mercredi 17 septembre 2025
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[SPÉCIAL SAISON] Bois de l’Aune : C’est meilleur quand c’est gratuit

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Il tango delle capiniere © Roselina Garbo

Brillante, éclectique, exigeante, intelligente, poétique, généreuse, inventive, étonnante, bouleversante, dérangeante… les qualificatifs s’accumulent si on laisse les spectateurs donner leurs impressions à la fin des spectacles du Bois de l’Aune, ce théâtre atypique aux spectacles gratuits et à l’accueil convivial. Les gens viennent en avance, parfois hors des horaires des représentations, car des temps de parole sont proposés, des projets participatifs, des « cafés gourmands », des « Rebonds ». L’association des Amis du Bois de l’Aune contribue activement aux activités de cette « maison-théâtre » où chacun se sent libre de dire, de partager, de discuter avec les artistes en une familiarité saine qui replace les perspectives et les enjeux dans l’humain, l’écoute, la découverte. 

La deuxième partie de l’année verra du cirque, des spectacles pour enfants, des propositions de la Biennale d’Aix 2024, du théâtre venu de l’étranger (Liban, Espagne, Italie). Passionné, Patrick Ranchain prône la curiosité, choisit des pièces dont « les acteurs [le] touchent », qui savent amener « l’émotion sur le plateau ».  

Un monde de découvertes

Il est sans doute impossible de résumer le foisonnement de la programmation, il n’est guère de semaine sans œuvre nouvelle. Le cirque avec Icare de Guillaume Barbot (dès 4 ou 8 ans), Fora d’Alice Rende, L’échelle humaine de Mathurin Bolze explore les mondes et la place de nos corps contraints. Les marionnettes de Marta Cuscunà évoquent le drame de Gloucester, Sorry Boys (dès 16 ans). La danse rejoint le théâtre avec Mazùt de la compagnie Baro d’evel pour nous plonger dans un univers étrange. Sans doute pour Céline Fuhrer et Jean-Luc Vincent La femme n’existe plus mais le féminisme oui, et l’on peut se demander avec François Hien Olivier Masson doit-il mourir ? en posant la question de l’euthanasie ; on suivra de toute façon Simon Gauchet dans L’expérience de l’arbre aussi fascinante que poétique. Une autre histoire du théâtre se dessine grâce à Fanny De Chaillé qui définit, épouse l’histoire et en interroge les méandres. L’été des charognes d’Hubert Colas donne chair au roman de Simon Johannin, porté par la voix et la présence de Thierry Raynaud… 

Bien sûr, on sourit au titre de la pièce de Nicolas Heredia, À ne pas rater, d’une fine drôlerie. Dès huit ans on pourra se délecter de Riquet, opéra miroir de Jeanne Béziers qui revisite le conte tandis qu’à partir de dix ans le second volet de Croizades de Sandrine Roche, Jozef & Zelda, reconstruit un univers d’enfance qui a bien du mal à survivre dans Ordalie de Chrystèle Khodr (Liban) où l’on tente d’effacer les ruines de Beyrouth avec leur mémoire tandis que Xavier Bobès (Espagne) réinvente notre relation au vivant dans le poème intimiste Corpus et qu’Emma Dante (Italie) danse Il tango delle capinere, qu’Élise Vigneron instaure une performance collaboratrice de glace, Lands, et que, évènement théâtral participatif Philippe Collin, Violaine Ballet et Charles Berling débattent sur Léon Blum, une vie héroïque

MARYVONNE COLOMBANI

Bois de l’Aune
Aix-en-Provence
04 88 71 74 80 
boisdelaune.fr

Presse et culture, une histoire d’amour et de déchirements

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Les personnes qui répondent au questionnaire anonyme lancé par Zébuline sont peu représentatives des usages culturels des Français ! Plus de 45% fréquentent les arts vivants plus d’une fois par semaine, dont 20 % plus de 3 fois par semaine, et 22% plus de 25 spectacles et concerts en été. Deux tiers des répondants sont des professionnels de la culture, actifs, étudiants ou retraités ; un autre tiers des professionnels du journalisme, et parfois du journalisme culturel puisqu’ils cochent les deux ; d’autres sont des enseignants, souvent profs de lettres, d’art ou de musique. Mais quelle que soit la non représentativité de leurs usages culturels, le motif évoqué, récurrent, à la baisse de certains de leurs usages est économique, non pas parce que les places seraient trop chères dans l’absolu, mais parce que, comme le dit l’une d’entre eux, iels « traversent des difficultés économiques et ne bénéficient pas des tarifs réduits ».

La même remarque apparaît dans leurs usages de la presse, certains aimeraient « s’abonner à tout, au moins sur internet » mais ne le font pas pour des raisons économiques. Car celleux qui ont répondu sont aussi de grands lecteurs de presse, puisque 40% lit la presse, nationale et régionale, tous les jours. Ils constatent le rétrécissement progressif des rubriques culture dans les médias généralistes, presse et audiovisuel, y compris dans les médias indépendants ou publics. Un·e lecteur·ice anonyme écrit : « Je fais partie des personnes qui ont connu une presse locale diverse, variée et avec une large place à la culture : le Soir, la Marseillaise, le Provençal, le Pavé, Tak Tik, Zibeline… et qui en garde la nostalgie. » 

Et ils ont conscience du pouvoir des médias et des enjeux économiques et politiques qui y sont attachés. Ainsi Raquel Rache de Andrade, une des participantes de notre débat, codirectrice du Pôle national du cirque Archaos, en fait une analyse très politique :

« Le rétrécissement de l’espace pour la culture dans les médias permet un état de non réflexion sur le monde qui nous entoure, et l’instrumentalisation de la pensée à des fins politiques. Comme disait Pierre Bourdieu “Les riches achètent les médias pour donner leurs messages bien choisis aux pauvres”. »

Un constat de rétrécissement sans appel

Ce constat repose sur une réalité documentée, mais les titres possédés par les milliardaires français [voir encadré] ne sont pas les seuls à avoir banni les sujets culturels de leurs Unes, alors que les sujets sportifs y fleurissent régulièrement. Les rares titres de la presse indépendante qui survivent et les médias publics audiovisuels leur emboitent le pas et les sujets culturels s’y font de plus en plus rares. 

Les écoles de journalisme, privées comme publiques, ne forment plus à ces questions alors que des masters de journalisme sportif fleurissent dans toutes les universités. Et l’État n’accorde aucune aide à la diffusion à la presse culturelle alors qu’il accorde 1 million d’euros à L’Equipe, qui figure bon an mal an dans les trois quotidiens de France les plus lus (après Le Monde et Le Figaro) et 2,2 millions aux Echos, c’est à dire à Bernard Arnault qui n’en a pas forcément besoin. Les aides accordées à ces titres économiques et sportifs sont refusés aux titres culturels, qui ne sont pas jugés comme relevant de l’information générale par… le ministère de la Culture !

Sept milliardaires à la tête des médias
Les grandes fortunes françaises possèdent tout, ou partie majoritaire, de plus de 90% de la presse nationale et régionale, et des médias audiovisuels d’information. Elles y perdent généralement de l’argent, parfois beaucoup, mais s’auto-recapitalisent régulièrement. Le but est clairement, puisqu’elles investissent à perte même si les aides d’État viennent un peu compenser, de contrôler l’opinion. 
Patrick Drahi (BFM et RMC), Dassault (Le Figaro, Gala), Vincent Bolloré (Europe 1, Télé-Loisirs, Géo, Gala, Voici, Femme Actuelle, Capital, Paris Match, le JDD, Canal +, CNews) Xavier Niel (Le Monde, L’Obs, Nice Matin, Var Matin, Monaco Matin, France Antilles, France Guyane), Bernard Arnault (Les Echos, Le Parisien, Radio Classique, Historia, Sciences et Avenir, Challenge…), Rodolphe Saadé (La Provence, La Tribune, Corse Matin), François Pinault (Le Point)… 

Inventer une nouvelle histoire

Pourtant la relation de la culture avec la presse est historique, et forte : les premières gazettes rendaient compte de l’actualité culturelle, et jusque dans les années 1980 bon nombre de Unes de la presse généraliste étaient consacrées à des acteurs, voire à des metteurs en scène. Ce qui n’arrive plus qu’à l’annonce de leur décès. Mais la relation reste forte, et complexe, tous les opérateurs culturels soignant leur « relation presse » et attendent d’être « couvert », en méconnaissant souvent les difficultés qu’ont les journalistes culturels, au sein de leur rédaction, à obtenir de la place dans les pages, et l’impossible équation pour la presse culturelle régionale de survivre sans financement.

Les réponses au questionnaire, par une majorité de professionnels de la culture, témoignent de cette méconnaissance : l’attente d’une « exhaustivité  de l’information sur les spectacles », d’une « information gratuite », de « plus de curiosité sur les arts émergents », d’une couverture des concerts « jusque dans nos villages », méconnait la réalité économique de la presse culturelle, qui est perçue comme un service public, alors même qu’elle reçoit pas ou peu d’argent public.

Une incompréhension et dépendance que Catherine Marnas, directrice de la Compagnie Parnas, exprime avec lucidité du côté des artistes :

« La relation entre la presse et les artistes est une relation passionnante qui trouverait sa place dans les fictions qui s’intéressent aux passions. Tout dans les schémas de la relation amoureuse y est présent. Flirts, cour, dépit, réconciliations mais peut-être plus que dans l’amour (quoi que!) l’intérêt y est ici omniprésent. Astreint au besoin de plaire et de faire parler de soi, l’artiste se trouve soumis à un pouvoir de la presse qu’il maudit en coulisse et courtise au grand jour. »

Faut-il, dans ces conditions, trouver un terrain de combat commun pour affirmer ensemble, public/lecteur, journalistes et artistes, notre refus de l’emprise actuelle sur nos médias, nos industries culturelles et notre culture publique ? C’est ce que propose Samuel Wahl, qui enseigne le journalisme culturel à La Sorbonne (dans la région ce n’est pas enseigné) et observe de nouveaux médias, alternatifs, où artistes et journalistes créent ensemble, pour permettre de « préserver l’accès aux libertés et promouvoir le développement de l’esprit critique comme un bien commun. Chacun est appelé à y prendre une part active et à rappeler la puissance publique à sa mission première d’intérêt général, en offrant des garanties concrètes quant à l’indépendance et au pluralisme face à la concentration des pouvoirs. »

AGNÈS FRESCHEL

[ Spécial Saison] CENTRE CULTUREL RENÉ CHAR : Dignes de Char 

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VIEUX FARKA TOURE © Kiss-Diouara

« Il n’y a que mon semblable, ma compagne ou mon compagnon qui puisse m’éveiller de ma torpeur, déclencher ma poésie », disait Char. Le centre culturel éponyme de Digne-les-Bains s’inscrit tout droit dans le registre du poète. En effet, sur les 24 dates de la saison que comporte sa programmation, 3 spectacles sont prévus en duo. De la musique d’abord, avec Christophe Leloil à la trompette et Rob Clearfield au piano (le 1er février). De la musique encore, avec Sébastien Rambaud et Yann Coste, les batteurs éclectiques Fills Monkeys (le 16 février). Et pour finir… toujours de la musique avec le duo international Digital Soul Project. Ces musiciens à l’âme jazz seront exceptionnellement rejoints aux percussions par Stéphane Edouard, dont le groupe Sixun se produira plus tard dans le Centre Culturel (le 24 mai à 20h30). Cette place de choix faite à la musique ne doit pas occulter la diversité de la programmation. Expositions, théâtre, cinéma, danse ou encore Seul en scène : il y en a pour tous les goûts. 

L’individu à l’honneur 

Bien que la plupart des représentations mettent le collectif en avant, certaines scènes ou événements dérogent à la règle. On y retrouve une soliste en la personne de Stéphanie Jones (le vendredi 19 avril à 20h30), un Seul en scène de Laurent Eyraud-Chaume (le 28 mai) ainsi que la danseuse contemporaine Ana Perez sur un concerto (le 30 mai). Sans oublier que la 50ème rencontre cinématographique décernera 5 prix lors du concours international de courts métrages (le 26 mars 2024). Une programmation qui réunit les éléments requis pour déclencher notre poésie. 

RENAUD GUISSANI

Centre culturel René Char
Digne-les-Bains
0492308710

[Spécial Saisons] FORUM JACQUES PRÉVERT : Trajectoires, le souffle des récits de vie 

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Les poupées © Raynaud de Lage

Asseyant toujours davantage sa place singulière sur le territoire des Alpes-Maritimes depuis l’arrivée à sa tête de Pierre Caussin, le Forum Jacques Prévert entérine sa volonté de fédérer les grands lieux culturels azuréens avec une nouvelle édition du festival Trajectoires. Créé en 2019, ce temps fort vise à faire circuler les publics autour de propositions intimistes et exigeantes. Depuis 2022, l’événement se construit à l’échelle du département. Il essaime désormais dans plusieurs villes du littoral et du moyen-pays – Carros, Nice, Grasse, Cannes, Mougins et Mouans-Sartoux. Sa ligne artistique, quant à elle, reste inchangée : convier des artistes qui interrogent notre rapport au monde par le biais des récits de vie. De précieux parti pris sociétaux, tragiques ou humoristiques, qui résonnent et se prolongent durant des tables rondes, échanges, temps forts tour à tour festifs ou réflexifs, pour solliciter la tête et les jambes. 

Féminismes pluriels 

Les prismes féminins sont à l’honneur cette année. Après lui avoir consacré sa thèse de philosophie-psychanalyse – Frida Kahlo, martyr enfanté par l’effondrement –, Bénédicte Allard construit un solo autour du personnage sulfureux de l’artiste peintre, « femme dans un monde d’hommes. Elle s’est imposée à moi comme la personnification criante d’un art enfanté dans la douleur et la désintégration. Je suis tombée amoureuse de ses toiles, tableaux de vie empreints de chair, de sang, de folie, de sexe, de rire, de souffrance, de mélancolie et d’amour. »  (Frida Kahlo, ma réalité, les1er et 2 février au Théâtre national de Nice).

Autre vision du féminisme, celui éclos dans les clinquantes années 1980, façonné par des heures de comédie romantique sur petit écran et leur vision ultra stéréotypée du couple. À l’approche de la quarantaine, la pétulante Chloé Oliveres,revendiquée « féministe et midinette, ou midiniste, ou féminette », se livre à l’analyse de ses contradictions – qui pourraient bien s’avérer générationnelles (Quand je serai grande je serai Patrick Swayze, les 9 et 10 février au Forum ; précédé d’un atelier Dirty dancing la veille). Quant à Eva Rami, c’est à travers le triptyque Vole !, T’es toi ! et Va aimer ! qu’elle revisite la manière d’être une femme au sein de sa famille : inventer ses propres codes, les confronter aux regards des autres, trouver sa place au sein de sa tribu, et par-là-même assumer ses choix à l’égard de la société (les 6, 7 et 8 février au Théâtre national de Nice). 

Créations chorales 

Les créations chorales abordent des réalités familiales, partant du noyau nucléaire pour viser plus loin. Après Le Voyage de Miriam Frisch, la Compagnie Hanna R propose une nouvelle quête identitaire, lançant ses comédiens sur les traces de leur capital génétique : un véritable jeu de rôle sur les origines, entre fiction et réalité (ADN / Histoires de familles, le mardi 30 janvier au Théâtre de la Licorne, Cannes). En clôture du festival, la troupe de Léo Cohen-Paperman présente quant à elle le nouveau volet de sa série Huit rois (nos présidents), sur les dirigeants de la Ve République.Avec Le dîner chez les Français de Valéry Giscard d’Estaing, la compagnie Animaux en paradis remet au goût du jour un haut fait d’armes des années 1970, quand les actions symboliques précédaient les éléments de langage : le désormais fameux dîner du président et de son épouse Anne-Eymone chez la famille Deschamps-Corrini, dans une petite maison normande. Ce petit précis de démagogie sera bien sûr prétexte à une analyse politique entre la poire et le fromage, où le bien nommé feuilleté à l’andouille côtoie l’avènement du Minitel, le spectre de l’avortement ou encore le mirage du chômage… En guise d’apéro temporel, blind test des années 1970 et 80 par le collectif Bouge ton Uke ! Enfin, Trajectoires n’oublie pas de penser local. Monté jouer la comédie à Paris, Benjamin Tholozan n’en reste pas moins un enfant du pays. Et si dans sa famille, on parle « avé l’assent », lui n’a jamais attrapé les rondeurs du parler provençal. Au grand dam de ses ancêtres, il a même adopté le langage pointu de la capitale… L’occasion de revisiter l’histoire des dialectes de nos régions, au cours d’une épopée savante et échevelée (le 2 février au Forum). Le lendemain à la médiathèque de Mouans-Sartoux, c’est l’autrice niçoise Michèle Pedinielli qui retracera son parcours de vie, démarré dans le tumulte d’un printemps 1968, avant de bifurquer vers l’écriture de polars. Elle dédicacera son nouveau roman, Sans collier, paru aux éditions de l’Aube.

JULIE BORDENAVE

Trajectoires
Jusqu’au 16 février
Carros et alentour
forumcarros.com

ARCHAOS : Du cirque à foison 

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Entre Ciel et Mer © Nigel Quinn

Parmi les 17 spectacles proposés, deux premières sont à repérer du jusqu’au 25 février dans les Bouches-du-Rhône. Chez Archaos le 26, Friendly! de la Compagnie des Attentifs explore un sujet rare, celui de l’amitié entre hommes et femmes, sur une mise en scène de Guillaume Clayssen. Les 13 et 14 février au Bois de l’Aune, c’est la jeune brésilienne Alice Rende, accompagnée par le Pôle cirque depuis ses débuts, qui présente son nouveau spectacle Fora, forme longue de son solo originel Passages : une magnifique allégorie de la contorsion, entre repli et désir d’émancipation, via un corps contenu dans un tube étroit. Le reste de la programmation, comme à son habitude, en réserve pour tous les goûts. Des grandes formes sous chapiteau, pour certaines intégrées à la 26e édition des Élancées à Istres : Coeurs sauvages des Colporteurs (du 23 au 25 février à Istres), Entre ciel et mer du Cirque Eloize (les 17 et 18 février à La Colonne de Miramas), ou encore Pandax du Cirque la Compagnie, où la crémation du papa est prétexte à toutes les gesticulations de cette loufoque fratrie, entre bascule, banquine et lancer de couteaux (du 16 au 18 février à Istres). Le trampoline quant à lui est un agrès qui a le vent en poupe, permettant d’explorer les relations père-fils (Icare de Coup de Poker le 9 février au Bois de l’Aune) comme les contrées plus symboliques de l’espace mental, défiant les murs capitonnés d’un hôpital psychiatrique (Open Cage de Hors Surface, le 15 février chez Archaos). Les disciplines plus intimistes ne sont pas en reste : mentalisme avec la Cie du Faro (Port-de-Bouc le 30 janvier), duo clownesque des Colporteurs (au Daki Ling le 24 février), jonglage d’objets avec les Vélocimanes associés (Berre l’Etang le 4 février, Vitrolles le 6 février)…  

JULIE BORDENAVE

Entre2 BIAC
Du 25 janvier au 25 février 
Divers lieux dans les Bouches-du-Rhône
biennale-cirque.com

[ Spécial Saisons] CHÂTEAUVALLON-LIBERTÉ : De Toulon à Châteauvallon, l’espace d’une Liberté

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Coupures © Jules Despretz

Le début d’année 2024 a été marqué par la signature de Charles Berling de la tribune sidérante parue dans Le Figaro pour défendre Depardieu, et attaquer les victimes, leurs soutiens et les médias. Le directeur de la scène nationale s’en est excusé, confus, dans nos colonnes et dans d’autres. On peut lui accorder – ou pas – le droit à l’erreur qu’il réclame. Mais au vu de la programmation qu’il met en place on ne peut douter de son combat contre les discriminations, pour la diversité et contre une extrême droite qui dans le Var, et à Toulon, représente plus qu’une menace : une réalité et une histoire. 

À deux

Sur les scènes de Châteauvallon-Liberté, décidément bipolaire, l’année ne s’arrête jamais, l’été présentant une programmation d’exception dans le magnifique amphithéâtre de plein air de Châteauvallon, et la saison étant marquée par quatre temps forts, les Thémas, qui proposent une programmation pluridisciplinaire autour d’un thème sociétal d’actualité. Y croire ? a ouvert le premier trimestre, et Couple(s) débuté l’année : l’occasion, à travers deux expositions, une rencontre avec Eliette Abécassis et nombre de spectacles, d’interroger cette drôle de propension que nous avons d’être à deux, et les nouvelles façon de le vivre. Amoureux ou contractuel, conjugal ou libre, durable ou éphémère, hétéro ou homosexuel, le couple s’interroge sous toutes ses formes : après la création de Marie Vauzelle, Maelström, un texte de Fabrice Melquiot sur les difficultés de l’adolescence et la violence de ses rejets, Rodrigo Portella met en scène Tom na fazenda/Tom à la ferme, magnifique texte sur l’impossible deuil d’un amour homosexuel, ignoré par la famille. Une pièce de Michel-Marc Bouchard, portée à l’écran par Xavier Dolan : au Liberté on aime croiser théâtre et cinéma ! 

Ainsi le théma Couple(s) se poursuit avec A Bergman affair, inspirée d’un roman du cinéaste sur une femme qui n’aime plus son mari, et tombe amoureuse, dramatisé et mis en scène par Olivia Corsini et Serge Nicolaï. Et se conclut à Châteauvallon avec Sans Tambour, un spectacle joyeux sur une rupture amoureuse (!) où Schumann rime avec des effondrements comiques, où le théâtre, le cirque et la musique forment un spectacle total et réjouissant… 

De la mer au travail

Affirmant son ancrage maritime et ses enjeux écologiques et humains, Passion Bleue décline quatre spectacles, avec Marine Chesnais qui danse sa rencontre avec les baleines à bosse, Lucie Berelowitsch qui met en scène la disparition fantastique d’un homme en mer, et l’adaptation de 20 000 lieux sous les mers par Christian Hecq et Valérie Lesort, qui fait la joie des familles depuis près de dix ans. Plus profond encore, le poème de Lucrèce, Evangile de la Nature : la traduction de Marie N’Diaye redonne ses accents lyriques au grand poème de l’épicurisme, fondé sur une acceptation de la « nature » humaine. 

Le dernier Théma de la saison Oh ! Travail traversera la programmation de mars à juin, avec des spectacles très engagés. Dans la mesure de l’impossible déploie la parole des travailleurs de l’humanitaire, ceux qui se confrontent aux guerres, aux horreurs de l’humanité. Un intense et bouleversant spectacle de Tiago Rodrigues

Tout aussi indispensable, Télévision française de Thomas Quillardet revient sur la privatisation de TF1, qui a signé le début du déclin des médias, avec une violence impensée. Coupures de Paul-Éloi Forget et Samuel Valensi se penche sur une fable plus actuelle, celle d’un maire écologiste confronté à ses administrés, tandis que Philippe Collin, Violaine Ballet et Charles Berling inventent un événement participatif où le public sera invité à partager le destin de Léon Blum : ses combats, ses espoirs, et l’ambiance d’une époque partagée dans un grand banquet républicain.

Foison d’incontournables

De nombreuses autres propositions se mêlent à ces grands thèmes qui rythment la saison, avec des artistes de la région, qui sont souvent coproduits, comme Guillaume Cantillon, Sébastien Ly ou Agnès Régolo

La création chorégraphique de Joanne Leighton pour la compagnie Coline, ou la création musicale portée par Tandem, scène de musiques actuelles du Var, avec Rosemary Stanley, sont accueillies, de même qu’une partie importante de la saison de l’Opéra de Toulon, actuellement en travaux. 

La scène nationale coproduit également le dernier conte d’Emma Dante Re Chicchinella, et accueille d’autres grands noms de la scène contemporaine : le cirque Altaï, une création avec Charles Berling sur Montessori, Elsa Lepoivre qui dit et joue des frngments de Rien ne s’oppose à la Nuit de Delphine le Vigan. On verra aussi Rhoda Scott, Yann Frish, Carolyn Carlson, Les Chiens de Navarre, Anne Brochet, Omar Porras… pour une programmation multidisciplinaire qui sait allier grands spectacles, intimité, engagement et créations. 

AGNÈS FRESCHEL

Scène Nationale Châteauvallon-Liberté
Toulon, Ollioulles
Chateauvallon-liberte.fr

[Spécial Saison] Centre dramatique des villages du Haut-Vaucluse  : Que le meilleur pour les villages !

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Mauvaises Graines © Bruno Dewaele

C’est une bien belle deuxième partie de saison qu’a concocté le Centre dramatique des villages du Haut-Vaucluse ! Il dédie notamment une partie de sa programmation à l’histoire, avec d’abord La vie et la mort de J. Chirac, Roi des Français (30 mars) de la compagnie des Animaux en Paradis qui met en scène le roman personnel créé par et autour de l’ancien président, et s’intéresse à l’empreinte de ce dernier sur notre pays. Avec Larmes de crocodile (19 avril), c’est à une histoire plus globale à laquelle s’intéresse la compagnie Hors d’œuvre en interrogeant les biais existant dans son écriture et sa représentation. 

Théâtre et pédagogie 

Le CDDV est surtout riche d’une programmation scolaire cohérente et édifiante, à l’image des représentations début janvier de Babil (Cie du Jour au lendemain) et de La tour de Belba (produit par le CDDV), deux spectacles pensés pour des âges différents à partir du même texte de Sarah Carré qui aborde la question de la communication et de la relation à l’autre. 

Très investi dans « Tous à la page », dispositif départemental d’éducation artistique et culturelle, le CDDV amorce un travail autour de l’engagement avec la compagnie Institout. Ainsi, certains élèves pourront participer à un travail d’écriture et de mise en scène autour de la pièce Mauvaises Graines, donné le 22 mai au Naturoptère de Sérignan-du-Comtat, et le lendemain en temps scolaire. Un autre atelier sera proposé autour de Flemme, prochaine pièce de cette même compagnie. Après avoir raconté la naissance de l’engagement écologiste d’une adolescente dans Mauvaises Graines, l’auteur Benoit Peillon s’interroge maintenant sur les raisons pour lesquels une partie des jeunes ne s’engage pas, et invite donc certaines classes à répondre à cette question avec lui. 

Par ailleurs, la programmation scolaire du Centre Dramatique vise à faire découvrir aux élèves la puissance évocatrice du théâtre. Elle met ainsi à l’honneur les contes, avec notamment Le Petit Chaperon Rouge, présenté par le compagnie Locus Solus qui elle aussi animera un atelier d’écriture pour certains élèves, et Les contes cocasses, une lecture revisitée des histoires de notre enfance produite par le CDDV. 

CHLOE MACAIRE 

Centre dramatique des villages du Haut-Vaucluse 
En itinérance dans le Haut-Vaucluse
06 74 49 21 63
cddv-vaucluse.com

[Spécial Saison] Théâtre des Calanques : Une bonne session de décapage

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Comme les fêtes de fin d’année sont souvent l’occasion d’un grand déploiement d’hypocrisie, aussi bien lors des agapes familiales que des traditionnelles cérémonies de vœux politiques, celle de la Présidence en tête, il fera bon, les réveillons passés, s’immerger dans un bain culturel plus acide pour décaper le tout. Le Tartuffe de Molière est idéal à cet effet : dans la version signée Serge Noyelle,après une tournée en Chine, où l’on serait bien curieux de connaître sa réception par le public de Pékin et Shanghai, il sera repris à la maison, sur le plateau du Théâtre des Calanques, les 26 et 27 janvier, puis du 1er au 3 février. Le metteur en scène s’attaque aux « stratégies de possession des imposteurs, prédateurs et faux-prêcheurs », mais invite aussi monsieur et madame Tout-le-monde à se regarder le nombril, en considérant la pièce comme un exercice réflexif salutaire, « une boule à facettes qui révèle d’abord les perspectives de celui ou celle qui regarde ».

Âme du peintre, es-tu là ?

Dans un même esprit mutin, il annonce aussi sa création 2024, La porte d’Ensor, à découvrir les 22 et 23, puis le 26 et les 28, 29 et 30 mars. Un hommage au peintre anarchiste (et néanmoins baron) James Ensor, pionnier des mouvements artistiques d’avant-garde au début du XXe siècle, dans sa Belgique natale. Serge Noyelle a trouvé dans son œuvre « un champ de liberté esthétique » et réunit neuf personnes sur scène – danseurs et danseuses, acteurs et actrices, chanteur lyrique et musicien- pour l’explorer, en insistant sur la dimension picturale de son inspiration. La pièce, appuyée sur un texte et la dramaturgie de Marion Coutris, est co-produite avec le Groupe 444, un collectif de jeunes artistes issus de l’école Le Cerisier, anciennement affiliée au Nono, le prédécesseur du Théâtre des Calanques, désormais entrés en compagnonnage avec la nouvelle structure. Durant la saison précédente, ce même Groupe 444 avait testé une série de contes pour enfants, destinés aux 6-12 ans, qui a particulièrement séduit le public. Ils se poursuivent donc ce semestre, dans le magnifique cadre du théâtre, aux abords de la campagne Pastré. Rendez-vous est pris les 17 février, 6 mars et 25 mars, avec des histoires différentes à chaque fois.

GAËLLE CLOAREC

Théâtre des Calanques
Marseille
04 91 75 64 59
theatredescalanques.com

Les grandes traversées de Hamdi Dridi

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OM'S de ménage © DR

Cette dernière création de Hamdi Dridi, installé avec sa Cie Chantiers Publics à Montpellier depuis 2005, témoigne d’un travail de recherche en dehors des sentiers battus autant que d’une envie de donner corps à ce qu’il appelle « l’être ensemble ». Sur scène : deux femmes et deux hommes. Des corps qui interrogent. Ils portent des foulards colorés sur la tête, leurs habits font penser à des vêtements de travail, tout en restant assez difficilement identifiables. Ils esquissent quelques pas. Les gestes sont répétitifs, se rapprochant parfois du sol. Mais pourquoi faire ? La finalité importe peu. Le spectateur se surprend surtout à trouver le corps qui danse intensément musical. Les mains, les bras, les pieds… La percussion de ces derniers amplifie la rythmique sur un plateau en résonance. Les quatre danseurs le traversent en tous sens, plus ou moins lentement, plus ou moins coordonnés, plus ou moins seuls. Métissée, la chorégraphie puise sans complexe dans la danse contemporaine, le hip hop et les danses traditionnelles.

L’homme qui danse

Les pas s’échappent des styles, s’évadent en dehors de frontières définies, scandent leur propre mélopée en se jouant des répétitions. Les danseurs s’arrêtent. C’est la fin. Vraiment ? Non, seulement un leurre, celui du silence soudain et des gestes temporairement figés. C’est là que la traversée commence vraiment. La transe prend forme, s’amplifie, prend encore plus de libertés. Les gestes sortent de leur contexte, le mouvement commence et s’interrompt quand on ne s’y attend pas. Tout comme la batterie jouée en live par l’un des artistes. Pourtant, la ritournelle deviendrait presque lassante si Hamdi Dridi ne s’était pas lancé dans un solo à ce moment-là. Tout prend sens en un phrasé. L’écriture chorégraphique, la rythmique obsessionnelle, l’élan des corps. Le chorégraphe-danseur ondule, saute, scande son langage gestuel inspiré des gestes ouvriers avec volupté, nous emportant avec lui. Il est l’homme qui marche, l’homme qui danse, l’homme qui fait le ménage, une particularité partagée (certes à différents niveaux d’équité) par la grande majorité des humains de la planète si on y réfléchit bien. À travers cet artiste, dont le parcours relie avec talent Tunisie et France, tout devient transhumance entre les continents, les cultures, les frontières.

ALICE ROLLAND

OM(s) de Ménage a été présenté les 11 et 12 janvier au Théâtre Jean Vilar dans le cadre la saison de Montpellier Danse

MONTPELLIER : Joue-la comme Bouchaud

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Maîtres anciens (Comédie) © Charles Paulicevich

À Montpellier, on l’avait vu récemment en Iago manipulateur dans un Othello signé Jean-François Sivadier. Un metteur en scène dont il est souvent estampillé « acteur fétiche ». Mais ce mercredi, au Théâtre des 13 Vents, il n’est pas question de jouer collectif pour Nicolas Bouchaud. Non pas que cela ne soit pas de son goût, au contraire, il aime les grandes troupes. Toutefois, le travail qu’il présente au CDN de Montpellier en ce mois de janvier est une exploration de l’art du jeu menée en solitaire. Du moins sur scène. Car pour Maîtres anciens, adaptation du roman éponyme de Thomas Bernhard créée en 2017, il collabore avec le metteur en scène Éric Didry et Véronique Timsit, son autre complice artistique. 

Se taire ou étouffer

Dès les premiers mots prononcés par Nicolas Bouchaud, on comprend que Maîtres anciens est un texte particulier. Un monologue sans en être un puisque dans le roman de l’écrivain autrichien, trois personnages sont à l’œuvre : le philosophe Atzbacher et son vieil ami Reger, critique musical exigeant, dont le premier relaie les propos, et le gardien du musée, Irrsigler. Par la voix du comédien, les trois fusionnent en une pensée sonore, logorrhée verbale d’une logique parfois purement rhétorique. On y apprend que ce Reger aime plus que tout remettre en cause les fameux « maîtres » que la vision traditionnelle nous impose malgré nous. Peintres, écrivains, musiciens, tous passent par son filtre colérique, entre amour et haine. Nicolas Bouchaud narre, scande, aspire, éructe, rit, s’amuse, bafouille parfois, mais ne perd pas le fil d’un récit qui ne s’arrête jamais. Bernhard l’écrit, l’acteur le dit : se taire signifie « prendre le risque d’étouffer ». Même si parler, c’est prendre le risque de se contredire. Beethoven, Heidegger, Bach, Rembrandt, Voltaire… Tous sont passés au fil de la lame du critique qui aime plus que tout chercher les « défauts humains » des œuvres de ces maîtres anciens trop souvent portés aux nues. Malgré tout, Reger le reconnaît : « ils me paraissent profondément rebutants et pourtant je les étudie sans cesse ». D’ailleurs, tous les deux jours depuis 30 ans, il s’assoit sur une banquette du Musée d’Histoire de l’art de Vienne pour admirer L’homme à la barbe blanche du Tintoret. Il nous donne un début d’explication : « Ce sont eux qui me maintiennent en vie ». Mais il prévient, la liberté que l’on a d’aimer l’art, d’en parler, de s’y confronter ne doit jamais faire disparaître notre propre pensée critique. Selon lui « c’est un art de ne pas lire, écouter, regarder totalement ». Ni Dieu, ni maîtres, juste un rendez-vous avec soi. Et avec Nicolas Bouchaud, qui nous a offert une belle leçon de théâtre, l’air de rien. 

ALICE ROLLAND

Maîtres anciens (comédie) a été présenté du 10 au 12 janvier au Théâtre des 13 vents, Centre Dramatique National, Montpellier