mercredi 2 octobre 2024
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Repères dans le Off

Comment se repérer parmi les centaines de propositions du Off ? Voici quelques spectacles que nous avons vus et aimés, tous produits dans la région. Nos compagnies ont du talent !

L’Algérie au cœur

La compagnie Artscénicum reprend un spectacle qu’elle avait créé il y a onze ans, pour le cinquantenaire de l’Indépendance de l’Algérie, et qui avait beaucoup tourné. Il se joue sur des terrains de pétanque, et met en scène quatre joueurs réunis pour une partie. Au fil des points obtenus ou concédés, les tensions naissent entre les joueurs, tous venus d’Algérie, ou y ayant combattu. Les dialogues, qui jouent des affrontements d’hier et de ceux d’aujourd’hui, retracent en creux l’histoire familiale de chacun, brandie comme un étendard ou camouflée. L’histoire du combat du FLN, des supplétifs abandonnés de l’armée française. L’histoire des conscrits dépassés par la violence, et l’exerçant ; l’histoire de la torture ; l’histoire des pieds-noirs, de l’exil surtout. De cette terre perdue dont le souvenir reste commun, et la nostalgie irréversible.

©Jérôme Quadri
Les Pieds Tanqués
Texte et mise en scène Philippe Chuyen
Du 11 au 23 juillet à 11h30, relâche le 17
Boulodrome de l’Île Piot

Les artistEs et le pouvoir

La compagnie Du Jour au lendemain a créé le texte d’Howard Baker au Théâtre Joliette de Marseille, l’a joué à Mougins et au Théâtre Durance, et la tournée continuera au Bois de l’Aune d’Aix-en-Provence et à Briançon l’an prochain. Les vingt Tableaux qui mettent en scène la peintre Galactia aux prises avec la République de Venise Renaissante, s’exécutent avec une efficacité et une force remarquable, au gré de tables qui se déploient en décors successifs et figurent l’atelier, le palais du Doge, la prison. Maud Narboni, qui incarne Galactia, y est remarquable, comme les cinq comédiens qui entourent cette femme libre. De ses œuvres, de sa parole. Une Exécution qui résonne malheureusement avec l’actualité politique : la liberté de création, et de parole, des artistes, et en particulier des femmes, est elle compatible avec un régime autoritaire ?

@Fred Saurel
Tableau d’une exécution
De Howard Baker, mise en scène Agnès Régolo
Du 7 au 26 juillet à 18h45, relâche les 13 et 20
Théâtre des Halles

Molière est à toutes

Les Estivants, ce sont quatre filles sur scène, dont une à l’écriture et à la mise en scène, et d’autres qui les aident pour les décors, la musique, les accessoires. Quatre comédiennes un peu clowns, drôles et émouvantes, et aimant le rapport direct avec le public, surtout celui qu’elles croisent sur les routes. Leur Saga de Molière a cet esprit tréteaux de notre auteur national avant qu’il rejoigne la cour. On y sent la propension à battre la campagne et à s’amuser des anachronismes. Car si elles aiment Molière, et nous entrainent au fil du spectacle à entendre ses textes, il est aussi question de la place des comédiennes, aujourd’hui et hier, et de la force revendicatrice et subversive du théâtre. Dans un dispositif scénique fait de bric et de broc qui sent bon l’artisanat haut en couleur, et est diablement efficace.

Leur Saga, coproduite par le Théâtre du Gymnase, tourne avec un succès public constant : plus de quarante dates depuis sa création en 2021, et cela continue la saison prochaine à Gap, au Zef de Marseille et à Velaux…

©Julien Gatto
La Saga de Molière
Texte et mise en scène Johana Giacardi
Du 7 au 26 juillet à 21h30, relâche les 13 et 20
Théâtre des Carmes

Molière est à tous

L’Agence de Voyages imaginaires reprend son Malade Imaginé, qui concentre le savoir faire si particulier de la Compagnie. Philippe Car et Valérie Bournet savent comme personne faire naître l’âme des textes classiques en les revisitant de leur esprit teinté de commedia, de marionnettes, de nostalgie, d’irrévérence, de musiques… et d’amour du théâtre.

À partir d’un fauteuil et de costumes ils font naître la vie, puis la mort. Celle qu’Argan redoute, celle de Molière  qui joua là son dernier rôle, et le souvenir de ses comédiens et comédiennes, spectres qui passent d’un personnage à l’autre comme on enfile des gants. C’est grave, un peu, jouissif, beaucoup, et virtuose. À voir et revoir (ils l’ont beaucoup joué !) sans modération. À partir de 8 ans.

Le Malade Imaginé
De Philippe Car, d’après Molière
Du 9 au 19 juillet à 15h30, relâche le 13
Théâtre des Carmes

Aimer pour la première fois

Alexandra Cismondi (Cie Vertiges)  a écrit un très beau texte, sorte de légère dystopie dans un futur qui nous est proche, mais où langue et les rapports parents/enfants ont évolué, intégrant des changements de genre et une vraie émancipation des ados, mais aussi un environnement extra familial plein de menaces. Lola fête ses quinze ans, et annonce qu’elle a un premier amour. Cette scène, dansée, jouée, en appelle d’autres, varie, se rejoue, se tragédise, sort du réalisme de toute part, et parle du réel pourtant. Il faudra que tu m’aimes le jour où j’aimerai pour la première fois contient à la fois toute la violence des cours de lycée, et toutes les aspirations, les rêves fous, d’une jeunesse qu’on a enfermée. Adolescent·e·s qui nous ressemblent, parents qui pourraient nous ressembler, par instants. À partir de 13 ans.

Il faudra que tu m’aimes… 
Texte, mise en scène Alexandra Cismondi
Du 11 au 19 juillet à 20h30, relâche le 17
L’Entrepôt

Flagrant délit de fraternité

Grand pays est une fresque villageoise, écrite par Faustine Noguès, à partir de témoignages recueillis dans la vallée de la Roya. Divisé en trois actes, le récit s’attache à une institutrice, deux militants de gauche et un sympathisant d’extrême droite. Chacun vient d’être condamné par la justice : l’enseignante pour avoir refusé de commenter la devise Liberté, Égalité, Fraternité et ses concitoyens pour avoir secouru des migrants égarés. Le second segment relate les discussions entre ces caractères, à la base inconciliables et pourtant décidés à s’unir en collectif. Le dernier volet restitue les débats de magistrats, amenés à statuer sur le délit de fraternité. À la rigueur documentaire de la troisième partie, répondent les discussions tantôt poignantes, souvent vigoureuses, parfois pittoresques, entre ces parias de bonne foi et néanmoins hors-la-loi. La façon dont le quatuor d’interprètes jongle avec registres et personnages, sans altérer le rythme et la précision de certains énoncés, relève d’une pure virtuosité. Au sortir de ce Grand Pays, on applaudit les saltimbanques et on se réjouit de vivre dans un pays de justice et démocratie, qu’il convient de préserver. Quoiqu’il en coûte.

© Kevin Buy
Grand Pays
Texte de Faustine Noguès 
Du 7 au 26 juillet, relâche les 13 et 20 
Théâtre des Carmes

La ballerine, son double et beaucoup de rouge

D’un tapis écarlate, émerge une forme en pointes et tutu. Sous nos yeux, la masse se dénoue, se dédouble, dans une lenteur inhérente à une mise ou un retour au monde. Créée, il y a deux ans entre deux confinements, InKarné est une pièce pensée comme un réveil, une lutte contre la pesanteur, un élan de mouvement, un souffle face aux entraves. La proposition confronte le langage organique et l’art marionnettique chers à la compagnie Deraïdenz. En juillet prochain, ce solo confié à Marion Gassin, sera sur le plateau du Théâtre Golovine. L’occasion de retravailler une œuvre destinée, à l’origine, à être représentée en lumière naturelle, entourée de vieilles pierres. InKarné sera accompagné d’une parade évolutive, statique ou déambulatoire, que, selon leurs habitudes, les Deraïdenz assimilent à une création autonome. Fidèles à eux-même, les Deraïdenz creusent le sillon de l’imaginaire, de la physicalité et du dialogue des formes, à travers une pièce qui interroge l’intime, dans une approche symbolisée par le double construit par Baptiste Zsilina, un corps troublant, fascinant et d’une profonde élégance. En vue de cette campagne estivale, la compagnie lance un appel à financement via le site HelloAsso.

© Serge Gutwirth
InKarné
Mise en scène Léa Guillec
Du 7 au 27 juillet, relâche le lundi
Théâtre Golovine

AGNÈS FRESCHEL ET MICHEL FLANDRIN

D’autres spectacles, vus en avant-premières ou dans les premiers jours du festival, seront chroniqués durant le mois de juillet dans les pages "l'été de Zébuline" à retrouver dans La Marseillaise 
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