mercredi 2 octobre 2024
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« Gondola », l’amour en suspension

Subversif et poétique, le nouveau long-métrage de Veit Helmer joue la carte d’une comédie romantique muette, où des destins se croisent le long d’un téléphérique

Il est des films qui font rire, d’autres qui font pleurer et il y a ceux dont le charme fait naître sur les lèvres un sourire bienfaisant. Gondola du réalisateur allemand Veit Helmer, repéré pour Absurditan (2017) une comédie déjà passablement atypique, appartient à cette catégorie.

Nous voilà dans les superbes massifs de l’Adjarie en Géorgie – mais ce pourrait être ailleurs, dans une époque peu définie. Un téléphérique vintage aux nacelles en forme de cônes elliptiques, aux grands rouages grinçants, et au maniement sommaire, relie les flancs de deux montagnes. Une station en bout de ligne, aux couleurs pastels, suspendue au-dessus du vide, accueille de rares passagers. Deux câbles parallèles, supportent l’aller et le retour des capsules le plus souvent vides, que quelques paysans regardent passer depuis la vallée. Iva (Mathilde Irrmann) venue à l’enterrement de son père – peut-être car rien n’est dit – devient conductrice de cabine, après lui, et rencontre Nino (Nini Soselia), déjà en place, qui rêve de partir.

Les deux jeunes femmes dans leur uniforme se croisent à mi-parcours entre la descente et la montée. Elles vont s’observer, s’apprivoiser, s’aimer, s’allier contre le méchant petit chef tyrannique et jaloux (Zviad Papuashvili), faire alliance avec un garçonnet et une fillette aux nattes blondes dont la romance doublera la leur, aider un vieil homme cloué à un fauteuil, transformer la routine en aventure, introduire musique et fantaisie dans cet univers figé. Un scénario minimaliste pour un film muet entre Jacques Tati et Wes Anderson. Un film dont la bande son – musiques populaires, percussions concrètes, ritournelles de quatre sous et grincements de poulies – souligne à tout instant le burlesque ou l’émotion.

Une poésie subversive

Le téléphérique en unité de lieu est au cœur du dispositif du réalisateur. Cinématographique : il permet tout naturellement les travellings, les plongées, contre plongées et les changements de points de vue. Scénaristique : il constitue au sens propre, le fil du récit, entre répétition des plans et étonnantes variations. Symbolique : il figure la fragilité des existences et le croisement des trajectoires.  

Le parti-pris du muet laisse le champ libre à une communication exclusivement visuelle. Pas de paroles d’amour dans cette comédie romantique mais une partie d’échec décalée entre deux trajets, un repas glissé pour l’autre dans sa lunch box, un fruit pris au filet à papillon lancé à l’autre au point de croisement, des cabines devenant fusée, bateau, avion ou restaurant, avec quelques accessoires et beaucoup d’imagination…

Gondola est un film délicieusement subversif. Non seulement parce qu’il met en scène une attirance homosexuelle, non seulement parce que l’« outil de travail » est récupéré par travailleuses et usagers, mais surtout parce que c’est par la poésie que s’opère cette petite révolution.

ÉLISE PADOVANI

Gondola, de Veit Helmer

En salles le 24 juillet

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