mardi 1 juillet 2025
No menu items!
Accueil Blog Page 317

Juliette Roche, vous connaissez ?

0
Sans titre, dit american Picnic, vers 1918, huile sur toile © Aïnu - Photo A. De Valence, ADAGP, 2022

Artiste issue de la très haute bourgeoisie parisienne, ses œuvres d’avant la première guerre mondiale conjuguent les influences esthétiques des différents groupes d’artistes qu’elle fréquente : les formes simples, le caractère décoratif et l’univers symboliste des peintres du mouvement nabi, les découpes géométriques du cubisme (elle rencontre Albert Gleizes en 1913, qui deviendra par la suite son mari). Pendant la première guerre, elle est à New York, où elle participe au groupe dada avec Marcel Duchamp et Picabia, ce dernier faisant son portrait en manomètre : l’étrange et l’ironie s’introduisent dans la pratique de celle qui se désignait elle-même comme « la dame en peau de léopard » qui « boit du whisky et parle d’art ». Après la guerre, Juliette Roche multiplie les natures mortes, les portraits féminins et les autoportraits, tout en se consacrant à des travaux d’illustrations et d’art décoratif.

Icône de modernité

En 1927, avec son mari, elle fonde à Sablons (Isère), les Coopératives artistiques et artisanales de Moly-Sabata. Puis en 1939, ils s’installent dans le grand mas des Méjades à Saint-Rémy, où ils accueillent, pendant la seconde guerre mondiale, leur ami Gaston Chaissac. Elle cesse de peindre après la disparition de son mari en 1953. Peu exposée de son vivant (2 expositions), son œuvre, qui ressortit aux genres traditionnels de la peinture (portrait et autoportrait, paysage, scène de genre, nature morte, scènes bibliques ou mythologiques) avait fait l’objet d’une rétrospective en 1962, à la galerie Miroir à Paris. Cette nouvelle exposition, Juliette Roche – L’insolite conçue par le Musée Estrine en partenariat avec la Fondation Albert Gleizes par le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon et le MASC, musée d’art moderne et contemporain des Sables d’Olonne, vise à la reconsidérer comme une icône de la modernité.

MARC VOIRY

Juliette Roche – L’insolite
Jusqu'au 23 décembre
Musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence
musee-estrine.fr
04 90 92 34 72

Messiaen s’invite au Festival d’Aix

0
Julia Bullock sur la scène du Pavillon Noir © Vincent Beaume, Festival d'Aix-en-Provence2022

La Turangalîla-Symphonie composée pour grand orchestre et deux instruments solistes, piano et ondes Martenot, connut sa création française à Aix-en-Provence sous la conduite de Roger Désormières, à la tête de l’Orchestre national de France, le 25 juillet 1950 (la création mondiale ayant eu lieu à Boston le 2 décembre 1949). Il fallait bien le piano intelligemment sensible de Bertrand Chamayou et les ondes Martenot de Nathalie Forget pour tenir l’exigeante partition de Messiaen servie avec une élégante et bouleversante vérité par l’Orchestre de Paris, dirigé par Esa-Pekka Salonen. « Chanson d’amour, hymne de joie, mouvement, rythme, vie, mort », la traduction du titre sanscrit est polysémique. Voulue comme partie centrale d’une trilogie sur le thème de Tristan et Iseult, elle est précédée dans ce triptyque par le cycle de mélodies Harawi, douze poèmes d’amour et de mort par la soprano Julia Bullock, accompagnée du piano d’Alphonse Cemin et des évolutions des danseurs Or Schraiber et Bobbi Jene Smith.

Julia Bullock sur la scène du Pavillon Noir © Vincent Beaume, Festival d’Aix-en-Provence 2022

Avec Harawi, variante péruvienne du mythe des amants maudits, le compositeur mêle à ses propres poèmes des termes quetchua, des onomatopées, qui rendent la narration à la fois fascinante pour l’auditeur et d’une grande complexité d’exécution. La voix de la soprano sut se glisser dans ces pièces avec une subtile élégance, tandis que les pas des danseurs se coulaient dans la puissance évocatrice de la musique. La symphonie concertante Turangalîla frappait par sa liberté de ton, la foisonnante présence des pupitres mis en œuvre, bois, cuivres étoffés de trompettes, cordes, percussions (dont maracas, tam-tam, célesta, vibraphone). Colossale, l’œuvre prenait dans l’enceinte du Grand Théâtre toute son ampleur, ses masses sculptées, ses élans, ses replis, ses rythmes luxuriants, son art de la fresque, son énergie communicative qui subjugua le public.

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts donnés les 14 (Grand Théâtre) et 16 juillet (Pavillon Noir), dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

Camille Claudel à la folie 

0
L’Implorante petit modèle, bronze ancien entre 1900 et 1904, Photo B. Serre-Bouret

Une réouverture qui donne lieu à une « revisite » des collections permanentes du musée. Chacune des salles du premier étage présentant, sous le titre Laisser une trace, la confrontation d’une œuvre d’un jeune artiste contemporain (Audrey Langlet-Odatempo, Maliza Kiasuwa, Gabriel Boutros et Tomek Jarolim, Gouzelle Ishmatova, Abdullah Al Qandeel, Michal Korman) avec la peinture d’Yves Brayer.

Et depuis mai sont donc également présentées, au rez-de-chaussée, une trentaine de sculptures de Camille Claudel, artiste dont on connaît la trajectoire tragique : l’une des premières artistes femmes à s’émanciper de l’emprise d’un artiste homme. Auguste Rodin, sorte d’ogre avec qui elle a vécu, à la fin du XIXe siècle, une passion artistique et amoureuse « hors-norme », eendossant les rôles d’élève, modèle, assistante et amante. Artiste à part entière, à la virtuosité et la modernité remarquable, mais sans être reconnue en tant que telle, « l’élève de Rodin », qui combattra ce qualificatif tant qu’elle pourra, connaîtra, quelque temps après leur rupture, un isolement volontaire et des épisodes de rage destructrice. Qualifiée de folle, elle finira les trente dernières années de sa vie enfermée de force par sa famille à l’asile. Elle y vivra de grandes souffrances, et y décèdera en 1943.

Parmi les œuvres exposées, prêtées par des collectionneurs et des musées français dont le musée Camille-Claudel, sont visibles La Valse, l’Implorante, Les Causeuses.  À noter qu’en lien avec l’exposition un concert de piano de Gabriel Boutros Autour de la Valse de Camille Claudel est donné le vendredi 22 juillet à 19h dans l’église des Baux-de-Provence et qu’une lecture par Charlotte Assemat Lettres de Camille Claudel a lieu le samedi 6 août à 19h dans la cour du musée.

MARC VOIRY

Camille Claudel – Géniale Folie
Jusqu’au 13 novembre
Musée Yves Brayer, Les Baux-de-Provence
yvesbrayer.com

Avec Art-o-rama, Marseille devient l’épicentre de l’art contemporain

0
Catinca Malaimare,Seedy Pink, 2021 - Courtesy Catinca Tabacaru, Bucarest

La Friche la Belle de Mai devient pendant quatre jours une véritable ruche de l’art contemporain à Marseille. C’est à peu près l’impression que donne la lecture du programme d’Art-o-rama 2022. Un salon payant (5€ ou 3€), qui investit comme à son habitude différents espaces du site (la Tour, la Cartonnerie, les Plateaux). Une Friche qui accueille au même moment l’exposition personnelle du Franco-Portugais Wilfrid Almendra, une autre proposée par Triangle-Astérides autour de pratiques de sculptures, et une troisième qui présente le travail de deux jeunes artistes vivant à Marseille : Prune Phi et Sandar Tun Tun.

La grande foire

Sur les quarante-huit galeries internationales, provenant de dix-huit pays, vingt-deux galeries participent pour la première fois au salon. Sur les cent-trente artistes qui y sont présenté·e·s, il y a vingt-trois solos shows, dix-huit duos shows et vingt-quatre présentations de groupes. Cinq projets communs, développés par deux galeries présentant chacune un·e de leurs artistes, figurent dans la section « Dialogue ». La place des éditeurs s’agrandit en s’ouvrant au design, et met en avant des éditeurs français et européens. Enfin, dans la section « Show-Room » du prix Région Sud, on peur voir les travaux de Hayoung, Samir Laghouati-Rashwan, Robin Plus et Janna Zhiri. Lalauréate de l’année dernière, Flore Saunois, est l’« artiste invitée » du salon, et présente ses productions issues de sa résidence à Moly-Sabata.

Du côté du programme culturel, à noter une table ronde autour de l’exposition Le Verre présentée au Cirva, un focus sur le centenaire de Jonas Mekas, un débat sur la place des foires d’art contemporain au Sud de l’Europe. Enfin une avant-première, suivie d’une discussion, du film Bright Hours des artistes Gerard & Kelly, tourné sur le toit de la Cité Radieuse en 2021.

MARC VOIRY

Art-o-rama
Du 25 au 28 août
Friche la Belle de Mai, Marseille
art-o-rama.fr

Ébouriffante diversité à Paréidolie

0
Modulab Lumeret, Levitation © Roxane Lumeret

Un format court, intimiste et convivial. Il se déroule au même moment que la foire Art-o-rama et le salon photographique Polyptique, trio de rendez-vous permettant aux amateurs, amatrices, curieux et curieuses, de s’immerger le temps d’un dernier week-end estival, dans l’art contemporain. Et comme on dit : trois salles, trois ambiances ! Celle de Pareidolie, concoctée par une équipe 100% féminine, est assez unique dans l’accueil, le contact, l’ouverture : un anti-snobisme de bon aloi, sans pour autant abandonner l’exigence et le professionnalisme.

Une armée de crayons

Parmi les quatorze galeries sélectionnées, la Galerie 8+4, grande habituée de Paréidolie, présente les bouquets de Christian Lhopital et ses plis de couleur peuplés de diverses figures. On retrouve aussi l’exploration de l’inconscient de jeunes filles d’Amélie Barnathan, les paysages éclatés de Claire Trotignon et les dessins du photographe Gilles Pourtier. Autre grande habituée du salon, Backs\ash, expose deux artistes femmes, Karine Rougier et Odonchimeg Davaadorj, qui proposent un projet spécialement conçu pour le salon. La presque nouvelle Galerie Nadja Vilenne (elle était là l’année dernière) vient avec les dessins de l’Ukrainienne Alevtina Kakhidze, qui a (notamment) exposé à Manifesta 10 à Saint-Pétersbourg en 2014, et qui en 2022, armée seulement de marqueurs, d’un crayon et de papier, est entrée en lutte avec la guerre : des dessins « parfois acérés, parfois naïfs, surtout angoissants, et tout sauf ludiques ».

À noter également, deux cartes blanches, l’une à Polaris – Centre d’art d’Istres (inauguré le 11 juin dernier), avec une proposition du duo d’artistes Magali Daniaux & Cédric Pigot, l’autre à la galerie Territoires Partagés de Marseille, avec un hommage à l’artiste Jean-Jacques Ceccarelli (1948-2017).

MARC VOIRY

Paréidolie Salon international du dessin contemporain
27 et 28 août 2022
Château de Servières, Marseille
pareidolie.net

Le Nice Classic Live célèbre la musique chambriste sous toutes ses formes

0
Pascal Rogé et Barbara Binet sont sur la scène du Nice Classic Live © DR

La soirée du 1er août s’est ouverte sur une programmation singulière. Soit deux guitaristes réunis pour entonner des pages dédiées à leur instrument, les Micropiezas du compositeur cubain Léo Brouwer, mais également et surtout, nombre de transcriptions d’œuvres pour le moins hétéroclites. Rémi Jousselme et Tristan Manoukian, solistes et chambristes aguerris et forts d’une belle collaboration, ont passé au prisme des cordes pincées des pages passionnantes : Meredith Monk, Béla Bartók, et même John Cage ! Le tout, sans rien sacrifier de la subtilité des œuvres, semble les enrichir de couleurs inédites. Les accents brésiliens de Brouwer résonnent sur les envolées jazzy de Meredith Monk ; la musique folklorique revue et corrigée par Bartók sonne… folk ! En bis, une autre transcription de Lutoslawski vient conclure ce joli voyage.

Violon sans frontières

On sait pourtant qu’on embarque de nouveau pour une destination inconnue en seconde partie de soirée. La carte blanche confiée au violoniste Gilles Apap lui ressemble : son ancrage classique s’enrichit de fantaisies audacieuses, jusqu’à sa conclusion d’une quinzaine de minutes quasi improvisées par un groupo de cordes sur des thèmes irlando-américains. Tout juste pourra-t-on regretter que l’immense talent de la harpiste Marie-Pierre Langlamet ne soit sollicité que sur des transcriptions au mieux anecdotiques – L’Entr’acte de Jacques Ibert –, voire franchement ingrates – la pourtant magnifique Sonate pour flûte et piano de Poulenc, sur laquelle Julien Beaudiment laisse l’auditoire sans voix. Menée de main de maître par la pianiste Marie-Josèphe Jude, directrice artistique du festival, la Sonate pour violon et piano du même Poulenc rappelle quels grands écarts stylistiques le compositeur opéra tout au long de sa vie. La clarinette de Michel Lethiec, très classique, sait également tirer le meilleur de Gershwin, en compagnie du piano très swing de Ninon Hannecart-Ségal.

L’art délicat du quatre mains

La soirée du 2 août rassembla deux ensembles pas comme les autres. L’art tout particulier du quatre mains se révélant d’une délicatesse certaine, il impliquait de convoquer des duos durablement soudés. Sur un programme donné également le 10 août aux Nuits Pianistiques d’Aix-en-Provence, Jacques Rouvier et Kateryna Diadiura se sont frottés à l’exercice avec enthousiasme et dextérité : la complicité unissant l’ancienne élève et le professeur est tangible. La Melodiya de Skoryk donnée en préambule semble tenir particulièrement à cœur à la jeune pianiste ukrainienne, qu’une émotion palpable ne quittera pas pendant une bonne moitié du concert. Ce qui ne l’empêche pas d’exécuter la célèbre Fantaisie de Schubert avec panache, puis de faire danser Grieg et Brahms sur tous les tons et tempi imaginables. Jusqu’aux désopilants Souvenirs de Bayreuth de Fauré et Messager, hydre à deux têtes… au carré ! En seconde partie de soirée, Barbara Binet et Pascal Rogé s’attaquent à un programme plus bigarré : de la classiquissime Sonate en ré majeur de Mozart aux Souvenirs hollywoodiens en diable de Samuel Barber, un grand écart stylistique se creuse, révélant de ce pas l’irréprochabilité technique du couple. De retour de l’entracte, les Six pièces opus 11 de Rachmaninov sont entonnées avec une cohérence et une ferveur rare. La symbiose est totale entre ces deux interprètes. Autant dire qu’on attend de pied ferme la parution à venir de leur enregistrement commun.

SUZANNE CANESSA

Soirées du 1er et 2 août du Nice Classic Live, qui s’est tenu du 16 juillet au 9 août au cloître du monastère de Cimiez, à Nice.

Le souffle de la jeunesse sur le festival d’Aix

0
Concert de l’OJM le 1Concert du 3 juillet au Conservatoire Darius Milhaud-Festival d'Aix-en-Provence 2022 © Vincent Beaume

On ironise souvent sur la moyenne d’âge des publics des grands concerts classiques ou lyriques (et pas seulement d’ailleurs !). Les manifestations liées à l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (OJM), ce fabuleux ensemble placé sous le signe du dialogue interculturel et soutenu depuis ses débuts par la Région Sud Provence-Alpes-Côte d’Azur, et au réseau professionnel Medinea (MEDiterranean INcubator of Emerging Artists), gagnaient, outre l’affluence du public « traditionnel », une nouvelle vague de spectateurs, jeune, cultivée, connaisseuse des codes des musiques, car il s’agissait alors des musiques du monde, classiques, populaires, porteuses des plus beaux ferments des civilisations qui ont fleuri sur le pourtour méditerranéen, racontant la beauté des diverses cultures dans leur expression la plus noble, l’art.

Odyssée fantastique

Clôturant la session Medinea de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée, le concert né sous l’égide de Fabrizio Cassol rassemblait vingt-cinq jeunes musiciens issus d’Espagne, Grèce, Italie, France, Maroc, Syrie, Tunisie, pour une Odyssée fantastique arpentant grâce aux improvisations de chacun les différents modes, registres, répertoires, des traditions de leurs contrées d’origine. Les instruments « européens » et « orientaux » se croisent, se mêlent, trouvent des harmonies, des accords, des hauteurs où la virtuosité des interprètes livre de superbes éclats dans une émulation joyeuse. L’assistance apprécie avec jubilation les traits inventifs des participants, scande les passages les plus rythmés, encourage les phrasés agiles. L’une des jeunes chanteuses esquisse quelques pas de danse tandis que la soprano Claron McFadden glisse des airs aux variations subtilement orchestrées.  Les instrumentistes de l’OJM allaient écouter leurs homologues. On les voyait dans le public de l’Hôtel Maynier d’Oppède écouter avec enthousiasme l’accordéon de João Barradas qui, à même pas trente ans a séduit le monde entier par ses talents de compositeur et d’interprète. Son travail reposait le 12 juillet sur un corpus improvisé. Les nappes sonores installent de larges vagues sur lesquelles flottent parfois des notes esquissant un début de mélodie, fragments de pensée qui peu à peu s’organise, découvrant de nouvelles possibilités de langage à un instrument aux capacités étonnantes. Un écho d’Amérique latine venait en rappel, soulignant l’art multiple et sûr de l’accordéoniste.

Improvisations brillantes

Autre voyage, celui dans lequel nous entraînait le pianiste de jazz, pour la première fois à Aix-en-Provence, Tarek Yamani accompagné des étoiles montantes du jazz que sont Igor Spallati (contrebasse) et Marc Michel (Batterie). Ses propres compositions, parfois construites sur des rythmes anciens, 10/8 par exemple, répondaient avec une superbe fluidité aux références nombreuses qui peuplent l’imaginaire de l’artiste, Jobim et son Brésil, Coltrane, les échos du dabkeh, des modes rast, baya, hijaz. Les improvisations brillantes, aux amples développements (dont certains passages font penser à des pages de Debussy ou de Ravel), dessinent leurs orbes moirés, tandis que contrebasse et batterie se livrent à de somptueux mouvements. La magie, concrète, trouve de nouveaux accords.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert de l’OJM le 13 juillet au Conservatoire Darius Milhaud, dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence
Concert de João Barradas le 12 juillet, Hôtel Maynier d’Oppède, dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence
Concert de Tarek Yamani le 23 juillet, Hôtel Maynier d’Oppède, dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence

Focus sur la scène franco-portugaise à Marseille

0
Wilfrid Almendra, VLZ310, later, 2019. Moco 100 artistes dans la ville - ZAT 2019, Montpellier. Crédit : Marc Domage

Né en 1972 en France, Wilfrid Almendra se partage entre son atelier installé à La Rose à Marseille et Casario (Portugal) où il a créé la Maison Adelaïde. Deux lieux atypiques et deux cultures qui définissent remarquablement l’artiste qu’il est aujourd’hui, initiateur d’un projet fédérateur fondé sur le troc, l’économie alternative, le recyclage, le don, la transmission. À cent mille lieux du discours formaté ou consensuel, son propos repose sur une façon de vivre et de créer héritée de son environnement familial et de ses expériences, de son respect pour le travail de l’artisan et de l’ouvrier auxquels il rend hommage à travers deux installations monumentales au Frac et à la Friche la Belle de Mai. Il investit totalement les espaces en tenant compte des volumes, de la transparence des baies vitrées et des variations de lumière : deux propositions complémentaires où chaque détail, même le plus infime, est remarquable, déclinées autour d’une même grammaire de matériaux et d’objets « qui transpirent une mémoire, une histoire » (gravats, plumes de paon, verre, gants, savates et bonnets usagés, ballon) sur lesquels on ne porte plus notre regard. Objets-sculptures finalement « classiques » par leur effet trompe-l’œil ! Comme s’il s’agissait de réactiver leur passé à travers une mise en abyme artistique.

Face cachée

Deux paysages à traverser entre deux sites qui parlent de gens – amis, artistes, artisans, famille –, de points de vue, de regards sur des éléments de vie (des traces ?) complexes et fragiles à la fois. Une verrière composée de plaques de récupération occulte la baie du Frac donnant sur la terrasse, emprisonne des herbes folles vouées à disparaitre, la mauve ou le chardon, que le temps de l’exposition se chargera de laisser flétrir naturellement… Un champignon sculpté colonise un pylône de béton à la surface floquée, un nid d’abeille s’immisce dans le repli d’une dalle de pierre où quelques figues s’épanouissent au soleil… Un paon géant domine de toute sa puissance argentée un énorme réservoir d’eau usagé, il a bizarrement perdu ses couleurs… Chaque élément tisse une histoire qui en suggère une autre, à savoir celle que nous projetons nous-mêmes sur les choses quotidiennes ou familières. Wilfrid Almendra déplace notre regard en jouant sur la face cachée des choses, en élaborant des paysages évolutifs, réceptifs à la poussière, à la lumière, aux effets du temps. Une notion fondamentale dans la démarche de cet artiste qui « aime l’idée que l’on ne maitrise pas tout ».

Le geste politique d’Ângela Ferreira

Timbre Algérie 1981 © Ângela Ferreira

Pensé comme un ensemble interactif, Rádio Voz da Liberdade de l’artiste luso-sud africaine Ângela Ferreira explore à travers la sculpture, le dessin mural et le son les liens de solidarité qui ont uni l’Algérie et le Portugal dans les années 70. Enregistrements et archives documentent son dispositif conçu comme les vestiges d’une histoire politique douloureuse commune : le colonialisme et la dictature. Ici, La Voix de l’Algérie et La Voix de la Libération – deux radios sœurs interdites utilisées comme des instruments de lutte contre le fascisme – sont évoquées à travers la construction de deux tours sculptées aux dimensions imposantes, en position volontairement dominante. Sur les cimaises, des photos anciennes reprennent vie une fois transposées en peintures pour lutter contre l’oubli. Née en 1958 au Mozambique, installée au Portugal qu’elle a représenté à la Biennale de Venise en 2007, Ângela Ferreira inscrit une nouvelle fois son œuvre dans le sillage des formes historiques d’activisme artistique. 

Le dessin architectural de Ramiro Guerreiro

« Dans l’architecture, le dessin est un dessein. Pour ce projet, au contraire, le dessein est le dessin » écrit l’artiste lisboète Ramiro Guerreiro à propos de son exposition Le Geste de Phyllis. Un postulat qui donne tout son sens à son travail en résonance avec le plateau expérimentations, son architecture accidentée et ses ouvertures. Invité par le Château de Servières dans le cadre de la Saison du dessin, il réalise in situ un dessin matérialisé en aplats et en volumes selon une construction savante, inspirée des expériences modernistes du XXe siècle qu’il interroge, critique, prolonge. À sa manière, en traversant l’espace, s’y projetant, le quadrillant, en dénonçant l’architecture business et la surenchère financière actuelles où l’esthétique n’est plus l’essentiel. Où seuls les plus-values comptent. Discours sous-jacent à la forme – le dessin comme « outil de la pensée » – qui prend appui sur le témoignage de Phyllis Lambert, fondatrice du centre canadien d’architecture, qui s’était élevée contre la spéculation immobilière dans une interview explosive ! Comme Rádio Voz da Liberdade,Le Geste de Phyllis de Ramiro Guerreiro force l’admiration par sa qualité plastique autant que conceptuelle.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Adélaïde, Wilfrid Almendra
Jusqu’au 16 octobre, à la Friche la Belle de Mai et jusqu’au 30 octobre au Frac
Rádio Voz da Liberdade, Ângela Ferreira
Jusqu’au 22 janvier, au Frac
Le Geste de Phyllis, Ramiro Guerreiro
Jusqu’au 25 septembre, au Frac

À voir également à la Friches la Belle de Mai :

Jaimes, jusqu’au 16 octobre, proposition Triangle-Astérides
Murmurationsvolet 2, du 3 septembre au 16 octobre, proposition Fraeme
frac-provence-alpes-cotedazur.org
lafriche.org

Musées de Marseille : un patrimoine qui doit rendre fier et à s’approprier

0
Nicolas Misery est le nouveau directeur des Musées de Marseille ©DR

Diplômé de l’Institut National du Patrimoine et docteur en Histoire de l’art de la Renaissance, Nicolas Misery, 39 ans, est passé par la Maison européenne de la photographie et le musée Albert Kahn. Spécialiste de Parmigianino, Corrège et Girolamo Mazzola Bedoli,ses travaux de recherche portent actuellement sur l’histoire artistique de Parme.

Zébuline. Marseille n’est pas perçue comme une ville au patrimoine muséal important. Est-ce un cliché de plus ?

Nicolas Misery. C’est quelque chose que j’ai déjà entendu et, pour ne pas être Marseillais, qui m’étonne beaucoup. Il y a, dans la plus ancienne commune de France, des collections merveilleuses, d’un niveau international, qui rassemblent 120 000 objets de l’Antiquité au monde contemporain. Les habitants de la ville doivent avoir le sentiment que ce patrimoine leur appartient et qu’il est vecteur de fierté. C’est une piste de travail importante, identifiée par la municipalité, avec la nécessité d’une réappropriation par les Marseillaises et les Marseillais.

Par quels moyens et quelles actions ?
Un des premiers actes politiques forts de cette municipalité est la gratuité pour toutes et tous et sans conditions de l’accès à l’ensemble des collections et des parcours permanents des quatorze musées. On peut donc aller contempler une œuvre, un objet, partir et revenir autant de fois qu’on le souhaite. C’est un geste symbolique rare à l’échelle française et internationale qui est le premier signe d’un engagement pour la revalorisation et la découverte du patrimoine. Et ce n’est pas le seul. Notre programmation culturelle est à destination d’un grand nombre de publics – scolaires, adultes, personnes en situation de handicap, personnes éloignées du champ culturel… – dans l’ensemble du très vaste territoire marseillais et la plupart du temps en partenariat avec des acteurs culturels. Je suis très attaché au fait que nos expositions temporaires doivent toujours avoir un lien étroit avec nos collections. C’est le cas avec l’exposition sur Vieira da Silva qui se nourrit pleinement de la collection permanente du musée Cantini qui l’accueille. Elle fait écho à une acquisition souhaitée par la municipalité en 2020.

« On peut aller au musée très simplement, comme on va dans une librairie ou au café, pour y passer un quart d’heure. »


Peut-on déjà tirer un bilan de cette gratuité ?
On en tire plusieurs. C’est d’abord un accroissement de la fréquentation. C’est aussi un usage transformé. On peut aller au musée très simplement, comme on va dans une librairie ou au café, pour y passer un quart d’heure. Cela nous pousse à imaginer d’autres choses, à travailler plus en profondeur et de façon plus événementielle autour de nos collections afin de les partager davantage.

Quelle est votre politique d’acquisition d’œuvres ?
Elle est importante et nous sommes en train de réfléchir à la rendre plus lisible. L’objectif est de répondre à plusieurs enjeux. Compléter un aspect de collection, comme c’est le cas avec les artistes surréalistes, à l’image de Jules Perahim. Soutenir la création contemporaine. Soutenir les artistes vivants du bassin méditerranéen. Vous découvrirez les nouvelles acquisitions dans les mois à venir.

Où en est le musée d’art contemporain ?
Aux dernières phases des travaux. Le parcours permanent est presque conçu. L’accrochage interviendra dans les mois à venir, avec des collaborations avec le Cnap (Centre national des arts plastiques, ndlr), le Centre Georges Pompidou et d’autres grandes collections pour faire dialoguer et rayonner encore plus la collection. Le lieu a été repensé pour être plus ouvert, connecté au parc de sculptures qui est à l’arrière du bâtiment, à l’environnement paysager et au quartier. Il y aura également un toit-terrasse pour proposer des performances. Et nous préparons parallèlement l’exposition de réouverture comme une fête. Il s’agit d’une artiste avec laquelle nous avons déjà travaillé et dont nous gardons un très bon souvenir. Je joue encore un peu le suspens. Rendez-vous à l’automne ou fin 2022.

À côté des musées identifiés comme Cantini, Borély ou les Beaux-Arts, il y a aussi ceux, plus modestes et méconnus comme le musée des Docks romains…
C’est pourtant un concentré de l’histoire antique marseillaise, en plein milieu du centre de Marseille, qu’il faut découvrir. Le musée d’histoire de Marseille organise déjà des visites couplées. Des balades urbaines permettent de passer par différents lieux et de mettre en cohérence l’ensemble de nos établissements et du patrimoine. Après quelques travaux, le Mémorial de la Marseillaise sera bientôt prêt à retrouver ses visiteurs.

«La démocratisation culturelle est encore très largement à construire»


Quelles relations voire collaborations envisagez-vous avec les établissements qui ne relèvent pas de la ville ?
Notre volonté est de travailler en partenariat avec de très nombreux acteurs du territoire. Le Mucem est un voisin et un ami des musées de Marseille. Nous préparons plusieurs projets, notamment celui d’une exposition rétrospective de l’artiste d’origine égyptienne Ghada Amer qui proposera trois parcours, au Mucem, au Frac et à la Vieille Charité, en décembre 2022.

Les grandes expositions se sont faites rares ces dernières années. Allez-vous y remédier ?
Nous présentons actuellement au Centre de la Vieille Charité, Objets migrateurs, trésors sous influence qui est une exposition qui s’étend de façon inédite. C’est presque la plus grande en termes de volumes que nous ayons eu et elle est très ambitieuse en termes de prêts. L’année précédente, nous avons proposé l’exposition sur le surréalisme dans l’art américain… Et il y en aura d’autres. Mais il ne faut pas négliger le contexte de crise sanitaire qui a énormément déstabilisé le secteur culturel et qui nous a amené aussi à réfléchir différemment, à repenser nos moyens de production au prisme d’enjeux économiques mais aussi environnementaux. Ce sont des paramètres que je souhaite mobiliser pour réfléchir à la programmation et peut-être, qui sait, donner une définition remise à jour de ce qu’est une grande exposition. Et celle sur Vieira da Silva, première exposition rétrospective dédiée à une femme au musée Cantini, est à mon sens une grande exposition.

L’Été marseillais s’installe-t-il également dans les musées ?
C’est important pour nous de répondre à cette belle initiative qui est transversale. Cela va créer une effervescence particulière dans les musées qui sont mobilisés. C’est l’occasion de redonner des coups de projecteur sur nos collections, de créer des visites événements, d’inviter des artistes du spectacle vivant, etc. Ma volonté est de monter en puissance dans l’engagement des musées dans le cadre de l’Été marseillais, à l’horizon des années à venir.

Quelles sont les priorités de votre direction ?
Permettre à chacune et à chacun de bénéficier d’une expérience culturelle et muséale forte, que l’on soit dans un quartier central de Marseille ou éloigné. La démocratisation culturelle est encore très largement à construire et nous réfléchissons à la question du hors les murs. Beaucoup d’artistes et de compagnies s’installant à Marseille, il y a nécessité de faire synergie. Les musées peuvent jouer le rôle d’animateurs de réseau à un niveau territorial. Il nous faut aussi réfléchir à la place des musées de Marseille à l’échelle méditerranéenne.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

À voir :
Simplement jaune, jusqu'au 18 septembre 
Château Borély 
Résistants, une génération oubliée, jusqu'au 31 décembre 
Mémorial des déportations 
Trafics !, jusqu'au 6 novembre 
Muséum d’histoire naturelle 
Objets migrateurs, trésors sous influence, jusqu'au 18 octobre 
Centre de la Vieille Charité 
Vieira da Silva, l’œil du labyrinthe, jusqu'au 6 novembre 
Musée Cantini
musees.marseille.fr

Mucem : tant d’histoires à raconter

0
Pharaons Superstars Graepheme Sceno, juin 2022 © Jean-Christophe Lett/Mucem

Les Pharaons ? Des Superstars !

Dès l’abord, sur la façade du Mucem, elle s’affiche comme l’événement de la saison estivale, aux côtés de la magnifique exposition consacrée à l’émir Abd el-Kader Ibn Muhyî ed-Dîn (jusqu’au 22 août, lire Zébuline n°1). Pharaons Superstars se tiendra quant à elle jusqu’au 17 octobre. Amplement le temps, pour les touristes et les Marseillais, d’en prendre plein les mirettes. Car ses deux commissaires d’exposition, Frédéric Mougenot, conservateur du patrimoine au sein du Palais des Beaux-Arts de Lille, et Guillemette Andreu-Lanoë, directrice honoraire du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre, ont choisi délibérément d’opérer un grand écart entre la profondeur des siècles et le kitsch contemporain le plus virulent. Profondeur des millénaires, devrions-nous dire, puisque – le saviez-vous ? – il s’est écoulé plus de temps entre le règne de Khéops (vers 2 635-2 605 av. J.-C.) et celui de Cléopâtre (de 51 à 30 av. J.-C.) qu’entre le règne de cette dernière et les premiers pas de l’Homme sur la Lune. De l’aube de l’Antiquité égyptienne jusqu’à nous, l’exposition couvre, sans frémir, une période de 5 000 ans.

Ce, grâce aux prêts d’autres musées de premier plan : le Louvre, Orsay, le British Museum, les Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, le Kunsthistorisches Museum à Vienne, le Museo Egizio à Turin, ou encore le musée Calouste-Gulbenkian à Lisbonne, où elle sera présentée par la suite, du 24 novembre 2022 au 6 mars 2023. Ont également contribué aux quelques trois-cents pièces rassemblées, la Bibliothèque Nationale de France, ainsi que les structures locales, musée d’archéologie méditerranéenne et bibliothèques de Marseille. Cette diversité de provenance montre à quel point l’héritage égyptien a été convoqué partout. Mais pas de la même manière. Cléopâtre, par exemple, a généré deux visions très différentes de sa personne, selon l’aire culturelle où sa figure « historique » a perduré, avant d’être déclinée en de multiples caricatures. Mal aimée à Rome pour avoir préféré Marc Antoine à César, elle a en Occident une image de séductrice libidineuse (« les historiens romains ont voulu pourrir sa réputation », explique Frédéric Mougenot). Sur les murs de l’exposition, au détour d’une citation d’Al-Masudi (encyclopédiste du Xe siècle), on apprend qu’en revanche, dans le monde arabe classique, qui se base sur des sources locales, c’est sa mémoire de reine savante, fine administratrice, auteure de traités de médecine, qui est célébrée.

Et aussi des oubliés de l’histoire

Vignon Claude (1593-1670). Rennes, musée des Beaux-Arts. Cléopâtre se donnant la mort © MBA, Rennes, Dist.RMN-Grand Palais, Patrick Merret

Le propos de Pharaons Superstars consiste à souligner une fameuse ironie : l’objectif des souverains d’Égypte était de rester impérissables. « Ils ont tout mis en œuvre pour cela, et certains ont réussi leur coup », souligne le commissaire. Très peu, toutefois, et, selon les caprices de la postérité, pas ceux dont on aurait pu croire qu’ils résisteraient à l’usure du temps, au vu de leur grandeur première. Le grand guerrier Sésostris III, le bâtisseur Amenhotep III, le conquérant Thoutmôsis III ont disparu dans les oubliettes de la chronologie. Alors que ce dernier, en témoignent les amulettes de protection où figure son cartouche, a été considéré comme quasiment divin, objet d’un culte populaire longtemps après sa mort. Sans doute fallait-il laisser des traces plus importantes, ce qu’avaient compris d’autres anciens rois. Un énorme poing en granit marque le parcours : un fragment (!) de colosse, celui de Ramsès II, sculpté au XIIIe siècle avant J.-C..

La belle Néfertiti a résisté à l’oubli, bien que ses représentations aient été soigneusement martelées, pour effacer le souvenir de sa participation, avec son époux Akhenaton, à une réforme religieuse inacceptable. Mais que demeure-t-il d’elle, hormis ce fameux buste aux proportions si harmonieuses qu’il en perd toute crédibilité ? Si son visage est devenu une icône au XXe siècle, c’est parce qu’il correspond aux canons esthétiques de notre modernité. Voilà qui est révélateur de nos obsessions. Dans la dernière partie du parcours, c’est en effet ce qui saute aux yeux, à travers, notamment, les œuvres contemporaines. Le plasticien franco-marocain Mehdi-Georges Lahlou, par exemple, en 2014, remplaçait par ses traits ceux de la reine, sur une réplique du buste en question, pour appuyer sa réflexion sur le genre et la célébrité. « Si Khéops est utilisé pour nous vendre des shampooings, s’amusent les concepteurs de l’exposition, cela ne dit rien de lui, mais beaucoup de nous ! » .

L’interprétation de nos rêves

Pour aller plus loin, le Mucem et Actes Sud ont publié, sous la direction de Frédéric Mougenot et Guillemette Andreu-Lanoë, le catalogue de l’exposition. Jean-François Chougnet, président du musée, y relève avec acuité que l’égyptomanie, dont l’attrait s’est maintenu à travers les âges, s’appuie sans doute sur la fascination  de l’espèce humaine pour la mort. Souverains visant l’immortalité, momies quelque peu morbides… Sous les dorures, apparaît un « retour du refoulé » très freudien. D’autant qu’une force libidinale détonante lui est, comme de juste, intrinsèquement liée : ah, les multiples déclinaisons de Cléopâtre, mordue par un serpent des plus phalliques, amplement dénudée, de l’histoire de l’art !

Humanité en mouvement

En contrepoint total à ces Pharaons Superstars, une autre exposition attend les visiteurs dans le bâtiment Georges Henri Rivière au fort Saint-Jean. Mathieu Pernot, diplômé de l’École nationale de la photographie d’Arles, s’attache aux invisibilisés d’aujourd’hui. Il compose des récits à plusieurs voix en mêlant images d’archives, prises de vue documentaires, vidéos, manuscrits, objets trouvés, et croise les disciplines, utilisant astronomie, botanique, anatomie, ou encore cartographie, pour réaliser un Atlas en mouvement qui évolue et s’enrichit au fil des années. Ayant longtemps suivi des personnes migrantes, trop souvent réduites à un statut de victimes indésirables, il a cherché de nouvelles manières de les représenter. Pour ce faire, le photographe a questionné les flux de déplacement, choisis, contraints ou empêchés, les modes d’habitat, la mémoire que conservent les lieux des personnes qui les traversent, ou qui y résident un temps. Sa façon de marquer le pas, de souligner le sillage fugace des exilés, pour joindre leur expérience à l’histoire commune. Notez que l’exposition fait partie de la programmation Grand Arles Express des Rencontres d’Arles 2022.

GAËLLE CLOAREC

Pharaons Superstars, jusqu'au 17 octobre
L'Atlas en mouvement, jusqu'au 9 octobre
Mucem, Marseille
04 84 35 13 13 mucem.org

Et aussi :

Abd el-Kader, jusqu'au 22 août
La Chambre d'amis : Musée national de la Marine, jusqu'au 22 août
Abécédaire Une autre Italie, jusqu'au 10 octobre
Mucem, Marseille
Même pas vrai !, jusqu'au 4 novembre
Centre de conservation et de ressources du Mucem, Marseille