Dès son ouverture, La Belle Hélène porte fièrement ses couleurs, certesun brin délavées. L’opus a de quoi séduire : argument malicieux, partition pétillante et livret délicieusement absurde. L’orchestre, jovial, inspiré mais parfois flottant, se met vite au diapason de la direction engagée de Didier Benetti. Direction qui fait notamment honneur à la belle prestation du Chœur Phocéen, dont les interventions invariablement burlesques demeureront audibles et compréhensibles quasiment tout du long, et ce malgré l’absence de surtitres. Le chœur demeurant un élément crucial de cette machine à tubes s’apparentant avant tout à une farce : il commente avec délice les actions, tourments et questionnements de personnages bien peu crédibles ou admirables.
C’est qu’on demeure ici sur le terrain familier de l’opéra-bouffe : voix enjouées, gags fréquents, entrées et sorties de scène tonitruantes. La mise en scène de Bernard Pisani accuse un peu son âge, surtout dans son (non- ?)choix de costumes et de décors. Toges, sandales ailées, colonnes en carton-pâte attestent ici d’un choix de tourner la monumentalité du mythe en ridicule, à l’instar d’Offenbach lui-même ; mais le tout finit par manquer du panache nécessaire. La faute à une distribution, ou surtout à une direction d’acteurs, trop ronronnante ?
Hélène version cagole
Mais les bonnes surprises sont nombreuses. Frédéric Cornille incarne notamment un Achille plus balourd que belliqueux. Son interprétation pleine d’énergie, alliant puissance et brio comique, fait de son personnage un adorable mélange d’héroïsme et de parodie. Laurence Janot campe sans peine une Hélène phénoménalement cagolesque, surmaquillée, minaudière, poseuse et insolente, mais encore en maîtrise de sa voix vibrante et généreuse. Et puis, il y a le ténor de rigueur, le fringant Pâris – un Matthieu Justine vocalement solide mais théâtralement coincé dans une caractérisation d’un autre âge, et privé d’une fantaisie qu’il semble pourtant posséder. Marc Barrard (Agamemnon) et Philippe Ermelier (Calchas) cabotinent avec plus ou moins de grâce, mais rappellent à leur tour la solidité et la rondeur de leurs instruments.
SUZANNE CANESSA
Spectacle donné les 22 et 23 février au Théâtre de l’Odéon, Marseille.
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