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De la folie dans l’enclave

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Mellow Yellow © Lena Reynaud

« Nous avons besoin d’être ensemble pour gagner la bataille de la morosité », écrit Frédéric Richaud dans son éditorial des Nuits de l’Enclave 2023. Dans cet esprit, le directeur du Centre Dramatique des Villages du Haut-Vaucluse signe une programmation qui, s’il garde le cap du théâtre, s’ouvre à la danse, poursuit son incursion dans les pratiques circassiennes et entame un chantier autour du jeune public.

La volonté pluridisciplinaire s’illustre lors de l’ouverture du 17 juillet, confiée à Denis Plassard maître de cérémonie d’un bal chorégraphié, en préambule de Robin Renucci. Après l’avoir créé puis baladé dans une douzaine de communes, lors du Festival d’Avignon 2017, le comédien reprend L’Enfance à l’œuvre, où, aux côtés du pianiste Nicolas Stavy, il évoque le creuset de l’existence, ausculté par Arthur Rimbaud, Marcel Proust, Paul Valery, Romain Gary et quelques autres.  

Du théâtre à profusion

Grands auteurs, suite : William Shakespeare, Anton Tchekhov, Albert Camus, bénéficient chacun d’une journée dans l’Enclave. Dans York, les douze acteurs de la compagnie Matamore, condensent les batailles épiques qui scandent Henry VI puis les sombres complots ourdis par Richard III (22 juillet). Albert Camus sera à l’honneur, le 24 juillet, l’espace d’une conférence sur l’homme et l’écrivain, suivie d’une lecture assurée par Bérangère Waruzel et Charles Berling. Focalisée sur sept personnages, Notre petite Cerisaie d’après Anton Tchekhov, accentue les corrélations entre enjeux intimes et monde en mutation. 

Matei Visniec (Paparazzi par le Cartoon Sardine Théâtre), Marc Lainé, auteur de Nosztalgia Express, lauréat du Prix Godot 2023, Claude Guerre et son Monologue de Sud, pris en charge par Frédéric Richaud, figurent parmi les auteurs d’aujourd’hui à l’affiche des prochaines Nuits

Mellow Yellow (le 18 juillet à Richerenches), Tout comme (le 20 à Grillon), Juste avant que la glace ne cède (le 25 à Visan), hissent haut les arts du cirque. La comédie musicale n’est pas en reste grâce à Jeanne Béziers qui examine les effluves virilistes, propres à La Barbe Bleue. Sans oublier la Compagnie des Gentils qui, lors de la clôture du 30 juillet, transportera la Carriole fantasque de M. Vivaldi au cœur de l’Espace Jean-Baptiste Niel. 

La valse du diamant noir désigne le spectacle présenté cette année par la troupe éphémère des Nuits, à découvrir en création les 19 et 20 juillet. Ces filles-là, texte d’Ewan Placey, variation autour d’Autant en emporte le vent, sera travaillé, durant deux semaines puis représenté le 30 juillet, par les participants du stage théâtre ado.  

Vive les comédiens, tel est le titre de l’exposition des dessins de théâtre réalisés par Cabu et cédé, par la Comédie-Française au CDDV. Une partie de ce trésor iconoclaste sera déployé durant ces Nuits de l’Enclave 2023, qui promettent 33 évènements, du spectacle, de la pensée, des rencontres et, Frédéric Richaud le certifie : « beaucoup de folie ».

MICHEL FLANDRIN 

Les Nuits de l’Enclave 
Du 17 au 30 juillet 
À Valréas, Visan, Grillon et Richerenches
nuits-enclave.com

Garden Party

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Jardin Sonore en 2022 © Léa Esposito Ultraviolence

Alexandre Langlais, directeur du festival Jardin Sonore de Vitrolles, confiait dans nos lignes l’été dernier qu’il « manquait [dans la région] un festival éclectique qui ne tombe pas dans la facilité. » La preuve en est que cette année encore, la programmation du festival a été pensée pour être diverse et donner la parole à de nombreux·ses artistes. 

« [On souhaite] être le festival qui offre aux artistes émergents la possibilité d’être programmé·es dans le Sud en été. ». Une invitation au festival est donc à prendre au sérieux, et le Jardin Sonore ne manque pas d’affirmer son projet à chaque édition, pour rassembler la population vitrollaise autour de la culture, de la musique et de l’humour. 

Car la grande nouveauté de cette édition est l’incorporation de six one man shows d’humoristes français. Certains sont connus pour leurs spectacles passés, comme Ahmed Sparrow (20 juillet), d’autres sont en (grosse) prise de vitesse comme Nordine Ganso (19 juillet). S’il gagne à se faire connaître sur Instagram pour sa subtilité et ses passages fins dans les comedy clubs parisiens, il a depuis récemment une chronique sur France Inter, dans l’émission la Bande Originale. Dans « La chronique de Nordine Ganso », l’humoriste met en voix son style particulier et tout en douceur pour raconter ses anecdotes et ses déboires. 

Côté musique, la programmation de Jardin Sonore ne se refuse rien. Si elle comprend des artistes locaux avec la présence de Soprano et le show cabaret protéiforme du collectif marseillais Maraboutage, le line-up du festival fait la part belle aux artistes français d’envergure nationale et internationale. 

Le rap est bien représenté par les concerts de Skia, Doria, Lorenzo, Mauvaise Bouche ou encore Zola. Ce sera aussi l’occasion d’écouter en live « Saison 00 », le dernier album en date de Luidji sorti fin juin. Les concerts du normand mondialement connu Petit Biscuit, de Brö ou de Liquid Jane donneront quant à eux une teinte électro et novatrice aux soirées du festival. 

L’international est aussi au rendez-vous. Ben Harper est en tête d’affiche du festival, et à raison. Entre son expérience du studio et de la scène et l’importance de son engagement, sa venue à Vitrolles prend tout son sens et rassemble face à l’incertitude ambiante. Le jazz et ses variations ont aussi leur place dans la programmation grâce à Faada Freddy, mondialement connu et acclamé pour son savant mélange entre sa voix singulière et percussions corporelles, dépassant le sillage d’un certain Bobby McFerrin… Enfin, si le besoin de s’énerver un peu se faisait sentir, Lovejoy et les Nova Twins ont leur mot à dire. Les premiers amènent sans forcer une double grosse caisse dans leurs sets de rock indépendant, là où les deuxièmes se concentrent sur un mélange d’influences entre des basses grondantes et une agressivité punk, pour servir au public un cocktail explosif ! 

Cette édition de Jardin Sonore est donc portée par une programmation originale et fraîche, qui donne envie de se déplacer pour l’occasion et de venir danser, rire et profiter de ce lieu aussi beau qu’agréable qu’est le domaine de Fontblanche. 

MATHIEU FRECHE

Jardin Sonore 
Du 19 au 21 juillet 
Domaine de Fontblanche, Vitrolles.
jardinsonorefestival.com

Toutes les musiques sont à Musiqueyras

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Aïtawa © X-DR

Du 16 au 21 juillet, le festival Musiqueyras propose des concerts faisant, entre autres, la part belle aux scènes amateurs locales. Des Si Déments livre ainsi un répertoire de musiques traditionnelles européennes au public de la salle de l’Ogival de Ristolas le 17 juillet à 16h30, avant que le Queyr’orchestra créé par l’association et dirigé par Nicolo Bottasso ne lui succède à 18 h. Les bals folk placeront également le public au centre de leur dispositif : le duo Moon Folk invitera le public de l’Espace Guinguette d’Abriès dès 19 h le 19 juillet, avant que le Bal o’Gadjo ne lui emboîte le pas dès 20h30 sur des sonorités venues tout droit des Balkans. La fanfare Semelle 2 vents déambulera dès 19 hdans les rues d’Abriès le 22 juillet. Le tempérament festif demeure en effet un maître-mot du festival : Minute Papillon et Dafné Kritharas fera danser le village d’Abriès le 18 juillet ; les plectres slaves et tziganes de Tchayok et les cordes pincées du Quintet Bumbac raviront l’espace Guignette le 20 juillet, avant que le trio sans frontières fixes Joulik et la fanfare Retour d’Est ne leur emboîtent le pas à l’espace chapiteau. Espace qui accueillera le 21 juillet les chants endiablés de Malétas, Petit Tonnerre, Aïtawa… Tandis que l’église Ristolas accueillera les concerts plus intimistes et introspectifs de Daud Khan Sadozaï et Prabhu Edouard le 17 et Dafné Kritharas le 18… De quoi se souvenir de la vitalité et multiplicité des pas si mal nommées musiques du monde.

SUZANNE CANESSA

Musiqueyras
Du 16 au 21 juillet
Abriès-Ristolas
musiqueyras.org

À Nice, déjà un classique

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Le Nice Classic Live se tient une nouvelle fois dans le cloître du monastère de Cimiez © Agence ComToPlay

Le festival Nice Classic Live ne cesse de gagner en stature, en témoignent la présence des pianistes Bertrand Chamayou le 15 juillet et de Vanessa Wagner le 16. Le public retrouvera également Jean-François Heisser, notamment pour le Mantra pour deux pianos et musique électronique de Stockhausen le 3 août, ainsi que la directrice du festival Marie-Josèphe Jude qui fêtera avec quatre compères Rachmaninov le 1er août, avant de se joindre le 6 au Quatuor Ellipsos pour la création du quatuor de saxophones et piano de Fabien Waksman.

Le violoncelliste Xavier Phillips dirigera les Solistes de Lausanne le 25 juillet autour de Vivaldi et Piazzolla. Le 26, un programme unira littérature et musique autour de Casse-Noisette, du Sacre du Printemps et de textes d’Anna Akhatmova récités par Alice Taglioni, avec Claire Désert, Florent Boffard et Jean-Marie Cottet au piano. L’Orchestre Philharmonique de Nice, dirigé par Marc Coppey, donnera le 30 le concerto pour flûte de Mozart et la 8e Symphonie de Dvorak.  

Associé historiquement à l’Académie d’Été, le festival mettra en avant les jeunes solistes, et notamment Élise Bertrand qui créera sa sonate-poème pour violon et piano le 17. Les talents de l’Académie se produiront les 29 juillet et le 5 août pour deux grands événements gratuits, avant un grand concert de clôture jazz autour du saxophoniste Pierre Bertrand le 8 août.

PAUL CANESSA

Nice Classic Live
Du 15 juillet au 8 août
Cloître du monastère de Cimiez
niceclassiclive.com

Un Gang sur le Toit

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A l’origine du scénario du Gang des Bois du Temple, le dernier long métrage de Rabah Ameur-Zaïmeche, présenté à la Berlinale 2023 ( Section Forum), la confrontation de deux faits divers. L’attaque en 2014 sur une bretelle d’autoroute de la région parisienne d’un van transportant les affaires personnelles d’un Prince arabe par un gang de la cité des Bois du Temple dirigé par un Gitan du Val d’Oise en quête de reconnaissance familiale. Et, l’assassinat en 2018, à l’intérieur du consulat d’Arabie Saoudite d’Istanbul, du journaliste Jamal Khashoggi. Un constat sur l’affligeante constante de l’injuste justice, formulée voilà trois siècles par La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable… » L’impunité laissée aux assassins riches et influents versus l’acharnement des lois pour des délinquants mineurs. Le polar de Rabah Ameur-Zaïmech sera donc suivant la loi du genre, à la fois une tragédie attendue, dominée par le fatum politico-social et la restauration au bout du fusil par un justicier solitaire d’un ordre individuel à défaut du collectif.

Une trame balisée

Dans la cité des Bois du Temple, une mama vient de mourir. De celles au grand cœur qui font des crêpes aux minots du quartier et leur ouvrent leur porte et leurs bras. Monsieur Pons ( Régis Laroche), son fils , ex tireur d’élite de l’armée, les a vus grandir. Il les observe du haut de son balcon, clope au bec, le regard voilé par d’anciennes guerres. Il les retrouve au PMU où il boit son pastis en pariant sur des  chevaux : Mouss (Keji Meunier), Tonton ( Salim Ameur-Zaimeche), Melka et Dari ( Kamel et Rida Mezdour), Nass (Nassim Zazoui), Sly (Sylvain Grimal). Gangsters amateurs, ces six potes de la cité réussissent à braquer l’intendant d’un prince arabe (Lucius Barre), récupèrent un pactole en grosses coupures et des documents secrets. Le Prince ( Mohamed Aroussi) commandite une enquête prestement résolue par Jim ( Slimane Dazi) et règle les choses à sa manière.

Stylisé, minimaliste et humaniste

L’originalité du film n’est ni dans cette trame balisée, ni dans les scènes d’action parfaitement maîtrisées mais somme toute, peu nombreuses. Elle est dans l’approche du quotidien de ces banlieusards marginalisés, aux rêves simples, de cette fraternité indéfectible entre eux. De la vie telle qu’elle va là, avec un fond de tristesse et une énergie nourrie de rires et d’espoirs. Elle est dans la mise en scène conçue en étau. Elle est dans la longueur assumée de séquences et de plans qui pourraient paraître secondaires : une chanson incongrue (La Beauté du jour) donnée dans son intégralité durant l’enterrement qui ouvre le film, un barbecue libanais en bord de route sur un parking, une conversation sur l’avenir doré des complices au milieu d’une pluie de graines jetées par poignées à des nuées de pigeons, une scène incroyable où le mutique Prince monte sur le dance floor d’une boîte de nuit, échappant un moment à son destin de Méchant. Liberté des mouvements de la caméra, travellings répétés sur les façades des barres d’immeubles et panorama où l’horizon du Centre Ville se floute comme un monde inaccessible. Le réalisateur a tourné en trois lieux : Paris, Bordeaux, Marseille, reconstituant un espace à la fois ancré dans la géographie des banlieues des grandes villes mais totalement imaginaire. Avec son titre qui fleure le François Villon et le romantisme des bandits au grand cœur, Le gang des Bois du Temple est un film stylisé, minimaliste et humaniste. Plus proche de Melville (que le réalisateur admire) et du récit biblique que d’un polar Netflix.

ELISE PADOVANI

photo © Sarrazink Productions

Réservations pour la soirée du 20 juillet sur grandslargesfestival@gmail.com

En salles, le 6 septembre 2023

Un numéro réussi pour « Occitanie fait son cirque en Avignon »

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« Baal » de Florence Bernad est porté par des performeurs amateurs comme professionnels. PHOTO MARC GINOT

C’est un vrai cirque, avec son chapiteau, ses caravanes et son ambiance festive qui s’est installé sur l’île Piot à Avignon. Une invitation à passer le pont pour découvrir dans un cadre verdoyant les artistes venus d’Occitanie et d’ailleurs qui se succèdent toute la journée.

The end is Nigh ! de la compagnie La Barque Acide revisite et réinvente le cirque. Désormais, on jongle avec des tartines et des grille-pains, c’est un caddie qui fait du funambulisme, et un pneu en caoutchouc fait office de trapèze. Les numéros s’enchainent, souvent drôles, originaux et intelligents, bien que parfois inégaux, cassant un rythme pourtant bien engagé.

Le nu porte conseil

La plupart laissent tout de même le public bouche bée, aussi bien les enfants que les adultes. En toile de fond, l’inquiétude autour d’un futur sombre et d’une apocalypse qui, inexorablement, approche. Le questionnement, aussi, de notre rapport au corps tant la vue des seins nus de trois acrobates fait réagir les enfants. Elles jouent avec leurs corps, présenté à égalité avec celui d’un homme, torse nu lui aussi mais qui étrangement ne choque personne.

Au gymnase, situé à quelques mètres du grand chapiteau, se joue la pièce chorégraphique Baal de Florence Bernad du Groupe Noces. L’occasion d’un pas de côté vers la danse et l’acrobatie, dans une forte, chargée d’un puissant message contre le patriarcat et le sexisme. Un projet qui mélange performeurs professionnels et amateurs dans un texte qu’ils ont eux-mêmes écrit en compagnie d’une collégienne de 13 ans.

Pendant les vingt premières – longues – minutes, ce sont cinq hommes qui occupent la scène. Ils enchainent les figures. Mais l’irruption soudaine sur scène d’une dizaine de femmes sorties de nulle part bouleverse l’équilibre du spectacle. S’engage une lutte à travers un jeu de micro, les hommes s’en emparant toujours en premier pour monopoliser la parole. Mais les femmes forment un seul corps, chantent ensemble, prennent le pouvoir et chassent les hommes. Finalement, ils dansent tous ensemble, poings levés devant un panneau lumineux flanqué du message : « Nous sommes la chute du patriarcat ».

Rafael Benabdelmoumene

Occitanie fait son cirque en Avignon se tient jusqu’au 16 juillet sur l’île Piot.

Les musiques africaines mettent Arles en transe

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Les membres de Tinariwen sur la scène du théâtre antique d’Arles. PHOTO FLORENT GARDIN

Le mot d’ordre était « collectif ». Un public et des artistes ensemble pour partager un moment de musique mais aussi de réflexion et d’affirmation de valeurs communes. Les Nana Benz du Togo chantent pour lutter en faveur de l’émancipation des femmes et pour leurs droits. Tinariwen, eux, chantent pour lutter contre la violence à laquelle ils sont confrontés dans leur désert natal, entre le sud de l’Algérie et le nord du Mali.

La soirée commence avec les Nana Benz du Togo. Leur nom fait référence à la voiture allemande, mais aussi et surtout au nom que l’on donne aux femmes ayant fait fortune dans le commerce du wax au Togo. Un clin d’œil à cet enjeu crucial que représente l’émancipation féminine au Togo et en Afrique. La scène est minimaliste, le résultat sonne gros : une batterie de poche composée entre autres de bouteilles en plastique et une basse jouée avec des tongs sur des tubes en PVC assurent la section rythmique. Trois chanteuses harmonisent et l’une joue d’un petit clavier, utilisé pour instiller des mélodies dans les oreilles du public. Les grooves sont toujours cohérents et efficaces pour faire bouger le théâtre antique, mais aussi pour appuyer l’engagement des Nana Benz.

« Liberté pour les femmes ! ». Comme un hymne, cette phrase retentit dans l’amphithéâtre alors que la scène se teinte de violet, couleur associée aux mouvements féministes à travers le monde, pour l’interprétation de la chanson J’ai compris, où l’on peut entendre « Quand je dis non c’est non. ». Un set engagé et captivant donc, aux tons oscillants entre le gospel et la transe.

À l’unisson

C’est aussi de transe dont il est question pour les Touaregs de Tinariwen. Leur arrivée met tout de suite dans l’ambiance : entièrement drapés dans leur takakat et leur chèche, le groupe en impose. À l’image de leur musique, les musiciens sont calmes et l’on ressent l’envie de transmettre et de partager un moment intime avec le public. La musique devient vite aérienne et planante, tout en étant précise et efficace. La rythmique basse – percussions donne la pulsation comme un battement de cœur commun à toute l’assemblée, là où les guitares viennent habiller cette ambiance. Les six voix à l’unisson achèvent le cocktail du lâcher-prise et du laisser-aller pour un théâtre antique plein et en symbiose avec les « hommes bleus ».
« Heureusement qu’il reste des concerts pour unir les gens », pouvait-on entendre dans la fosse. Tout le monde en veut encore et n’hésite pas à demander en français ou en arabe, voire les deux. Le rappel n’arrivera pas, mais les émotions, elles, vont bien rester.

Mathieu Freche

Les Suds, à Arles se poursuivent jusqu’au 16 juillet.
suds-arles.com
Les Nana Benz du Togo sont de passage le 21 juillet à La Grange (34)
bouilloncube.fr

Cosi fan tutte : les noces de vermeil

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Pourtant audacieuse, une partie du public a hué la mise en scène de Dmitri Tcherniakov. PHOTO MONIKA RITTERSHAUS

L’idée est si brillante qu’on se demande pourquoi elle n’a pas été mise en œuvre plus tôt : et si les couples de Cosi Fan Tutte n’étaient pas constitués de naïfs jeunes gens, mais de sexagénaires ? Et si l’échangisme déguisé qui noue l’intrigue et la succession de coups de théâtre n’avait pas pour but de les déniaiser, mais de réveiller leurs émois premiers ? Cet angle, radical, implique des choix musicaux qui le sont tout autant. Dont celui de sélectionner, pour cette distribution qui fait habituellement la part belle aux voix légères et inaltérées, des interprètes s’étant déjà emparés du rôle il y a une petite trentaine d’années.

Le temps aura davantage épargné les tessitures les plus graves : le Guglielmo de Russell Braun et la Dorabella de Claudia Mahnke ne diffèrent que peu, vocalement parlant, des interprétations habituelles de leurs rôles, et assurent leur partition sans accroc : tout juste y ajoutent-ils une nouvelle touche libidineuse et un autre mode de présence scénique. Les vocalises plus éthérées et fournies de Fiordiligi et Ferrando donnent un peu plus de peine à Agneta Eichenholz et surtout à Rainer Trost. Mais la difficulté technique est vite balayée par la musicalité de l’interprétation, toujours inspirée : l’émotion, teintée de gravité et même de notes de douleur, remplace ici le goût de l’épate. Les partitions moins tendres de Don Alfonso et Despina, devenu ici un couple, sont exécutées avec panache par Georg Nigl et la formidable Nicole Chevalier.

Un Aix relou

Les maîtres du jeu s’y font plus violents et plus capricieux que jamais, y compris l’un envers l’autre : les jeux de rôles et de masques, littéraux, qu’ils proposent à leurs convives se révèlent très vite sordides. Et pour cette génération si identifiable, et cette classe sociale si aisée, les gagnants ne seront jamais les femmes : en cela, la greffe entre cette nouvelle histoire de possession et la machination au cœur du livret opère parfaitement. Et c’est peut-être ce miroir tendu au public même qui engendrera les nombreuses huées lors des saluts, y compris de l’équipe vocale – du jamais vu !

On pourra regretter que les instruments d’époque du Balthasar Neumann Ensemble, sous la direction toujours précise de Thomas Hengelbrock, n’aient que des sonorités rugueuses, des timbres aigres et un phrasé sec à opposer à cette scène manquant déjà d’opulence et de rondeur. Ou reconnaître qu’en cela le plateau et la fosse font parfaitement corps, soutenu par un chœur émanant des profondeurs, aux sonorités étrangement funèbres.

Suzanne Canessa

« Cosi Fan Tutte » est joué au Théâtre de l’Archevêché jusqu’au 21 juillet, dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

À Vitrolles, des collecteurs de légendes

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Le groupe Édredon Sensible avec Tristan Charles-Alfred (saxophone baryton), Jean Lacarrière (saxophone ténor), Mathyas Bayle et Antoine Perdriolle (batterie, percussions). PHOTO GÉRARD TISSIER

Ce 9 juillet, la troisième journée du Charlie Jazz Festival offrait un éventail parfaitement représentatif de l’esprit de cette manifestation qui fait partie des grandes dates pour les amoureux du jazz de la région. La soirée s’orchestrait entre la banda montpelliéraine, Gradisca (et son hélicon digne d’une chanson de Bobby Lapointe), festive et originale, et la DJ et productrice écossaise Rebecca Vasmant qui referma la page du festival avec un choix jazzique éthéré. Entre ces deux pôles, trois concerts faisaient passer le public de la grande scène des platanes à celle du Moulin.

Ode au monde

D’abord, le saxophoniste Émile Parisien, accompagné de sa formation en sextet, revenait au festival avec son projet Louise (album sorti le 28 janvier dernier). Ici, les compositions se succèdent apportant chacune une couleur particulière, flirtant avec le free jazz (même si le terme est pléonastique, le jazz est une musique libre par excellence), la fusion, des expérimentations fécondes… il y aura la dédicace à un ami, Jojo, (Joachim Kühn), une pièce en trois parties, dédiée à la maman du musicien, Memento (composée avec la complicité de Vincent Peirani) qui permet d’hallucinants solos, le piano en devient orgiaque. C’est Prayer 4 peace de Theo Croker qui viendra clore le concert, comme un lointain écho d’un film de Duras, onirique et sensuel. Quelle toile finement tissée !

Cathartique ?

Potache, dadaïste, iconoclaste, le groupe Édredon Sensible, avec ses membres tous déguisés, peaux de bête et shorts de foot plus ou moins à paillette, déconcertaient puis séduisaient par leurs motifs ostinato ad libitum, leurs improbables enchaînements, leurs voix. Un univers décalé et espiègle où rythmes brésiliens, afro-quelque chose, et autres prétextes à une ivresse tribale, menait les musiciens à la transe avec jubilation.

Légende

Ils ont fait place à une légende du jazz, présent à Vitrolles pour une de ses deux seules dates en France cette année. Le fantastique pianiste Kenny Barron était accompagné de Kiyoshi Kitagawa et Savannah Harris (batterie) aux fluides polyrythmies. Ils ont interprété une série de standards inspirés, Footprints, (en hommage à Wayne Shorters), sur lequel flotte un parfum cubain, le délicat How deep is the Ocean, Bud Like (tribute à Bud Powell)… Le jeu incisif de la batterie, la tenue irréprochable de la contrebasse, laissaient au pianiste l’espace de son jeu lumineux, élégant, subtil que l’on peut comparer à celui d’Art Tatum ou de Thelonious Monk dont il interprétera l’une des compostions. On repart avec son Calypso dans la tête, du velours taillé dans une nuit d’étoiles.  

Maryvonne Colombani

Le Charlie Jazz Festival s’est tenu du 7 au 9 juillet, au domaine de Fontblanche, à Vitrolles.

Apocalypse et communion

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20 000 Marseillais se sont rassemblés devant la scène flottante installée dans le Vieux-Port. PHOTO THIERRY HAUSWALD

La pièce, créée par le trio d’artistes de La(H)orde qui dirige désormais le Ballet national de Marseille, a des centaines de dates à son actif de tournées internationales. Grâce à la nouvelle direction, le BNM a renoué avec le succès, et la soirée sur le Port a prouvé qu’ils avaient largement gagné le cœur des Marseillais.

Devant l’Hôtel de Ville, dans une manifestation produite par la mairie, la soirée a fait le plein au-delà des prévisions, décevant ceux qui n’ont pas pu approcher de la scène, ni même des écrans, et n’ont pas pu assister au spectacle incroyable de ces danseurs devant le soir qui tombe, la ville qui s’éclaire et les mâts des bateaux qui rentrent au port.

Contre la violence

Les spectateurs qui se pressaient au pied de la scène faisaient davantage penser aux festivaliers des musiques actuelles qu’au public de la danse contemporaine. Il faut dire que les synthétiseurs de Rone, artiste phare de la scène électro française, ne sont pas pour rien dans ce succès. Parce que le musicien accompagne ses citations, samples et arrangements savants  d’une gestuelle qui est déjà une chorégraphie.

Mais c’est bien de la danse dont le public parlait. De ses scènes de violence et de recherche d’un mouvement commun. D’une jeunesse confrontée à l’apocalypse à venir et qui refuse la domination. Des scènes crues de meurtres, d’onanisme, d’empoignements, de fin du monde. Puis des figures qu’ils inventent, des portés acrobatiques, pour finir sur une nouvelle dynamique, un ensemble qui se soude et tournoie, où chacun construit ses appuis sur les autres.

Le message répété de la fin, dit dans toutes les langues des interprètes : « Nous luttons contre la violence/Nous luttons contre le racisme/Nous luttons contre la domination ». Il est accueilli par le public debout, le poing levé. Décidément, Marseille change.

Maryvonne Colombani

A Room With a View a été joué le 11 juillet dans le cadre de L’Été marseillais.