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Le commerce, lien pragmatique avec l’Algérie

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La participation de plus de 150 entreprises françaises et algériennes au Palais de la Bourse de Marseille illustre l’enjeu d’un marché stratégique. Quatrième puissance économique d’Afrique selon le dernier rapport du FMI, l’Algérie poursuit son développement. Son PIB, indicateur économique de production de richesse du pays, équivaut à 224,11 milliards de dollars pour 2023.

Ces rencontres ont mobilisé de nombreux membres de la diaspora algérienne de Marseille, et se sont tenues en présence de Stéphane Romatet, nouvel ambassadeur de France en Algérie, et du consul d’Algérie à Marseille, Imed Selatnia. Elles constituent une opportunité pour le renforcement des relations économiques, malgré des relations diplomatiques complexes sur d’autres dossiers : immigration, Sahara Occidental, rapport Stora relatif aux questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. 

Les deux pays ont cependant toujours maintenu des échanges économiques et commerciaux importants et la France reste le deuxième partenaire économique de l’Algérie après la Chine. Mais suite à la « Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé »en août 2022, les échanges entre les deux pays ont connu une croissance régulière pour atteindre 11,8 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à 2022. Les entreprises françaises sont présentes en nombre en Algérie, avec un intérêt accru pour un marché en croissance, avec des avantages significatifs. Une main d’œuvre de qualité et bon marché, une proximité géographique avec l’Europe, des infrastructures portuaires et aéroportuaires importantes, un bon réseau autoroutier et un prix de l’énergie défiant toute concurrence. 

Repatriation ? 

Ces rencontres ont pour objectif d’accompagner les entreprises françaises, notamment celles de la Région Sud, dans leurs projets d’investissement en Algérie. On peut citer, à titre d’exemple, le potentiel de développement pour le Grand Port Maritime de Marseille et le Marché d’Intérêt National (MIN) des Arnavaux dans le domaine de l’agroalimentaire. Didier Ostré, nouveau directeur du MIN, s’est montré disposé à accompagner les entreprises, des deux côtés de la Méditerranée, à la mise sur le marché français des produits agricoles algériens. Les enjeux euro-méditerranéens de décarbonation de l’économie et de transition énergétique et numérique ont également été évoqués. 

Il est à souligner la présence nombreuse des membres de la diaspora algérienne de Marseille. S’appuyant sur les récentes mesures incitatives en faveur de la création du statut d’auto-entrepreneur, beaucoup de binationaux y voient l’occasion de participer au développement économique de leur pays d’origine. Cette dynamique donnera-t-elle l’occasion d’assister au renouvellement des échanges entre les deux rives, ou à une forme de repatriation, cette migration de retour actuellement en hausse, même si elle reste très marginale ? L’avenir le dira.  

SAMIA CHABANI

DIASPORIK : Contrôler les corps et les âmes

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Isabelle Merle © S.C

Autrefois appelée Nouvelles-Hébrides, le Vanuatu est un État insulaire situé dans le sud-ouest de l’océan Pacifique. Cet archipel d’environ 80 îles devient indépendant que le 30 juillet 1980 tandis que la Nouvelle Calédonie, après trois référendums, reste à ce jour au sein de la République Française. L’exposition, qui revient sur les conditions de vie en colonie dans le Pacifique francophone, offre l’opportunité d’une immersion dans la période coloniale à travers 110 photographies prises entre 1880 et 1950, mettant en scène la vie quotidienne des acteurs en présence, des populations autochtones aux colons, en passant par les condamnés au bagne libérés et les travailleurs engagés et importés. 

Divisions durables

Comme le rappelle l’historienne Isabelle Merle, à l’initiative de l’exposition avec l’anthropologue Marie Durand, « la colonisation, ça commence par la guerre et cela génère des divisions durables » ! Comme partout dans l’Empire, la période de pacification occasionne la création de corps supplétifs qui participent à la colonisation, après avoir eux-mêmes été réprimés. L’empire autorise l’éloignement de résistants vers d’autres territoires sous domination, comme on peut le constater sur l’une des photos où l’on peut voir des mokranis, résistants kabyles, bannis en Nouvelle Calédonie. 

Ces « algériens du Pacifique » sont issus de l’aristocratie guerrière. La révolte des Mokranis de 1871 est mentionnée sur le monument des Mobiles à Marseille. Elle illustre les sanctions attribuées aux insurgés ayant participé à la résistance contre la colonisation. Séquestration de biens et terres des tribus, bannissement et jugement en Cour d’assise sous l’Algérie française. Plus de 200 Kabyles sont internés et de nombreuses déportations ont lieu à Cayenne ou en Nouvelle Calédonie.

Ville de Marseille/Bilbiothèques de Marseille – expositions Vivre en colonies : l’expérience photographiée en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu © Archives de Nouvelle-Calédonie

Habiter côte à côte

Conçues en quatre sections, comprenant la présentation de la population dans sa diversité, colons, bagnards ou autochtones, les habitats concomitants (camps d’internement ou d’infanterie, case en torchi, maisons coloniales), la mise au travail et enfin la fête, les photos égrainent des éléments de contexte caractéristiques de la colonie de peuplement. Pour l’homme « blanc », partir aux colonies, c’était obtenir des terres mais aussi devenir patron, gagner un statut social, et mettre au travail forcé les indigènes, au service des entreprises exploitant les matières premières (café, coprah, coco, cacao, coton…).

Et contrôler les corps et les âmes.

Les Vanuatais et les Kanaks étaient considérés comme des primitifs dangereux … ils seront une cible privilégiée de la mission civilisatrice légitimant l’enjeu de « sauver les âmes de ces peuples supposés sans croyance ni conscience ». Une visite s’impose pour se faire une idée sur la façon dont ces iles ont abrité l’illusion coloniale. 

SAMIA CHABANI

Vivre en colonies 
l’expérience photographiée en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu
Jusqu’au 24 avril
BMVR l’Alcazar, Marseille

L’exposition valorise les fonds anciens patrimoniaux de la BMVR, Bibliothèque municipale à vocation régionale, et des ANOM, Archives Nationales d’Outre-Mer

Au cœur de L’ImpruDanse

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THE TREE © X-DR

Conventionné scène art et création, Le Théâtre de l’Esplanade est porté par un axe historique de travail autour de la danse contemporaine, renforcé depuis huit ans par la création du festival L’ImpruDanse : toute une semaine de programmation de danse contemporaine, au début de chaque printemps. Un festival qui rencontre un tel intérêt du public que, à partir de cette édition 2024, Maria Claverie-Richard, la directrice du théâtre, a pris la décision de le faire passer à trois semaines ! Au programme, une grosse journée d’ouverture (23 mars : de 10h à 1h du matin), des expositions, un cabinet de projection, des rencontres avec les artistes, des brunchs dansants et musicaux, des workshops, un concours de jeu vidéo, des docus danse au Musée des Beaux-Arts. Et au cœur de cette nouvelle éditions, quatorze spectacles, signés notamment Angelin Preljocaj, Carolyn Carlson, Jean-Claude Gallotta, Marion Motin, Ousmane Sy… 

Femmes et artistes associé·e·s

Trois artistes associé·e·s à Théâtres en Dracénie sont programmé·e·s : l’artiste circassien Damien Droin avec Le poids des nuages, inspiré du mythe d’Icare, échelle (démesurée) et trampoline pour explorer la relation de deux hommes suspendus entre ciel et terre. Le chorégraphe Nacim Battou, qui crée Notre dernière nuit, un « voyage initiatique entre la folie, la grâce et le désespoir supposé d’un dernier instant de vie ». Une dernière nuit du monde en trois épisodes (L’Effondrement, L’espoir, Voir pour la première fois) proposés dans trois lieux différents, à trois dates différentes, accompagnée d’une exposition numérique et immersive conçue par le chorégraphe. 

Il y a aussi Émilie Lalande avec Petrouchka ou le choix d’Holubichka, proposition jeune public (à partir de 7 ans), revisite du conte Petrouchka de Stravinsky. Mais Émilie Lalande n’est pas la seule artiste femme de cette édition, loin de là, et heureusement. Ainsi Carolyn Carlson, figure historique de la danse contemporaine, sera présente avec The Tree, sa dernière pièce, ode à la nature, Joanne Leighton avec les interprètes de la formation Coline, pour Traces, Marion Motin avec Le Grand Sot, « pièce tonitruante pour huit danseurs exaltés », et Anne Nguyen, figure de la danse issue du hip- hop au féminin, avec l’urbain et explosif Underdogs.

MARC VOIRY

L’ImpruDanse
23 mars au 13 avril
Théâtres en Dracénie, Draguignan

Mikado artistique 

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Raoul Lay © Groundswell

Zébuline. En avant-propos vous dites qu’il y a « une envie, un songe, une fantaisie ». 

Raoul Lay. C’est une œuvre imprévue, planifiée nulle part comme telle. C’est le Conservatoire de Toulon qui a fait naître le rêve en me faisant l’honneur d’être son « grand invité » pour le trimestre Transmission #8 après des artistes comme Preljocaj ou Macha Makeïeff. La particularité de ce conservatoire, unique sur la Région est d’être conservatoire de musique, mais aussi de danse, d’art dramatique et de cirque. Multidisciplinaire donc et d’un remarquable niveau ! Pour ma part, j’ai vu cela comme une occasion fantastique de réconcilier les arts de la danse, du jeu, du chant, et du cirque : d’où un projet de création qui fasse travailler toutes ces disciplines. À l’époque – le projet de « grand invité » se prépare depuis deux ans –, j’étais tombé sur un livre d’Octave Santoro, Le tournoi des Sixtes, roman qui met en scène des gamins de collège dans les années 1970 et qui sont impliqués dans un tournoi scolaire de sixte. Il y a le sport, le foot, mais aussi le racisme, un enfant de la classe est noir. J’ai adapté le roman au théâtre en un livret qui j’espère rendra compte de tout cela et permettra la jonction entre les diverses disciplines. 

Vous avez conçu un dispositif les réunissant toutes ?

Je me contente de la partie musicale avec neuf musiciens de l’Ensemble Télémaque et soixante de l’Orchestre symphonique du Conservatoire TPM. Pour la partie chorégraphique, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, qui a aussi été footballeur avant de se consacrer à la danse, du CCN de Belfort, dirigent neufs danseurs (huit filles et un garçon). Carole Errante a accepté de prendre en charge la mise en scène, Thomas Fourneau, la création vidéo afin de convoquer sur le plateau les années 1970. Les danseurs et acteurs sont issus des départements danse et théâtre du Conservatoire. En trait d’union entre tous les éléments de ce multi-opéra, il fallait un coryphée [chef de chœur, ndlr] que j’ai souhaité entre David Bowie et Roger Lanzac, ce sera Agnès Audiffren avec des talons de danseuse flamenco. Pour le final, un fantastique chœur d’enfants s’élèvera. Je garde le mystère sur son apparition… Il n’y a pas de cirque, mais tout de même un chapiteau. On rit beaucoup même s’il s’agit d’une comédie dramatique. Nous sommes impatients et bourrés de trac pour ce mikado qui est en train de se construire. C’est un projet un peu fantasmagorique, j’espère que tout tiendra debout. 

Il y a aussi une dimension de transmission ?

Oui, et c’est très émouvant : il y a des pros mais aussi des élèves en passe de se professionnaliser. L’expérience se transmet. Les comédiens sont confrontés à la danse, à la musique, et pour eux c’est aussi très formateur : il n’y a plus de tour d’ivoire enfermant chacun dans sa discipline. C’est pourquoi transmission et création se mêlent ici fortement. C’est sans doute pour cela que cette création, aidée par la Région et la Ville de Marseille, est labellisée Olympiade culturelle par Paris 2024. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

Le tournoi des Sixtes
23 et 24 mars
Chapiteau Circoscène, La Seyne-sur-Mer

Sócrates sur le terrain de la philo 

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Au Théâtre Joliette à Marseille, Frédéric Sonntag imagine la rencontre entre un philosophe, Socrate, et son homonyme Sócrates, célèbre joueur de foot brésilien des années 1980. Trop grand et trop maigre, ce dernier a dû inventer son propre style, innover. Jouer avec le talon était devenu sa marque de fabrique : « Le talon de Sócrates ! Sa force, l’inverse du talon d’Achille ! », s’enthousiasme celui qui incarne Socrate sur scène. Pourtant il n’est pas que question des forces de la légende du football, bien au contraire. Ses faiblesses, ses zones d’ombres sont aussi passées au crible au travers des questions incessantes du philosophe. Pourquoi boit-il ? Que cherche-t-il à fuir ? Pourquoi être parti du Brésil en 1984 alors que la dictature militaire sévissait encore ?

La petite histoire dans la grande 

Ce spectacle intimiste nous fait rentrer dans les coulisses de la vie de Sócrates, on y découvre ses gloires, ses échecs, ses peurs et ses espoirs. Socrate pose des questions et même si les réponses ne sont pas toujours au rendez-vous – au grand dam du philosophe – ce n’est pas grave, le tout est de s’interroger. L’histoire de Sócrates fait partie de la grande et le récit s’y pose inéluctablement. « J’ai dix ans et je vois mon père brûler des livres », se remémore-t-il. Son père, grand lecteur de Gramsci et de Marx, dut se résoudre à cet acte pour se protéger de la dictature brésilienne qui s’instaure en 1964 et ne prend fin qu’en 1985, marquant ainsi une grande partie de la vie du footballeur. Socrate questionne philosophiquement son homonyme au sujet de l’autoritarisme et de la démocratie. Lui qui a mené le club de football des Corinthians, dont les maillots étaient floqués du mot « Democracia » en pleine dictature, et où tout était soumis au vote, croit-il pour autant que la démocratie soit parfaite ? La volonté de la majorité est-elle nécessairement la bonne décision ? Lui qui est parti jouer en Italie, aurait-il fait passer sa carrière avant le collectif ? Pendant tout cet échange, les deux boivent et font un barbecue, comme de bons amis. La scène est à l’image de la discussion entre les deux personnages, changeante et libre. Les casiers de bières servent tantôt de chaises, tantôt de supports de table. Les comédiens arpentent les travées du public, proposent des bières – sans alcool – et soumettent certaines choses au vote ! Le jeu d’acteur est impeccable et on ressort du théâtre émus, souriant et en en sachant plus qu’avant. 

RENAUD GUISSANI 

Sócrates a été joué du 13 au 15 mars au Théâtre Joliette de Marseille

Greli Grelo, en roue libre

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Baby McBeth © Alice Piemme

C’est reparti pour un tour avec le Vélo Théâtre ! Du 22 au 30 mars, Apt et ses environs accueillent la 13e édition de Greli Grelo, la biennale du théâtre d’objet, organisée par la compagnie de Charlot Lemoine et Tania Castaing. Formes courtes ou longues, pour un public jeune ou plus averti, par des compagnies françaises ou internationales… cette nouvelle édition est une jolie fenêtre sur le petit monde du théâtre d’objet, et surtout sur sa diversité. 

C’est la Compagnie Peanuts qui ouvre le bal au Vélo Théâtre avec sa loufoque et dystopique Fin de la 4e partie (22 et 23 mars), qui interroge la manière de faire du lien dans un monde de plus en plus technologisé. Elle sera suivie, entre autres, par des spectacles plus musicaux comme Murmures machines (quatre représentations du 23 au 25 mars) des Vibrants défricheurs, ou encore Le cabinet fantôme de Comme je l’entends, les productions. Ce dernier est une forme très courte, fruit d’un travail mené par Benjamin Dupé avec des collégiens aptésiens autour de son spectacle Fantôme, un léger roulement, et sur la peau tendue qu’est notre tympan. Il donnera lieu à cinq représentations les 23, 24, 26 et 30 mars. 

Les spectateurs pourront aussi faire la rencontre d’Agnès Limbo, fondatrice de la Compagnie Gare Centrale. L’artiste belge propose au public aptésien deux spectacles très différents l’un de l’autre : d’abord une forme courte, Baby Macbeth (27 mars), découverte poétique et ludique de l’univers de Shakespeare à destination des tous petits (à partir de 1 an). Et puis, dans un autre registre, Les lettres de mon père (29 mars), spectacle plus autobiographique dans lequel Agnès Limbo se replonge dans les lettres que son père lui écrivait quand, enfant, elle était en Belgique et ses parents au Congo après l’Indépendance. Ce dialogue avec la petite fille qu’elle était lui permet de remettre en question le regard et les mots parfois racistes ou paternalistes de son père, et peut être aussi de réparer d’anciennes blessures. 

Le vélo au centre

La compagnie du Vélo Théâtre programme aussi un de ses propres succès, créé il y’a près de 15 ans : Et il me mangea… (26 mars, 10h et 20h30) qui subvertit cruellement le conte du Petit Chaperon rouge. 

Seize spectacles, une cinquantaine de représentations – en comptant les scolaires – en neuf jours, il y a de quoi faire… mais ce n’est pas tout ! A cette programmation intense et stimulante s’ajoute l’exposition Vélographie, inaugurée en janvier à la Micro-Folie d’Apt. A travers une sélection d’objets et d’éléments scénographiques tirés des spectacles du Vélo Théâtre, l’exposition permet de découvrir l’univers de la compagnie et de retracer plus de quarante années d’histoire. 

CHLOÉ MACAIRE

Greli Grelo, 13e biennale du théâtre d’objet 
Du 22 au 30 mars
Divers lieux, pays d’Apt Luberon

Festival de Pâques : du classique et de l’excellence 

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J-C Casadesus © Ugo Ponte

Grâce à l’initiative conjuguée du violoniste Renaud Capuçon, de Dominique Bluzet – et du mécénat du CIC – Les Théâtres ont ajouté un nouveau fleuron à la ville d’Aix-en-Provence, le Festival de Pâques. Au volet artistique d’une impeccable qualité, s’ajoutent de multiples actions en vue des publics empêchés, grâce à l’Assami (Amis et Mécènes du Spectacle Vivant) et au dispositif Heko, par des déplacements sur le territoire, des temps forts consacrés à la transmission avec des programmes conçus pour les enfants : concerts accessibles de zéro à dix-huit ans, ateliers enfants… Sont aussi programmées masterclass en direction des élèves du Conservatoire d’Aix-en-Provence, émissions, retransmissions et vidéo avec Radio Classique, rencontres et salons de musique.

Dès le concert d’ouverture, deux étoiles de la musique classique contemporaine seront réunies sur la scène du Grand Théâtre de Provence : Renaud Capuçon et Alexandre Kantorow. L’accent sera mis sur deux grands musiciens actuels, le chef d’orchestre Jean-Claude Casadesus, défenseur de la démocratisation de la musique et Gérard Caussé qui partage la scène avec son alto, un Gasparo da Salo de 1560. Célébrant la tradition pascale, La Passion selon Saint-Jean de Bach sera interprétée par la Cetra Barockorchester et le Vokalensemble Basel sous la houlette d’Andrea Marcon. Dans le même esprit seront jouées la Missa solemnis de Beethoven, par le Cercle de l’Harmonie dirigé par Jérémie Rhorer, la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach par l’ensemble Pygmalion et son chef Raphaël Pichon, lui aussi un habitué du festival, et Le Messie de Haendel par Insula Orchestra et Laurence Equilbey qui répond à La Résurrection par le même compositeur jouée par Les Musiciens du Louvre menés par Marc Minkowski. 

Jeûne et moins jeunes 

Grâce aux « cartes blanches », Gérard Caussé réussit une prouesse : faire revenir sur scène le trop rare et spirituel pianiste François-René Duchâble, tandis que Renaud Capuçon clôt le festival en s’entourant pour une folle schubertiade de jeunes talents. La jeunesse est au rendez-vous : on peut y compter l’excellent jeune pianiste canadien Jan Milosz Lisieck, les solistes de la Menuhin Academy, dont Bahdan Luts au violon ou Victor Demarquette au piano. Pas de jeunisme forcené cependant, seul le talent importe, ainsi celui d’Elisabeth Leonskaja, l’une des plus grandes pianistes du monde, de l’ensemble Les Siècles et son chef François-Xavier Roth, du pianiste Francesco Piemontesi, du chef Tugan Sokhiev et l’Orchestre de Chambre de Lausanne, du violoniste Gil Shaham et du pianiste Gerhard Oppitz, des Trios, Zukerman ou Daniel Ottensamer, du Quatuor Psophos, de l’Orchestre de l’Opéra de Paris avec Daniele Gatti, eux aussi habitués du festival. Enfin, n’oublions pas le clin d’œil au septième art avec le conte musical d’après la BD de Joann Sfar, Le chat du Rabbin, sur la musique originale de Marc-Olivier Dupin à la baguette. Une pluie de pépites !

MARYVONNE COLOMBANI

Festival de Pâques
22 mars au 7 avril
Aix-en-Provence

Courts à Rousset

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Cuerdas d’Estibaliz Urresola Solaguren © filmin

Ca va bouillonner fort dans la salle Emilien Ventre de Rousset le 23 mars. Pour la 19e fois, l’équipe des Films du Delta nous propose sa journée consacrée aux films courts, et projette seizecourts métrages venus de septpays . On pourra aussi  découvrir la bouillonnante énergie créatrice des futurs talents de l’animation française avec 18films d’école.

Trois séances « Coup de cœur » 

Seize films très variés, créatifs, drôles, émouvants parmi lesquels A Short Trip qui débutera la journée. Le réalisateur albanais Erenik Beqiri a installé son deuxième film en France dans la cité phocéenne. Il nous raconte l’histoire d’un couple albanais qui a décidé de marier la femme à un français pendant cinq ans contre de l’argent, pour obtenir la nationalité française. Ils vont alors devoir choisir le bon mari. 

Sélectionné à la dernière Semaine de la Critique, Cuerdas d’Estibaliz Urresola Solaguren nous présente le dilemme éthique d’une chorale de femmes : accepter ou non le parrainage d’une des entreprises les plus polluantes de la vallée qui assurerait la survie du groupe.. L’attente d’Alice Douard nous fait partager un moment de la vie de Céline qui, à la maternité, attend arrivée de son premier enfant que Jeanne, sa compagne est en train de mettre au monde, superbement interprétées par Laetitia Dosch et Clotilde Hesme. Stéphanie Clément, ancienne étudiante à Supinfocom Arles (aujourd’hui MopA) traite le sujet délicat de l’inceste et de l’amnésie traumatique dans Pachyderme. Un film coup de poing, sélectionné au Festival d’Annecy et aux Oscars 2024. 

De l’animation

Peut-être, parmi les 18 films venus de huit grandes écoles d’animation françaises, verrez-vous un grand film de demain. On guettera le touchant Après papi des étudiants de l’école MoPA, ou le musical Dance with the Seashell de ceux des Gobelins. Dans Doudou challenge (Supinfocom Rubika) Olivia, une fillette de 10 ans accro à son téléphone et aux réseaux sociaux, est abandonnée par ses parents sur une aire d’autoroute… et dans Atomic Chiken, un poulailler au pied d’une centrale nucléaire voit son quotidien bouleversé par diverses mutations comiques (ENSI). Gabrielle Selnet (La Poudrière) nous raconte dans La Mort du petit cheval l’histoire de Gab, virée de chez sa mère sans même une paire de chaussures qui cherche un appartement dans le chaos des rues de Paris. Trois films réalisés à l’Esma, Vol 666, Coquille et  Eastern, Silhouette (Artfx) et Au 8ème jour (Pole 3D) complèteront cette sélection. Sans oublier le rituel « velouté Courts-Bouillon » offert.

ANNIE GAVA

Courts-Bouillon
23 mars
Salle Émilien Ventre, Rousset

Minots, en joue ! 

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Babel Minots 2024 © Naïri

C’est en partie à la Friche la Belle de Mai que s’est achevée la première semaine du festival Babel Minots. Avec CordaLinge, accueilli le 14 mars, le musicien JereM revisite des souvenirs d’enfance au sein du jardin de sa maison marseillaise, le vent agitant les vêtements tendus sur une corde à linge, comme autant de surfaces de projection. Au milieu des ombres chinoises, un petit bonhomme facétieux – silhouette blanche animé en stop motion, déjà mis en scène dans sa précédente création H2hommes – revient ici se confronter au comédien manipulateur d’objets Raphaël Dalaine. Les vêtements quant à eux se transforment à l’envi, un chapeau loufoque s’improvise à l’aide de pinces à linge, une toile en plastique s’anime pour une éphémère valse tournoyante… Inventif, l’environnement sonore – composé en direct à l’aide d’un capharnaüm d’instruments et de divers objets usuels – cadence le tout, la voix ouatée du chanteur JereM ne rechignant pas à transmettre des émotions parfois rugueuses, voire carrément mélancoliques. Car ce jardinet, c’était aussi le lieu où couvaient les tempêtes familiales, quand les parents se retiraient de la maisonnée pour s’y quereller à l’abri des oreilles enfantines… Les charivaris émotionnels sont ici rejoués jusqu’à la majestueuse scène finale, de l’air pulsé agitant une bâche géante et transparente. 

Mise à feu 

Le lendemain, toujours sur le Grand plateau, place à l’azimutée compagnie Mise à feu. Mozart, Haendel, Bach… En prémisse, deux fausses conférencières égrènent des noms de compositeurs célèbres. Las, le mythe du génie sacré oeuvrant à la lumière vacillante de sa chandelle fait long feu, et les deux musiciennes nous dévoilent l’étendue du défi de leur Diva Syndicat : revisiter, en 55 minutes, 1 000 ans d’histoire musicale occidentale au féminin ! Volontiers narquoises, animées d’une belle complicité et d’une énergie complémentaire, Noémie Lamour et Gentiane Pierre font revivre sous nos yeux le répertoire d’une dizaine de compositrices : la médiévale Hildegarde de Bingen, Cécile Chaminade, Madonna… Mais aussi toutes celles restées dans l’ombre d’un homme : Clara Schumann, Alma Mahler, Fanny Mendelssohn… Acmé du spectacle : quand les deux artistes se racontent elles-mêmes, narrant, sur l’air primesautier d’une comédie musicale, leurs vocations tenaces, les déterminismes sociaux et familiaux à défier, les déceptions à surmonter. Un réel hymne à l’émancipation individuelle, qui s’achève sur un standard d’Aretha Franklin, repris en choeur par la salle en standing ovation !

JULIE BORDENAVE

Babel Minots se tient jusqu’au 23 mars dans divers lieux de Marseille et alentours.

Quand France rime avec rance

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L’adjectif vient du provençal pourtant, et désigne l’odeur et le goût écœurants des corps gras trop exposés à l’air du temps. Le beurre rancit, les esprits aussi. La France est-elle peuplée de corps gras ? 

On peut aimer ou non Aya Nakamura, trouver ses textes inventifs ou incompréhensibles, apprécier (ou non) ce vocabulaire teinté d’anglais, de romani et de néologismes, cette syntaxe qui accole, coupe et choque plutôt que de subordonner. On peut aimer (ou non) mais sa grammaire est clairvoyante : refuser la subordination passe aussi par l’invention d’autres phrases, à soi, et d’autres mots, à soi, qui très judicieusement ne sont pas formés par l’ajout de préfixes et suffixes à des racines pures. La grammaire académique, inventée par la monarchie absolue, a toujours été destinée à contraindre, dénigrer et confisquer les langues régionales des provinces rebelles et les parlers populaires.

Or Aya Nakamura est la chanteuse française la plus écoutée au monde et le symbole qu’elle représente pour le corps gras français est insupportable. Parce qu’elle est noire, mais aussi parce qu’elle n’en parle pas, s’attachant plutôt à affirmer sa liberté de femme contre la domination masculine, contre les « Djadja » qui la harcèlent, les « Pookie » qui trahissent et balancent, les « Jo » qui matent les fessiers des « Copines ». Elle affirme dans chaque titre qu’elle aime les hommes, mais est maîtresse de son corps.

Renverser les schémas

Le corps de la femme noire est l’objet ultime de domination du corps gras, du corps rance, de la France. Elle l’a exploité dans les plantations de sucre, les zoos humains, toutes les basses tâches du sexe, du soin et du ménage. Aujourd’hui encore, les femmes noires sont majoritaires dans ces professions dénigrées et sous payées.

Aya Nakamura, égérie de Lancôme, se filme sur des yachts, au Palais de Fontainebleau, avec des accessoires et des tenues de luxe, la robe de Michelle Obama, entourée d’une bande de copines toutes aussi belles qu’elles, et pas forcément racisées. Les garçons de ses shows l’entourent et dansent comme des Claudettes déchaînées. Elle lisse ses cheveux et s’impose sans doute des heures quotidiennes de soins esthétiques mais elle incarne l’impossibilité de la domination par les blancs, par les hommes : condamnée pour violence réciproque sur conjoint, elle n’est décidément pas maîtrisable…

Contestable sur ce point, Aya Nakamura est une icône, rassemblant des foules, générant des flux financiers. Ambassadrice du luxe, elle a été désignée par notre Président, qui est sensible aux intérêts de ces industries, pour chanter Piaf à l’ouverture des JO. Le déclenchement persistant de haine face à cette désignation opportuniste est le signe de deux choses : Macron, malgré la loi immigration et le soutien insensé à Depardieu, ne maîtrise plus les rances racistes et sexistes qu’il a laissés prospérer ; les femmes noires n’ont plus besoin de Pierre Perret ou de Revue Nègre pour dominer la chanson française.

AGNÈS FRESCHEL