conditions sont maintenant réunies. » 

Enjouée et poignante
Tour à tour enjouée et poignante, la comédienne donne du corps et de la voix à cette adolescente flétrie, dont elle célèbre avant tout l’appétit de vivre et l’intelligence. Face au Gabriel Matzneff qu’elle incarne parfois, au détour d’une réplique, d’un ton doucereux assez pétrifiant, Ludivine Sagnier campe une Vanessa Springora moins dupe de ses stratagèmes que complètement inapte, émotionnellement et psychologiquement parlant, à se défaire d’un des rares amours qu’on lui destine. De temps à autre, au détour d’un regard, d’une inflexion, d’un silence, le masque se fissure et ne laisse émerger qu’une tristesse insondable. Qui se métamorphose, au contact de la musique conçue par Dan Lévy et interprétée en live par Pierre Belleville, en une boule de rage salutaire et contagieuse. Plus encore que bouleversant : le spectacle se révèle nécessaire.

SUZANNE CANESSA

Le Consentement a été joué du 3 au 8 octobre au Liberté, scène nationale de Toulon

Le dessin pour se réparer 

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Conte pour enfant sourd © Mahé Boissel

La Saison du Dessin initiée par Château de Servières se concrétise au Arteum-musée d’art contemporain de Châteauneuf-le-Rouge avec l’exposition collective Réparations. Celle-ci est née du constat de la commissaire Christiane Courbon que « la réparation intervient de plus en plus dans les pratiques artistiques qui parlent de ce point de jonction entre blessure, cassure, accident, traumatisme, panne…». Un titre générique pour des pratiques et des points de vue multiples, des générations entremêlées et des intentions différentes : certains se détachent du sensible, d’autres assument l’affect. Tout ce qui fait le sel, justement, de cette proposition où les artistes s’approprient le lieu (avec ses propres fissures, fuites et dégâts occasionnés par le temps et l’histoire), le transforment, le remettent en état. 

Points de suture
C’est le cas de Goulven Delisle qui « crée du récit, de l’imaginaire ou de la fiction avec les matériaux utilisés dans sa pratique artisanale : argile, pigments, chaux, métaux » en intervenant directement sur les quatre cheminées de l’ancien château. Une manière de Rallumer le feu en dessinant dans l’architecture un trait d’union discret entre les pièces. 

Dans la série au fusain À nouveau le paysage, Rose Lemeunier emprunte à Poussin, Bosch ou Friedrich la force de leurs paysages pour en produire une nouvelle lecture, provoquer d’autres sensations par effets de disparition. Travaillées au scalpel, ses images ressuscitent la beauté à sa manière, tronquée, dans ce qui a été « abîmé ». Superposés, accumulés, rapiécés, plâtrés, brodés, les tissus d’Anne-Marie Renan ont une histoire intimement liée à sa grand-mère ; points de couture ou points de suture, ils racontent un peu de la vie de Célestine, laissant filer le long des murs quelques vers de Palme de Paul Valéry… 

De mémoire, il en est aussi question dans l’installation de Corinne De Battista qui chine, se réapproprie photos et matériaux anciens pour réinventer un voyage universel. Mémoire, mais aussi faille et fêlure, dans les dessins puissants de Mahé Boissel – une série de 22 présentés à tour de rôle – où les corps s’abiment, les visages se déforment, où douceur et férocité s’entrechoquent, où les récits prennent la couleur de contes troubles et tourmentés. Tel un ruban enveloppant l’ensemble, les interventions de Brian Mura sont le fruit d’une imagination infinie, visuelle autant que formelle. Preuve s’il en fallait de la générosité du dessin contemporain. 

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI 

Réparations 
Jusqu’au 17 décembre 
Performance le 3 décembre de Claire Camous 
Arteum-musée d’art contemporain, Châteauneuf-le-Rouge
mac-arteum.com

Vers le métavers

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Sammie Veeler, well, 2021

Ouvert aussi bien aux amateurs qu’aux néophytes, organisé par l’association Faire Monde, l’édition 2022 d’Octobre Numérique va explorer, à partir de pratiques liées au virtuel, et autour du thème « Jouer collectif », les nouveaux rapports au vivant, les “communs” technologiques, les communautés inclusives ou les nouveaux modes de participation dans l’espace public. 

Rencontrer
Trois conférences-rencontres vont se dérouler au Théâtre d’Arles avec des artistes, chercheur·e·s, expert·e·s internationaux·ales et entreprises de technologie (gratuit sur réservation : ici ). Le 5 octobre, Julia Marchand d’Extramentale, Makan Fofana et Hugo Pilate de Banlieue du Turfu ou encore Lugh O’Neil, compositeur et artiste sonore vont évoquer D’autres imaginaires pour le métavers. Le lendemain, Créer inclusif, ouvert et durable réunit, parmi d’autres, l’artiste et commissaire Isabelle Arvers, le producteur Arnaud Dressen, ou l’artiste Stella Jacob. Le 7 octobre, Entreprises, emplois et carrières du virtuel met autour de la table Marie Albert et Mathieu Rozières de Dark Euphoria, Silvère Bastien du GRETA Provence, ou Naïm Zriouel de L’Épopée.

S’immerger

u2p050, On ne peut empêcher les oiseaux…, 2022

L’installation immersive à l’église des Trinitaires, On ne peut empêcher les oiseaux…, par le collectif u2p050, démontrera que « personne, du plancton, du flamant rose ou du pape ne prévaut sur les autres ». Tandis que dans l’église Saint-Anne accueillera des jeux vidéo et des mondes virtuels, crées par des initiatives artistiques collectives, dont certaines seront présentés par huit commissaires invités. Enfin, un parcours en réalité augmentée (en téléchargeant une application gratuite) dévoilera sur la Place de la République deux œuvres digitales : Genius Loci de Theo Triantafyllidis et Seeing/Unseen de Lauren Moffatt (cette dernière sera aussi visible dans la réserve naturelle du Marais du Vigueirat, dont elle s’est inspirée).

MARC VOIRY

Octobre Numérique-Faire Monde
Du 5 au 30 octobre
Arles et environs
octobre-numerique.fr

Les deux faces d’une même scène 

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Pochette de Nuits Blanches (Lollipop Records) © Olivier Gasoil

Ils sont nés dans les petites salles des grandes villes françaises. La Machine à coudre à Marseille, le Mojomatic à Montpellier, la Mécanique Ondulatoire à Paris… Ils sont partis en tournée, ont rencontré des gens qui écoutaient la même musique qu’eux, flanquaient les mêmes badges qu’eux sur leurs perfectos, des amitiés sont nées, une scène aussi. Cette histoire, c’est celle que nous raconte la compilation Nuits Blanches, portée par Thibault Sonet (Les Lullies, Montpellier) et Stéphane Signoret (Lollipop Records, Marseille). Un instantané de cette scène – ou une photo de famille – du garage-punk français actuel, en seize pistes tranchantes et pleines de vie. 

L’envie de sortir une compilation était déjà présente depuis quelques années dans l’esprit de Thibault Sonet : « J’ai toujours aimé les compilations qui ne se font pas quinze ans après, mais sur le moment. » Après une première tentative décevante sortie il y a quelques années, la faute à « une distribution catastrophique », le musicien a décidé de relancer l’idée et solliciter des groupes. « Ils ont été enthousiastes, certains ont enregistré des morceaux exprès pour la compilation. Tout le monde a répondu présent. »

Même si le choix de sortir le disque sur un format vinyle limitait le temps d’écoute, et de donc de groupes, la sélection s’est faite naturellement. « D’une façon ou d’une autre, je les connais tous. Ce sont des groupes qui jouent ensemble, qui se connaissant, certains s’enregistrent les uns les autres. »

Punk, garage et powerpop
À tout seigneur tout honneur, la compilation s’ouvre avec Les Lullies. Dernier soir, un morceau powerpop à haute intensité, à la mélodie accrocheuse, parfaitement représentatif de ce qu’il reste à écouter. On retrouve une powerpop cette fois plus adoucie, avec le nouveau groupe marseillais Flathead mais aussi les Nordistes d’Almost Lovers

On bascule dans un punk pur-jus avec La Flingue (Marseille) et son À genoux dans la pisse, ou le Pesticide Kids des Scanners (Lyon). Pour représenter la scène toulousaine, Asphalt. Ainsi que Teenage Hearts pour Nantes, Food Fight pour Rennes et Boss pour Paris. 

Et si cette scène peut paraître inaccessible pour les profanes, le disque a eu la bonne idée d’intégrer un insert avec photos et quelques phrases sur chacun des groupes. Notons aussi la très belle pochette réalisée par le Marseillais Olivier Gasoil qui, lorsqu’il ne se couvre pas la tête de gaffer pendant un concert, le pose délicatement sur ses pochettes de disques, pour un rendu esthétique surprenant. 

NICOLAS SANTUCCI

Nuits Blanches 
Lollipop Records
Sortie le 21 octobre

Deux sœurs pour une reine

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Debora Waldman © Lyohdo Kaneko

« C’est une idée à laquelle je tiens, et qui me trottait dans la tête depuis déjà une dizaine d’années ». Idée que Debora Waldman a pris soin d’appliquer dès sa prise de poste à la tête de l’Orchestre national Avignon-Provence en 2020 : programmer, lors de chacun des concerts de la saison, une compositrice méconnue ou oubliée. « Le public avignonnais est ravi de ce parti pris. C’est un pari difficile car les partitions ne sont pas connues des musiciens : ils ne les ont pas du tout dans l’oreille ! Cela nécessite donc un travail supplémentaire, ou du moins différent. Mais qui vaut amplement le coup. Et qui permet au public de venir et de s’ouvrir sur un nouvel imaginaire, un nouveau paysage musical. » 

Le concert concocté avec les mezzos Karine Deshayes et Delphine Haidan ne déroge pas à la règle, Deux soeurs propose de redécouvrir non pas une, mais trois compositrices. Dont la grande Pauline Viardot, née Malibran, que l’Histoire aura retenue avant tout pour ses talents de cantatrice. Les extraits de ses opéras de chambre, écrits pour voix et piano, ont été orchestrés par Johan Farjot, complice de longue date du duo – il a notamment enregistré avec elles chez Klarthe cette année le très bel album Deux mezzos sinon rien. « Johan a pris soin de rester fidèle à l’esprit de ces œuvres romantiques françaises. Ce sont des traits que l’on trouvera entre autres chez Berlioz : la transparence orchestrale, la délicatesse dans les interventions des vents. Mais aussi chez Louise Bertin et Clémence de Grandval.» 

Une première
De Louise Bertin, les mélomanes les plus avertis ne connaissent encore que La Esmeralda inspirée de Victor Hugo. Le concert du 12 octobre, redonné à la Philharmonie de Paris le 14, propose d’entendre une œuvre n’ayant fait l’objet d’aucun enregistrement : l’ouverture de son Faust. Le Mazeppa de Clémence de Grandval, inspiré de la légende populaire ukrainienne, comporte également des similitudes esthétiques et politiques avec Les Troyens de Berlioz dont les mezzos interprètent des extraits. On retrouve par ailleurs à l’affiche des morceaux choisis de Gluck, mais aussi des Italiens Rossini et Bellini. Avec pour fil rouge les sœurs Malibran, cantatrices inimitables : Pauline, donc, et Maria-Felicia, « des voix extrêmement virtuoses, pour lesquelles les compositeurs d’alors créaient ces personnages très exigeants, vocalement et scéniquement parlant. » Des voix qu’il est grand temps de faire de nouveau résonner.

SUZANNE CANESSA

Deux sœurs 
12 octobre 
Opéra Grand Avignon
orchestre-avignon.com

Lindbergh par Lindbergh

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Sasha Pivovarova, Steffy Argelich, Kirsten Owen & Guinevere van Seenus, Brooklyn, 2015 © Peter Lindbergh

C’est une version XXL du photographe et réalisateur allemand Peter Lindbergh qu’offre l’association L’Œil en Seyneà la VillaTamaris, grâce à la collaboration de la Peter Lindberg Foundation. Untold Stories comporte 140 tirages sélectionnés par l’artiste peu de temps avant sa disparition en 2019, ainsi que deux installations monumentales : Manifest et ses immenses dos bleus collés aux murs, et Testament composée d’un film et de douze portraits. Une exposition testamentaire, donc, et une manière de se retrouver face à lui-même, prévue à l’origine pour le Kunstpalast de Düsseldorf et présentée pour la première fois en France.

Une exposition manifeste
Réputé mondialement pour avoir photographié les icones de la mode depuis les années 80, Peter Lindbergh se dévoile ici dans sa relation intime avec ses modèles, mannequins et actrices, toujours en quête de vérité et de sincérité de part et d’autre. Pas de tricheries – ce qui n’exclut pas la sophistication – mais des photos en noir et blanc, brutes, sculptées, inspirées par ses modèles. Toujours en quête de leurs vibrations intérieures, toutes racontent une histoire et chaque séance est une nouvelle aventure. Une rencontre qui dépasse le cadre strict de la mode au point de faire passer le vêtement au second plan. D’ailleurs, dans le choix opéré par Peter Lindbergh, peu de couvertures de presse mais des portraits sensibles, les paysages de son enfance, des scènes de rues, des nus tantôt inspirés de la statuaire antique tantôt libérés de toutes contraintes, et encore des regards… Savant dosage d’instants volés et de poses scénographiées. 

Exceptés les visages aux cadrages serrés, ses photos ouvrent sur l’ailleurs et fouillent le décor : une usine désaffectée, une fenêtre embuée, un café…  Des scènes qui ont une âme et se révèlent en profondeur grâce au commissariat d’Emmanuelle de l’Ecotais, chargée de la collection photographique du Musée d’art moderne de la ville de Paris. 

L’exposition se clôt de manière solennelle avec Testament qui plonge le visiteur dans une salle tendue de noir pour mieux accueillir les portraits en couleur de Emer Carroll, photographié derrière une vitre sans tain dans sa prison de Floride, un texte et un film (long plan fixe) qui témoignent de sa réflexion sur la peine de mort : « Chaque être humain ne vient-il pas au monde innocent ? ».   

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Untold Stories
Jusqu’au 18 décembre
Villa Tamaris centre d’art, La Seyne-sur-Mer
villatamaris.fr