mardi 1 octobre 2024
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Viêt and Nam, les amants de la terre noire

Viêt and Nam, troisième long métrage du réalisateur vietnamien Truong Minh Quy, déroute et fascine

D’une grande beauté formelle, tourné en argentique 16mm, Viêt and Nam tient à la fois du cinéma réaliste et fantastique, du road trip et du huis clos, du mélodrame sentimental et du documentaire. C’est tout ensemble un film sur un amour homosexuel, sur la société vietnamienne, sur le monde rural, sur l’extraction de la houille, sur l’émigration clandestine, sur l’absence des pères, sur les fantômes et les traumatismes de guerre, sur le Nord et le Sud d’un pays autrefois divisé. Pourtant ce n’est en rien un collage ou une juxtaposition : styles et thèmes s’interpénètrent, font matière de cinéma.

Viêt et Nam, deux jeunes mineurs, vont tous les jours au charbon : ils descendent dans les entrailles de la terre par un monte-charge archaïque, avec leurs frères de labeur. Rêve ou réalité ? Ils s’aiment, nus sur la terre noire. Leur peau mate et moite, barbouillée de poussière, se détache sur fond de houille pailletée. Nam n’a jamais connu son père disparu sur le front sud pendant la guerre. Il vit avec sa mère dans un univers rural très pauvre. S’occupe d’elle, la couche en suivant un rituel qui la prépare au rêve. Un rêve récurrent, obsédant dans lequel le spectre de son mari lui donne des indices pour retrouver sa dépouille ensevelie à la hâte. Nam cherche pourtant à tout abandonner, à s’exiler comme tant d’autres, en acceptant le risque de l’asphyxie dans des sacs plastiques portés par le fleuve ou le naufrage de conteneurs scellés par les passeurs. Il est prêt à quitter Viet, son âme sœur, son double qui lui ressemble tant. Mais avant, il entreprendra un périple vers le Sud avec son amant, sa mère et un vétéran, compagnon d’arme de son père. Le petit groupe guidé par les songes maternels et les visions d’une chamane, spécialiste de ces recherches de corps perdus. Une plongée historico-onirique, à travers forêts, cimetières, mémoriaux officiels, souvenirs intimes ou mensonges du vieux soldat rescapé.

Eaux de vie, eaux de mort

Le temps s’immobilise en longs plans pausés et la bande son constituée essentiellement de bruits concrets nous fait entrer dans l’image : gouttes d’eau suintant des parois, explosions des forages, froissement des vagues échouées sur le sable… Les eaux épuisent leur palette imaginaire et poétique : courantes ou stagnantes, claires ou troubles, vertes ou bleues. Mêlées à la terre comme la chair de ceux inhumés sans suaire.

À l’instar de son titre duel, et de sa structure bipartite, le film multiplie les oppositions binaires : le dessus et le dessous, le dehors et le dedans, la vie et la mort, le souffle et l’étouffement. Les cadres savamment composés jouent sur les reflets et les symétries, en une géométrie sensible.

Son réalisateur Truong Minh Quy appartient à la même génération que son compatriote Pham Thièn An, Caméra d’or à Cannes l’an dernier pour L’Arbre aux papillons d’or. On trouvera quelques convergences entre les deux cinéastes bien que le premier affirme qu’il n’y a pas de mouvement artistique commun dans un pays où réaliser et diffuser ses films s’avèrent très difficile et où les trajectoires par là-même, demeurent personnelles.

ÉLISE PADOVANI

Viêt and Nam, de Truong Minh Quy

En salles le 25 septembre

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