jeudi 18 septembre 2025
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Cliquez sur l'image pour vous abonnerspot_img
Accueil Blog Page 268

L’éco-design nouveau greenwashing ?

0
© Samuel Tomatis

Le design durable est au cœur des préoccupations des designers contemporains qui multiplient les pistes de recherches, les expériences techniques, les inventions artistiques. Seconde nature, pour un design durable conçue par le Centre Pompidou, le Centre national des arts plastiques et le Mobilier national restitue leurs réflexions à travers un parcours thématique et 150 œuvres produites par cinquante designers internationaux. 

Savoir-faire vernaculaire et innovation technologique

Dans la lignée de Viktor Papenek qui, dès 1971, prônait un design responsable, nombreux sont ceux qui, depuis, font du recyclage le fil rouge de leurs créations. Objets promis au rebut, déclassés, matières polluantes, résidus sont les matériaux de prédilection pour réinventer un autre mode de vie et de consommation. Tels les Pouf digestion de Matali Crasset composés des célèbres sacs Tati en polyéthylène et mousse polyuréthane ou les tiroirs endommagés réutilisés par Tejo Remy dans les années 1990. À l’opposé de cette tendance, l’usage de matières naturelles revient en force comme le Banc Gardening de Jurgen Bey en copeaux d’écorce de résineux, le Banc animali domestici d’Andréa Branzi en branches de bouleau. Et, plus explicite encore, la section « Paysages de l’écodesign » mise en scène par Arthur Hoffner (lauréat du prix du public Design Parade Hyères en 2017) à la manière d’un musée ethnographique où le design devient le porte-parole de la valorisation globale des productions locales. Car la lame de fond qui sévit actuellement, est, justement, le rapprochement entre le savoir-faire artisanal, la nature et l’industrie toujours prompte au marketing. Ce qui suscite notre réserve, d’autant que l’exposition a recours au plastique transparent pour des cartels illisibles et à des climatiseurs dans chaque salle…

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Seconde nature, pour un design durable
Jusqu’au 5 novembre 
Divers lieux, Toulon
hda-tpm.fr

Les fantômes n’existent qu’en toi

0
© Agnès Mellon

Depuis qu’elle photographie, la danse, les concerts, le sport, Agnès Mellon s’approche de la peau, jusqu’au grain, et fragmente les corps, le mouvement, comme si voir de trop près rendait tout flou et incertain. Et Chrystèle Bazin l’accompagne, mettant des mots sur ces maux, ceux des sujets photographiés, emmêlés eux aussi des bruits de la vie et de nappes sonores.

L’exposition Réalité(s) s’attache au quotidien des personnes atteintes de schizophrénie, et de leurs « proches aidants ». Visages superposés pour n’en former qu’un, corps découpés qui s’étirent en bandes, fantômes métalliques, questions posées qui s’effacent, plaques de plomb qui s’impriment, textos infinis qui harcèlent en période de crise, la douleur déchire les visages, se cache dans des boîtes, demande des pauses. 

Agnès Mellon, proche aidante, pose des questions essentielles : pourquoi dit-on « il est schizophrène », réduisant les malades à leur maladie quand on peut dire, comme lorsqu’on a un cancer ou une rougeole : il a une schizophrénie ? La fiction sonore de Chrystèle Bazin évoque également le délaissement social, la difficulté du suivi médical, la peur systémique des altérations mentales, le manque d’accompagnement des proches aidants.

Le travail plastique et sonore superpose les techniques et les matières dans une fluidité qui restitue le sentiment d’unité des consciences fragmentées. Et c’est en approchant les visages, en ouvrant les boites, en écoutant les objets que l’on comprend la portée thérapeutique de cette exposition : les fantômes n’existent pas, les voix intérieures sont une illusion, seuls les déchirements qu’ils provoquent dans les êtres sont réels.

AGNÈS FRESCHEL

Réalité(s)
Jusqu’au 27 juillet
Galerie Zemma, Marseille
06 74 89 02 54
galeriezemma.fr
Tables rondes tous les jeudis à 19h avec des psychiatres, des psychologues, des proches aidants, des artistes, autour des dispositifs innovants en santé mentale, de l’accompagnement des pairs, de la notion de « rétablissement » plutôt que de guérison.

Der Wij : au nom de la guerre

0
Der Wij © Fabian Hammerl

L’obscurité est habitée de sanglots et de plaintes. Les lampes électriques de trois hommes nous font découvrir une cave de béton dans laquelle est allongé un homme dont on ne voit pas le visage. Très vite, on comprend que ce dernier est prisonnier, sans rien savoir de lui, ni son nom, ni sa nationalité, ni même son histoire. Et pourtant les trois frères sont unanimes : il n’est pas le bienvenu. Ils sont en désaccord sur quoi faire de lui : le tuer, le laisser partir ou le faire souffrir une dernière fois. Mais, pourquoi le supplicier ? Pourquoi est-il venu ? Pourquoi ou « warum » en allemand : un adverbe qui revient tout au long d’un spectacle dans lequel on entend aussi  du russe, de l’ukrainien, de l’anglais… Le langage est au cœur de la pièce, les livres aussi, comme une mise en abîme. Et leur incapacité, parfois, à dire ce qui est. Comment raconter la guerre ? C’est un peu comme tenter de narrer une pièce de Shakespeare à une morte, semble nous répondre le metteur en scène russe. Sans compromis, mais en maniant avec force les subtilités de la métaphore théâtrale, Kirill Serebrennikov nous plonge dans un monde où les vieux enterrent les jeunes, les épouses touchent de l’argent quand les maris meurent, les soldats sont assassinés pour avoir refusé de tuer l’ennemi… Est-ce de la folie ? Plutôt l’expression de l’inqualifiable. 

Un démon en lunettes de soleil

Portés par la peur, la rage, le manque, les personnages ne savent même plus à quoi ressemble le monde d’avant la guerre. Avant l’arrivée des « libérateurs », comme cet homme désormais à leur merci. Le grand-père le martèle : il n’y a rien à dire, rien à comprendre. On finit par s’habituer aux infamies. S’inspirant librement d’une nouvelle de Nikolaï Gogol, cette pièce sonne comme un écho troublant à la guerre qui se déroule en Ukraine, aux douleurs qui tiraillent des innocents de chaque côté de la frontière comme au désir de fermer les yeux sur l’horreur. La légende dit que regarder le Wij ouvrir les yeux, c’est prendre le risque d’être foudroyé par la peur. Sur scène, le Wij, démon de la guerre en lunettes de soleil, fait le show l’air de rien, impose son rire cynique aux spectateurs avec une autorité sans alternative, sorte de version expresse de l’expérience de Milgram. Le rire sauve. Mais les vivants seulement. Pour les morts, c’est une autre histoire. Sur scène, ne restent que des morts, longtemps morts-vivants, leur récits, enfin libérés nous le confirment. La conscience humaine s’est évaporée dans l’enfer de la guerre depuis longtemps, le Wij peut ouvrir ses yeux sans danger. Nous ne saurons pas le nom du prisonnier, un bourreau qui a obéi aux ordres lui aussi, se laissant aveugler comme tant d’autres. Il se contente de citer Shakespeare : « Mon nom m’est odieux ». Malgré sa brutalité, Der Wij est un formidable acte de résistance politique par le metteur en scène et cinéaste russe, exilé à Berlin depuis un an. Et démontre qu’en temps de guerre, l’humanité toute entière est prisonnière de ses contradictions et exilée de sa propre vie. 

ALICE ROLLAND

Der Wij a été donné les 16 et 17 juin dans le cadre du Printemps des Comédiens, au Domaine d’O, Montpellier.

Carmen, icône féministe

0
CARMEN. - une pièce de François Gremaud avec Rosemary Standley et quatre musiciennes. Une production de la 2b company. Théâtre de Vidy, Lausanne, le 29 mai 2023. ©Dorothée Thébert Filliger

Voici donc le troisième volet de la trilogie de François Gremaud sur les grandes figures féminines tragiques. Le fondateur de la François 2bcompany à Lausanne avait déjà exploré avec brio le destin théâtral tragique de Phèdre et l’amour impossible chorégraphié de Giselle. Au tour de la flamboyante Carmen d’être au cœur d’une de ces conférences survoltées dont le metteur en scène suisse a le secret. Carmen fait partie de ces héroïnes que tout le monde connaît sans pour autant pouvoir raconter son histoire de manière précise. C’est la pétillante Rosemary Standley, mémorable chanteuse du groupe Moriarty, qui est chargée d’en être la conteuse. Dans Carmen. « avec un point à la fin» elle raconte l’histoire de l’opéra-comique, sa création par George Bizet qui devait produire « une chose gaie », son ambiance hispanisante fantasmée, mais aussi le scandale de cette adaptation de la nouvelle éponyme de Mérimée qui deviendra bien plus tard l’opéra français le plus joué au monde. 

Une Carmen post-#metoo

Les anecdotes croustillantes côtoient un récit détaillé des trois actes de la pièce ainsi que de nombreux extraits chantés par l’artiste franco-américaine, laquelle réussit l’exploit d’incarner tous les personnages du spectacle (même les hommes !) d’une voix aussi juste que mélodique, accompagnée par un quintet féminin de premier choix. Certes, la chanteuse n’est pas toujours à l’aise en comédienne, mais on lui pardonne volontiers, tant son énergie et sa musicalité nous donnent l’illusion d’assister à la première représentation de Carmen le 3 mars 1875 donnée au théâtre de l’Opéra-Comique. Le récit tout en digressions nous révèle une bohémienne incandescente qui répond aux hommes sans vergogne, ce qui lui vaut d’être rapidement traitée de « démon » par ces derniers. Notamment Don José, qui tombe amoureux d’elle à l’insu de son plein gré et sera celui qui lui ôte la vie selon un scénario digne d’une tragédie grecque. Car c’est bien connu, c’est toujours de la faute des femmes, ces choses-là. Par le jeu de la conférence, Rosemary Standley met en garde le public féminin : « Ne vous laissez pas faire ! ». Car la liberté a des limites, celle des femmes ne devrait pas s’arrêter au désir des hommes. À défaut de réécrire une fin heureuse, ou du moins plus libre pour Carmen, on ressort de la représentation avec un petit livret contenant l’intégralité du spectacle. Et la conviction que la belle – et intelligente – bohémienne est à la fois martyre et figure de liberté dans notre monde post-#metoo. 

ALICE ROLLAND

Carmen. a été donné les 16 et 17 juin, dans le cadre du Printemps des Comédiens, au Domaine d’O, Montpellier.

Anselme Boix-Vives, itinéraire d’un enfant utopiste

0
Anselme BOIX-VIVES dans son atelier © X-DR

Pour comprendre le titre de l’exposition Les couleurs de la Paix, il faut se plonger dans l’histoire d’Anselme Boix-Vives (1899-1969), aujourd’hui considéré comme un artiste majeur de l’art brut du XXe siècle. Et pourtant, rien ne prédestine à une carrière artistique le petit garçon né en Espagne, qui garde les troupeaux au lieu d’aller à l’école et d’apprendre à écrire. Vient l’exil, la France, la Savoie plus précisément, où il devient marchand de primeurs. C’est sur cette terre d’accueil qu’il développe son commerce, se marie, fonde sa famille. Une vie faite de hauts et de bas du quotidien d’un commerçant raisonnablement prospère, porté par une utopie pacifique incroyable : en 1926, cet analphabète idéaliste décide de rédiger un ambitieux plan destiné à faire régner la paix dans le monde, resté sans réponse. Anselme Boix-Vives en fera pourtant plusieurs versions, dont la dernière est rédigée en 1961 avec l’aide d’un de ses fils, Michel, s’intitulant ambitieusement « Plan financier d’organisation mondiale – La paix par le travail ». Ses espoirs inassouvis ne l’empêchent pas d’être un homme enthousiaste à la forte personnalité, il lui arrive même de chantonner la paix aux clients qui passent. Arrive la retraite en 1962, sa femme est décédée, ses enfants sont grands. Encouragé par Michel, qui a embrassé la cause artistique depuis un moment, il donne enfin libre cours à une créativité picturale inattendue. Il peut enfin dessiner ce qu’il ne sait pas écrire. Dans un tourbillon de formes et de couleurs, le jeune retraité créé plus de 2.400 tableaux et dessins en à peine sept années. Le tout depuis sa cuisine, télévision et radio allumés pour rester connecté au monde, souvent sur des cartons récupérés à droite et à gauche en utilisant des invendus de peinture Ripolin. Du jamais-vu. 

Désir de paix

Anselme BOIX-VIVES « La Femme » Gouache sur papier 65 x 49,9 (1963), Uppsala konstmuseum 2019 © Uppsala Konstmuseum/pär fredin

De son vivant, les œuvres d’Anselme Boix-Vives trouvent rapidement un public, même André Breton s’intéresse à son travail comme à ses idéaux. Mais c’est après sa mort que des hommages artistiques conséquents lui sont rendus, dont une grande exposition au musée d’Uppsala en Suède en 2019. Sous le commissariat de Christian Noorbergen, cette exposition au musée d’Art Brut de Montpellier emprunte à la riche production du peintre en y ajoutant des pépites inédites, soit une trentaine de pièces appartenant à deux de ses petits-enfants, Julia et Philippe Boix-Vives. On y découvre un monde imaginaire aux inspirations lunaires qui ne cherche pas à copier le réel, mais puise dans des sources beaucoup plus profondes, autrement plus primitives. De celles qui traversent les âges sans difficulté. Une œuvre rayonnante, baignée d’une candeur touchante. « Il peignait comme un enfant », glissent avec affection ses petits-enfants tout en reconnaissant ne jamais avoir été effrayés par les formes parfois incongrues de ses figures. Difficile de ne pas savourer les titres des tableaux : Tigre lunaire, Le Dahu, Cirque lunaire… ou encore Arbre solaire et son gardien, une toile lumineuse dans laquelle un personnage  aux grands yeux cernés garde solennellement un arbre sacré qui emplit le cadre de sa végétation colorée. On pourrait y voir l’autoportrait d’un homme qui s’est donné pour mission de protéger l’humanité. À défaut de le faire à travers un projet politique cohérent, il transmet son désir de paix dans des peintures et dessins traversés par la poésie du geste premier, l’enthousiasme de celui qui découvre l’extase de la création sans aucune arrière-pensée. Anselme Boix-Vives nous adresse le plus beau des messages pacifiques : le don de soi désintéressé, puisqu’il ne pouvait s’empêcher de donner ses œuvres. Sa petite-fille Julia avoue de bon cœur que son aïeul ne pouvait pas s’empêcher de donner ses œuvres. 

ALICE ROLLAND

Les couleurs de la Paix
Jusqu’au 30 août 
Musée d’Art Brut, Montpellier
musee-artbrut-montpellier.com

Couchés les damnés de la terre

0

Dissoudre les Soulèvements de la Terre, arrêter ses membres comme des terroristes, manu militari, parce qu’ils détruisent les biens des industriels de l’agriculture, est-ce le comportement de la police d’une république, et d’un gouvernement démocratique ?  Comment appelle t-on un gouvernement qui promulgue l’exception pour faire passer ses lois et protéger les lobbies des pollueurs, alors même qu’ils s’approprient l’eau, le bien public ? 

Comment appelle-t-on un ministre qui envoie les forces de l’ordre arrêter des militants en appliquant une loi prévue contre le terrorisme, le vrai, celui qui tue les gens sur les terrasses et les spectateurs anonymes d’un concert ou d’un feu d’artifice ? Comment appelle-t-on un pays où le droit de manifester se restreint, où on interdit les « casserolades », où on mutile impunément les manifestants ? 

Sommes-nous en train de basculer vers l’impensable ? Anticor, une des seules associations qui avait l’agrément nécessaire pour se porter partie publique contre la corruption, vient de se le voir supprimer. Bolloré reprend en main les médias dominants, tandis que les derniers journaux indépendants disparaissent. Les paroles insupportables s’échangent sur les plateaux télé, contaminent les conversations, débordent dans les assemblées de la République. Faut-il « violer une mémé pour passer dans les médias » demande un conseiller départemental, tandis qu’un autre veut s’allier avec l’extrême droite pour ressusciter le RPR ? 

Au Camp des Milles, une exposition glaçante retrace les étapes qui conduisent les démocraties vers des situations génocidaires. L’étude distingue trois étapes avant le début des massacres en masse, de Tutsis, des Arméniens, des Juifs et des Tziganes. Nous sommes, clairement, en train de basculer vers le troisième stade. Celui où la République promulgue des lois d’exception, s’allie politiquement avec des mouvements antirépublicains, musèle les médias et violente les damnés de la terre.

AGNÈS FRESCHEL

Au plus près des réels difficiles

0
Je n'ai rien fait de mal © Cie Equivog

En cinq soirées, cinq spectacles suivis chacun d’un débat sur les questions qu’ils soulèvent, le Théâtre des Chartreux pose un regard acéré sur des problématiques locales ou universelles, posées par des hommes et des femmes victimes de violences et discriminations historiques. 

Scènes docu s’ouvre le 29 juin avec un texte de Mina Sperling, photographe qui aux Rencontres d’Arles avait soigneusement découpé l’image de son grand père sur les photos de famille. Victime d’inceste, elle a écrit un texte liminaire pour cette exposition, porté désormais sur scène par Lunell Oudelin (Cie Equivog).

Le lendemain Maire Ubu : Michel Couartou a écrit, pour six comédiens, une pièce qui donne la parole aux centaines, aux milliers de délogés après le drame de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018. Ou comment une mairie affolée édite à tour de bras des arrêtés de péril, expulse sans reloger, dépassée par sa propre impuissance à gérer le réel. En contrepoint, la parole de tous ceux qui ont subi des années de relogement de fortune, de destruction de leur intimité, et de situations… ubuesques !  

Le 2 juillet, Béa Insa fera parler les femmes victimes du franquisme, depuis les bombardements jusqu’aux exils, et le quotidien des ouvrières après-guerre. Le 3 juillet une femme encore, soupçonnée de terrorisme, interrogée par les services secrets, dans un dialogue où le soupçon et le doute s’installent. L’arbitraire ? Michel Couartou (Cie Le Bar de la Poste) compose un huis clos qui pose la question des arrestations arbitraires, et de la définition, tout aussi arbitraire, de ce qui est qualifié de terroriste.

C’est Manifeste Rien qui clôturera Scène docu le 4 juillet, avec La Marseillaise en bref ! la compagnie s’attache depuis sa création à l’histoire cachée de Marseille, celle des migrations, des exils, des pogroms et assassinats d’étrangers, celle de la classe ouvrière et des femmes…  La Marseillaise en bref ! plonge dans l’histoire du rejet de l’étranger à Marseille, et de la mort de trois ouvriers italiens en 1881, parce qu’ils avaient sifflé la Marseillaise. Tissant des échos avec l’histoire récente, celle du foot qui intègre ou désintègre, celle des ratonnades de 1973, la pièce, est portée sur scène par Olivier Boudrand qui a écrit le texte et mené l’enquête avec Jérémy Beschon, Au delà de la notion de théâtre documentaire, un théâtre politique, au bon sens du terme. 

AGNÈS FRESCHEL

Scènes docu 
Du 29 juin au 4 juillet
Théâtre des Chartreux, Marseille
theatredeschartreux.com

La bonne danse à Monaco

0
Pulcinella de Verbruggen © DR

Fin juin, deux créations sont confiées aux Ballets de Monte-Carlo. Une première de Jeroen Verbruggen, qui s’inspire de l’un des personnages de la Commedia dell’arte, Pulcinella (notre Polichinelle), et du ballet néo-classique composé par Igor Stravinsky (1919) sur une commande de Serge Diaghilev. Jeroen Verbruggen revisite le thème et fait de Pulcinella sur lequel toutes les catastrophes s’abattent le symbole des marginaux et des rejetés d’aujourd’hui, sous-titrant son œuvre Les Nuls. Après ce « coup de poing », Firebird de Goyo Montero relit avec maestria L’oiseau de feu, cet autre chef d’œuvre des Ballets Russes, clin d’œil aux origines de la danse à Monte-Carlo et occasion pour les danseurs de se transformer le temps d’un spectacle en nuages d’oiseaux fluides et mouvants.

Juillet verra la reprise de l’une des grandes pièces de Jean-Christophe Maillot, Cendrillon. Famille recomposée, artifices versus pied nu, dépouillement nécessaire à l’éclosion de la beauté et de l’art, le récit prend une dimension symbolique transcendée par la virtuosité expressive des danseurs dans la subtile scénographie d’Ernest Pignon-Ernest.

La danse est une fête !

Pour sa deuxième édition, attendue avec impatience depuis le succès de la première session en 2017, les deux journées de F(ê)aites de la danse nous donnent rendez-vous les 8 et 9 juillet sur la place du Casino de Monte-Carlo. Comme son nom l’indique, il s’agit bien sûr d’une fête mais qui invite chacun à pratiquer, exercer son corps, chalouper au fil des rythmes du monde, relever des défis improbables, exulter aux variations de tempi, se confronter à une barre géante aux côtés des Ballets de Monte-Carlo, participer à un Flash Mob… Pas de passivité mais les spectateurs sont aussi acteurs et pas simples « consommateurs » d’un show annoncé. Durant vingt-quatre heures, spectacles, défilés, shows en plein air, ateliers, échanges avec des artistes venus de toute la planète, se succéderont sur la piste de danse que sera alors Monte-Carlo. Un Marathon de la danse sera proposé aux danseurs amateurs en couple (peu importe les composants). On écoutera le concert-spectacle de Goran Bregovic et son Orchestre des Mariages et Enterrements, Talias’band nous conviera à un mix de soul, pop, r&b, rock, au bar américain.

Les danses du monde nous attendent en plein air, danses de salon, danse africaine, danse brésilienne, hip-hop, pole dance, tap dance, danse tahitienne, tango argentin, boogie-woogie, country… il y en a pour tous les goûts ! Et on ne parle pas des spectacles de flamenco moderne, des danses urbaines avec Hervé Koubi, du défilé brésilien, de Core Meu par les Ballets de Monte-Carlo, ni de la séance de Tai-Chi-Chuan en « matinée détox »… Quelle fête !

MARYVONNE COLOMBANI

Pulcinella & Firebird
Du 28 juin au 1er juillet
Forum Grimaldi, Monte-Carlo
Cendrillon
Du 18 au 20 juillet
Salle Garnier, Opéra de Monte-Carlo
F(ê)aites de la danse
8 et 9 juillet
Place du Casino, Monte-Carlo

0377 99 99 30 00
balletsdemontecarlo.com

Un tremplin rap qui fait le buzz

0
Samir Flynn est le candidat pour la région Occitanie © BimboSlice

La finale qui se déroule ce 24 juin sur la scène de Paloma à Nîmes est l’aboutissement du dispositif national auquel ont participé plus de 1700 candidats de onze régions différentes. L’objectif ? Détecter les talents rap de demain, évidemment. Mais aussi valoriser la scène musicale rap dans toute sa diversité, accompagner la professionnalisation d’artistes émergents et continuer à dynamiser le réseau de diffusion des musiques urbaines grâce à une initiative portée par 18 structures dans onze régions du territoires, dont Da Storm à Nîmes et La Casa Musicale à Perpignan en ce qui concerne l’Occitanie. Vaste programme ! 

Tournée nationale à la clé

Cette finale nationale voit ainsi s’affronter onze graines d’artistes de toute la France, qui auront chacun un set de quinze minutes pour convaincre un jury de professionnel·les… et le public, bien sûr. Le gagnant remportera une tournée nationale dans les lieux et salles de concerts partenaires du Buzz Booster, une bourse d’accompagnement d’un montant de 15 000 € et un soutien auprès des partenaires comme des médias. Les rappeurs en lice : Cléon, PHPL, Snej, Gonzy, Muchos, Good Bana, Noham, Docmé, Paulvitesse! et Yeuze Low. Sans oublier le Toulousain Samir Flynn, le candidat représentant l’Occitanie, lequel affirme être « autant marqué par Freeze Corleone & Népal que par Daniel Balavoine » dans un désir de liberté comme de subversion volontaire. Parmi ces candidats, un gagnant. Et de nombreuses opportunités pour tous les participants. Cette finale est aussi l’occasion pour les jeunes rappeurs d’échanger en rendez-vous individuel avec des professionnels de la musique afin de récolter au passage conseils et bons plans. À noter que la finale nationale sur la scène de Paloma… et en direct sur Twitch avec Areliann & Nekzioh. 

ALICE ROLLAND

Buzz Booster
24 juin 
Paloma, Nîmes
paloma-nimes.fr

Preljocaj en trois temps

0
Torpeur © JC Carbonne

Se rendre à un spectacle d’Angelin Preljocaj se fait en toute confiance, un peu comme on va retrouver un ami cher. C’est pourquoi avoir la possibilité de voir trois courtes pièces le même soir est un plaisir renouvelé, surtout s’il s’agit de deux reprises et d’une création. Cette juxtaposition est une façon puissante d’assumer ses choix artistiques et ses obsessions pour le chorégraphe, en phase avec le thème de cette édition 2023 du festival Montpellier Danse : « répertoire et création ». Tout commence par l’Annonciation, un duo intemporel datant de 1995 dans la lumière mélancolique de Rubens. Ici l’ange est féminin, l’Annonciation aussi intime que brutale. L’harmonie du temps passé est rompue par la déflagration martiale de l’annonce de l’enfant à venir que la femme, être de courage, intègre dans ses gestes et dans son corps, déjà prête à vivre les chamboulements du futur. 

Dynamique de l’indolence

Pas de doute, le langage dansé du chorégraphe est féministe et engagé, comme nous confirme la troisième pièce du programme, Noces, créée en 1989. La virtuosité de la musique de Stravinsky nous entraîne dans une forme narrative explosive questionnant les violences faites aux femmes par des hommes qui en exigent l’assujettissement. La sauvagerie des mots que l’on n’entend pas s’exprime à travers les corps, que la dynamique infernale mène au bord de l’épuisement. Les femmes tentent de résister, alors que point le désespoir. Mais peu importe qui prend le dessus, la confrontation ne peut générer que des perdants. Entre les deux reprises, la création Torpeur s’affirme comme un moment de beauté en suspension, explorant dans un cadre épuré et sans artifices, un état particulier du corps porté par la dynamique singulière de l’indolence. Tout est consenti, vécu dans une ivresse de la douceur portée par l’union des corps, cette complicité chorégraphique des interprètes qui ne forment plus qu’un. On retrouve tout l’art de Preljocaj, obsédé par la fluidité du mouvement, l’harmonie des pas de deux, la minutie du geste. Le rythme du mouvement ralentit inlassablement mais son intensité ne faiblit pas, au contraire, l’énergie qui en émane est comme amplifiée. Une émotion physique puissante surgit et nous permet de ressentir dans notre chair ce bras qui s’étire à l’infini, ce pied qui se lève, ce regard ampli de sérénité…  Quelle délicatesse ! Dans un langage des gestes propres à Prejlocaj, le mouvement apaisé continue, abandonné à lui-même, mais ne lâche rien, on se rêve à croire qu’il ne s’arrêtera pas. Avant de réaliser qu’il est déjà suspendu, endormi peut-être… Dans notre corps, dans notre tête, pourtant, il continue. 

ALICE ROLLAND

L’Annonciation, Noces et Torpeur ont été donnés les 20 et 21 juin, dans le cadre de Montpellier Danse, à l’Opéra Berlioz, Montpellier.