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Comme le feu ou les illusions perdues

Présenté à la 74è Berlinale, dans le Section Génération14Plus, Comme le feu du réalisateur canadien Philippe Lesage a remporté à juste titre, le Grand Prix du Jury International.

Le film s’ouvre par une longue séquence qui n’est pas sans rappeler celle du Shining de Kubrick. Route déserte sans horizon. Une voiture file entre de hautes forêts. Musique lancinante, répétitive. Deux notes dont l’une se prolonge jusqu’au malaise. A l’intérieur du véhicule, sur la banquette arrière, une jeune fille encadrée par deux garçons. A l’avant, un chauffeur quinquagénaire et une cage à lapins.

Inspiré par une expérience vécue par son frère dans sa jeunesse, Philippe Lesage suit le jeune Jeff (Noah Parker) 17 ans, invité par son meilleur ami Max (Antoine Marchand-Gagnon) à passer des vacances en famille chez Blake Cadieux (Arieh Worthalter) un  ami de son père Albert (Paul Ahmarani ). Albert est scénariste. Blake cinéaste. Blake et Albert ont autrefois réalisé des films ensemble. Puis leurs routes se sont séparées. Le premier refusant le cinéma commercial et se tournant vers la vérité du documentaire. Le second se « compromettant » dans des projets télévisuels alimentaires. Blake est veuf, vit dans un chalet reculé au milieu des forêts et des lacs. On y arrive après un long voyage routier et un trajet en hydravion. Jeff admire Blake et veut devenir réalisateur comme lui. Il est amoureux de la sœur de Max, Aliocha (Aurélia Arandi-Longpré) dont le prénom est celui d’un des frères Karamazov. Elle rêve de devenir écrivaine.

Lutte d’egos

Les vacances, ponctuées de parties de chasse, de pêche, de canyoning et de bons repas bien arrosés tournent vite au règlement de comptes entre les deux anciens collaborateurs. Une vraie guerre larvée à coups de mauvaises blagues, de trahisons, de disputes qui créent au milieu même des moments festifs, gêne et trouble. Les repas en particulier, offrent le lieu privilégié où s’expriment, par une mise en scène virtuose, les conflits et les rancœurs. Le spectacle que Blake et Albert donnent aux jeunes gens, puis aux invités venus les rejoindre, est tout à la fois risible et pathétique. Blake imbu de lui même, en misanthrope méprisant, et artiste des bois, Albert tout aussi égocentrique que son hôte, aigri et jaloux. Le jeu sera d’humilier l’autre, de multiplier les petites et grandes cruautés. Rares sont les moments de sérénité. Une danse, des chansons partagées parfois, qui apaisent les choses.

On colle au point de vue de Jeff qui perd ses illusions une à une, et dont l’admiration pour le cinéaste respecté et reconnu se mue en haine. D’autant que celui qu’il considérait comme son mentor devient son rival en amour. Les excursions dans les paysages canadiens grandioses ne suffisent pas à faire contrepoint aux mesquineries humaines. La violence semble tapie. Là encore on pense à un autre film mythique : Délivrance de John Boorman

En dépit de son titre incandescent Comme le feu est aussi un film d’eau. D’une eau profonde et trouble -même lorsqu’elle bondit dans les rapides d’une rivière. Et d’un feu qui couve, consume, détruit, flambant par moment avant de se rendormir sous les cendres. Un film de tensions entre des éléments opposés, qui prend le temps d’installer les situations en les minant de l’intérieur.

ELISE PADOVANI

Sortie nationale : 31 juillet.

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