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Juger la guerre

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© Frame Films

Un homme qui marche, de dos. Une voix off : « de terribles choses sont arrivées dans l’ex-Yougoslavie. » Cette voix est celle de Vladimir Dzuro, un ancien enquêteur du Tribunal pénal International pour l’ex-Yougoslavie, basé à La Haye entre 1993 et 2017. C’est lui le premier enquêteur tchèque qui va nous guider tout au long du film de Viktor Portel, L’Enquêteur, présenté au Primed dans la section « Mémoire de la Méditerranée ».

Quand la guerre éclate en 1991, le premier champ de bataille est la ville croate de Vukovar et le premier dossier concerne les crimes qui y ont été commis, les 300 personnes disparues. Photos, témoignages poignants de l’ancienne directrice de l’hôpital, d’une journaliste italienne, d’un survivant. Évocation de l’arrestation de Slavko Dokmanovic, poursuivi pour crimes contre l’humanité, « pas le plus grand monstre mais nous voulions qu’il soit arrêté et jugé. » Il s’est pendu dans sa cellule : « deux ans de travail et la justice n’est pas faite ! ». Beaucoup de gens espéraient que la Yougoslavie suivrait la voie de l’Allemagne post nazi. 

90 condamnés

Le deuxième dossier est le cas Arkan, de son vrai nom Zeljko Raznatović, qui a crée les Tigres d’Arkan et initié une « nettoyage ethnique ». Un homme très populaire en Serbie comme le précise Ivana Zanic, directrice du Centre de Droit Humanitaire. Témoins protégés, rescapés des massacres, tous racontent avec dignité et pudeur ce qu’ils ont vu et vécu. Rakan a été poursuivi pendant des années dans toute l’Europe, mais quand en avril 1999 on apprend qu’il est prêt à coopérer, il est abattu par un policier serbe : il aurait pu nuire au procès de Milosević.

Au total, le Tribunal a poursuivi 161 personnes et en a condamné 90. Ce n’est pas assez pour Vladimir Dzuro, l’enquêteur, qui regrette le manque de coopération des États : « J’ai quitté le Tribunal, car après 10 ans le stress et les émotions vous marquent ». Il a accepté une proposition de L’ONU. Mais les doutes sont toujours là : peut-être aurait-il dû continuer.

Guidé, par la voix de Vladimir, on apprend beaucoup dans ce film-enquête du Tchèque Viktor Portel, inspiré par le livre de son protagoniste, The Investigator: Demons of the Balkan. Un film éclairant dans cette période troublée, dont on regrette qu’elle ne tire pas les leçons de l’Histoire… De quoi répéter encore les mots de Prévert « Quelle connerie la guerre ».

ANNIE GAVA

L’Enquêteur de Viktor Portel

L’Enquêteur, présenté dans le cadre du PriMed, Le Festival de la Méditerranée en images qui s’est tenu du 4 au 8 décembre à Marseille, a obtenu le Prix à la diffusion de la RAI( Italie)

Leçon d’intuition pianistique

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Le pianiste, lauréat du Paul Acket Award 2012 (North Sea Jazz Festival à Rotterdam), coup de cœur Jazz et Blues 2017 de l’Académie Charles Cros, délaisse parfois ses complices, tels James Carter, Roscoe Mitchell, Chris Potter ou Charles Loyd, pour jouer en solo.  Son CD Shadow Plays enregistré en 2020 en public à la Konzerthaus de Vienne (chez ECM) rappelle sa performance soliste. C’est dans cette dernière que le public de Fontblanche, la salle du Moulin à Jazz s’avérant trop exigüe, a eu le privilège d’écouter le pianiste dont les improvisations sont devenues un mode de jeu fascinant. Les sonorités qui semblent jouer des battements des cordes, frémissent de subtils écarts, endossent des fragrances métalliques, dressent des falaises sonores où les notes se précipitent en cascades, puis s’attardent sur un motif ostinato dont les orbes deviennent vecteur de rêve. La matière sonore est travaillée comme un tableau, avec ses détails, ses paillettes, ses larges paysages, ses aplats, ses empâtements, ses contrastes, ses glacis qui laissent vibrer les transparences, ses perspectives amples, ses vedutas fantasmagoriques, respirations où l’imaginaire se love. Au cœur de cette hypnose sonore se glissent les références à toute une histoire de la musique, on songe aux influences de Steve Reich bien sûr, mais aussi de Boulez, Ligeti, Keith Jarrett, lorsqu’un air de ragtime ne vient pas rappeler les origines du jazz. Abstraction lumineuse et dynamique envoûtante se conjuguent en un scintillant parcours qui passe du tellurique à l’aérien, frôle les ombres et les fait se muer en velours délicats avant une affirmation d’espoir, Now in Hope, et un bis dédié au chanteur et musicien Terry Allen. Une bulle poétique.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 1er décembre au théâtre de Fontblanche, Vitrolles 

Gaspard Koenig, en terrain conquis

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Certains lui auraient volontiers décerné le Goncourt. D’autres l’annonçaient déjà gagnant pour le Renaudot. Battu non sans surprise par Jean-Baptiste Andrea pour le premier et Ann Scott pour le suivant, Gaspard Koenig s’est cependant vu attribuer le prix Giono et le prix Interallié pour Humus, roman d’apprentissage qui ne cache ni ses ambitions politiques, ni ses prétentions littéraires. Un succès singulier et en demi-teinte pour un auteur coutumier de la chose, qui s’est illustré dans un curriculum aux multiples facettes et retournements souvent insolites, du goût pour l’essai politique au roman balzacien, en passant par de sérieuses velléités politiques.

Présidentiable déchu

Car le dernier coup d’éclat de ce normalien agrégé de philosophie remonte à l’élection présidentielle de 2022. Un an après la formation de son propre parti politique – Simple– l’ex-protégé de Christine Lagarde – et auteur, pour la garde des Sceaux, de nombreux discours – qui prônait jusqu’alors un libéralisme éclairé s’était, semble-t-il, durablement rangé du côté de la gauche écologiste. À la source de ce retournement : un voyage à cheval à travers l’Europe, inspiré du parcours de Montaigne. Une réponse simple semble alors s’imposer à tant de questionnements écologiques évoqués au fil de sa formation mais aussi de son parcours politique : celle du retour à la terre, et du travail en profondeur de celle-ci par le lombric, son allié de toujours. Seules ces bêtes tenues pourtant pour répugnantes seraient en mesure, selon de nombreux experts, de restaurer les terrains ravagés par l’agriculture intensive et la pollution des sols. Utilisés en masse avec le bon dosage d’engrais et une protection optimale, ces vers que tant d’humains redoutent encore seraient pourtant leur seul salut. Séduisante, cette idée se voit explorée dès l’entrée en matière d’Humus par un self-made man devenu ingénieur par la force des choses : Marcel Combe, intervenant extérieur, plaide sans être entendu pour ce retour à une terre vivante. Les jeunes Kevin et Arthur découvrent ainsi sur les bancs d’AgroParis Tech les possibles de cette restauration des sols 100% organique, et infiniment déclinables. Ils tenteront tous deux de la mettre en pratique, pour des résultats pour le moins dissemblables.

L’école du vivant

Gaspard Koenig © Élodie Grégoire

On retrouve, dans les prémices de ce roman à deux têtes, les marottes du premier Houellebecq. Ingénieurs agronomes comme lui, pas encore dépressifs mais déjà solitaires, le jeune bourgeois Arthur et son camarade Kevin, issu du prolétariat rural, prendront comme les deux frères des Particules élémentaires des chemins opposés à leur déterminisme social. Le premier en revenant cultiver la terre ravagée de ses ancêtres et rédiger sa thèse, croit-il, avec l’aide d’un simple RSA ; le second en rejoignant HEC et en commercialisant pour les plus offrants sa technique révolutionnaire de tri des déchets. On se prend à craindre le pire, notamment dans le traitement des personnages féminins gravitant autour des deux jeunes hommes et dépeintes, elles aussi, à gros traits. Mais Humus prend en cours de route un tournant moins systématiquement cynique, étoffe la psychologie de ses protagonistes et de leurs proches pour mieux mettre en lumière les choix limités qui s’offrent à eux. Si bien que leur évolution s’avère moins caricaturale qu’elle ne semblait au premier abord. Sans surplomb et sans complaisance, Gaspard Koenig scrute cette jeunesse en phase d’appartenir à la classe décidante : capable de balayer d’un revers de la main un mouvement de grévistes ou une affaire de fraude, mais aussi de pleurer, à son corps défendant, à l’écoute de la Chaconne de Bach. Le penchant pour le tragique se teinte ainsi d’un optimisme certain : tout est peut-être encore possible – mais pour combien de temps ?

SUZANNE CANESSA

Humus, de Gaspard Koenig
Éditions de L’Observatoire - 22 €
À venir
Dans le cadre des rencontres organisées par Libraires du Sud, Gaspard Koenig sera présent le 7 décembre à 18h30 à la Librairie Lettre Vives de Tarascon, le 8 décembre à l’Attrape-Mots à Marseille et le 9 décembre à 11h à la librairie Le Bleuet à Banon et à 17h30 au Dernier Rempart à Antibes

L’ombre de Sofiane Chalal en pleine lumière

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Ma part d'ombre © Marie Damien

« En dehors de la scène on me regarde comme un gros. Quand je suis sur scène, soudain, tout change dans le regard des gens : je deviens un peu extraordinaire, comme sublimé. » C’est Sofiane Chalal qui parle, né à Maubeuge en 1986 dans une fratrie de frères danseurs. Dès 7 ans, il suit leurs cours et leurs parcours, et la danse devient rapidement une passion. Avec d’autres, ils fondent le label Metis, présentent des spectacles et participent régulièrement à des concours chorégraphiques et à des battles dans lesquelles Sofiane Chalal se distingue régulièrement. Jusqu’à devenir vice-champion du monde en 2008. À partir de 2015, il s’ouvre à la création contemporaine et devient interprète pour des chorégraphes contemporains tels que Farid Berki (Stravinski remix, 2015), Christophe Piret (Barbaresques, 2016) et Brahim Bouchelaghem (CRIII, 2018). Puis il chorégraphie sa première pièce en duo avec Aziz El Yooussoufi (Sofaz, 2017). En 2018, à l’âge de 30 ans, il est le vainqueur de la Red Bull Dance Your Style qui se déroule à Lille et Paris. Et fonde sa compagnie Chaabane. 

Hors-norme

Une reconnaissance internationale avec un physique hors-norme, qui fait de Ma part d’ombre, sa première création solo, un manifeste. Son corps de « gros », son allié et son ennemi, en est le sujet. « L’ombre » du titre concerne son corps virtuose, qui ne se dévoile que sur scène, à des moments précis, à la différence de son corps quotidien, visible hors-scène, tout au long des jours. Un spectacle où il crée et fait intervenir son double animé, mêlant danse, texte et images, puisant autant dans le mime que dans le hip-hop. Et une chorégraphie qui explore l’espace infini de la conscience corporelle.

MARC VOIRY

Ma part d’ombre
Du 12 au 23 décembre
Théâtre des Bernardines, Marseille

OCCITANIE : Danser le déjà-vu

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D'un matin de printemps © Mickael-Cedric/studio de l'estrade

Le spectacle, créé à l’opéra d’Avignon en octobre, ne bénéficiait pas des conditions optimales dans lesquelles il a vu le jour : l’Ensemble Ouest, qui jouait en live les 29 et 30 octobre à l’opéra d’Avignon n’était pas présent, et l’enregistrement manquait de relief et d’ampleur face à la musique électronique séduisante et claire de Matteo Franceschini ; les lumières, sans doute mal réglées, laissaient l’espace dans la pénombre et le grand miroir qui descendait au-dessus de la scène pour refléter le sol et les danseurs, n’en laissait voir qu’une partie, diminuant l’effet troublant de dédoublement des tableaux.

Mais la qualité du travail du chorégraphe restait entière : les tableaux successifs aux esthétiques très diverses, toutes parfaitement maitrisées par les treize danseurs, se succédaient, mettant en avant chaque interprète et soulignant la cohérence du corps de ballet, du pas de deux néoclassique sur pointes jusqu’au tableau final, théâtral défilé lugubre, baroque, lentement marché. 

Références érudites

Entretemps, un panorama des techniques de danse qui ont marqué le siècle, le XXe, jusqu’au nôtre, avec une forte propension à en retenir les pages les plus athlétiques, rapides, les ensembles à l’unisson, les figures en parallèle. D’un matin de printemps est tissé de véritables citations de danse moderne française et américaine, du Faune de Diaghilev, de Cunningham et Preljocaj, sortes d’hommages jamais pastiches, et qu’on peut tout à fait apprécier sans les « refs ». 

Après trois ans d’un travail de remise à niveau du Ballet de l’Opéra, tant dans son répertoire profondément renouvelé, que dans l’impressionnant carnet de tournée qu’il possède désormais, Emilio Calcagno cède la place, préférant se consacrer à sa carrière de chorégraphe avec des interprètes et des cadres choisis, en compagnie. 

La transformation profonde qu’il a su insuffler au ballet profitera très certainement à son successeur.e, en cours de recrutement. 

AGNES FRESCHEL

D’un matin de Printemps, créé à l’Opéra d’Avignon les 29 et 30 octobre, a été joué au Théâtre Molière, Scène Nationale de Sète, le 3 décembre

OCCITANIE : Youssoupha : un rappeur à l’opéra

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Youssoupha © X-DR

Faire venir un rappeur à l’opéra, c’est pas si fréquent. Valérie Chevalier, la directrice de l’Opéra Orchestre national de Montpellier l’a osé. Résultat ? Un public composé de cheveux blancs, de casquettes et de demi-portions. Avec sa verve punchy, Youssoupha est visiblement à l’aise sur la scène de l’Opéra Comédie. Représentant du rap français dans ce qu’il a de plus poétique et inspiré, dans la lignée d’IAM ou d’Oxmo Puccino, il ne cache pas sa joie d’être à Montpellier. Et se rappelle d’ailleurs avoir donné son premier concert en tant que tête d’affiche dans cette même ville seize ans plus tôt. C’était à Victoire 2. Mais rien à l’époque ne laissait présager sa programmation dans un tel décor, cinq albums plus tard et une notoriété indéniable forgée sur scène. D’ailleurs il l’affirme : c’est la première fois que son Gospel Symphonique Experience fait étape dans un opéra. Il en profite pour affectueusement affubler Valérie Chevalier du titre de « caillera » pour la remercier de l’invitation. 

Rythmique de précision

Créé en 2022 aux Nuits de Fourvière, le spectacle Gospel Symphonique Experience est porté par le talent du rappeur et de ses acolytes : le pianiste Emmanuel Sauvage et le violoncelliste et arrangeur Olivier Koundouno. Comme dans chaque ville où a été joué le spectacle, ce dernier a travaillé sur la partie symphonique main dans la main avec un orchestre local, ici celui de Montpellier. Ainsi, les titres de Youssoupha se jouent d’airs bien connus comme ceux de La Marche Impériale, de Carmen ou de Still D.R.E, des classiques chacun à leur manière. Mais aussi une reprise de Renaud (suprenant La Médaille à la gouaille sans langue de bois) tout comme un morceau en lingala. La voix de Youssoupha est un métronome rythmique de précision, un canal d’expression d’une tessiture dense et généreuse. Accompagnée d’ un chœur de gospel lumineux, six voix, quatre femmes et deux hommes. Le public est survolté comme jamais, le rappeur en profite pour faire une tournée de checks dans la salle et demande même aux spectateurs de se prendre dans les bras par fraternité. Et ça marche ! L’orchestre de Montpellier, brillant dans son rôle d’accompagnateur tout terrain est ovationné à tout rompre. Youssoupha le renomme même « orchestre intersidéral de Montpellier ». Et c’est bien mérité. « T’avais jamais entendu de rap français », affirme un titre du rappeur. Lequel clôt ce concert bourré d’énergie en affirmant « Je te parle de rage, de kif et d’espoir ». Ce soir les cultures se sont croisées, les publics embrassés, les musiques fusionnées. C’est aussi ça le rap, et ça fait du bien. 

ALICE ROLLAND

Le concert Youssoupha : Gospel Symphonique Expérience a eu lieu le 2 décembre à L’Opéra Comédie, Montpellier

Un Noël en rouge et blanc

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Theatre Group © G.C.

Il fait froid, ce premier dimanche de décembre, pour le marché de Noël de la Cité des arts de la rue. Mais la chaleur humaine n’y est pas un vain mot. Une foule colorée se presse devant les stands de producteurs locaux, fruits, légumes, pain, miel… À côté, les animateurs de Bourlingue et Pacotille, artistes-marins de leur état, ramènent le chaland et une marmaille enthousiaste pour tester leurs jeux aquatiques, tandis que l’association de couture de récupération Les Nippones propose une loterie vintage. Sur le Mur du Fond, une nouvelle fresque collaborative est en cours d’élaboration : sous la houlette de l’artiste GLP, des manieurs de perceuse à percussion se relaient sur des carrés multicouches pour en faire apparaître différentes strates. Assis sur les tables, à l’heure du repas, tout le monde ôte ses gants et desserre son écharpe pour casser la croûte avec bonne humeur.

On déguste

À 14h30, branle-bas de combat : un spectacle est annoncé. « Il paraît qu’on y boit du vin », souffle une participante à sa voisine, venue comme elle assister à la prestation en solo de Patrice Jouffroy (Cie Théâtre Group’). Ces dames sont bien informées : l’artiste est bien venu de son Jura jusqu’à Marseille pour rincer le public des Aygalades. Une dégustation, c’est tout un rituel : il faut juger visuellement de la qualité des crus, les sentir avant de les goûter. M. Patrick fait deviner leur provenance, leur prix… Ce qui réserve bien des surprises : un vin cher n’est pas forcément bon, et vice-versa. Certes, le démarcheur de Vitidistri a tendance à tâter la marchandise de son patron, et enquille les ballons de rouge ou de blanc tout au long de sa démonstration. Il n’a pas retrouvé ses cache-bouteilles professionnels pour les tests à l’aveugle, donc il a mis des chaussettes à la place, « mais je les ai nettoyées il n’y a pas longtemps », prend-il la peine de préciser. Et le voilà qui ponctue son intervention de réflexions existentielles tragi-comiques, bien dans la façon de la Jurassienne de réparation, spectacle culte de la compagnie : prononcer mine de rien des commentaires aussi pensés que piquants sur notre société, au milieu d’un délire si légèrement esquissé qu’on ne peut pas vraiment le qualifier de caricatural. Applaudi avec enthousiasme, il explique à la fin que, dans ce solo, « il y a de vraies choses sur le pinard, et puis sur la vie, vous en faites ce que vous voulez ! ».

GAËLLE CLOAREC

Un Dimanche aux Aygalades spécial Noël s’est tenu dimanche 3 décembre à la Cité des arts de la rue, Marseille.

Randonnée périurbaine 

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Photo de l'Observatoire Photographique des Paysages, de Geoffroy Mathieu et Bertrand Stofleth (2022), visible dans l'exposition Paysages usagés à partir du 8 décembre au Centre Photographique Marseille

Depuis 10 ans, le GR2013 réussit ce pari un peu fantasque de proposer 20 jours de marche autour de Marseille et sa métropole – soit 7 étapes d’une cinquantaine de kilomètres chacune – pour en décrypter les insolites paysages périurbains. Au fil des ans se sont ainsi succédés les marches thématiques, lectures du paysages, randonnées gustatives, conférences poétiques ou encore bivouacs sous les étoiles en compagnie d’artistes, de géographes, de montreurs d’ours urbains, de botanistes, de philosophes, mais aussi de collectifs d’habitants ou d’architectes-constructeurs. Instigateur et animateur de cet équipement socioculturel désormais pérenne, le Bureau des guides clôt cette “année-versaire” avec une nouvelle salve de festivités en ce week-end hivernal. L’occasion d’inaugurer, le 8 décembre au Centre Photographique Marseille, l’exposition plurimédia Paysages usagés, entourant la sortie à venir de l’ouvrage éponyme des photographes Geoffroy Mathieu et Bertrand Stofleth (publication courant janvier 2024 aux éditions Building Books). Mais aussi de célébrer la mémoire du regretté Hendrik Sturm, érudit artiste marcheur, théoricien du « mille-feuilles de couches cartographiques » et compagnon de longue date du GR2013 disparu au cours de l’année, avec une marche collective organisée le 9 décembre sur le plateau de l’Arbois, qu’il aimait tant arpenter. 

JULIE BORDENAVE

Paysages usagés
Du 9 décembre au 24 février 
Centre photographique Marseille
Marche collective sur le plateau de l’Arbois
9 décembre

Le pouvoir de l’art 

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La metteuse en scène marseillaise est de celles qui aiment les textes, les acteurs, l’engagement. Les pièces qu’elle choisit parlent de politique jusque dans les relations amoureuses, et on se souvient de son Ubu Roi puissant, de son Marivaux subtil, de son Lagarce irrévérencieux. Tableau d’une exécution, chef d’œuvre d’Howard Barker, créé au Théâtre Joliette (Marseille) en 2022 et repris au Théâtre des Halles (Avignon) pendant le Festival, s’inscrit dans son parcours comme une évidence.

Quelques femmes libres

Le personnage principal, peintre de la République de Venise renaissante, est une femme libre et complexe, inspirée d’Artemisia Gentileschi (une Grande Maitre longtemps invisibilisée) comme le répertoire (masculin) en offre peu. Confié à Maud Narboni, comédienne puissante et insoumise, le personnage a (enfin !) toutes les complexités d’un rôle masculin au théâtre,  dans son rapport au pouvoir, au désir, au sexe, au corps, au travail, à Dieu. Peignant la bataille de Lepante en révélant toute l’horreur de la guerre, des corps dépecés, amputés, éventrés, elle provoque son commanditaire, un doge pourtant éclairé (magnifique Nicolas Gény), le cardinal évidemment, mais aussi ses collègues, son amant et sa fille qu’elle maltraite, son compagnon de cellule… 

Portant cette radicalité à la fois admirable et agaçante, Maud Narboni campe une Galactia qui ne cherche pas à plaire, mais à convaincre. Son orgueil est là, elle sait qu’elle a le talent pour donner à voir, pour faire bouger les lignes, pour montrer l’horreur et contrebalancer le désir de gloire des puissants, pour donner un visage à la souffrance. 

Un discours sur l’art et le politique éminemment dialectique : si le pouvoir sort toujours vainqueur de la confrontation, jusqu’à la récupérer à son compte, c’est bien la représentation qui, in fine, marque les consciences, au-delà de toutes les formes, plus ou moins violentes, de censure.  

AGNÈS FRESCHEL

Tableau d’une exécution a été joué au Bois de l’Aune, Aix en Provence, les 28 et 29 novembre.

Sideral : hors du temps et de l’espace

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© Nadège Sanz

Au début du spectacle, la scène est plongée dans une obscurité troublée de flashes lumineux. Quelques sons s’échappent qui participent à l’étrangeté de la situation. On discerne après un temps (trop long) des formes massives suspendues qui, très lentement, se mettent à bouger. Ce sont deux corps, chacun sur une structure faite de barres suspendues, reliées par des fils. Peu à peu la lumière monte en même temps que se déploient les corps, comme des bourgeons qui se défroissent. Les deux danseuses, Mélusine Lavinet Drouet et Kamma Rosenbeck, évoluent dans une lenteur dont on mesure la difficulté, tant elle demande plus de virtuosité que la vitesse.

Résistance et légèreté

Le regard est happé par l’élégance et la maîtrise des mouvements. Aucun effort n’est visible. Les déplacements semblent naturels et défient la pesanteur dans une sorte d’insouciance. Le temps lui-même est suspendu… L’univers sonore du groupe Noorg, avec Loïc Guénin et Éric Brochard, accompagne en direct les deux interprètes et culmine avec les vibrations d’un immense gong qui occupe la partie centrale de la scène, créant un univers interstellaire.

Peu à peu les deux femmes retrouvent le sol, courent en exécutant des gestes rapides. On s’attendait à une rencontre plus chaleureuse et une chorégraphie plus complice. Les danseuses ne font que se croiser, se tournent le dos et semblent s’éviter. Est-ce à dire que la terre est inhospitalière ? Sébastien Ly, le chorégraphe, a-t-il voulu souligner une déception ? Est-il si difficile d’habiter la terre ?

CHRIS BOURGUE

Sidéral de Sébastien Ly, a été créé le 2 décembre au Zef, scène nationale de Marseille.