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Une écriture salvatrice

Journaliste et romancière, Sonia Feertchak réunit dans Ne vois-tu rien venir plusieurs axes de réflexion : l’identité féminine, l’art du suspense, et les écosystèmes naturels

Ce roman, le premier publié chez Flammarion de Sonia Feertchak, interroge le lecteur par son titre, pourtant dénué de point d’interrogation : Ne vois-tu rien venir. Il s’agit de la phrase-refrain, angoissée, empruntée au conte de Perrault, Barbe-Bleue, une phrase-clé pour entrer dans le récit. La réponse du conte, bien connue également, « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie », peut renvoyer à l’accent mis par l’auteure sur les descriptions de la nature et du temps qu’il fait, écrites depuis l’encre noire des yeux de Lise, le personnage central.

Du conte cruel à l’humour noir

Le roman décrit l’évolution de Lise, depuis ses sept ans jusqu’à ses dix-neuf ans, saisie, avec une précision clinique, par ses pensées et ses émotions. Le point focal est la relation au père, figure tutélaire et sombre, dont le comportement infidèle semble provoquer la déliquescence de ses conquêtes. Le fil narratif est noué à celui du journal intime de l’enfant puis de l’adolescente, sorte de carnet d’enquête dans lequel Lise confie ses constats et ses doutes.

Le texte se lit comme un genre hybride entre fiction et témoignage : biographie ou essai engagé, roman initiatique ou noir, avec ses supposés meurtres en série. L’écriture se tient entre oral et écrit, argot d’époque y compris, au plus près de la parole de Lise et de son environnement domestique, et au lecteur de grandir avec elle. 

Le roman est comme le résultat d’un vaste atelier d’écriture, saisissant la construction de l’identité-femme de Lise, de « l’enfant de la nature » à la jeune femme d’écriture. Et à travers elle se dessine un portrait à charge de l’homme dominateur et prédateur, à l’image de Barbe-Bleue. 

Mais le premier atout du roman réside dans le caractère nuancé des pensées et des faits que relate le récit. D’autres points forts tiennent au suspense, qui croît de page en page, à l’humour, mécanisme de défense entre trauma vécu et mots pour le dire, aux descriptions minutieuses des êtres, des choses et de la nature, enfin à une conception protectrice et salvatrice de l’écriture. L’ensemble est traversé par une pensée féministe à la fois ouverte, engagée et par une écriture minutieuse, claire et accessible.

FLORENCE LETHURGEZ

Ne vois-tu rien venir, de Sonia Feertchak
Flammarion - 21 €

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