vendredi 1 août 2025
No menu items!
Cliquez sur l'image pour vous abonnerspot_img
Accueil Blog Page 262

Couchés les damnés de la terre

0

Dissoudre les Soulèvements de la Terre, arrêter ses membres comme des terroristes, manu militari, parce qu’ils détruisent les biens des industriels de l’agriculture, est-ce le comportement de la police d’une république, et d’un gouvernement démocratique ?  Comment appelle t-on un gouvernement qui promulgue l’exception pour faire passer ses lois et protéger les lobbies des pollueurs, alors même qu’ils s’approprient l’eau, le bien public ? 

Comment appelle-t-on un ministre qui envoie les forces de l’ordre arrêter des militants en appliquant une loi prévue contre le terrorisme, le vrai, celui qui tue les gens sur les terrasses et les spectateurs anonymes d’un concert ou d’un feu d’artifice ? Comment appelle-t-on un pays où le droit de manifester se restreint, où on interdit les « casserolades », où on mutile impunément les manifestants ? 

Sommes-nous en train de basculer vers l’impensable ? Anticor, une des seules associations qui avait l’agrément nécessaire pour se porter partie publique contre la corruption, vient de se le voir supprimer. Bolloré reprend en main les médias dominants, tandis que les derniers journaux indépendants disparaissent. Les paroles insupportables s’échangent sur les plateaux télé, contaminent les conversations, débordent dans les assemblées de la République. Faut-il « violer une mémé pour passer dans les médias » demande un conseiller départemental, tandis qu’un autre veut s’allier avec l’extrême droite pour ressusciter le RPR ? 

Au Camp des Milles, une exposition glaçante retrace les étapes qui conduisent les démocraties vers des situations génocidaires. L’étude distingue trois étapes avant le début des massacres en masse, de Tutsis, des Arméniens, des Juifs et des Tziganes. Nous sommes, clairement, en train de basculer vers le troisième stade. Celui où la République promulgue des lois d’exception, s’allie politiquement avec des mouvements antirépublicains, musèle les médias et violente les damnés de la terre.

AGNÈS FRESCHEL

Au plus près des réels difficiles

0
Je n'ai rien fait de mal © Cie Equivog

En cinq soirées, cinq spectacles suivis chacun d’un débat sur les questions qu’ils soulèvent, le Théâtre des Chartreux pose un regard acéré sur des problématiques locales ou universelles, posées par des hommes et des femmes victimes de violences et discriminations historiques. 

Scènes docu s’ouvre le 29 juin avec un texte de Mina Sperling, photographe qui aux Rencontres d’Arles avait soigneusement découpé l’image de son grand père sur les photos de famille. Victime d’inceste, elle a écrit un texte liminaire pour cette exposition, porté désormais sur scène par Lunell Oudelin (Cie Equivog).

Le lendemain Maire Ubu : Michel Couartou a écrit, pour six comédiens, une pièce qui donne la parole aux centaines, aux milliers de délogés après le drame de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018. Ou comment une mairie affolée édite à tour de bras des arrêtés de péril, expulse sans reloger, dépassée par sa propre impuissance à gérer le réel. En contrepoint, la parole de tous ceux qui ont subi des années de relogement de fortune, de destruction de leur intimité, et de situations… ubuesques !  

Le 2 juillet, Béa Insa fera parler les femmes victimes du franquisme, depuis les bombardements jusqu’aux exils, et le quotidien des ouvrières après-guerre. Le 3 juillet une femme encore, soupçonnée de terrorisme, interrogée par les services secrets, dans un dialogue où le soupçon et le doute s’installent. L’arbitraire ? Michel Couartou (Cie Le Bar de la Poste) compose un huis clos qui pose la question des arrestations arbitraires, et de la définition, tout aussi arbitraire, de ce qui est qualifié de terroriste.

C’est Manifeste Rien qui clôturera Scène docu le 4 juillet, avec La Marseillaise en bref ! la compagnie s’attache depuis sa création à l’histoire cachée de Marseille, celle des migrations, des exils, des pogroms et assassinats d’étrangers, celle de la classe ouvrière et des femmes…  La Marseillaise en bref ! plonge dans l’histoire du rejet de l’étranger à Marseille, et de la mort de trois ouvriers italiens en 1881, parce qu’ils avaient sifflé la Marseillaise. Tissant des échos avec l’histoire récente, celle du foot qui intègre ou désintègre, celle des ratonnades de 1973, la pièce, est portée sur scène par Olivier Boudrand qui a écrit le texte et mené l’enquête avec Jérémy Beschon, Au delà de la notion de théâtre documentaire, un théâtre politique, au bon sens du terme. 

AGNÈS FRESCHEL

Scènes docu 
Du 29 juin au 4 juillet
Théâtre des Chartreux, Marseille
theatredeschartreux.com

La bonne danse à Monaco

0
Pulcinella de Verbruggen © DR

Fin juin, deux créations sont confiées aux Ballets de Monte-Carlo. Une première de Jeroen Verbruggen, qui s’inspire de l’un des personnages de la Commedia dell’arte, Pulcinella (notre Polichinelle), et du ballet néo-classique composé par Igor Stravinsky (1919) sur une commande de Serge Diaghilev. Jeroen Verbruggen revisite le thème et fait de Pulcinella sur lequel toutes les catastrophes s’abattent le symbole des marginaux et des rejetés d’aujourd’hui, sous-titrant son œuvre Les Nuls. Après ce « coup de poing », Firebird de Goyo Montero relit avec maestria L’oiseau de feu, cet autre chef d’œuvre des Ballets Russes, clin d’œil aux origines de la danse à Monte-Carlo et occasion pour les danseurs de se transformer le temps d’un spectacle en nuages d’oiseaux fluides et mouvants.

Juillet verra la reprise de l’une des grandes pièces de Jean-Christophe Maillot, Cendrillon. Famille recomposée, artifices versus pied nu, dépouillement nécessaire à l’éclosion de la beauté et de l’art, le récit prend une dimension symbolique transcendée par la virtuosité expressive des danseurs dans la subtile scénographie d’Ernest Pignon-Ernest.

La danse est une fête !

Pour sa deuxième édition, attendue avec impatience depuis le succès de la première session en 2017, les deux journées de F(ê)aites de la danse nous donnent rendez-vous les 8 et 9 juillet sur la place du Casino de Monte-Carlo. Comme son nom l’indique, il s’agit bien sûr d’une fête mais qui invite chacun à pratiquer, exercer son corps, chalouper au fil des rythmes du monde, relever des défis improbables, exulter aux variations de tempi, se confronter à une barre géante aux côtés des Ballets de Monte-Carlo, participer à un Flash Mob… Pas de passivité mais les spectateurs sont aussi acteurs et pas simples « consommateurs » d’un show annoncé. Durant vingt-quatre heures, spectacles, défilés, shows en plein air, ateliers, échanges avec des artistes venus de toute la planète, se succéderont sur la piste de danse que sera alors Monte-Carlo. Un Marathon de la danse sera proposé aux danseurs amateurs en couple (peu importe les composants). On écoutera le concert-spectacle de Goran Bregovic et son Orchestre des Mariages et Enterrements, Talias’band nous conviera à un mix de soul, pop, r&b, rock, au bar américain.

Les danses du monde nous attendent en plein air, danses de salon, danse africaine, danse brésilienne, hip-hop, pole dance, tap dance, danse tahitienne, tango argentin, boogie-woogie, country… il y en a pour tous les goûts ! Et on ne parle pas des spectacles de flamenco moderne, des danses urbaines avec Hervé Koubi, du défilé brésilien, de Core Meu par les Ballets de Monte-Carlo, ni de la séance de Tai-Chi-Chuan en « matinée détox »… Quelle fête !

MARYVONNE COLOMBANI

Pulcinella & Firebird
Du 28 juin au 1er juillet
Forum Grimaldi, Monte-Carlo
Cendrillon
Du 18 au 20 juillet
Salle Garnier, Opéra de Monte-Carlo
F(ê)aites de la danse
8 et 9 juillet
Place du Casino, Monte-Carlo

0377 99 99 30 00
balletsdemontecarlo.com

Un tremplin rap qui fait le buzz

0
Samir Flynn est le candidat pour la région Occitanie © BimboSlice

La finale qui se déroule ce 24 juin sur la scène de Paloma à Nîmes est l’aboutissement du dispositif national auquel ont participé plus de 1700 candidats de onze régions différentes. L’objectif ? Détecter les talents rap de demain, évidemment. Mais aussi valoriser la scène musicale rap dans toute sa diversité, accompagner la professionnalisation d’artistes émergents et continuer à dynamiser le réseau de diffusion des musiques urbaines grâce à une initiative portée par 18 structures dans onze régions du territoires, dont Da Storm à Nîmes et La Casa Musicale à Perpignan en ce qui concerne l’Occitanie. Vaste programme ! 

Tournée nationale à la clé

Cette finale nationale voit ainsi s’affronter onze graines d’artistes de toute la France, qui auront chacun un set de quinze minutes pour convaincre un jury de professionnel·les… et le public, bien sûr. Le gagnant remportera une tournée nationale dans les lieux et salles de concerts partenaires du Buzz Booster, une bourse d’accompagnement d’un montant de 15 000 € et un soutien auprès des partenaires comme des médias. Les rappeurs en lice : Cléon, PHPL, Snej, Gonzy, Muchos, Good Bana, Noham, Docmé, Paulvitesse! et Yeuze Low. Sans oublier le Toulousain Samir Flynn, le candidat représentant l’Occitanie, lequel affirme être « autant marqué par Freeze Corleone & Népal que par Daniel Balavoine » dans un désir de liberté comme de subversion volontaire. Parmi ces candidats, un gagnant. Et de nombreuses opportunités pour tous les participants. Cette finale est aussi l’occasion pour les jeunes rappeurs d’échanger en rendez-vous individuel avec des professionnels de la musique afin de récolter au passage conseils et bons plans. À noter que la finale nationale sur la scène de Paloma… et en direct sur Twitch avec Areliann & Nekzioh. 

ALICE ROLLAND

Buzz Booster
24 juin 
Paloma, Nîmes
paloma-nimes.fr

Preljocaj en trois temps

0
Torpeur © JC Carbonne

Se rendre à un spectacle d’Angelin Preljocaj se fait en toute confiance, un peu comme on va retrouver un ami cher. C’est pourquoi avoir la possibilité de voir trois courtes pièces le même soir est un plaisir renouvelé, surtout s’il s’agit de deux reprises et d’une création. Cette juxtaposition est une façon puissante d’assumer ses choix artistiques et ses obsessions pour le chorégraphe, en phase avec le thème de cette édition 2023 du festival Montpellier Danse : « répertoire et création ». Tout commence par l’Annonciation, un duo intemporel datant de 1995 dans la lumière mélancolique de Rubens. Ici l’ange est féminin, l’Annonciation aussi intime que brutale. L’harmonie du temps passé est rompue par la déflagration martiale de l’annonce de l’enfant à venir que la femme, être de courage, intègre dans ses gestes et dans son corps, déjà prête à vivre les chamboulements du futur. 

Dynamique de l’indolence

Pas de doute, le langage dansé du chorégraphe est féministe et engagé, comme nous confirme la troisième pièce du programme, Noces, créée en 1989. La virtuosité de la musique de Stravinsky nous entraîne dans une forme narrative explosive questionnant les violences faites aux femmes par des hommes qui en exigent l’assujettissement. La sauvagerie des mots que l’on n’entend pas s’exprime à travers les corps, que la dynamique infernale mène au bord de l’épuisement. Les femmes tentent de résister, alors que point le désespoir. Mais peu importe qui prend le dessus, la confrontation ne peut générer que des perdants. Entre les deux reprises, la création Torpeur s’affirme comme un moment de beauté en suspension, explorant dans un cadre épuré et sans artifices, un état particulier du corps porté par la dynamique singulière de l’indolence. Tout est consenti, vécu dans une ivresse de la douceur portée par l’union des corps, cette complicité chorégraphique des interprètes qui ne forment plus qu’un. On retrouve tout l’art de Preljocaj, obsédé par la fluidité du mouvement, l’harmonie des pas de deux, la minutie du geste. Le rythme du mouvement ralentit inlassablement mais son intensité ne faiblit pas, au contraire, l’énergie qui en émane est comme amplifiée. Une émotion physique puissante surgit et nous permet de ressentir dans notre chair ce bras qui s’étire à l’infini, ce pied qui se lève, ce regard ampli de sérénité…  Quelle délicatesse ! Dans un langage des gestes propres à Prejlocaj, le mouvement apaisé continue, abandonné à lui-même, mais ne lâche rien, on se rêve à croire qu’il ne s’arrêtera pas. Avant de réaliser qu’il est déjà suspendu, endormi peut-être… Dans notre corps, dans notre tête, pourtant, il continue. 

ALICE ROLLAND

L’Annonciation, Noces et Torpeur ont été donnés les 20 et 21 juin, dans le cadre de Montpellier Danse, à l’Opéra Berlioz, Montpellier. 

Prix littéraire des lycéens et apprentis : Yamen Manaï et Théo Grosjean distingués

0
Prix littéraire des lycéens et des apprentis © Claude Almodovar - Région Sud

Le Prix littéraire des lycéens et des apprentis de la Région Sud a été décerné, comme tous les ans depuis 19 ans, dans une ambiance festive. En effet, les élèves des lycées inscrits proposent des travaux effectués durant l’année avec leurs professeurs autour des livres de la sélection, cinq romans et cinq bandes dessinées. Les productions donnent lieu à des expositions plastiques, du jeu dramatique, des vidéos… L’engagement et la perspicacité des remarques des adolescents au service de ces œuvres sont réjouissants. Après le partage des productions vient le moment attendu du résultat du vote d’un millier de jurés.

Le Prix pour le roman a été attribué à un jeune auteur tunisien, Yamen Manaï, qui livre avec Bel abîme un livre fort, sans concession qui porte un regard durement critique sur le gouvernement tunisien. L’auteur fait le constat amer de l’échec de la révolution et de la situation difficile de la population dans un monde déstabilisé, soumis à la loi patriarcale. Confronté à la méchanceté et la violence de son père, le jeune héros ne reçoit d’affection que d’une chienne qui lui sera cruellement enlevée. Sa douleur et sa colère déclenchent de sa part des actes qui le précipitent en prison. Un avocat commis d’office lui pose des questions que nous n’entendons pas. Seules les paroles de l’enfant, qui les reprend, sont rapportées avec intensité et émotion.

Pour le Prix de la bande dessinée, les lycéens ont encore choisi l’histoire d’un ado. Signe de leurs inquiétudes pour leur avenir et des questionnements auxquels ils sont confrontés ? Le roman graphique de Théo Grosjean, qui assure texte et images, nous met à la place du regard que porte Samuel sur le monde qui l’entoure. Il ne parle pas et tout petit déjà ne s’exprime que par le dessin qui restitue ses expériences, ses émotions et ses jugements des adultes qui l’entourent. Cette histoire crée un étrange malaise, accentué par la couleur froide du fond des images. Le jeune auteur a voulu faire ressentir sa propre incompréhension, mais aussi l’importance du regard.

Enfin saluons le Prix qui a été décerné à Jules Langonnet, élève du Lycée Val-de-Durance de Pertuis. Il est lauréat du concours d’écriture de nouvelles. C’est Bruno Genzana, Commission Jeunesse à la Région, qui a eu le plaisir de remettre ces prix très mérités et très applaudis.

CHRIS BOURGUE

Bel abîme, de Yamen Manaï
Éditions Elysad
Le spectateur, de Théo Grosjean
Éditions Soleil (collection Noctambule)

Quand la culture soutient SOS Méditerranée 

0
Zamdane et ses amis occuperont la scène pendant plus de deux heures © DR

Le décompte fait froid dans le dos. Depuis 2014, l’Organisation internationale pour les migrations estime à plus de 26 000 le nombre de migrants morts en traversant la mer Méditerranée, un chiffre certainement sous-estimé. Dernière tragédie en date, le naufrage d’un chalutier vétuste au large de la Grèce, transportant plusieurs centaines de personnes, pour seulement 78 survivants. Face à cette tragédie, des associations prennent la mer, et viennent en aide aux naufragés. C’est le cas de SOS Méditerranée, qui depuis 2016 a secouru plus de 37 000 personnes à bord de l’Aquarius puis de l’Ocean Viking. Une démarche salvatrice qui a un coût (14 000 euros pour une seule journée en mer), et qui nécessite le soutien de la société. Depuis plusieurs années, des artistes ont décidé d’aider l’association, pour chercher des fonds d’une part, mais aussi pour sensibiliser la population. 

C’est cette volonté de sensibilisation qui a poussé Mikhaël Piccone, fondateur de Calms (Collectif des artistes lyriques et musiciens pour la solidarité), à écrire son spectacle Sans Frontières Fixes, donné au Théâtre Toursky le 26 mai dernier. « Ce n’est pas un concert juste pour récolter de l’argent, c’est un véritable spectacle qui témoigne de ce que vivent les gens qui traversent la méditerranée », explique-t-il. Et d’ajouter que cette œuvre permet au public de « prendre conscience que ces personnes ont une histoire, des vies, et que la nécessité de les aider est fondamentale ». 

Un engagement vital

Pour Sabine Grenard, responsable événementiel pour SOS Méditerranée, cet engagement des artistes est « vital ». « Puisque le financement de l’association provient à 90% de la générosité publique, le soutien des artistes est absolument crucial pour sauver des vies en mer. » Elle souligne aussi que cet engagement de leur part est courageux, car l’action de l’association « peut-être décriée par une certaine partie de la population. » Une question que Mickhaël Piccone a lui rapidement évacué : « C’est une urgence humaine qui n’a pas de parti, ça dépasse toutes les couleurs politiques et toutes les croyances », tranche-t-il.

Ce 24 juin, sur l’esplanade du J4 à Marseille, c’est la première fois que SOS Méditerranée organise un concert de cette ampleur – avec l’aide de la Fédération des mutuelles de France. « Nous attendons 10 000 personnes, avec l’objectif de financer une semaine d’opération à bord de l’Ocean Viking », nous dit Sabine Grenard. Pour ramener tout ce monde, l’association a fait de nouveau appel à Zamdane, qui s’était déjà engagé pour eux l’année dernière. Après avoir répondu « très très rapidement » à la sollicitation, il a réussi à fédérer plus de quinze rappeurs (Bekar, Di-Meh, Rim’K, Hatik…) et se partageront la scène pendant deux heures. À leurs côtés, défileront aussi l’électro de Fakear, un DJ set du Massilia Sound System, ou encore le reggae de Gang Jah Mind, dont le dernier album s’intitule Refugees

MATHIEU FRECHE ET NICOLAS SANTUCCI

SOS, concert solidaire pour sauver des vies en mer
24 juin
Esplanade du J4, Marseille
sosmediterranee.fr

Les mots de l’enfance s’impriment à La Criée 

0
L'ENFANCE A L'OEUVRE © Christophe RAYNAUD DELAGE

Conçu autour de tubes littéraires et musicaux des XIXe et XXe siècles, le spectacle L’Enfance à l’œuvre, conçu et interprété par Robin Renucci et Nicolas Stavy, avait connu un succès certain lors de sa création en 2017 au Festival d’Avignon. Six ans plus tard, le directeur du théâtre de La Criée l’a transposé sur la scène de sa grande salle, renommée Déméter par ses soins.

Si le dispositif semble au premier abord simple, l’idée centrale du spectacle étant d’établir une conversation entre littérature et musique, le thème commun des œuvres n’a rien de simpliste : il s’agit ici de revisiter l’enfance et de comprendre comment certains souvenirs permettent aux individus de se développer, et au désir d’écriture de naître. Les textes autobiographiques de Romain Gary et Marcel Proust, centrés sur des figures maternelles imposantes, dialoguent avec la mélancolie et le souffle romanesque des œuvres de Schumann, Tchaïkovski, Rachmaninov et César Franck. Les envolées poétiques d’Arthur Rimbaud et Paul Valéry s’immiscent entre les Poèmes de Scriabine et les mélodies de Schubert.

Puissante et empressée

Les effets sont rares mais toujours efficace : l’acteur s’assied sur une chaise, ouvre un livre, le repose sur un bureau, module sa voix pour imiter l’accent russe de la mère ou la voix haut perchée de la petite fille qui hantent les souvenirs de Romain Gary. Le piano de Nicolas Stavy est tout aussi expressif, et mu par une passion tangible pour le répertoire choisi : les morceaux parfois doux, légers et optimistes se muent en un simple phrasé en tragédies fortes, puissantes et empressée. L’avancée d’un bout à l’autre est perceptible et progressive : le décor de fond opère une transition entre les fleurs vivantes et des fleurs fanées et imite le mouvement du lecteur qui commence à gauche de la scène et finit à droite. Les souvenirs voyagent à travers le temps, jusqu’à leur évanouissement final. Tout juste pourra-t-on regretter qu’ils ne relatent qu’une expérience masculine et un peu désuète, là où les tropismes enfantins d’une Nathalie Sarraute auraient, par exemple, eu toute leur place.

KARLA CILIEN ET ISABELLA MILLER

L’Enfance à l’œuvre a été donnée du 15 au 17 juin à La Criée, théâtre national de Marseille.

La Fierté des artistes

0
La Pride de Marseille en 2021 © Chris Boyer

Zibeline. La Pride, dans l’esprit de tous, c’est une Marche, et des événements festifs. Pourtant à Marseille la programmation artistique associée semble prendre de l’ampleur. Est-ce votre volonté ?

Didier Garcia. La Pride fête ses trente ans à Marseille, et la programmation culturelle associée existe, sous cette forme, depuis quatre ans. Au départ, il s’agissait pour le comité de pilotage de fédérer et rendre visibles les initiatives des associations et des commerces LGBTQI+, initiatives essentiellement festives, ou réflexives, militantes. On s’est dit l’an denier que ce serait bien d’y ajouter des propositions artistiques portées directement par le comité de pilotage, et liées aux activités que nous avons à l’année.

En quoi sont-elles différentes de celles des associations ? 

Elles ne sont pas différentes, elles les complètent ! On essaie de s’ouvrir sur tous les genres artistiques et de travailler avec les opérateurs culturels du territoire. L’an dernier avec les Instants Videos, cette année avec le Ballet national de Marseille, qui assurera l’arrivée de la marche à la mairie. On essaie aussi de fédérer : le mouvement drag est très présent à Marseille, porté par des associations nombreuses. Il faut se méfier de la concurrence dans ces cas-là, et notre soirée drag les regroupe tous. On en est assez fiers !

Ces événements sont-ils surtout destinés aux communautés LGBTQI+, ou ont-ils vocation à médiatiser ces questions au-delà ? 

Le deux ! Les LGBTQI+ ont besoin de se retrouver autour des problématiques qu’ils partagent, de se pencher aussi sur les spécificités des autres branches du mouvement, identité de genre, homoparentalité, préférences sexuelles, réfugiés, LGBT…  Mais nous voulons aussi des événements culturels qui se partagent avec tous nos alliés, et qui ouvrent les yeux de ceux qui ne le sont pas. 

Qui parlent donc de toutes les questions L, G, B, T et plus ?

Oui, on essaie d’être le plus inclusif possible. On sollicite toutes les « lettres », mais certains répondent peu, les « bi » en particulier qui restent éloignés de la militance, et dans une moindre mesure les jeunes lesbiennes qui en ce moment semblent davantage préoccupées par la construction de familles, ou le combat féministe, que par la Pride. Mais attention, on n’est pas que des gays blancs ! À Marseille, nous voulons mettre en lumière les communautés qui sont les plus en difficulté, en particulier les racisés, les réfugiés, les jeunes en rupture familiale, les trans. 

À propos des trans, est-ce que la médiatisation actuelle des questions de genre déplace les habitudes et point de vue du comité de pilotage de la Pride ? Est ce qu’on a évolué de la notion de préférence sexuelle vers celle d’une définition, intime, de son propre genre ? 

Ces questions ne sont pas nouvelles pour nous. Transat propose des événements et l’association est très active dans le comité de pilotage, qui change chaque année.  Nous genrons chacun comme il le désire. Mais nous voulons rester davantage dans la fabrique des choses que dans la discussion théorique. 

Qu’avez-vous programmé ensemble ? 

La projection de trois films au Pathé Madeleine, Tom Boy le 27 juin, parce que certains ne l’ont toujours pas vu, Nuit noire en Anatolie le 30 juin, qui résonne particulièrement aujourd’hui avec la réélection d’Erdogan et la catastrophe que cela induit pour les LGBT en Turquie, et Last Dance le 26 juin, un film très émouvant sur la dernière prestation de drag de Vince, aka Lady Vinsantos. On projette aussi Guet-Apens le documentaire de Mediapart sur les violences homophobes aujourd’hui, avec un débat en présence des réalisateurs. Une soirée importante pour parler de leur recrudescence incroyable, qui passe sous les radars des médias. 

Des expos sont installées à Marseille 3013… 

Oui, c’est notre QG depuis samedi 17 juin. Il y a plusieurs expositions : Ordinaire, des portraits de migrants LGBT photographiés par Adel Nouar. On accède à leurs voix, à leurs récits de vies avec un QR code. Indivisibles et Visibles, une exposition de, par et pour les jeunes du Refuge,en butte au rejet familial. Familia, une exposition de Mag Rodrigues, proposée par le consulat du Portugal, sur l’homoparentalité. La photographe portugaise s’attache à montrer la normalité de ces familles dans leur foyer. Une installation vidéo de la compagnie Essevesse, La Commedia, autour de la Comédie de Dante, qui donnera lieu à une performance dansée le 2 juillet. Et Les 30 Glorieux·ses, une exposition de Sun Afrika aka Gemma Muse, un·e artiste pluridisciplinaire, qui se photographie en Vénus naissant dans la fontaine de Longchamp et s’expose, solaire… Iel est aussi DJ, racisé·e, militant·e, et extrêmement positif·ve et joyeux·se !

Puis, avant la Marche, l’événement sur les escaliers de Saint-Charles ?

Oui, une pluie arc-en-ciel d’événements de rue, déploiement des couleurs du rainbow flag avec de grandes voiles, pour fêter les trente ans de la marche à l’endroit où elle a commencé. Et mesurer le chemin parcouru, même s’il reste long encore.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL 

Pride 2 weeks
Programmation culturelle de la Pride Marseille
Jusqu’au 2 juillet
Pride-marseile.com

Jean-Marc Coppola : « nous vivons une année très enthousiasmante »

0

Zébuline. À quoi est dû, selon vous, le plébiscite des Marseillaises et Marseillais pour leur politique culturelle ?

Jean-Marc Coppola. Il serait facile de prendre pour acquis un sondage – j’aurais, pour ma part, tendance à m’en méfier. Ce qui m’intéresse, c’est le contact direct avec les Marseillaises et les Marseillais. Il se révèle généralement très encourageant. Il faut aussi reconnaître que nous avons eu de la chance : au moment où des théâtres déprogramment et ferment partout en France, nous vivons une année très enthousiasmante, marquée par la réouverture du Mac mais aussi d’un lieu de création et de résidence au Théâtre de Lenche. Et il faut enfin admettre que notre volonté de mettre en place une véritable politique culturelle a été perçue et entendue. Je sens une réelle reconnaissance vis-à-vis de notre engagement. L’offre culturelle de Marseille a toujours été très importante et très diverse, mais elle n’était pas mise en avant, accompagnée par une politique culturelle digne de ce nom. Pas simplement de lieux ou d’argents dédiés à la culture, mais d’une réelle politique. Un vrai travail de communication a été fait : il ne s’agit pas de communiquer pour communiquer, mais de valoriser des pépites culturelles méconnues. Nous ne disposons pas, par exemple, d’un support qui donnerait l’ampleur de cette offre culturelle à l’échelle municipale. Plusieurs médias, et Zébuline tout particulièrement, en rendent compte avec un regard critique, et c’est un regard qui est plus que précieux, essentiel, pour accompagner cette vie culturelle.

Quels ont été les moyens techniques déployés pour pérenniser et développer l’offre culturelle actuelle ? Quels modes de financements avez-vous privilégiés ?

Les subventions d’investissement étaient trop peu nombreuses sous Gaudin. Tout était prioritaire et rien ne l’était… Nous avons appuyé là-dessus. Il a fallu convaincre l’équipe municipale de leur nécessité. Et je sais que beaucoup jalousent mon budget ; nous sommes passés de 27 à 28 millions de subventions, sans compter les 20 millions mobilisés pour l’Opéra de Marseille. Notre budget est donc plus que stable, et le caractère essentiel et prioritaire de la culture est plus que reconnu, ici. L’enveloppe est également plus important : 160 nouvelles associations ont été accompagnées, et ce sont désormais 500 associations culturelles et artistiques que nous soutenons.

« Notre obligation vis-à-vis de Montévidéo n’est pas juridique : elle est morale et politique. »

Cela implique-t-il de baisser d’autres subventions de fonctionnement ? Que répondez-vous à celles et ceux qui craignent des baisses de budgets pour certaines structures au profit de nouveaux venus ?

Certaines subventions ont en effet fait l’objet de baisses après de nombreuses discussions : celle de Marseille Jazz des Cinq Continents, du Gymnase, du Toursky bien évidemment… L’Inseamm a également connu une baisse certaine. Nous avons aussi envisagé et mis en place des économies en internes : dans notre façon de concevoir les expositions, moins nombreuses mais présentes plus longtemps à l’affiche, car cela nous semblait correspondre à la politique mise en place par la municipalité. J’entends évidemment les inquiétudes quant à l’augmentation des coûts généraux, qui est un réel problème : nous y faisons face également ! L’augmentation du prix de l’énergie, les conventions salariales et l’inflation, réelle, impactent considérablement le fonctionnement des municipalités. Je sais notamment que le Cirva a subi, en raison de l’augmentation impressionnante des prix de l’énergie, une multiplication par deux de son budget. Nous arrivons au bout d’un cycle concernant la fiscalité et son fonctionnement en termes de répartition des richesses. Nous constatons également avec beaucoup de tristesse que nous ne sommes ni en mesure de rattraper en si peu de temps des années de politique du renoncement, ni de nous substituer au rôle de l’État, de la région et surtout du département. Cela pourra sembler un peu démagogique de ma part, mais je l’assume : l’État consacre 413 milliards [entre 2024 et 2030, ndlr] de budget à l’armée. Ne peut-il pas augmenter ne serait-ce que minimement son budget consacré à la culture ?

C’est notamment une aide de l’État que vous préconisez pour venir en aide à Hubert Colas et éviter de perdre Montévidéo ?

Nous aurons en effet du mal à nous passer de cette aide. Je soutiens complètement Hubert Colas, il a tout à fait raison de craindre et de protester contre la dernière décision de la Cour de Cassation qui, en mai dernier, a soutenu le propriétaire et sa volonté de faire de la promotion immobilière sur ce lieu pourtant emblématique de création, de résidence et d’écriture. Beaucoup d’associations se retrouvent dans une situation similaire, et sont pourtant moins entendues. La compagnie Dodescaden fait face aux réclamations d’un autre propriétaire privé sur son lieu du boulevard des Dames. Nous devons l’accompagner dans un changement de lieu, qui implique de déménager 35 tonnes d’équipements. La mairie n’est pas propriétaire de ces lieux et n’a ni obligation, ni pouvoir sur eux. Préempter les lieux est une option délicate, surtout sans capacité d’investissement pour la restauration et la rénovation. De plus, si nous devenons propriétaires des lieux, nous devrons en vertu de l’Ordonnance de 2017 lancer un appel à une mise en concurrence, susceptible de priver Hubert Colas de ce lieu. Et nous ne voulons voir disparaître ni ce lieu, ni l’association, ni le festival. Nous travaillons donc à des solutions en collaboration avec la Drac, la région et le département, qui impliqueraient de conserver une partie du lieu, ou d’investir de façon plus pérenne la Cômerie, des écoles désaffectées le temps de trouver mieux… Notre obligation vis-à-vis de Montévidéo n’est pas juridique : elle est morale et politique. Et il serait criminel, et contraire à notre conception de l’art et de la culture, d’assister les bras croisés à sa disparition. Nous nous battrons.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA