La Comédie-Française à Marseille ! Quoi de plus évident ? Comme le dit Dominique Bluzet, initiateur de l’événement, « la république des arts appartient à tous les Français ». Dans la deuxième ville de France mais aussi dans toutes les régions, les droits culturels ne doivent pas être au rabais, en deçà de ceux des habitants de la capitale dont l’exode prend d’ailleurs une ampleur inédite. En cette année de célébration des trente ans de la création du label de scène nationale, l’ambition de décentralisation culturelle doit être réaffirmée, renforcée, revitalisée. Même si le service public de la culture n’est pas celui le plus à plaindre dans une France qui vit au rythme des reculs sociaux et démocratiques. Si Zébuline se bat pour exister et perdurer – ce qui est loin d’être gagné – ce n’est pas seulement pour prescrire des « sorties culturelles » en ces temps de morosité et d’incertitude. Si nous nous accrochons pour résister aux fléaux de l’uniformisation, de la concentration et de la marchandisation, c’est avant tout pour apporter notre part de réflexion à la construction d’une société irriguée, transcendée par les enjeux d’égalité, d’émancipation et d’épanouissement que véhiculent la création artistique et la pensée culturelle. Une visée qui n’est pas, comme on l’entend encore trop souvent y compris dans la sphère progressiste, une lubie de bobos déconnectés des aspirations populaires. Les acteurs et actrices du champ culturel sont des travailleurs et des travailleuses du monde réel. Ils sont nombreux à prendre part à l’appel à la grève du 29 septembre. Que ce soit pour une revalorisation salariale, l’arrêt des suppressions d’emplois ou une transition écologique socialement juste. Avec l’arrivée au pouvoir d’un parti néofasciste en Italie, le bubon pesteux poursuit sa gangrène de l’Europe. Si elle n’est pas un antidote miracle à l’extrême-droitisation du débat politique et sociétal, la culture est un traitement au long cours dont les effets peuvent durablement élever les esprits. C’est sur le terrain d’un journalisme culturel qui affranchit les consciences que notre titre se positionne. Résolument. Après les parutions de Zébulinele mag et le lancement de Zébulinele web, nous faisons un nouveau pari. Zébulinel’hebdo paraîtra tous les mercredis dans les pages de La Marseillaise, et en tiré à part disponible en kiosque le jeudi. Un hebdomadaire culturel en Provence ? « Mais quelle folie ! », diront certains. Nous leur répondrons avec les mots d’Alain Damasio: « La folie n’est plus folle dès qu’elle est collective ».
La huitième édition du Gréoux Jazz Festival concoctée par l’association FestiGréoux déclinait cette année encore, avec le même talent, une série de concerts qui, par leur variété, offraient une palette jazzique éclectique fondue dans une même exigence de qualité. Après l’enthousiasme suscité par le groupe montpellierain The Big Marteen’s et la performance des danseurs de swing, William, Maeva, Stacy et Ludovic, et précédant la soirée de jazz manouche, revenait le génial pianiste et compositeur Julien Brunetaud (sacré meilleur pianiste de blues d’Europe par les trophées France Blues en 2005 et 2006 et surtout, marseillais d’adoption depuis quelques années) en une formation de quintette. Au trio initial, le JB3, avec Sam Favreau (contrebasse) et Cédrick Bec (batterie), deux artistes majeurs de la scène jazz marseillaise avec lesquels le pianiste vient de sortir son cinquième album, Feels like Home (un petit bijou qui s’écoute en boucle), se joignaient deux comparses, aussi issus de la région, Vincent Strazzieri, saxophone ténor, qui a fait ses études de jazz au Conservatoire d’Aix-en-Provence et le tromboniste Romain Morello (à la tête du département jass du Conservatoire de Marseille). Le « JB5 » donc, arpenta avec un bonheur complice les terres du jazz, passant du regretté pianiste Junior Mance qui nous a quittés en janvier 2021 à des standards de Duke Ellington, des échos de Loockwood, le rythm and blues de Johnny Otis band et un parfum de blues de la New Orleans avec ses bayous, ses histoires… Les instruments s’orchestrent entre soli, trio (le groupe fondateur), quintette, épousant avec une élégante intelligence les tempi et l’esprit de chaque univers. La voix très « Nashville » du pianiste se glisse avec humour dans le tissu des chansons tandis que trombone et saxophone se livrent à de subtiles cadences. La batterie en un jeu très précis et fin soliloque avant de laisser la contrebasse duettiser en une émulation joyeuse avec le piano. Ce dernier s’envole parfois en solitaire, explorant les contreforts d’une âme en notes rêveuses ourlées de souvenirs de Debussy. Un boogiewoogie endiablé transporte la salle avant un lever de soleil annoncé par le jeu léger des baguettes, conclusion douce qui referme le propos de sa poésie onirique.
MARYVONNE COLOMBANI
Concert donné le 15 septembre au Centre de Congrès l’Etoile, à Gréoux-les-Bains, dans le cadre du Gréoux Jazz Festival
La parenthèse, aussi grisante et libératrice soit-elle, des festivals de l’été ne ternit jamais le plaisir de retourner dans les salles. De retrouver les plateaux de nos lieux fétiches. De renouer avec les esthétiques toujours plus transdisciplinaires et décloisonnées, assemblées avec justesse et sensibilité par les programmatrices et programmateurs. De reprendre enfin le fil des récits tissés par les artistes dont l’appréhension et l’absorption du monde contribuent à forger notre pensée, notre rapport aux autres comme à soi-même. Car lorsqu’on l’observe ce monde, on se dit plus que jamais qu’il y a besoin d’artistes et de créateurs·trices pour en traduire la complexité. À rebours des discours à l’emporte-pièce, formulés par certain·e·s responsables politiques pour déplacer notre regard, fausser notre réflexion et souvent faire injure à l’intelligence collective. Après « la bamboche, c’est terminé », c’est au tour de « l’abondance » d’être mise au placard.
Tous en rêve !
De crise sanitaire en crise énergétique, de mesures inadaptées mâtinées d’autoritarisme en inflation à la justification douteuse, le peuple finit toujours par payer l’addition. Taxer les superprofits ? Interdire les jets privés ? Augmenter les salaires ? Quelle plaisanterie de populace ! La répartition des richesses ? Mais elle saute aux yeux… entre déjà riches ! Pour les autres, pensez à baisser le chauffage. Décidément méprisant à chacune de ses sorties, le président de la République ferait bien de décrypter le propos subtil et radical de celles et ceux qui font œuvre sur scène, dans leurs mouvements ou leurs récits. Un mot enfin sur Zébuline. Votre titre grandit vite. Nous nous sommes activé·e·s tout l’été pour vous offrir un site internet (journalzebuline.fr) que nous espérons attractif, réactif et intuitif. Entre vos mains, cet exemplaire consacré aux saisons est le troisième numéro sur les quatre qui paraîtront chaque année au format magazine. Dès le 28 septembre, une nouvelle publication, hebdomadaire cette fois, viendra boucler notre projet éditorial de renaissance d’un journal culturel, populaire, impertinent… et indépendant du Sud-Est. Notre abondance à nous, elle est culturelle ! Et notre mot d’ordre poétique : tous en rêve ! Au spectacle comme dans la rue.
Depuis quelques mois, c’est la dernière trouvaille des amateurs de pop-électro. De celles que l’on ne refile qu’à des amis dont on estime vraiment les goûts musicaux. Cette découverte c’est Éloi, ou Éloïse Leau. Une jeune artiste parisienne qui manie l’art des sons comme des mots dans un déchaînement de mélancolie brute.
Zébuline. Vous commencez à avoir du succès, faire beaucoup de dates, répondre à des interviews… Comment vit-on ce moment charnière d’une jeune carrière ?
Éloi. Ça tombe bien par rapport à là où j’en suis de ma vie. On a donné de l’importance à ma musique au moment où j’étais capable d’en donner sans me prendre la tête. L’année dernière, j’étais encore très stressée avant chaque live, il fallait faire deux jours de répétition avant, j’angoissais au moindre souci. Après une vingtaine de concerts, ça commence à être plus facile. Même s’il y aussi des choses angoissantes car l’industrie musicale n’est pas du tout simple. Il faut être très vigilant, parano, c’est dur de rester indépendant donc j’y travaille beaucoup. Savoir prendre le lead sur les décisions et ne pas se laisser marcher dessus. Il y a aussi ces moments intenses où je prends le train, je vois plein de gens et ensuite je me retrouve trois ou quatre jours seule chez moi… Je vais devoir apprendre petit à petit. Je suis super bien mais je sais qu’il faut faire attention et prendre du temps pour soi.
Être de plus en plus écoutée, ça vous touche ?
Ça me touche beaucoup. Ma musique c’est quelque chose de très intime, personnel, je ne prends pas vraiment de recul quand j’écris. Avant je la vivais très seule, je ne la faisais pas forcément écouter. Le fait que les gens écoutent et que ça les touche, ça me fait sentir moins seule.
Est-ce qu’on écrit différemment quand on sait qu’on va être beaucoup plus écoutée ?
Non je ne pense pas. J’essaie vraiment de garder un truc super instinctif. Je ne vais pas faire ce qu’on attend de moi. Par exemple dans ce que j’ai fait récemment, je sais que ça va être surprenant.
« Je ne vais pas faire ce qu’on attend de moi »
Justement votre musique est très hybride, on passe de l’eurodance à la synthpop en passant par du new wave. Pourquoi cet éclectisme ?
Je pense que ça se fait assez naturellement, je n’intellectualise pas trop dessus. J’ai besoin de réinjecter mes inspirations dans mes projets. Et j’écoute beaucoup de choses, donc ça part dans plein de sens. Je suis souvent sur SoundCloud, j’écoute de la synthpop, du rap, du rock, de la drum and bass, beaucoup de chanson française… J’essaie de ne pas me limiter.
Vous jouez de la guitare et du piano, comment ces instruments sont entrés dans votre vie ?
Mon père est musicien, il travaillait dans la chanson française et la musique à l’image. Il est guitariste, donc j’ai appris la guitare mais ce n’était pas mon principal instrument. J’ai fait du piano classique avec ma grand-mère qui a été professeure pendant dix ans, c’est ce qui me prenait le plus de place. C’est elle m’a ouvert à la musique.
À partir de quand avez-vous commencé à écrire votre propre musique, vos propres textes ?
J’ai commencé à écrire des textes avec le rap. Adolescente, je faisais un peu n’importe quoi, et je n’avais plus le temps d’aller chez ma grand-mère pour faire de la musique classique. J’ai rencontré des potes qui rappaient et ils m’ont tout de suite mise à l’aise. J’ai eu de la chance car dans le rap ce n’est pas simple pour les femmes. J’ai très vite posé, j’avais beaucoup de choses à dire donc ça m’a stimulée. Ensuite j’ai rencontré des potes qui produisaient de la musique, et j’ai commencé à faire du son avec eux. Mais les prods de rap, de trap, ne me convenaient pas vraiment, j’avais envie d’autre chose. Donc dès que j’ai eu mon ordi, j’ai téléchargé Logic [un logiciel de musique assistée par ordinateur, ndlr], et j’ai commencé à faire beaucoup d’instrus.
Je travaillais avec mon meilleur ami avec qui j’ai créé Criskat Palace [son ancien groupe, ndlr] et on écrivait du rap très personnel, mélancolique. Mais à un moment, être à deux me prenait beaucoup d’énergie, et lui voulait apprendre la production de son côté. Donc je me suis dit « je fais mon projet toute seule ». J’étais déterminée et j’ai sorti Acedia [son premier EP, ndlr]. C’était le début du covid, je venais de changer d’école et de rompre, je me suis dit que ça allait me faire du bien. Je n’ai fait aucune promo, mais en école d’art il y a beaucoup de gens qui écoutent de la musique, et le bouche à oreille a fonctionné.
« Montrer mes sons comme j’en ai envie»
Vous avez donc fait les Beaux-Arts, quelle discipline artistique pratiquiez-vous ?
J’en ai fait plusieurs. De base, je dessine beaucoup : du traditionnel, à l’encre, au crayon et peinture. J’ai d’abord fait l’école des Arts Décoratifs où je faisais du dessin d’animation, mais j’avais envie de faire autre chose et dans cette école, c’est un peu cloisonné par secteur. J’ai décidé d’aller aux Beaux-Arts, où j’avais plus de temps car il n’y a pas de cours, seulement un atelier dans lequel on travaille. J’ai pu faire mes dessins, du volume, de la musique. Ça m’a permis de lier toutes mes pratiques artistiques ensemble.
Beaucoup de gens vous ont découvert avec votre reprise de Wejdene Jtm de ouf, comment l’idée est venue ?
Je n’écoutais pas trop Wejdene, seulement ses premiers sons, mais je trouvais que c’était toujours la même chose, donc je n’étais pas trop attentive. Petit à petit beaucoup de potes à moi ont fait des reprises d’elle et je me suis remise à l’écouter. Et à ce moment-là, j’ai rencontré ma copine, on l’écoutait ensemble, c’était marrant. Puis avec mon grand frère qui fait aussi de la musique, on s’est dit de faire chacun une reprise de ce morceau. Lui a fait du baile funk et moi j’ai tout refait de A à Z, sans sample. Je l’ai offert en cadeau à un ami à moi, et mes amis ont commencé à l’écouter. À chaque fois, j’ai besoin d’un peu de reconnaissance pour avancer.
Vous allez jouer à Marseille pour le festival Utopia, est-ce difficile de retranscrire votre musique en version live ?
Au début je n’avais pas les capacités techniques. Mais à cette époque, je jouais dans des squats et des scènes undergrounds, donc je n’avais pas forcément besoin de donner des fiches techniques et d’expliquer comment je fonctionnais. Alors je faisais un peu n’importe quoi. C’était plus un DJ set chanté où je balançais mes morceaux. Puis petit à petit, mes potes m’ont dit que ce serait bien que j’ai un instrument en plus pour varier, qu’il y ait plus de couleurs. À ce moment-là, j’ai rencontré Mia Mongiello aux Beaux-Arts. Ma copine était dans le même atelier qu’elle et la rencontre s’est fait naturellement. À la même époque, j’ai rencontré mon agent qui nous a proposé une première grosse scène à La Villette. On a travaillé tout l’été, ça marchait très bien, elle a ramené sa création et ça m’a stimulée. Le concert s’est bien passé mais en termes techniques, il y avait encore beaucoup de chose à gérer. Alors j’ai demandé à mon ami Sammy Hammoum qui est musicien et ingénieur du son de m’accompagner. Donc on est une équipe de trois pour le live. On a repris ensemble tous les sons, et moi j’ai pu travailler la performance : faire un show et montrer mes sons comme j’en ai envie.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI
Éloi est sur la scène de l’Utopia festival, le 24 septembre à la Friche la Belle de Mai, à Marseille.
Entre pierres et mer des Voix Animées s’orchestre entre les rives toulonnaises et la minéralité des voûtes de l’église du Thoronet qui savent si bien mêler leurs vibrations à celles des harmoniques des voix, devenant personnages à part entière.
Après avoir abordé la musique de la renaissance à la cour des Gonzague et le subtilement érotique Cantique des cantiques du roi Salomon qui, dit-on, séduisit de ses mots la belle et sage reine de Saba. Les Voix Animées nous convient à un voyage italien où émergent les villes de Rome, Venise, Milan, Florence, Mantoue, Ferrare, Naples au détour de compositions de musique vocale sacrée de la Renaissance. L’Italie alors est terre d’accueil et d’inspiration pour les artistes soutenus par la cour pontificale et par de grandes familles, les Sforza, les Gonzague, les Médicis, les d’Este. Tous les plus grands musiciens de cette époque vinrent dans la botte parfaire leur formation et aussi leur réputation. Deux compositeurs majeurs du Cinquecento seront à l’honneur, Giovanni Pierluigi da Palestrina et Giaches de Wert. Grâce à leur influence, le « stile antico » de la Renaissance commença sa mue en un « stile nuovo » qui cherchera à s’approcher au plus près de l’expression humaine, répondant à une esthétique humaniste développée par les philosophes, les savants et les poètes qui mettaient en avant l’individu. L’art des Voix Animées nous emporte chaque fois au cœur d’une bulle poétique, immersion éblouie dans le tissage précis et délicat des compositions.
MARYVONNE COLOMBANI
Entre pierres et mer des Voix Animées
Le 23 septembre à 20h30
Église Sainte-Marie, Le Thoronet
Le 24 septembre à 20h30
Notre-Dame-de-la-Seds, Toulon
06 51 63 51 65 lesvoixanimees.com
Courageusement, l’équipe du beau festival Mus’iterranéepoursuit son travail de passation, offrant un voyage musical autour de notre planète, du 24 septembre au 8 octobre. Cette année se place sous le signe de la fête grâce à la Fanfare Mudanza et ses seize musiciens. Ils construisent un univers où se croisent funk, jazz, musique latine et rock dans une ambiance follement drôle, multipliant les reprises que l’on s’amuse à deviner entre deux pas de danse (24 septembre à la Bastide Granet). Le 25 s’installe au conservatoire Darius Milhaud Elements, un spectacle imaginé par l’agence Artistik. Conjuguant la danse (magnifiquement chorégraphiée par Sinath Ouk) et la musique du Bamboo Orchestra de Makoto Yabuki, dans une exploration des cinq éléments décrits par la tradition bouddhiste, (les godai de la culture japonaise) : terre, eau, feu, vent et vide. L’ensemble percussif né sous le signe du bambou est beau en soi puis fascine par la variété et l’énergie de ses compositions : une musique qui s’écoute aussi avec les yeux.
Une Manufacture made in world
Le fado de Carina Salvado oscille entre espoir et saudade à la salle Pezet du Tholonet. Filons du Portugal à la Russie, ses balalaïkas et le souffle tzigane des musiciens de Tchayok qui présentent leur nouvel album Tchifir (1er octobre à la Bastide Granet. Pour ceux qui pourraient grimacer, sachez que l’ensemble de la recette sera versée à une association de soutien à l’Ukraine). La Manufacture se met à l’heure du flamenco en invitant la compagnie Abiyelar (6 octobre), composée des familles Deleria et Santiago. Musique héritage, transmise oralement depuis des générations, le flamenco a été reconnu en 2010 comme représentatif du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.
Le même lieu accueille le célébrississime (oui, il faut au moins un « issime » de plus !) groupe de reggae ska né dans le Panier marseillais en 1997 : Raspigaous (7 octobre), dont les refrains seront sans aucun doute repris en chœur, que ce soit « sers le jaune » ou « contrôle d’identité ». Si le groupe raffole de la Mauvaise herbe (leur album sorti en 2005), ils apportent le souffle roboratif de leur Nouvel R (2019). Un « chaud time » à ne pas manquer. On traverse l’Atlantique pour le dernier concert qui nous plonge dans le bain de la salsa : Los Soneros del Caribe (8 octobre) renouent avec les musiques du Buena Vista Social Club mais aussi celles d’Ismael Rivera, Ibrahim Ferrer, Flia Valera Miranda et se livrent à leur propre inspiration pour des compositions nouvelles tout aussi prenantes. L’amphithéâtre de la Manufacture va danser !
MARYVONNE COLOMBANI
Mus’itérranée Du 24 septembre au 8 octobre Divers lieux, Aix-en-Provence 04 42 38 81 33 musiterranee.com
L’ambition de l’exposition Museum : Regard Afropéen est double : plastique, forte d’une maîtrise consommée du tissu wax et d’une identité graphique forte, l’exposition portée par Gombo Wax se veut également remodelage d’une histoire collective. Joyeux, mais toujours vif, le regard du jeune artiste transforme avec technicité des personnalités noires en icônes pop : Toussaint Louverture, Felwine Sarr, mais également l’héroïne Ourika ou encore Virgil Abloh… Le travail sérigraphique pointu et inspiré se fait ici célébration d’un patrimoine à reconstruire, sous la bannière de l’afropéanisme. Le concept, forgé par Johny Pitts et théorisé par Léonora Miano, n’a jamais semblé aussi actuel et pertinent. Il fait l’objet d’un débat organisé à la galerie le 22 septembre à 18h30 : « Imaginer un musée de la rencontre ». Il réunira Gombo Wax, mais aussi l’artiste militant Seumboy Vrainom et la chercheuse Ariane Leblanc, sous la modération de la journaliste touche-à-tout Alephandra Siassia. Le débat sera enregistré pour le podcast Intersexion.
SUZANNE CANESSA
Museum : Regard Afropéen Jusqu’au 6 octobre Galerie Solarium, 40 boulevard de la Liberté, Marseille solariummarseille.fr
A Filetta et les deux membres du Cri du Caire, le saxophonistePeter Corseret le poète improvisateur Abdullah Miniawy, se sont rencontrés au festival international Les Rencontres de Chants Polyphoniques de Calvi. De ce coudoiement est né un spectacle, Lumio, que la Cité de la musique de Marseille présente hors les murs, à l’abbaye Saint-Victor. Repoussant l’étroitesse des limites géographiques qu’instaurent les petits esprits, A Filetta (Jean-Claude Acquaviva, auteur-compositeur, siconda, François Aragnibassu, Jean-Do Biancobassu, Petr’Antò Castasiconda, Paul Giansilyterza, Maxime Vuillamierbassu) qui, nourri de la force de ses racines corses, se plaît à aborder les territoires les plus variés, mêlant la chorégraphie des voix et des corps, comme avec Mohamed Cherkaoui par exemple. Passant de manifestations internationales à l’abri de petites églises qui épousent les harmoniques, la formation emblématique de l’île méditerranéenne unit ici la subtilité de ses polyphonies aux poésies et aux chants inspirés de l’Orient soufi des auteurs du sublime Purple Feathers. Avec son titre de lumière, Lumio se livre à une exploration intime des sonorités, des mélodies, des textes, des phrasés des deux rives de la Méditerranée, la réinvente dans un esprit de vibrante liberté. La tradition, loin d’être un carcan, devient ici vecteur de création, de rencontre de l’autre, de l’écoute, offre un monde poétique où l’on a envie de vivre. A Filetta cite dans sa présentation l’aphorisme de René Char : « les plus pures récoltes sont semées dans un sol qui n’existe pas ; elles éliminent la gratitude et ne doivent qu’au printemps ». Quel symbole !
MARYVONNE COLOMBANI
Lumio
Le 24 septembre à 21 heures
Abbaye Saint-Victor, Marseille
04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com
Guerres, restrictions, pandémies, nouvelles alarmantes du climat… on ne peut pas dire que le temps soit à la légèreté. Est-il un défi que les artistes ne relèveraient pas ? Claire Massabo reprend à son compte l’adage de la politesse du rire au cœur des pires situations et fonde BICEPS, acronyme de Brigade d’Intervention Clownesque et Poétique, y ajoutant un s majuscule, car notre monde est pluriel et que le muscle sollicité pour l’affronter s’est décidé multiple même au singulier. « Ô rage, ô désespoir », sans doute, mais sans humour, ce serait vraiment indécent ! Les quatre comédiennes, musiciennes, chanteuses que sont Cécile Defaÿ, Sofy Jordan, Marianne Suner et Sophie Szoniecky, dûment mandatées par L’Auguste Théâtre se livreront à des interventions drolatiques et impromptues mêlant chansons, saynètes aux chutes inattendues, provoquant avec sourire le public, lui susurrant poèmes et mélodies. Passeront à la moulinette de leur verve le quotidien, le travail, les études, l’amour qui apprivoise les rimes les plus excessives mais aussi la douceur colorée de l’automne, du chant des oiseaux, la calme fraîcheur des sous-bois… Bref, la magie évocatoire du théâtre à portée de tous !
MARYVONNE COLOMBANI
BICEPS
Le 22 septembre à 11 heures 45, 13 heures 15 et 14 heures 15
Parvis du bâtiment Egger, campus Schuman, Aix-en-Provence
Le 3 octobre
Lancement de saison du théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence
04 42 92 27 68 lausgustetheatre.fr
Dans Les Aventures de Gigi la Loi, Alessandro Comodin brosse avec tendresse, drôlerie et virtuosité, le portrait de son oncle Pier Luigi Mecchia, dit Gigi. Des « aventures », dans le petit village paisible du Frioul où officie Gigi, policier des champs, il n’y en a guère. Ni bruit ni fureur sur ces routes désertes bordées d’herbes folles. Peu de problèmes graves entre ces villageois qui se connaissent tous. La police est par nature de proximité et ne règle guère que des querelles de voisinage. Il y a bien une voie ferrée et quelques suicides sous le train, de vagues enquêtes sur de vagues homicides, des zinzins à amener parfois à l’hôpital psychiatrique, mais tout cela, définitivement hors champ, ne génèrera aucune péripétie.
Suspect imaginaire
Quant à « la loi », épithète homérique accolée à Gigi, elle lui est donnée par des collègues policiers taquins, Gigi aimant bien ce qui est interdit. Refuser de couper les arbres de son terrain qui menacent de tomber chez les voisins. Aller au-delà du périmètre de ses patrouilles. Suivre, sans en avoir mission, des individus qui lui paraissent louches. Désobéir au chef surnommé le Faisan qu’on ne verra jamais. Draguer via la radio de son véhicule de fonction, Paola, la policière du standard à la belle voix, qu’on ne verra pas davantage, titillant délicieusement notre imagination et celle de Gigi. Car, dans ce surprenant documentaire malicieusement scénarisé, le hors champ sonore et visuel soutient sans cesse, mieux que ne le ferait un thriller, l’intérêt du spectateur, introduisant dans un réel prosaïque et répétitif, une subtile étrangeté. Incroyable séquence nocturne de préambule dans un jardin-jungle où Gigi vu de trois quart dos, en un plan séquence de huit minutes, s’adresse à un interlocuteur invisible face à ses arbres chéris. Plan presque surréaliste où, alors que Gigi fait les cent pas dans la rue vide, guettant un suspect imaginaire, arrive vers nous un cycliste qu’on peut croire dangereux mais qui s’avère femme, vieille et inoffensive.
Mêmes itinéraires, même paysage qui défile à la fenêtre-chauffeur ou qu’on découvre en caméra embarquée à travers le pare-brise, même bruit métallique quand le véhicule passe sur le pont qui enjambe la rivière, mêmes conversations banales avec les collègues : le réalisateur nous fait partager la routine professionnelle de Gigi, presque toujours en uniforme. On ne connaîtra pas sa vie privée. Le quinquagénaire à la bonne bouille, cheveux clairsemés et sourire d’enfant, chante des chansons populaires – d’amour, bien sûr : il n’a rien d’un héros et sa fragilité toute humaine, dans cette Italie rurale, loin de la trépidante urbanité, le rend bougrement attachant !
ÉLISE PADOVANI
Les Aventures de Gigi la Loi, d’Alessandro Comodin
En salle le 26 octobre 2022
Le film, distribué par Shellac, a obtenu le Prix spécial du jury à Locarno.