lundi 15 décembre 2025
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De la politique et de nos quotidiens

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lecture mise en scène par Claire Massabo du texte de Cherif Majdalani, Beyrouth 2020, journal d’un effondrement, avec Bruno Bonomo et Pascal Rozan

Parmi les témoignages du foisonnement culturel du pays du cèdre, était à retenir, au couvent des Prêcheurs, la lecture orchestrée par Claire Massabo. La dramaturge, metteure en scène et directrice de l’Auguste Théâtre avait choisi de présenter un texte de Cherif MajdalaniBeyrouth 2020, journal d’un effondrement par le biais d’une lecture à deux voix, Bruno Bonomo et Pascal Rozan. L’ouvrage, construit comme une chronique rythmée par l’égrènement des jours, s’ancre dans l’année 2020. Le 4 août de cette année-là, eut lieu l’apocalyptique explosion du port de Beyrouth, « cinq secondes » qui scellèrent une tragédie.  « Le hasard a quelque chose de romanesque, voire de tragique. C’est il y a cent ans exactement, en 1920, que l’État libanais a été fondé, et on ne peut que rester rêveur devant l’ironie du sort qui fait advenir la ruine d’un pays à la date même de sa naissance, et au moment même où l’on s’apprête à en célébrer le centenaire », écrit Cherif Majdalani. Au fil des pages, remarquablement choisies, se dessine un portrait de la ville et de ses habitants. Les prénoms fusent, les liens se nouent, les amitiés se révèlent mais peu à peu, le constat de la corruption des élites, de la prédation sans vergogne par les plus hautes instances de l’État des ressources du pays, s’impose. « Sur un mur, ce graffiti que j’ai noté il y a quelques jours et qui procède à une belle inversion : le régime souhaite la chute du peuple ».
La catastrophe du 4 août s’avère au fil des pages comme la conséquence inéluctable de la gestion catastrophique de l’État qui a tout abandonné aux pilleurs de tout poil qui imposent une gouvernance inique de trafics et d’exploitation de la population. L’auteur explique : «rentables, très rentables (…), le port et le service des douanes par où passent tous les jours des milliers de tonnes de marchandises, l’aéroport, le service d’enregistrement des véhicules motorisés, le casino du Liban. Autant d’institutions qui toutes possédèrent à un moment ou à un autre leurs propres caisses noires, dont les comptes sont absolument opaques depuis trente ans et où auraient disparu plus de vingt milliards de dollars ».  Le duo des lecteurs complices établit un jeu d’échos, d’amorces de dialogues, de formes d’insistance, d’ironie au sens premier du terme, et orchestre dans le désordre des phrases qui se catapultent une vision de la terrible explosion du port, esthétique du fragment, de la pulsion… Il est question aussi de la douceur de vivre : passages champêtres, moments de retrouvailles et de convivialité apportent leur respiration devant les absurdités administratives et les compromissions, les exactions. Il y a quelque chose des Lettres persanes dans cet ouvrage où la critique du fonctionnement de pays qui nous sont beaucoup plus proches, le nôtre par exemple, semble être mise en lumière, et entre dans le champ des possibles… 
La poésie du texte souligne avec force la violence des institutions menées par des prédateurs sans scrupules alors que dans la nuit d’une énième coupure d’électricité flotte le parfum des gardénias. 

« C’est la lecture de ce livre qui m’a fait prendre conscience plus que jamais de la relation entre notre quotidien et la politique » explique Claire Massabo après la représentation. Quelle leçon !

MARYVONNE COLOMBANI

Le 20 avril, couvent des Prêcheurs, Aix-en-Provence

Là où se perd la mémoire

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Cécile Rattet, Elle au vent, Déployée ! / Journal d’une amnésique au théâtre des Ateliers

Elle rit de son nom de famille si négatif et l’a transformé au fil des ans en véritable défi. C’est sans doute à cause de ce « Rattet/ raté » que s’est affirmé chez Cécile Rattet le goût pour le détournement des mots et une certaine mise en défiance de leur enveloppe parfois trompeuse. 

Le propos ici met en scène une autrice à son bureau qui écrit, rature, froisse, reprend, évoque au point de susciter sa présence, une femme que la mémoire fuit : « elle ne se souvenait que d’une chose, c’est qu’elle avait tout oublié ». Partant de ce postulat contradictoire, se tissent peu à peu des fragments, des émergences, des éclats. Les sens deviennent peu à peu les derniers réceptacles du souvenir. À contre-courant de la pensée cartésienne, ce sont eux qui permettent d’échapper au doute de l’existence, et accordent une épaisseur vivante à un personnage qui se délite. Le goût des pommes de terre, le parfum des fleurs, un murmure, conjuguent leur synesthésie pour donner une consistance à ce qui a abandonné la protagoniste dont même le nom s’est perdu. Les mélodies et les rythmes de Rémi Amadei à la guitare et au piano électronique, sobrement amenés, ourlent le fil des mots en errance, savent ménager des silences pour que la poésie seule du langage éclose. La musique tresse un souple contre-point aux phrases sans les occulter : le verbe se cherche, les syllabes tentent de retrouver leurs articulations, hésitent dans leur orchestration… le mot juste se dérobe.
Il n’est cependant pas de désespoir au cœur du constat de ces pertes. Les interrogations ne se déclinent pas dans une tension tragique mais semblent convier à un émerveillement sans cesse renouvelé du monde. Ce n’est pas parce que le langage se désolidarise de notre appréciation de ce qui nous entoure, qu’il la gomme. Les sensations, l’inexprimé, prennent alors une place centrale. Le corps entre en résonnance avec l’univers sensible et s’en emplit. Naissent alors des passages slamés au micro, comme si la poésie était le dernier refuge, lorsque la musicalité de la parole se condense en ultime lieu du sens. Le lexique importe peu et bienheureux sont « les gens qui doutent » d’Anne Sylvestre convoquée au cours du texte : le doute et l’oubli se mêlent alors avec finesse, cultivant l’indécision souveraine où se féconde la création tandis qu’un sourire espiègle s’adresse à l’autre, à soi… ce peut être la même personne, on ne sait. Les lumières de Laurent Pirard accompagnent les clairs-obscurs d’une pensée en quête d’elle-même. La joie d’exister même sans attaches mémorielles devient alors le seul questionnement important, infrangible bonheur de l’instant…

MARYVONNE COLOMBANI

Spectacle vu le 20 avril au théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence

OCCITANIE : Le Cratère s’ouvre aux cultures tsiganes 

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Pink ! 2023 © Marielle Rossignol

C’est trois jours de programmation intense qui s’annoncent au Cratère du 26 au 28 avril. Ce « Temps fort » autour des cultures tsiganes propose de nombreux spectacles, moments conviviaux, ateliers ou encore expositions. Organisé en collaboration avec deux associations tsiganes et un centre social, il invite comédiens, musiciens, danseurs, à faire découvrir au public la richesse des cultures tsiganes grâce une programmation en grande partie gratuite. 

Flamenco
Le flamenco est mis particulièrement à l’honneur, avec trois spectacles de danse et des ateliers animés par Eva Luisa. La danseuse flamenca se produira dès le vendredi soir sur la scène du Cratère avec son Flamenco por dentro, mais aussi le dimanche sur le parvis du théâtre. Dans Ces gens-là, de la Cie d’un jour, Eva Luisa et Adelaïde Motte incarnent la beauté des textes du slammeur Luis Ruiz dans une chorégraphie entre flamenco et danse contemporaine signée Geneviève Choukroune. D’origine tsigane ou non, les danseur.euse.s et musicien.ne.s donneront un aperçu de la diversité qu’il existe dans la pratique du flamenco, que ce soit dans la proximité avec la tradition avec Melizzo Doble de Israel Gálvan et Niño de Elche, ou avec une touche plus moderne avec le concert de Maël Goldwaser et Arthur Bacon

Littérature rom
Mais le flamenco n’est pas le seul art à être représenté lors de ce festival : la littérature rom est aussi mise en avant avec deux lectures de la conteuse Nouka Maximoff, inspirées par des récits traditionnels et des histoires vécues. La première, Chez nous les roms, est plutôt destinée à un jeune public, tandis que les plus grands sont conviés pour Le peuple de la nuit, qui aura lieu un peu plus tard dans l’après-midi (médiathèque Alphonse Daudet, 10h30 et 15h). 

La conteuse est la fille de Matéo Maximoff, l’un des auteurs roms les plus prolifiques et les plus traduits, dont la vie est le sujet d’une des cinq expositions gratuites présentées dans le hall du Cratère au cours de ce Temps Fort. Celles-ci abordent plusieurs pans des cultures roms et gitanes, du pèlerinage de Sainte Sara aux vêtements traditionnels, en passant par les expériences de vie d’artistes, telle celle du photographe et slammeur Luis Ruiz. 

CHLOÉ MACAIRE 

Temps Fort Cultures Tsiganes
Du 26 au 28 avril
Le Cratère, Scène nationale d’Alès
et divers lieux, Alès

À la marge

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© Matis Lombardi

Intégrée au cursus de formation art de la scène de l’AMU, la création universitaire est un temps fort de l’année pour les étudiants et étudiantes qui constituent un collectif artistique complet, du jeu à la technique et passant par la médiation et la production, une manière d’ancrer puissamment le travail théâtral dans tous ses aspects au cœur de la préparation universitaire. Artiste associée, la metteure en scène Wilma Lévy dont la compagnie des Passages s’intéresse à « la figure et à la place des femmes », dans un travail qu’elle qualifie comme « faire du théâtre avec des citoyennes », accompagne cette création.

La pièce est construite sur le modèle d’une enquête au cours de laquelle sont collectées les paroles de jeunes filles incarcérées mais aussi d’historiennes, d’éducateurs et d’éducatrices. Y sont explorées les lignes de vies nées de témoignages et d’archives. Apparaissent violences familiales et institutionnelles et les réponses apportées par le système judiciaire. Marginalité, sororité, notions de justice et d’injustice, de liberté, se dessinent dans une tentative passionnante d’analyse des arcanes du pouvoir, de son exercice et des diverses formes de mise à l’écart des êtres.

M.C.

Du 23 au 27 avril
Théâtre Vitez, Aix-en-Provence

La rue prend le Luberon 

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© Hervé Vincent

Cinq étapes jalonnent cette année la route du festival : après un lancement le 19 avril à Cucuron, la ville d’où tout est parti en 2015, il poursuit ensuite son chemin à La Tour d’Aigues les 20 et 21, Cabrières d’Aigues le 25, Vaugines le 26, pour s’achever à Cadenet le week-end des 27 et 28. En ouverture, la Compagnie Éléphante propose avec Utopy un ballet éphémère, apparition furtive dans l’espace public de deux créatures quasi chamaniques travesties de costumes recyclés, pour une transe mi végétale mi organique (les 19 et 20 avril). Certaines propositions théâtrales prennent ensuite l’espace public comme agora pour y porter des paroles engagées. Avec Hune, Paon dans le ciment donne la parole à tous les invisibles, ceux qu’on appelle parfois pudiquement les zonards, ces “sans port d’attache” qui hantent les marches d’escaliers (les 19, 20 et 21). Les arracheurs de dents, fieffés bonimenteurs oeuvrant en rue depuis 2009 pour y porter texte avec ferveur, panache et humour, abordent cette fois la notion de lutte, puisant dans la verve de Tolstoï (Ni gueux ni maîtres, le 20 avril).

Jubilation collective

Le festival est aussi l’occasion de découvrir plus avant l’univers très singulier de Guillaume Derieux, qui fut un temps crieur public marseillais devant les Halles Delacroix. Il signe ici En roue libre pour le compte de l’incontournable compagnie jurassienne Théâtre Group’. Pio, ancien mécano, y évoque ses sombres souvenirs, entre passion, addictions et rédemption, autour d’une Peugeot 305, totem trônant en milieu d’arène (les 25, 26 et 27). Avec sa propre Kie Faire-Ailleurs, l’artiste propose aussi Nuque rouge, “western déstructuré franchouillard” sous forme de déambulation doublée d’une immersion radiophonique dans la psyché de Poliveau, un homme cherchant à reconstituer un fait divers du passé (le 27 avril). Des digressions plus légères trouvent aussi leur place, tel Le nez au vent de La Bouillonnante, une ode au plaisir de rouler en vélo, depuis l’enfance jusqu’aux premières nuits à la belle étoile. Ces évocations s’accompagnent de croquis au fusain, pour un carnet de voyage grandeur nature (les 26, 27 et 28). Enfin, un morceau de bravoure à ne pas louper : avec L’arrière-pays, Les trois points de suspension & 3615 Dakota puisent dans les tréfonds de notre inconscient. L’arrière-pays éponyme, c’est celui de la petite enfance. Quatre comédiens adultes s’approprient des mots d’enfants pour tenter d’en sonder les enjeux. Devant nous, c’est la comédie de l’humanité qui se rejoue, avec beaucoup d’humour et de subtilité. Paradis perdu ou orée de l’enfer sartrien ? Une jubilation collective, entre ours géant, hommes-buissons et fontaines de jouvence (le 21 avril). En fin de semaine, diverses réjouissances incitent à poursuivre les soirées : Pola Facette, Comité national des arts de la fête, discomobile de Tony Swarez… A noter : sur les 20 spectacles proposés, 5 sont payants (tarif unique à 5 euros).

JULIE BORDENAVE

Le grand ménage
Du 19 au 28 avril
Dans 5 communes du Luberon, legrandmenage.fr

La Mer et ses vagues

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Copyright KAFARD FILMS

Pour son avant dernière soirée au MuCem, AFLAM, nous faisait découvrir La Mer et ses vagues un premier long métrage franco-libanais, en présence de ses jeunes réalisateurs : Liana Kassir et Renaud Pachot

A l’origine du projet, un lieu. Décalé, riche d’un potentiel poétique et symbolique : un vieux phare de Beyrouth abandonné au milieu des buildings. Dix ans de maturation et des difficultés à réunir les fonds pour un film dont le synopsis n’enthousiasme pas les producteurs : par une nuit de pleine lune , la jeune Najwa et son frère Mansour arrivent dans la capitale libanaise. On ne sait rien d’eux. Ils fuient vers la Scandinavie. Lui veut rejoindre une fiancée par delà la mer. Il joue du mijwiz et porte au flanc une blessure à peine recousue. Tous deux errent dans la ville déserte dans l’attente de leur rendez-vous avec leur passeur. Ils croisent un marchand ambulant en tuk tuk, le vieux gardien d’un phare éteint, une vendeuse de billets de loto.

Pour Liana et Renaud, l’histoire vient après, il s’agit avant tout de faire un objet de cinéma avec l’écriture du cinéma :  mouvement et  lumière. De retrouver aussi les mythes et légendes entre flux et reflux, clarté et ténèbres.

Ancré dans la réalité historique et géographique, situant ses personnages par le GPS au degré près, dans un Moyen Orient de guerre et de sang hors champ, de migrations forcées, d’infrastructures déficientes, le film travaille l’imaginaire méditerranéen et universel, mêlant les formes et les registres. Théâtralité d’une ville vidée par la pandémie, étrange comme un rêve. Burlesque à la Tati où l’anachronique gardien mutique, barbe blanche et bonnet marin, sur fond de technologie urbaine, bataille avec une ampoule défaillante ou un tableau électrique antique. Truculence et puissance felliniennes de la marchande de loto, la roue de la fortune entre ses mains. Tragédie pasolinienne, incarnée par le musicien sacrifié, frère du cinéaste italien. Conte oriental des Mille et une nuits, où une princesse attend, assise sur la margelle d’une fontaine, son amoureux clandestin. Comédie musicale aussi. La musique et le chant qui surgissent dans l’image plus qu’ils ne l’accompagnent, la déchirent, à l’instar des faisceaux de lumière qui déchirent l’obscurité.

En prologue, une pythie borgne nous fait face et nous parle : son œil fermé voit le passé, son œil ouvert garde la flamme d’une bougie. Au fil des images, la rotondité oculaire et les points lumineux dans la nuit se déclinent, guidant notre itinéraire de spectateur :  le phare d’une moto, le point de navigation qui danse sur l’écran du smartphone, les réverbères de la Corniche. La lune , grosse, ronde, incandescente. L’œil encore, découvert au fond du tube-tunnel de la longue vue et celui cyclopéen de la lanterne du phare marin enfin rallumé qui balaie la nuit tandis que son gardien crie dans le vide : « Revenez ! Revenez ! »

Tourné en argentique, avec un tout petit budget, ce film, sélectionné par l’ACID à Cannes 2023, est un petit bijou d’intelligence et de créativité.

ELISE PADOVANI

Prochainement en salles

Lorsque le théâtre rencontre son/ses histoire(s)

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Une autre histoire du théatre © Marc Domage

Tant pis pour les recueils de textes et traités du théâtre, le quatuor réuni par la metteuse en scène Fanny de Chaillé, Malo Martin, Tom Verschueren, Margot Viala et Valentine Vittoz, aborde l’art qu’il pratique avec une verve et un humour décapant, s’éloignant de toutes les conventions mais en se jouant des codes à travers leur maîtrise et leur mise à distance – exercice périlleux s’il en est, et subtilement réussi. L’histoire du théâtre, c’est vaste ! Décider de la résumer en une heure prend des allures d’impossible gageure. 

Heureusement l’adjectif « autre » est accolé à l’ambition démesurée du titre, ouvrant d’autres possibles, permettant de réduire le propos géographiquement et temporellement. Tant pis pour l’antiquité ou le Nô, on restera dans les limites des XXe et XXIe siècles en Europe, ce qui est déjà bien trop large pour être épuisé en une seule représentation. Partant des apports des quatre protagonistes, archives, textes aimés, expériences, débats, Fanny Chaillé orchestre discussions collectives souvent enflammées, intrusions d’acteurs, de metteurs en scène, de professeurs de théâtre ou de danse, de personnages mythiques. L’entrée en scène de Louis Jouvet est mémorable, de même que les « confidences » de Jeanne Moreau ou de Sella Adler imprégnée des méthodes de Stanislavski. 

Des corps, des décors 

S’exposent les théories de Pina Bausch qui insiste sur la place des corps, puis de Grotowski : pas de décor, pas d’effets de lumière, pas de grimage ni de costumes, mais l’acteur au centre de tout… Apparaissent au détour d’une confrontation Hedda Gabler (de Ibsen), le shakespearien Richard III. La fragilité de l’art théâtral est rendue sensible par les interrogations qui le nourrissent et le façonnent. La richesse du spectacle au rythme sans faille nous donne à explorer le foisonnement de l’art dramatique, l’évolution de ses mutations et de ses doutes en une mise en perspective pertinente et ludique. Bravo !

MARYVONNE COLOMBANI

22 avril
La Vignette, Montpellier 
24 et 25 avril
Théâtre de Nîmes

« Backstage », un voyage initiatique

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Une chorégraphie endiablée, très sensuelle, où danseurs et danseuses en superbes costumes colorés s’étreignent, se repoussent alors qu’en fond de décor, sur de grands panneaux se succèdent des images de lieux pollués, d’incendies, de glaciers qui fondent, de terres assoiffées. Un spectacle de la compagnie de danse Sans frontières qui doit continuer jusqu’au  bout malgré la blessure à la jambe d’Aida (Atef Ben Mahmoud) : son partenaire sur scène et dans la vie, Hedi (Sidi Larbi Cherkaoui) l’a fait tomber après qu’elle l’a provoqué. Mais Il est vital pour la troupe qu’elle donne son dernier spectacle à Marrakech le lendemain. Il faut donc trouver au plus vite un médecin. Or on est en plein cœur des montagnes de l’Atlas. Alors que le minibus essaie de gagner la ville la plus proche, un animal provoque une embardée : deux pneus crevés. Commence alors une errance à travers la forêt, celle des songes et des cauchemars où vont se révéler peu à peu les liens qui unissent les membres de la troupe, les tensions qui les séparent. Une errance chorégraphiée comme un ballet à travers des paysages qui prennent à la  lueur de la lune les couleurs de la nuit puis de l’aurore. Des lieux oniriques comme dans certains films de Miyazaki. La caméra de Benjamin Rufi semble danser avec les personnages qu’elle suit à tour de rôle, nous livrant leurs espoirs, leurs secrets, leur envie de liberté, au son de la musique de la forêt. Le crissement des branches, le bruit du vent, les cris des bêtes, orchestrés par le compositeur Steve Shehan participent à l’envoûtement. « On voulait que ce soit un voyage initiatique » confie le couple de réalisateurs Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane.

Backstage, leur premier long métrage, a demande plus de sept ans de préparation et réunit acteurs, chorégraphes et danseurs, de différentes nationalités : tunisienne, marocaine, algérienne, palestinienne, chacun parlant dans sa propre langue. « Dès le début, il y avait ce parti pris d’universalité, précise Afef Ben Mahmoud.Notre film se fonde sur la danse contemporaine ; l’expression corporelle n’a pas de limite, n’a pas de pays, n’a pas de frontière. Nous voulions rester fidèles à cette idée que ce soit dans le choix des décors, dans cette camera qui continue à danser, dans les sons de la forêt. Cette forêt qui parle, on l’a conçue comme une symphonie dansante. »

ANNIE GAVA

Backstage, de Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane

Ça cartonne !

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© Fabienne Rappeneau

Les gros patinent bien est un titre en forme de clin d’œil au Théâtre du Rond-Point à Paris, qui fut une patinoire avant d’être transformée en théâtre. C’est Jean-Michel Ribbes, alors directeur de ce théâtre, qui a proposé au duo formé par Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan de participer en septembre 2020 au petit festival en plein air gratuit qu’il organisait, « Le Rond-Point dans le jardin ». Essai transformé en décembre 2021 par la création du spectacle, couronné en mai 2022 par le Molière du Meilleur Spectacle de théâtre public. Depuis, c’est carton plein, des centaines de représentations, sur les scènes des théâtres publics et privés, et c’est loin d’être fini !

Burlesque 

On n’est pas loin de Laurel et Hardy : Pierre Guillois en Stan Laurel, grand échalas muet s’agitant dans tous les sens pour répondre à temps aux injonctions du déroulement du spectacle, et à la mécanique du burlesque. Olivier Martin-Salvan en Olivier Hardy, rondelet, braillard et hautain, statique, assis tout du long sur un trône dérisoire, tabouret sommaire dessiné au feutre sur un cube de carton. Dispositif depuis lequel ils vont partager avec le public une odyssée déjantée et poétique. Ce qui est déjanté, c’est le récit : road-movie délirant, à la poursuite d’une sirène amoureuse, partant de Norvège jusqu’à l’Espagne, en patins à glace, avion, bateau, trottinette, vélo, baudet. Ce qui est « poétique », et bluffant, c’est la capacité à produire cette « épopée » avec de simples mots écrits au feutre sur des bouts de carton. Certes, on peut en écrire et en faire des choses sur et avec le carton : découpages de tout acabit, volumes de tous formats. Mais à ce point -là ! Signalons que l’équipe comprend une ingénieure carton : Charlotte Rodière. Pierre Guillois excelle en gestuelles, chorégraphies, et mimiques tordantes pour planter les différents décors, du haut du ciel jusqu’au fond de l’océan, représenter la multitude de créatures qui lui sont assignées (sirène, marmotte, tour de contrôle, Helmut, macareux, chamois, …). Quant à Olivier Martin-Salvan, il se déchaine, depuis son trône-tabouret et son gromelot d’anglais vaguement shakespearien, petit roi autocentré à l’arrogance infecte, devant faire face tant bien que mal à des situations délirantes qui le dépassent. Alors rendons-nous à l’évidence : se faire embarquer de la sorte dans leurs délires, alors qu’on était prévenu : chapeau !

M.V.

24 et 25 avril
Théâtre Molière, scène nationale archipel de Thau, Sète
26 et 27 avril
Scène de Bayssan, Béziers

Lancement de la saison touristique : du sport avant toute chose ? 

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De gauche à droite. Maxime Tissot, Laurent Lhardit et Marc Thépot pendant la conférence de presse au Café Joyeux

Pour la saison 2024, l’une des préoccupations principales de l’Office de Tourisme de la Ville de Marseille concerne la durabilité de l’activité économique. « 40% de l’impact sur l’environnement provient du mode de transport que le touriste utilise pour venir », indique à ce titre le président de l’Office Laurent Lhardit. Pour minimiser cette pollution, des pactes avec la SNCF seraient envisagés. De plus, pour l’adjoint en charge du dynamisme économique et de l’emploi, le tourisme durable passe par la considération du « développement touristique comme une politique publique ». Pour le reste, les Jeux olympiques occupent logiquement tous les esprits, Marseille en étant une des principales villes hôtes. Les questions au sujet de l’arrivée du Belem avec la flamme olympique, de l’accueil des touristes, du nombre de chambres et de lits disponibles (9000 chambres et 36000 lits) ainsi que les potentielles conditions à remplir par les commerçants sont posées.  

Et la culture ? 

Avant l’été il y aura l’ouverture de la Citadelle, prévue pour le 4 mai, qui annonce de nombreux concerts, visites théâtralisées et escape games à l’année. En été, les traditionnels Jazz des Cinq Continents, l’Eté Marseillais et le Delta Festival rythmeront musicalement la vie de la ville. A noter que le Delta a été déplacé en septembre pour ne pas coïncider avec les dates des Jeux. Or face au constat que la saison touristique s’étale de plus en plus sur l’année, le développement de l’attractivité culturelle hors période estivale devient un enjeu. Le directeur général de l’Office de Tourisme Maxime Tissot et le président délégué Marc Thépot saluent l’efficacité de la communication « Marseille en hiver » qui invite les touristes à découvrir la cité phocéenne en dehors de la haute saison. Cependant ce sont des arguments relatifs aux paysages, et à la gastronomie de Marseille qui sont mis en avant dans cette campagne. Peut-être manque-t-il davantage d’articulation entre le tourisme et les propositions culturelles ?

RENAUD GUISSANI 

La conférence de presse de présentation de la saison touristique par la Ville de Marseille et l’Office de Tourisme s’est tenu au Café Joyeux le 11 avril