mardi 15 juillet 2025
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 219

Arthur Perole, star de son vivant

0
Nos corps vivants © Nina-Flore Hernandez

Le Pavillon Noir accueillait Arthur Perole, artiste associé pour la période 2022-2023. Le danseur et chorégraphe proposait lors de cette soirée festive et participative Nos corps vivants aux côtés de Marcos Vivaldi (musicien), Benoit Martin (son) et Nicolas Galland (lumière). Alors que le public s’installe autour du module carré sur lequel le danseur va évoluer, des bonbons sont distribués, ceux de nos fêtes d’anniversaires petits, retour à une innocence où l’on ne se pose pas de questions sur le sucre et ses effets nocifs, juste un instant de partage !

« C’est bon ? tout le monde est servi ? », le danseur quitte alors sa doudoune poilue pour dévoiler un marcel pailleté tandis que des bribes de conversations se diffusent, « les drogues mettent en contact avec les fantasmes… j’ai toujours eu peur des autres, depuis que je suis né… les hommes on leur impose pas trop de choses, les femmes si… » Des ondes sonores viennent habiter l’ombre, le corps du danseur se tord, fluide, les bras se tendent, se courbent, essaient l’épaisseur de l’air. Le visage traduit toute une palette d’émotions, se fige dans les attitudes convenues des cartoons. Les mimiques stéréotypées deviennent vocabulaire de danse, la gestuelle normée des conversations est dessinée avec espièglerie et un certain sens du tragique. Derrière la banalité des poncifs où se placent individualité, personnalité, pensée ? 

La voix de Marguerite Duras apporte sa gravité suave : « On ne voyagera plus, ça ne sera plus la peine… quand on peut faire le tour du monde en huit jours… pourquoi le faire ? ». Le corps du danseur, statue vivante, compose une mélodie où les rythmes se heurtent, cherchent l’arrêt sur image, se saccadent, sont emportés dans une écriture qui les dépasse. Puis le performeur jongle, à l’instar d’un Charlie Chaplin, avec les sources de lumière, déploie un clavier de piano pour une chanson de Françoise Hardy. La performance enserrée dans un espace minimaliste ouvre les frontières de nos habitudes, de nos inconscients, l’humour empreint d’un indéniable lyrisme épouse avec tendresse la multiplicité de l’humain. 

MARYVONNE COLOMBANI

Nos corps vivants a été donné le 20 septembre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence 

Blind Runner : dans l’angle mort de l’humanité

0
Blind Runner © Benjamin Krieg

Depuis plusieurs années, Amir Reza Koohestani puise dans l’actualité qui secoue l’Iran la matière d’un théâtre profondément politique. En s’inspirant de la mort de Mahsa Amini, tuée pour avoir mal porté son voile, et de la journaliste Niloofar Hamedi, emprisonnée à cause de ses enquêtes sur l’affaire, Blind Runner évoque dans le destin de trois personnages toute la politique actuelle de censure et d’atteintes au droits de l’homme de l’Iran.

Mohammad Reza Hosseinzadeh et Ainaz Azarhoush y incarnent un mari, en liberté, et son épouse, emprisonnée pour motifs politiques. Séparés de corps, ils s’aiment de toute évidence, mais sont contraints de n’échanger que sous écoute, dans le parloir d’une prison ou au téléphone. Amir Reza Koohestani fait de leurs échanges gênés l’endroit d’une écriture d’emblée forcément politique où l’intimité proscrite et l’incarcération dénoncent tout un système dévorateur d’émotions et de vies. La mise en scène le confirme. Elle isole les acteurs dans des carrés de lumière, les fait parler en frontal ou de façon décalée dans l’espace, lorsqu’elle ne les fait pas courir d’un bout à l’autre du plateau, sans jamais se rattraper.

La lumière au bout du tunnel ? 

Car si la parole ne permet pas de tisser un lien de résistance alors, pour lutter, il faut courir. Comme le fait Parissa, marathonienne devenue aveugle depuis un tir de chevrotine de la police, et qui participe en Europe à des courses organisées en soutien aux activistes politiques. Il faut aussi s’aider : comme le fait le mari, qui apprend à courir le marathon aux côtés de Parissa, en tant que guide d’aveugle. Il parvient ainsi à voyager, et s’éloigne de sa femme. La marathonienne sera ainsi le double, libre, de la prisonnière, résignée à l’enfermement et à la solitude, en choisissant in fine de risquer l’exil et sa vie dans un plan radical : franchir les 38 km du tunnel sous la Manche. Deux métaphores de l’espoir iranien pour le changement, qu’une chute inattendue précipite soudain dans la nuit.

ETIENNE LETERRIER

Blind Runner a été donné dans le cadre du festival actoral du 27 au 29 septembre à La Criée, théâtre national de Marseille. 

L’odyssée du chant 504

0
504 © Juliette Larochette

Certains spectacles touchent au plus juste en mettant en mots une mémoire commune et lui donnant sur scène l’apparence d’une aventure. 504, de Mohamed El Khatib est le récit d’une odyssée. Celle, extraordinaire, de la transhumance estivale de centaines de milliers de Français d’origine algérienne, tunisienne, marocaine, vers les villes et villages du Maghreb. Traversées sur terre et mer, interminables, en famille, à l’étroit dans la chaleur et les bouchons, malgré les dangers de la route… Et dont les vraies stars portent les noms de Renault 12 ou Peugeot 504, des maisons ambulantes pleines à craquer, couronnées de bagages en pile, ou transformées en cinéma. Cinq de ces bolides increvables, ces « dromadaires mécaniques », trônent d’ailleurs sur l’esplanade du fort Saint-Jean, à Marseille.

Dans 504, Mohamed El Khatib convoque surtout, live ou à l’écran, les témoignages de Marseillais, et ressuscite toutes les pratiques associées à ces voyages : rituels du départ, orientation (l’un des protagonistes énumère de tête toutes les sorties d’autoroute entre la France et le Maroc…), K-7 jouées sur l’autoradio, ravitaillement, art du bourrage de coffre, tracas du racisme, de l’extorsion, et accidents fréquents, inventivité permanente, émotion de l’arrivée et rituel des cadeaux à la famille… 504 est ainsi un projet multiple, qui tient à la fois de la performance, de l’enquête sociologique, du cinéma, de l’art, de la muséographie puisqu’en parallèle se tient une exposition d’objets dans le hall : on y trouve tapis de prière portatif, objets usuels, grigris de rétroviseurs, pièces détachées…

L’art du metteur en scène tient à cette capacité à incarner l’expérience vécue. Tandis que la géniale spontanéité de ces récits, souvent pleins de drôlerie, d’humanité, ou d’émotion, rappelle sans doute combien (dans le contexte dramatique actuel) devrait résonner comme universelle l’expérience de la migration, c’est par un jeu de loterie que l’artiste propose de gagner finalement par tirage au sort une Renault 12 du spectacle. Une façon de renouer la mémoire au réel, et de relancer aussitôt sur l’imaginaire des routes les souvenirs, les sourires, et la gratitude du public.

ÉTIENNE LETERRIER

504 a été donné dans le cadre du festival actoral les 29 et 30 septembre au Mucem, Marseille

L’universalisme en question

0

Wole Soyinka invité d’honneur des Écritures Croisées qui parcourent les récits littéraires du monde ; la Fiesta des Suds qui accueille, valorise et métisse les musiques du monde ; Alice Zeniter qui interroge la pertinence des personnages féminins écrits par des hommes, et leur poids sur nos représentations de nous-mêmes ; et puis la jeunesse, dans la rue, qui défile pour la Pride, affirmant que toutes les composantes du sigle LGBTQIAP+ forment une réalité différenciée, mais « Indivisible »… 

Cela bouge dans notre culture nationale, au point que certains craignent pour l’universalisme. Qu’est-ce à dire ?  

Le concept, philosophiquement et politiquement marqué par la Révolution française et sa Déclaration des droits de l’homme, a affirmé l’existence de valeurs universelles – dont l’égalité en droits – et d’un régime politique, républicain, qui serait universellement Le Bon. Pour tous. 

Mais dès l’origine cette même République française a nié le droit des femmes et des pauvres, qui ne votaient pas, inventé l’indigénat, laissé l’esclavage en place, oublié le droit des enfants et la protection des minorités. Elle n’a eu de cesse de réduire la liberté de circulation, d’affirmer le droit inégalitaire à une propriété transmissible des biens de production… Et de différencier ceux qui appartiennent à la Nation (puis à l’Europe) et les immigrés (les migrants), d’affirmer les « racines chrétiennes» avant de s’en prendre aux récalcitrants juifs, puis musulmans. 

« Universalisme à la française », sans rire ? 

Après 234 ans de Droits de l’homme les violences sexuelles et sexistes, les actes homophobes et transphobes restent quotidiens, la laïcité s’affirme comme un principe discriminant les musulmans, et l’État français n’a connu que des Chefs blancs, catholiques (ou issus de), hommes cisgenres et hétérosexuels de confession. Universels ?  

Les « minorités », qui sont majoritaires, ne demandent plus seulement l’égalité en droits, illusoire dans les faits, et la protection contre les discriminations et les violences. Elles exigent, au nom du principe de réalité, d’être représentées, par elles-mêmes, sur les scènes, les écrans, dans les instances de décision politique et économique ; elles revendiquent une « parole située », la leur, pour parler d’elles-mêmes. Elles construisent un « pluriversalisme » au bénéfice de tous·te·s, où chacun·e peut décider, jusque dans l’orthographe, de ce qui est bon pour iel, tant qu’iel ne nuit pas à la liberté de l’autre, des sien·ne·s, et de l’avenir.

AGNÈS FRESCHEL

Voyage musical

0

À Gardanne, le Trio Nota Femina investissait l’église quasi pleine pour un concert qui privilégiait des œuvres du XXème siècle dans des transcriptions pour harpe, flûte et alto. 

Trop rare sur scène, ce trio réunit des musiciennes de haut vol, Amélie Gonzales Pantin (flûte traversière et piccolo), piccolo solo de la Musique des Équipages de la Flotte depuis 2007 entre autres formations, Guitty Peyronnin Hadizadeh (alto), altiste notamment de l’Orchestre de l’Opéra de Toulon depuis 1987, Elodie Adler (harpe), lauréate de multiples concours internationaux et harpiste de l’ensemble Accroche Note. Cette dernière présentait avec finesse le florilège des pièces interprétées : « le XXème a été une période extrêmement inventive, grâce aux expositions universelles, les compositeurs ont ouvert leurs oreilles aux musiques du monde et nous offrent des voyages à moindre frais ! » Les harmoniques distendues par l’architecture de l’église furent vite apprivoisées par les musiciennes qui jouèrent de leurs débordements. 

En ouverture, les trois interprètes accordaient leur espiègle vivacité à la Fantaisie pour un gentilhomme que Joaquin Rodrigo (oui, l’auteur du célébrissime Concerto d’Aranjuez) dédia au guitariste Andrès Segovia qui l’avait commandée (lui, le « gentilhomme » de la guitare). Inspirée par les danses écrites par Gaspar Sanz (XVIIème siècle), cette fantaisie, œuvre concertante, gardait toute sa fraîcheur et sa puissance dans sa transcription en trio, avec un souci des nuances, des phrasés, des intentions que l’on retrouvait dans la suite du concert. La Suite brève pour flûte, alto et harpe (1923) de Ladislas de Rohozinski offrait ses atmosphères impressionnistes aux frontières du cinéma, modulant d’amples vagues à la harpe sur lesquelles la fluidité de la flûte posait des mélodies qui n’étaient pas sans rappeler certains airs de Fauré. Quatre pièces empruntées à la musique traditionnelle arménienne donnaient l’occasion de rappeler la richesse des musiques populaires dont nombre de compositeurs se sont nourris, se transformant parfois en ethnomusicologues. Le piccolo apportait ses aigus, redessinant les paysages. On se glissait dans l’univers de Maurice Thiriet que l’on connaît davantage par ses musiques de film (Fanfan la Tulipe de Christian-Jacque, Le Grand Jeu de Robert Siodmak, Les Enfants du Paradis (avec Joseph Kosma) ou Les Visiteurs du soir de Marcel Carné, entre autres). Même conçue pour trio, l’écriture reste très orchestrale, multiplie les détails dans la masse sonore, crée des micro-évènements, s’enthousiasme de parenthèses et de commentaires. Nous entraînant à la suite de Ravel dans les contes de Ma mère l’Oye, Pavane de la Belle au Bois Dormant, Le Petit Poucet, Serpentin Vert (Laideronnette, Impératrice des Pagodes), Entretiens de la Belle et la Bête, Jardin Féérique… les tableautins se succèdent alors teintés d’espièglerie et de poésie. La complicité entre les trois artistes apporte une liberté et une expressivité rares, jubilation d’une musique commune qui trouva une énergie passionnée dans l’hommage aux quatre saisons (un extrait, Primavera porteña) de Vivaldi par Piazzola. Un bis aux couleurs irlandaises vient clore ce temps suspendu.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 17 septembre, église de Gardanne, dans le cadre des Journées du Patrimoine

Corps de femmes

0
© Dulac distribution

C’est la voix de Claire Simon qui nous fait entrer dans le service Gynécologie – obstétrique et médecine de la reproduction de l’hôpital Tenon  où elle a passé six à sept semaines « C’est la productrice Kristina Larsen qui m’a soufflé l’idée d’aller filmer l’hôpital après y avoir passé deux ans. Je voulais filmer un service hospitalier de femmes…. Entre chez moi et l’hôpital, se trouve un cimetière. Ça m’a fait rire, mais ça m’a aussi fait peur » Un prologue filmé en un seul plan pour ouvrir ce film et les portes de l’hôpital où pendant quelques heures nous allons assister à ce qui peut arriver au corps des femmes, de la jeunesse à la mort. Nous assistons ainsi aux entretiens de jeunes femmes qui souhaitent avorter, aux consultations pour une transition de genre, pour des problèmes d’endométriose, d’infertilité, de cancer. La caméra de Claire Simon s’introduit aussi dans les salles d’opération,  filmant tour à tour, une césarienne, un accouchement sous péridurale, de profil, nous montrant en même temps le bébé qui sort et le visage de la parturiente nimbé de lumière. Parcourant de longs couloirs, nous passons, comme dans la vie, d’instants  remplis de joie et d’espoir à des moments terribles comme cette scène d’entretien où une jeune Hispanique apprend les risques de stérilité après une opération indispensable: la patiente communique avec son médecin à l’aide de l’application Google Traduction de son téléphone portable. Il y a ces scènes extraordinaires de la fécondation in vitro à laquelle on assiste aux cotés d’un stagiaire qui apprend la technique. «Connaître le processus de PMA n’est pas la même chose que le voir. »précise la cinéaste. Si Claire Simon filme avant tout les corps des femmes, elle s’intéresse aussi réunions de médecins, les RCP, où  ils discutent et se mettent d’accord sur les interventions. Et soudain, aux deux tiers du documentaire, on retrouve la cinéaste dans une salle d’attente : « Quand le film et la maladie se rencontrent, c’est important de comprendre. » C’est à présent elle, la patiente : elle apprend qu’elle a un cancer du sein, et plus tard, qu’elle va subir une mastectomie. «  L’hôpital est un lieu où chacun arrive avec son histoire. Il y a une myriade d’histoires. Une valse folle des destinées. La malade n’a qu’une histoire, la sienne. »

Tourné avec une équipe exclusivement féminine, Notre corps, est un documentaire très fort qui nous permet de voir, de comprendre, de mettre en relation mots et images et de réaliser combien la vie est belle et fragile.

Annie Gava

Le documentaire en salles le 4 octobre 2023

FORUM DE BERRE : Une page se tourne

0

Zébuline. Que retenez-vous de 35 années passées à la tête du Forum de Berre ? 

Patrick Veyron. Quand je suis arrivé en 1989, la Ville m’a demandé de créer un projet qui soit un lieu de rencontre autour de la pratique artistique. J’ai mis en place cet outil, avec plein d’envies, et je suis fier de ce que j’ai fait. Le Forum a depuis acquis ses lettres de noblesse, et est reconnu dans la région pour ce qu’il est. J’ai aussi vécu une véritable aventure avec  l’équipe. La plupart des gens sont avec moi depuis le début et on a monté cette histoire ensemble. Le Forum continuera d’exister sans moi, mais je suis très fier d’avoir imaginé un projet, d’avoir fédéré une équipe et un public autour de lui. 

Un outil avec une dimension sociale très marquée. 

Tout à fait, quand on parle d’éducation populaire on est en plein dedans. Car à côté de la programmation artistique, il y a aussi de la pratique amateur et des rencontres avec les artistes. Que ce soit avec le public ou les écoles avec lesquelles on travaille. On est un acteur du lien social important, et pas que sur Berre. 

Quelle couleur avez-vous souhaité donner à la programmation toutes ces années ?

Notre programmation a toujours été tournée vers les jeunes talents. Un mix d’artistes qui viennent d’un peu partout : régional, national et international. On a de la musique, mais aussi du spectacle vivant, comme le théâtre, le cirque… On a une programmation diversifiée mais toujours avec le souci de la qualité du spectacle que l’on propose.

Quels artistes êtes-vous particulièrement fier d’avoir invité ? 

Je pourrais vous en citer à la pelle ! Je pense à Marion Rampal ou Perrine Mansuy, que l’on a accompagnées très tôt, et qui étaient professeures chez nous. On a aussi eu Jeanne Cherhal en 1998, elle n’était pas connue et a partagé la scène avec David Lafore, et il n’y avait que 50 personnes dans le public ! Je peux citer aussi Deluxe, Blick Bassy, Yun Sun Nah et même Moriarty. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

La saison commentée par Patrick Veryon 
6 octobre. Si seulement, compagnie Ven : «  Un duo superbe entre un jongleur et une équilibriste qui prend pour thème l’amour, la confiance, l’écoute… jusqu’au lâcher prise. »
31 octobre. Bateau, Compagnie Les hommes sensibles : « C’est un spectacle donné dans le cadre du festival En Ribambelle, qui est destiné au jeune public, et à l’adulte qui oublie souvent l’enfant qu’il a été. »
10 novembre. Alexis le Rossignol : « En général, on ne programme pas souvent de l’humour, mais lui on l’adore. Dans son spectacle, il pointe du doigt les travers de la société, et on en sort heureux. »
17 novembre. Perrine Mansuy trio : « Elle vient présenter son tout dernier spectacle, accompagné d’Éric Longsworth et Jean Luc Di Fraya, ses complices de toujours. »
8 décembre. Ignacio María Gómez : « Au cours de ses voyages, il a découvert sa “négritude”. Il propose une musique difficile à définir mais qui tend vers la méditation. C’est un très bel univers. Il est accompagné par Loy Ehrlich, un musicien incontournable dans les musiques du monde. » 

THÉÂTRE D’ARLES : Dans l’air du temps

0
Pister les créatures fabuleuses © Simon Gosselin

Cette nouvelle saison du Théâtre d’Arles s’ouvre au Théâtre antique (23 septembre) avec 25 danseurs âgés de 10 à 22 ans, pour trois pièces signées Lucy Guerin, (LA)HORDE et Josette Baïz, un programme fougueux composé en 2022, à l’occasion des trente ans du Groupe Grenade. Danse également avec Maldonne (21 novembre) création 2023 de Leïla Ka, ballet féministe percutant, qui va parcourir de nombreuses scènes de la Région Sud toute cette saison. Autre chorégraphie 2023, Canti (30 janvier) de l’arlésien Simon Bailly, où danseurs, chanteurs et instrumentistes forment ensemble un chœur qui se fait et se défait.  

Loup, y-es-tu ?

Une déambulation d’une heure au grand air (Alyscamps – 13 octobre), à la tombée de la nuit, ponctuée de tableaux vivants, c’est la création 2023 du Collectif ildi ! eldi. Inspirée du livre Le Musée des contradictions d’Antoine Wauters (Goncourt de la nouvelle 2022), on y entend par exemple, un jeune homme, marginal et révolté, qui rêvait de voir la mer avec ses potes et en a été empêché par les autorités, ou une femme qui avec d’autres mères, s’est retirée dans les bois pour élever ses enfants loin du monde et se reconnecter au vivant… Pister les créatures fabuleuses (17 octobre) c’est Pauline Ringeade qui met en scène pour le jeune public (à partir de 8 ans) une conférence du philosophe et pisteur Baptiste Morizot : forêt, paysage sonore, traces d’animaux et récits fantastiques. Mais n’y aurait-il pas aussi un loup dans l’IA ? dSimon est le nom du spectacle et d’un robot crée par l’artiste Simon Senn et la programmatrice informatique Tammara Leites. Il ressemble un peu à Simon Senn et est désormais capable de parler avec le public et de répondre aux questions. Une exploration technologique (9 et 10 novembre) qui soulève des idées complexes, absurdes et philosophiques.

Musique, bêtes de foire et bourreaux

François Gremaud, après les succès de ses (fausses) conférences Phèdre ! et Giselle… s’est attaché en 2023 à une autre grande figure féminine tragique : Carmen. C’est Rosemary Standley, la chanteuse de Moriarty, accompagnée par cinq musiciennes qui évoque, à la façon Gremaud (érudite, délicieuse et un poil déjantée), cette autre grande figure féminine tragique. Décrite par Le Monde comme la pianiste « la plus singulière de sa génération » Vanessa Wagner sera en récital (25 janvier) avec ses ré-interprétations de Philip Glass, Moondog, Harold Budd… issus de son dernier album Mirrored (2022). Place de la Croisière, sous chapiteau, Les Bêtes de foire joueront leur création 2023, Décrochez-moi-ça (7 au 10 décembre), poésie circassienne où se tutoient maladresses et prouesses, extraordinaire et petits riens. Enfin, avec Palmyre, les bourreaux (25 novembre) Ramzi Choukair signe le dernier volet d’une trilogie théâtrale glaçante basée sur les témoignages d’anciens prisonniers du régime syrien, et interroge les notions de pardon et de justice à travers des récits portés par des survivants et des comédiens professionnels. 

MARC VOIRY

Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51 
theatre-arles.com

TrampQueen nous passe au fil de l’EP 

0

Frédéric André, le programmateur de la Fiesta des Suds ne s’était pas trompé. En présentant TrampQueen lors de la conférence de presse du festival où elle jouera, il parlait d’elle comme d’une artiste au son engagé, voire brutal. À l’écoute de son dernier EP, Lobotomie tape (Vol.1), on ne peut qu’être d’accord. La rappeuse-artiste varoise délivre cinq sons comme autant de coups de feu dans nos esprits.

La chasse est ouverte

Après la Bonus track, le disque s’ouvre avec 4+4, un titre où TrampQueen pose rapidement le cadre de la musique qu’elle défend depuis bientôt quatre ans : du rap à l’énergie punk. Car ici, point de fioritures. L’artiste pose son chant comme ses paroles avec une froideur inquiétante, sur une musique tout aussi malaisante. C’est puissant, vindicatif, et on attendra quelques secondes avant d’enchaîner avec le prochain morceau. Nos esprits rétablis, on découvre Bougie. Un titre expédié en 58 secondes – même pas le temps de sortir les chandelles – servi toute basse dehors et sans sauce pour adoucir l’ensemble. C’est tout aussi expéditif qu’impeccable, on est enfin dans l’ambiance, ça tombe bien, la prochaine chanson est déjà là.  

Electro-coco

On avait pas mal bougé frénétiquement la tête au début de l’EP. Avec Croco, voilà que les épaules s’y mettent également. Dans une prod toujours sobre, TrampQueen nous propose cette fois une musique aux accents plus électroniques, voire enjoués – mais n’exagérons rien. C’est encore une fois très efficace et on ne peut qu’avoir hâte de découvrir ce son sur scène. 

Alors que les premiers titres de l’EP ne dépassaient pas les trois minutes, avec Mektoub on s’approche des sept minutes. Par bonheur, on y découvre des incursions mélodieuses, dès l’intro avec une voix qui vient chercher des notes – beaucoup – plus hautes que dans le reste du disque. On apprécie aussi les sonorités du titre, toujours très industrielles, avec une fin en apothéose, plus proche des influences rock, on pense au Pixies, que l’artiste revendique aussi.

NICOLAS SANTUCCI

Lobotomie tape (Vol.1), de TrampQueen
Autoproduction
Bientôt sur scène 
7 octobre à la Fiesta des Suds (Marseille)
20 octobre release party de l’EP à La Dame du Mont (Marseille)

Iago, l’âme noire d’Othello

0
Othello © Jean-Louis Fernandez

L’Opéra Comédie s’ouvre au théâtre et accueille un des spectacles les plus formidables de l’année. Un classique du 16e siècle qui, par la pertinence des choix de mises en scène, répond aux interrogations actuelles sur le patrimoine et le répertoire.

Faut-il monter Shakespeare ? Son racisme est systémique. Il croit, comme beaucoup d’hommes de son temps, que les êtres vivants sont gouvernés par leurs « humeurs », entendez leurs liquides intérieurs, bile pour les atrabilaires, sang pour les sanguins, lymphe pour les lymphatiques… Que leur caractère en dépend, que leurs actes en découlent, que leur « race » et leur « sexe » déterminent sans libre arbitre les comportements  humains. Le Marchand de Venise, juif, est naturellement avare et cruel. Les femmes fortes doivent être dressées (La Mégère apprivoisée), les Ecossais sont cupides, les Gallois malins et les Maures sanguins. Shakespeare n’est pas suprémaciste, il n’établit pas de hiérarchie, mais il catégorise nettement. Faut il pour autant se passer de son génie dramatique et de ce répertoire qui nous appartient ? 

Magistral 

La réponse de Jean-François Sivadier est magistrale. Othello doit-il être joué par un Noir ? Evidemment oui, mais le meurtrier ne peut pas être le seul Noir. En faisant jouer le Doge de Venise et Emilia, épouse de Iago qui incarne la raison, par Jisca Calvanda, Jean-François Sivadier dynamite de l’intérieur la caractériologie raciste et sexiste shakespearienne. En inventant un « whiteface » génial (Adama Diop, au moment de tuer sa femme, s’enduit le visage de peinture blanche), il va au bout du processus : Othello, rendu fou par Iago, devient celui qu’on le pousse à être : un Noir colonisé de l’intérieur, glorifié pour sa force et sa puissance, poussé à la violence, devenu le pantin des Blancs. 

Le féminicide n’est à aucun moment minimisé. Acte extrême, il met fin à toutes les vies, toutes les ambitions, tous les désirs. Le spectacle haletant et déchirant s’écroule… et rien ne reste de la joie comique des premières scènes, où le père suprémaciste (Cyril Bothorel) est hautement ridicule, ni du plaisir que l’on peut prendre aux mensonges et manipulations de Iago : Nicolas Bouchaud, acteur fétiche de Sivadier, parvient à l’exploit sidérant de séduire et répugner à la fois. Par son intelligence visible, et sa cruauté ludique, et fatale.

AGNÈS FRESCHEL

Othello
Du 4 au 6 octobre
Opéra Comédie, Montpellier
domainedo.fr