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Le groove du tuba

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Thomas Leleu © Thomas Ales

Création mondiale au GTP et pas banale ! Aucune œuvre concertante n’a jamais été écrite pour le tuba qui est relégué dans les derniers rangs de l’orchestre. Même en jazz, si certains solos lui sont confiés au même titre quà la contrebasse, rarement la composition d’une œuvre s’axera sur les notes pourtant d’une gravité parfois impressionnante de cet instrument ! Thomas Leleu souvent surnommé le « Mozart du tuba » a pourtant su le porter sur le devant de la scène. Ce premier prix de tuba du Conservatoire de Paris, élu Révélation soliste instrumental aux Victoires de la musique de 2012 nous a appris à écouter autrement cet instrument, à lui trouver une musicalité et une éloquence certaines. Le tuba groove, et pas seulement au fond des bois ! 

Thomas Leleu reprend son opus Born to groove avec l’Orchestre du conservatoire d’Aix en Provence pour une version nouvelle Born to groove symphonic, dirigé par Michel Durand Mabire. À ses côtés, jouent toujours Laurent Elbaz (piano, claviers), Yoann Schmidt (batterie), Kevin Reveyrand (basse), Jérôme Buigues (guitare), François Chambert (saxophone, flûte) sur des arrangements de Laurent Elbaz. Bientôt des femmes ? 

MARYVONNE COLOMBANI

Thomas Leleu
2 décembre
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
lestheatres.net

Fwad Darwich & the New Dialects

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Encore quelques jours (jusqu’au 3 décembre) pour profiter de la 17e édition de Jazz sur la Ville, festival qui investit chaque année à l’automne pendant un mois les petits et grands lieux de la ville, du département et de la région. Jazz traditionnel, expérimental, fusion, l’ouverture des frontières musicales est de rigueur. C’est ainsi que l’on retrouve sur la scène de L’éolienne ce vendredi 1er décembre Fwad Darwich and the New Dialects qui revisite le quartet historique du jazz : piano, saxophone, basse et batterie avec un univers musical se déployant entre le Jazz et les musiques traditionnelles du Maroc. Le bassiste et compositeur, originaire de Casablanca, installé à Alès, est accompagné sur scène de la pianiste Alma Pinta-Tourret, du batteur Dawoud Bounabi et du saxophoniste Sylvain Artignan.

1er décembre
L’éolienne, Marseille

La musique, un jeu d’enfant 

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La Cuisine Musicale © Cyrille Louge

La programmation, placée sous le signe des contes, essaime cette année dans dix-sept lieux répartis sur le territoire de Marseille, d’Aix-en-Provence et alentours et propose quatorze spectacles portés par treize équipes artistiques pour quarante-six représentations.

Une sacrée tambouille ! 

Création de cette année, La Cuisine Musicale de la Compagnie Minute Papillon convie le grand orchestre dans une cuisine, transformant les ustensiles culinaires en instruments de musique. Les mélodies empruntées aux opéras de Mozart, Puccini, Verdi, Rossini, Bizet se décalent côté rap (à fromage), techno, musiques du monde sur les accents de la grille du four/ harpe, de la poêle/contrebasse et toute une batterie du même acabit, inventive et déjantée, maniée par deux commis de cuisine, Stéphane Zubanu Diarra (« instruments ») et Violaine Fournier (chant) qui mijotent tout cela avec gourmandise et donnent de l’appétit pour l’opéra.  Coproduit par le Festival d’Aix, le spectacle accessible dès 4 ans sera créé les 9 et 10 décembre au Conservatoire de Marseille, puis joué le13 décembre à La Busserine (Marseille), le 15 à Pertuis et les 20 et 22 décembre à Briançon… 

Événement au Conservatoire de Marseille

Si Tous en sons rayonne jusqu’à Briançon et dure quinze jours, le temps fort se situe le week-end des 9 au 10 décembre : le festival investit le Conservatoire de Marseille pour une programmation festive et foisonnante. 

Le mandoliniste et compositeur Vincent Beer-Demander offrira l’exclusivité du premier mouvement de sa nouvelle création pour l’Orchestre de Mandoline des Minots de Marseille (une centaine de mandolinistes et guitaristes en herbe), Le Royaume des Géants, extrait des Légendes du Nord de Tolkien, le tout sous la direction de Catherine Arquez et au piano, Frédéric Isoletta (6-10 ans). 

Un atelier musical destiné à la tranche d’âge de zéro à trois ans permettra aux parents de vivre un moment ludique avec leurs enfants, aux côtés de Watsu Sound et sa Bulle de chant.   

Les plus grands (à partir de huit ans) seront invités à découvrir lors de l’atelier-concert, Au cœur des cordes de Piano and Co, les instruments à cordes et leur fabrication depuis l’arbre coupé. En compagnie de la luthière Marianne Ponz, de la violoniste Hélène Maréchaux et de la violoncelliste Marine Rodallec, une initiation passionnante, propre à éveiller des vocations ! 

Les élèves de la classe de composition à l’image, sous la houlette de Pierre-Adrien Charpy, nous feront entendre les sons de leurs animaux étranges, marcassin jazzy, crabe militaire, calamar poétique… Avec Sébastien Béranger on se livrera à l’expérience des Vents à emporter qui fusionne de manière étonnante le mouvement et le son grâce à des capteurs qui génèrent en temps réel trame sonore et visuelle, rendant chaque spectacle unique. 

 L’Oiseau de Feu de Stravinsky fera l’objet d’une répétition publique exceptionnelle, commentée par le chef d’orchestre Sébastien Boin à la tête de l’orchestre OSAMU&CO composé d’élèves d’Aix-Marseille Université et du Conservatoire. 

Enfin, La grande boom d’Élodie Rama donnera à vivre aux enfants dès trois ans un moment festif et jubilatoire, une « vraie boom » électro et rap !

Bonheur des contes

Les spectacles musicaux seront présents tout au long des deux semaines, et les mises en scènes musicales des contes ajouteront à leur magie. 

Les trois artistes du Collectif Ubique s’emparent du conte des frères Grimm, Hansel et Gretel et accordent leurs rythmes à celui de l’alexandrin, mêlant compositions originales et pièces du répertoire sur instruments anciens et modernes, scie musicale, théorbe, clarinette ou violon (dès six ans). Ils s’attaquent avec humour au récit de La Belle au bois dormant de Charles Perrault : les fées sont nulles en magie, la princesse n’est pas très commode et le prince est bien hésitant… Puis ils entraînent les plus de dix ans dans une plongée sous-marine où l’on découvre une Petite Sirène qui trépigne tant elle désire devenir marin…

Les tout-petits iront dormir sans hésitation après le poétique Dodo de Maïrol Compagnie (dès six mois). 

L’île aux chants mêlés de Marion Rampal voyage entre créolisations, blues, traditions musicales lointaines en une utopie vivante mise en scène par Jeanne Béziers.

Les six ans vont bouger avec la jeune combattante amérindienne Lozen par ARFI (Association à la Recherche d’un Folklore imaginaire), puis l’Eco-Friendly-Afro-Futuristic-Punk de Fulu Miziki Kolektiv

Enfin l’opéra de Marseille ouvrira ses portes à un concert pédagogique et une visite historique, immersion délicieuse où les coulisses seront ouvertes…

Au cœur du festival seront aussi organisées des rencontres professionnelles, l’éducation artistique sera mise en questions et démonstration par les artistes de la compagnie Minute Papillon.

MARYVONNE COLOMBANI

Tous en sons
Du 3 au 22 décembre
Divers lieux, Marseille, Aix-en-Provence et alentours
07 82 68 95 78
tousensons.fr

Hansel et Gretel

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C’est un Hansel et Gretel (dès 8 ans) plus qu’alléchant, créé par l’Opéra de Dijon, qui est accueilli sur la scène du Théâtre du Jeu de Paume à Aix-en-Provence du 30 novembre au 2 décembre. Au piano à quatre mains Nour Ayadi et Pierre-Marie Gasnier, à la voix Nadia Fabrizio, et aux illustrations, réalisées et projetées en direct, l’immense dessinateur Lorenzo Mattotti (et réalisateur du film d’animation La Fameuse Invasion des ours en Sicile). Les ingrédients du conte des Frères Grimm, adapté ici par Dominique Pitoiset et Nadia Fabrizio sont : deux enfants abandonnés dans une forêt, une maison en pain d’épice, et une sorcière inquiétante, le tout plongé dans un bain de peur. Sur la scène, des images vivantes, du noir et blanc, de la musique (Humperdinck,  Moussorgski) et du silence.

Du 30 novembre au 2 décembre
Théâtre du Jeu de paume, Aix-en-Provence

Moi, Capitaine, cap vers l’enfer

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Copyright Greta De Lazzaris

Depuis trois ans, Arte Mare, le plus vieux festival corse de cinéma, quelque temps après sa clôture à Bastia, s’invite à l’Alhambra pour proposer en avant-première, un des films de sa sélection.

Cette année, ce fut le dernier Matteo Garrone,  Io capitano (Moi, Capitaine) Grand Prix Allindi et Petru Mare 2023. Par ailleurs, Lion d’argent et Premio Marcello Mastroianni du meilleur espoir pour le jeune acteur Seydou Sarr, à la dernière Mostra. Choisi pour représenter l’Italie aux Oscars parce que selon l’Anica (Association nationale des industries cinématographiques et audiovisuelles) ce film incarne « avec une grande force et maîtrise cinématographique le désir universel de recherche de la liberté et du bonheur ».

Moi, capitaine est né de la rencontre du réalisateur avec un jeune migrant de 15 ans à Catane qui lui raconte comment il s’est trouvé sans aucune compétence en la matière, pilote d’une embarcation chargée de clandestins. Matteo Garrone se documente, écoute d’autres migrants et décide de mettre sa vision de cinéaste au service de leurs récits de vie, comme un intermédiaire, un médiateur, en épousant leur perspective. Pour son scénario, il collabore avec de nombreux Africains dont l’ Ivoirien Mamadou Kouassi – qui a fui la guerre civile et travaille aujourd’hui comme médiateur interculturel à Caserta.

Une épopée homérique

Fort de ce background ancré dans une actualité tragique, au lieu de réaliser un documentaire comme on a pu en voir beaucoup, où des rescapés témoignent face caméra, le réalisateur de Gomorra choisit la fiction et l’épopée homérique, héroïse ses personnages, leur conférant une dimension universelle. Le visage de son protagoniste devenu capitaine, saisi de trois quarts, mangera la moitié du grand écran à la fin du film, rejoignant les figures romanesques d’un Jack London.

Le film commence à Dakar. En immersion dans une fête costumée. Une communauté pauvre mais joyeuse, riche d’enfants rieurs et turbulents. Seydou compose des chansons et rappe avec son cousin Moussa. Il rêve – à l’instar de millions d’ados de par le monde, de devenir une vedette internationale. La fenêtre de son portable s’ouvre sur les paillettes de l’Occident. Et malgré les avertissements de la mère de Seydou (Khadi Sy) « Sur la route de l’Europe, il y a des cadavres partout », les deux jeunes garçons préparent en secret leur départ. Comme Pinocchio, héros d’un précédent film de Garrone, le candide Seydou, guetté par les renards et les chats, quitte l’amour et la sécurité du foyer, pour un voyage initiatique et cruel.

Un contrechamp à l’horreur

Narration linéaire qui suit le long itinéraire des jeunes sénégalais, bien vite plongés dans l’enfer. Mali, Niger, Sahara, Lybie jusqu’à Zuera, lieu d’embarquement des migrants pour Lampedusa. La ligne rouge suivie par des milliers d’Africains, qui se matérialise sur une carte comme une saignée ou une plaie à vif. Des étapes-épreuves qui mettent en évidence à la fois la noirceur humaine mais aussi la solidarité entre les damnés. Soumis aux exactions de toutes sortes, rackettés, entassés dans des véhicules, débarqués dans le désert, contraints à une marche épuisante jalonnée des corps morts de ceux qui n’ont pas pu aller jusqu’au bout. Enlevés, jetés dans les prisons libyennes, torturés, vendus comme esclaves, maltraités comme des bêtes, malgré les doutes et les souffrances, Seydou et Moussa resteront humains. Le rêve ne quittera pas Seydou, deviendra même plus fort qu’il ne l’était au départ. Comme à son habitude, Garrone, introduit des scènes oniriques hallucinatoires. Belles, poétiques, elles surgissent au sein d’une réalité cauchemardesque. Sans incongruité. Car la photo confiée Paolo Carnera, superbe, fait contrechamp à l’horreur ou l’accentue.

ELISE PADOVANI

Moi, Capitaine, de Matteo Garrone
En salles le 3 janvier

Sideral

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Sébastien Ly a fondé sa compagnie Kerman en 2005, et développe son travail chorégraphique autant sur scène qu’in situ. Après une trilogie sur la mémoire qui l’a ramené vers ses origines vietnamiennes, il s’est tourné vers une écoute attentive de son environnement, en interrogeant dans un cycle de travail débuté en 2018 la notion d’ « Habiter le monde ». C’est-à-dire la manière d’être présent à soi, aux autres, au monde qui nous entoure et dont nous faisons partie. Après Nhà (2019) et NOW (2021), voici donc Sideral, création 2023, un voyage en orbite, avec pour point de départ le cosmos et comme destination, la Terre. Deux artistes circassiennes suspendues jouent avec les forces de l’attraction terrestre tout comme avec celle d’un corps vers l’autre, au gré d’une partition musicale créée et interprétée par Loïc Guénin et Éric Brochard, eux-mêmes suspendus.

1er décembre
Le Zef, scène nationale de Marseille

Une folie douce et contagieuse

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Un vent de jeunesse souffle sur Mona Corona ; roman graphique d’anticipation érigé sur un Beyrouth postapocalyptique, célébrant le pouvoir de rébellion d’une jeune femme, puis d’un collectif. Son autrice Michèle Standjofski n’est pourtant pas une nouvelle venue sur la scène du 9e art. Célébrée dans tous les festivals francophones (Angoulême, Amiens, Aix-en-Provence, Saint-Malo) comme au Proche-Orient (Istanbul, Sharjah et son Beyrouth natal), l’autrice née en 1960 enseigne depuis plus de trente ans à l’Académie Libanaise des Beaux-Arts, et a fait ses armes, entres autres, dans l’illustration, et tout spécialement pour le quotidien L’Orient – Le Jour. Elle fut notamment reçue aux Rencontres du 9e Art à Aix-en-Provence pour présenter Toutes les mers, récit autobiographique alors en cours d’écriture, célébrait sa famille venue des quatre coins de la Méditerranée avec, en filigrane, une inquiétude de plus en plus tenace quant à l’avenir du Beyrouth où elle avait échoué.

Pouvoir rare

On ne change pas de cadre mais de décor avec le tout aussi sublime et foisonnant Mona Corona, où la capitale libanaise se fait à peine plus dystopique qu’elle ne l’est déjà. La peur de la contamination et le retour au couvre-feu évoquent bien la Covid 19 ; mais la toxicité rose de l’air rappelle quant à elle celle des explosions d’août 2020. L’action de Mona Corona se déroule une dizaine d’années plus tard : tout espoir semble annihilé, sauf celui de Mona, douce rêveuse, dans le pouvoir de ses plantes inquiétantes. Sorte de sorcière inhibée à la sensualité pourtant débordante, la jeune femme semble détenir le pouvoir rare et précieux de faire reverdir la terre. Sa joie, tenace face au pire en voie d’advenir, ou déjà advenu, semblait déjà salutaire lors de la sortie du roman au début du mois d’octobre. Elle se fait aujourd’hui d’autant plus nécessaire et poignante. 

SUZANNE CANESSA

Mona Corona, de Michèle Standkofski
Bruit du Monde - 24 €

La vie, anti-mode d’emploi

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On ne présente plus Ian McEwan, tenu aujourd’hui pour le plus grand romancier anglais vivant. Tout juste peut-on se réjouir de la longévité d’un auteur ayant su surprendre son lectorat à chaque roman, et s’étant frotté aux genres comme aux sujets les plus retors et les moins séduisants. Leçons prend ainsi un risque que l’auteur n’avait jamais pris auparavant, celui de la longueur : plus de 600 pages, pari étonnant de la part de McEwan dont les récits avaient jusqu’alors brillé par la densité et même la frénésie de son action. 

Introspection

Sur bien des points, Leçons évoque le plus grand succès public de McEwan, Expiation, écrit en 2001 et adapté au cinéma quelques années plus tard – Atonement, dans sa traduction française Reviens-moi. Une fois de plus, il y est question d’un écrivain en herbe, ou du moins d’un écrivain contrarié : l’imagination fertile de Briony condamnait toute sa famille, à la veille de la seconde guerre mondiale, à une explosion sans précédent. Leçons s’ouvre sur deux autres dynamitages : celui de Tchernobyl dont le nuage rode autour de Roland Baines, jeune père d’un nourrisson dont l’épouse a soudainement disparu ; et celui de sa propre cellule familiale, érigée comme pour le protéger d’une série de traumatismes dont le récit nous révèlera peu à peu la teneur. S’enchaînent ici les époques et autres retours en arrière, notamment sur les leçons de piano mâtinées de séduction et de violence qui (dé)formeront un Roland à peine adolescent.

Mais le goût du rebondissement et de la révélation ont ici cédé le pas à l’introspection et à l’intime, dans toute son horreur comme dans ses plus belles révélations. Il y a sans doute beaucoup d’Ian McEwan dans ce Roland Baines pourtant déchu, né comme lui en 1948, et nourrissant comme lui des velléités littéraires masquant mal un besoin de reconnaissance et de repères : comme lui, Roland Baines découvrira sur le tard l’existence d’un frère caché. Et se verra, tout comme lui, travaillé jusqu’à l’obsession par la question du double.

SUZANNE CANESSA

Leçons, de Ian McEwan
Gallimard - 26 €
Traduit de l’anglais par France Camus-Pichon

Mucem : les Luttes en question

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Rencontre du 27 novembre, avec Mame-Fatou NIang, Seumboy et Nora Hamadi © S.C.

Fort de deux éditions riches et denses, les Procès du sièclese tenant tous les lundis soir au Mucem de novembre à mars s’intéressent cette année aux luttes, à leurs enjeux, à leurs histoires et à leurs terminologies. Ce fut ainsi autour de l’héritage de la colonisation, qualifié tour à tour de « postcolonial » ou encore de « néocolonial », et au terme qui lui est souvent opposé de « décolonial » que la rencontre du 27 novembre s’est articulée, en compagnie de l’enseignante-chercheuse et artiste Mame-Fatou Niang, de l’artiste et militant Seumboy Vrainom :€ et de la modératrice Nora Hamadi, journaliste entre autres pour Arte et France Culture. Un faux procès et vrai débat aussi nécessaire, tant ces termes et les idées qui s’y rattachent semblent aujourd’hui encore méconnus en France, voire transformés en objets de méfiance, et tant les questions qu’ils soulèvent demeurent d’une brûlante actualité – « hautement inflammables », ajoutera Nora Hamadi en ouverture de la rencontre. Seumboy rappellera ainsi dès sa première intervention le sens de ces termes-clefs : le postcolonialisme, « idée que la colonisation a façonné le monde, et entre autres la répartition des langues et des monnaies », empruntée à Edward Saïd. Et celle du décolonialisme, puisée chez Hannibal Quirano : « malgré l’arrêt de la colonisation officielle, mais les rapports de force qui existaient à l’époque coloniale n’ont pas changé ». Le dialogue se révèle passionnant politiquement parlant, mais aussi et surtout lorsqu’il déborde sur l’art : celui des deux intervenants, dont celui de Fatima Mazmouz, présentée par la conservatrice Hélia Paukner ; mais aussi et surtout ceux de Seumboy et Mame-Fatou Niang, dont le documentaire sur son enfance et sa « désorientation » scolaire s’annonce passionnant.

La Négritude à venir

Autant dire qu’on attend de pied ferme la rencontre du lundi 4 décembre pensée en hommage à Claude McKay, également honoré par un colloque tenu du 30 novembre au 2 décembre à Aix-Marseille Université, dont Marseille célèbre le centenaire de l’arrivée en France. L’auteur jamaïcain naturalisé américain de Banjo mais aussi de Romance in Marseille, republié aux éditions Héliotropismes en 2021, a constitué une influence considérable pour le mouvement de la Négritude en France et dans les pays colonisés. Si bien qu’il demeure aujourd’hui encore célébré et cité par les mouvements antiracistes tels que Black Lives Matter. Le rôle de modératrice reviendra cette fois à Rokhaya Diallo, journaliste pour le Washington Post et le Guardian et chargée d’enseignement à Paris 1 – Panthéon-Sorbonne. L’enseignante-chercheuse angliciste Maboula Soumahoro, spécialiste des domaines afro-américains et de la diaspora noire-africaine, dialoguera avec la philosophe et écrivaine Nadia Yala Kisukidi. Nulle doute que l’autrice, également maîtresse de conférences à l’Université Paris 8 – Vincennes, saura puiser dans sa recherche et dans son œuvre dédiée à la pensée féministe noire de quoi conjuguer au présent l’œuvre de Claude McKay et de ses successeurs.

SUZANNE CANESSA

Prochaine rencontre le 4 décembre à 19 h à l’auditorium du Mucem avec Rokhaya Diallo, Maboula Soumahoro et Nadia Yala Kisukidi. 

L’arène des passions

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Duel Reality © Ekopics

Tout est affaire de passions, c’est du moins ce qui semble être le postulat de la fabuleuse troupe des 7 Doigts de la main pour aborder le mythe de Roméo et Juliette. Les familles ennemies de Vérone, les Montaigu et les Capulet sont ici des équipes d’athlètes repérables par leurs couleurs, les bleus et les rouges. Le public se voit d’ailleurs embarqué dans la bataille qui oppose les belligérants/concurrents, chaque spectateur ayant reçu d’entrée un bracelet bleu ou rouge selon qu’il se situait dans la partie paire ou impaire de la salle. 

« Qui a besoin de tragédies ? »

Tout débute par une rixe entre deux spectateurs qui se lèvent ulcérés et se hissent sur le plateau pour en découdre. Peu à peu la lutte s’organise, devient chorégraphie emportée sur la Danse des Chevaliers de Prokofiev, puis s’orchestre en concours sportif où toutes les acrobaties les plus périlleuses sont de mise tandis que le public est invité à soutenir son équipe. Les numéros se succèdent avec vivacité, époustouflants de virtuosité pure, mâts chinois, jonglage, hula hoop, mains à mains, acrobatie aérienne sur chaînes, balançoire à bascule acrobatique, corde, ruban, duo sur trapèze. Les agrès semblent parfois inutiles, les corps servent de tremplin, de tapis, s’élancent, traversent des cerceaux, s’envolent, ne retombent que pour rebondir encore plus haut… 

L’énergie sensuelle de ce collectif fusionne les genres en une théâtralité somptueuse, guerre artistique au cours de laquelle chaque protagoniste défie la gravité en une danse qui rend sensible toute la tension narrative qui sous-tend le spectacle : au cœur de l’affrontement que tente de mesurer un arbitre, les amants de Vérone se découvrent, sont séparés, se retrouvent. Les mots de Shakespeare hantent les quelques dialogues sur lesquels s’articule le propos. La fin seule change, Juliette contraint les deux familles à quitter leurs couleurs pour n’en épouser qu’une. L’entente unit enfin les combattants, les amoureux peuvent vivre leur passion. « Nous avons changé la fin. Qui a besoin de tragédies de nos jours ? » déclare l’un des protagonistes. En effet…

MARYVONNE COLOMBANI

Duel Reality-Au jeu comme en amour a été joué à guichets fermés du 22 au 25 novembre, au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.