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Lecture pop

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Poétesse installée à Marseille depuis 10 ans, Laura Vazquez est invitée dans l'émission La Grande Librairie, enregistrée au Mucem pour l'occasion © Daniele Molajoli

Autour de sa nouvelle exposition permanente, un temps fort sur la littérature au Mucem

Sophie Blandinières, Lucile Bordes, Arthur Dreyfus et Guillaume Poix : quatre auteurs contemporains ont été chargés de rédiger des « Cartels sensibles » qui mettent en relief, par leurs mots, les objets et documents sélectionnés pour la nouvelle exposition permanente du Mucem, Populaire ?. Aborder les collections pléthoriques de ce musée de société par la littérature était une bonne idée, même si le dispositif en lui-même peut laisser dubitatif [lire notre critique sur journalzebuline.fr]. Le week-end du 19 au 21 janvier, nous aurons l’occasion de vérifier la pertinence de cette approche à l’occasion des Nuits de la Lecture. Avec l’association Oh les beaux jours !, organisatrice du festival éponyme, qui reviendra au printemps à Marseille, et le Centre national du livre, le Mucem a prévu tout un programme littéraire.

Rencontres, ateliers, spectacle et Grande Librairie

Le vendredi 19, plusieurs classes de collégiens auront un temps d’échange avec Lucile Bordes, Arthur Dreyfus et les services de Conservation du musée. En soirée, La Grande Librairie, le magazine littéraire de France 5, sera filmé sur place, présenté en public par son vibrionnant animateur, Augustin Trapenard.
Samedi 20, c’est un autre invité, l’écrivain et journaliste italien Roberto Saviano, qui s’emparera du micro. L’auteur du livre multi-adapté Gomorra, disséquant les activités mafieuses de la Camorra, sera présent pour un grand entretien. Le même jour, le jeune public est convié à un atelier jeunesse avec l’autrice-illustratrice marseillaise Lisa Laubreaux, dont ils apprécieront sans nul doute le travail très coloré et mutin. S’ensuivront plusieurs propositions : musicale avec Davide Ambrogio ; des textes lus par Estelle André Chabrolin ; et du théâtre avec Clotilde Mollet et Hervé Pierre. Enfin, un autre écrivain et journaliste, Sorj Chalandon, conclura le week-end avec un second grand entretien.

GAËLLE CLOAREC

Le week-end littéraire
19 au 21 janvier
Mucem, Marseille

Deux visions du couple à Toulon

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En corps, en vie © Arianne Clément


Deux expositions qui ne font pas la paire ornent les murs du Théâtre Liberté à Toulon, à l’occasion de son dernier théma intitulé couple(s). Celles de la photographe Arianne Clément et de l’auteur de bandes dessinées Fabcaro, présentées jusqu’au 2 mars. C’est d’ailleurs avec ce dernier que débute le parcours sur les planches de Moins qu’hier (plus que demain). Différentes saynètes qui décrivent de manière caricaturale la vie d’une dizaine de couples. Loin des moments langoureux, Fabcaro cherche à dépeindre avec humour ce qu’il y a d’ennuyeux, mais à grossir autant le trait, ça ne marche pas. On retrouve ainsi Fabien qui se rend compte au fur et à mesure de la BD que sa femme a plié bagages sans lui. Ou encore Agathe qui reproche à Bernard d’être « chiant » car « toujours positif ». Au-delà du caractère humoristique qui plaira ou ne plaira pas, il y a des choses qui clochent dans ces cases. Déjà, l’hétérocentrisme certain de la bande dessinée pose problème, aucun couple homosexuel n’étant représenté. De plus, les prénoms des partenaires « Émeline et Philippe », « Inès et Guillaume », « Louise et Florian » (etc.) font état de l’absence de personnages racisés dans la BD. Une étonnante hétéronormativité et blanchité de la part de cet auteur que l’on a connu plus inspiré.

« En corps, en vie »

En continuant le parcours, on tombe sur un projet qui prend le contrepied de celui de Fabcaro. C’est en partenariat avec l’association des Petits Frères des Pauvres, qui lutte contre l’isolement des personnes âgées en situation de précarité, qu’est née l’exposition d’Arianne Clément. L’artiste canadienne spécialisée dans les photographies du troisième âge est allée à la rencontre de nos aîné·e·s. À travers ses photos de nus et des propos recueillis, elle dépeint une beauté, des couples et des sensualités que la vieillesse tend d’ordinaire à rendre tabou. On y découvre l’histoire de Ravi, 70 ans, qui pratique le tantra et le tao sexuels avec son épouse. Lyette, 74 ans, témoigne elle être fière de s’être mise « à nue » face à l’objectif. Merutzah dit quant à elle se sentir « très bien dans [s]a peau » à 70 ans, malgré un accident de la route et un cancer du sein. Le couple lesbien de Mélodie et de « la rouquine » passe aussi à l’avant plan, les deux amoureuses posant peau à peau pour l’expo. À respectivement 69 et 74 ans, ces dernières ont toujours une « vie sexuelle active », rendue possible par une « passion […] encore très présente ». L’exposition En corps, en vie d’Arianne Clément et des Petits Frères des Pauvres ouvre les perspectives d’un couple souple, non hétéronormé et sans âgisme. Comme un bol d’air frais venu du large. De mer il sera d’ailleurs question dans le prochain Théma (#46) avec l’artiste Aglaé Bory et ses photos sur le quotidien des travailleurs de la mer.

RENAUD GUISSANI

Moins qu’hier (plus que demain)
et En corps, en vie
Du 12 janvier au 2 mars
Le Liberté, scène nationale, Toulon
chateauvallon-liberte.fr

Sous le 14e parallèle

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Maud Blandel, L'Œil Nu © Margaux Vendassi, Camille.D Tonnerre

Des femmes, des jeunes, de l’émergence, des questions et des formes, le Festival Parallèle annonce sa 14e édition,  fidèle à ses principes. Entretien avec Lou Colombani, sa fondatrice et directrice

Zébuline : Comment se porte Parallèle après la fermeture de Coco Velten ?
Lou Colombani : Le Théâtre Joliette nous héberge, pour 6 mois. On espère vraiment que la Friche, que nous avons sollicitée, pourra prendre la suite, et ceci durablement. Aujourd’hui des lieux ferment, mais nous n’avons jamais eu de toit, en 18 ans. Nous sommes passés de lieu d’accueil en lieu d’accueil, et aujourd’hui on en a marre…

Au-delà du Festival, qu’est ce que c’est que Parallèle ?
C’est une structure dédiée aux pratiques émergentes internationales, qui accompagne la création contemporaine et travaille à son partage par le plus grand nombre. Nous fabriquons des outils pour pouvoir repérer les artistes dès leur entrée dans les circuits artistiques, pour les aider à concevoir et à produire, à créer, puis à diffuser. Sur plusieurs spectacles la plupart du temps. Ainsi on a repéré Maud Blandel sur son projet de fin d’études, qu’elle a proposé en 2016 au Festival. Depuis elle a joué au Festival d’Avignon, elle est programmée un peu partout… et on continue de l’accompagner sur son nouveau projet LKA, qu’elle dansera au Ballet National de Marseille.

Votre programmation est internationale…
Oui, avec une forte présence d’artistes locaux, mais aussi d’artistes émergents venus d’ailleurs. Pluridisciplinaire, avec un axe fort autour de la formation professionnelle et de l’insertion des jeunes artistes. L’expo collective la Relève 6, qui ouvrira le festival au Château de Servières et à art-cade, présente le travail d’artistes pendant trois ans après leur sortie des écoles d’Art.

Celles de la région ?
Oui, essentiellement Aix Marseille et Arles, mais aussi des écoles internationales, toujours avec ces échos qui permettent aussi aux artistes d’ici des débouchés et une ouverture. Sur ce volet des arts plastiques, qui n’est pas au départ notre spécialité puisque nous avons commencé avec les arts de la scène, nous avons perdu les partenaires qui ont fermé, Buropolis et Coco Velten, mais l’an prochain nous travaillerons aussi avec La Compagnie.

Travailler avec les acteurs culturels de Marseille est important pour vous ?
Et d’Aix ! Le 3BisF et le Théâtre Vitez sont de la partie. Oui, c’est au cœur de notre projet. Nous ne portons jamais une action tout seul, nous voulons que l’émergence s’inscrive dans l’esprit et la programmation des lieux.

Une autre tendance historique forte est le non respect de la parité… Il n’y a presque que des femmes ! Comment l’expliquez-vous ?
Oui. La programmation est féministe sans le proclamer. C’est assez naturel : à l’endroit de l’émergence, de la petite forme qui ne nécessite pas de gros moyens, il y a une majorité de femmes. Les hommes continuent d’avoir des carrières qui démarrent plus vite et ont moins besoin d’accompagnement. Et puis, aujourd’hui, les femmes ont peut être plus de choses à dire !

Par exemple ?
Le caviardage des discours présidentiels par Juliette Georges, Sympathies n°1, dans lequel on voit évidemment que seuls des hommes parlent. Ou l’Album de chorégraphe de Karima el Amrani, qui fait un retour sur toutes les danses qui l’habitent, dans un petit solo qui est un vrai bijou. Masterpiece de Luisa Fernanda Alfonso, une extraordinaire  performeuse colombienne qui déconstruit les archétypes machistes des mariachis. Mais il y a aussi des hommes, que nous soutenons depuis longtemps, comme Joachim Maudet qui présentera Kid#1 à Klap. C’est un artiste qui travaille beaucoup avec Kéléménis. Il parle de l’enfance, de comment un corps grandit, passe du jeu à la contrainte, du collectif à l’individu…  La programmation se poursuit jusqu’au 10 février.

Nous y reviendrons !

ENTRETIEN REALISE PAR AGNES FRESCHEL
Festival Parallèle 14
Du 25 janvier au 10 février
plateformeparallele.com

La musique populaire en partage à la Cité de la Musique

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Qui dit réception des musiciens italiens de renommée mondiale, Enza Pagliara et Dario Muci, dit samedi soir de grande affluence pour la Cité de la Musique de Marseille. L’Auditorium est presque plein ce 13 janvier et les discussions en italien vont bon train avant le début de la représentation. Enza Pagliara ne manque pas de saluer de nombreux « visages amis » présents dans la salle. L’acolyte de la chanteuse, Dario Muci, arbore un bonnet rouge qui fait écho au haut vermeil de sa partenaire. Un rappel visuel qui vient souligner la complicité sans faille dont fera preuve le duo lors du spectacle.

Transmettre la musique du peuple
Au départ le rythme est lent, bien qu’il soit parfois entrecoupé d’envolées et de brusques coups de tambourins. Le public est d’abord timide et Enza claque seule des doigts. Puis progressivement, le feu prend, à mesure que la musique s’emballe et qu’on en apprend plus sur le répertoire du duo. C’est Enza qui parle le mieux français et qui présente l’histoire derrière les chansons qu’ils interprètent. « Cette chanson parle de paysans qui disent à leur patron de les payer, faute de quoi ils feront des trous dans le sol pour qu’il tombe », explique-t-elle avant l’une d’elle. « Celle-là c’est sur une dispute entre une femme et son mari lors de la moisson des blés », contextualise-t-elle avant une autre. Pour leur dernier album, Dario Muci et Enza Pagliara ont mené pendant cinq ans un travail de recherche, de collecte musicale. Ils sont allés à la rencontre de paysans et de pêcheurs de la région des Pouilles, et font perdurer la musique traditionnelle locale en jouant les chansons qu’ils ont apprises lors de ces échanges. La représentation se finit en apothéose avec une musique au refrain entêtant, que toute la salle se met à reprendre d’une même voix. Un beau moment de communion qui fait écho aux mots d’Enza Pagliara : « c’est ça la musique populaire, toujours partager ! ».

RENAUD GUISSANI

Enza Pagliara et Dario Muci se sont produits le 13 janvier à la Cité de la Musique de Marseille.

Frères d’âme

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Au Palais de Pharo de Marseille, le Trio Moreau brille dans les trios de Brahms et Schubert

C’est une salle comble – et renflouée par quelques rangs – qui a accueilli samedi 13 janvier les frères Moreau. Mené par l’aîné Edgar, violoncelliste soliste récompensé de deux Victoires de la musique classique, le trio familial s’est plongé dans deux œuvres d’un romantisme ardent et délicat. Loin de poser les basses des harmonies, le violoncelle s’y fait mélodieux, moteur et central, dans le développement de thèmes et motifs entêtants, héritiers de Beethoven. Face à ce violoncelle sachant se faire aussi tendre qu’héroïque sur les pages de Brahms puis de Schubert, ce n’est pas le violon de la tout aussi excellente sœur Raphaëlle que l’on découvre mais celui du plus jeune frère, David, à l’écoute de son aîné, d’une justesse et d’une pureté de son admirable. Au piano, le benjamin Jérémie limite les épanchements avec d’autant plus de facilité que la finesse de son toucher et l’élégance de ses intonations forcent l’émotion et l’admiration. Le trio de Schubert se révélant, hormis l’Andante con moto rendu célèbre par Barry Lyndon, d’une technique et d’une virtuosité particulièrement exigeantes sur la plupart de ses mouvements. Le trio ne mise cependant pas sur la vélocité et les effets pour séduire : les musiciens prennent le risque de la lenteur, de l’expressivité et même de l’intériorité. Le risque s’avère payant : du trio de Brahms, dense et contrapuntique, au chant intérieur de Schubert, encore pétri de sonorités mozartiennes sautillantes, on découvre un trio à la complicité rare. Donnée en bis, la transcription pour trio du prélude pour deux violons et piano de Chostakovitch laisse l’assemblée dans un état de grâce.

SUZANNE CANESSA

Le concert a été donné le 13 janvier au Palais du Pharo, Marseille.

Montévidéo quitte son domicile

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Montévidéo c’est fini : Hubert Colas est contraint de quitter le lieu qu’il a co-fondé il y a 24 ans, QG de l’association Montévidéo, de Diphtong Cie et du festival actoral. La dernière offre de la Ville de Marseille a été rejetée par le propriétaire du site. Hubert Colas nous dit quelques mots de cette défaite

Zébuline. Quels sont les derniers événements qui vous amènent à ce départ forcé ?
Hubert Colas. Après une première proposition de la Ville de Marseille refusée par le propriétaire des lieux, puis l’intervention en octobre dernier de la précédente ministre de la culture [Rima Abdul Malak, ndlr] qui déclare qu’il n’y aura pas d’expulsion à Montévidéo, laissant à la Ville de Marseille la possibilité de renégocier, la nouvelle proposition faite récemment a été inférieure à la première… Le propriétaire ne pouvait que la refuser ! Aujourd’hui, un vivier de l’art contemporain de notre ville disparaît, une certaine idée de la culture offerte aux Marseillais et aux artistes, un vrai foyer d’expression et de liberté d’expression, nécessaire à toute démocratie. Et on reste tout de même un petit peu étonné qu’il n’y ait pas eu un seul geste de monsieur le maire, en ce qui concerne ce site et les activités menées depuis 24 ans, reconnues localement, nationalement et internationalement.

Pour autant, vous ne vous lancez pas d’appel à manifester ou à occuper le lieu ?
On est bloqué par rapport à la situation financière. Le propriétaire a eu le droit par la justice à une réactualisation du loyer sur 6-7 ans. Sur cette somme d’argent, 273 000 euros, l’État a fait un geste important, en finançant 150 000 euros. Il en restait 123 000. Nous avons demandé à ce que cette somme soit répartie entre les autres collectivités. La Ville de Marseille a répondu non, la Région a envisagé des subventions ré-évaluées sur 2024, et le département a voté une subvention exceptionnelle, 10 000 euros, qui nous ont permis de payer les salariés de Montevideo. Aujourd’hui, compte-tenu de cette dette et de la ré-évaluation du loyer, qui est passé à 10 000 euros par mois, plus une indemnité de non-départ qui est autour de 10 000 euros, nous ne pouvons plus rester sur le site, nous ne pouvons plus rien payer.
« La nouvelle proposition faite récemment a été inférieure à la première »

Et vous partez pour où ?
La Ville de Marseille, après avoir répondu non dans un premier temps, nous a dit que la seule solution, pour les bureaux de Montévidéo, c’était finalement la Cômerie. Sachant que nous sommes déjà à la Cômerie depuis 3 ans, dans le cadre d’un projet, où nous invitons des compagnies et des artistes plasticiens en résidence permanente. Nous pouvons nous installer au rez-de-chaussée, les autres artistes aussi, car le premier et le deuxième étage sont interdits d’occupation, pour un défaut d’alarme incendie, que la Ville de Marseille ne propose pas pour l’instant de réparer. Quelques travaux vont être effectués au rez-de-chaussée, en particulier le chauffage, en panne depuis plusieurs mois. C’est une convention de 6 mois, renouvelable une fois. On ne sait pas comment nous allons vivre au-delà de l’année qui vient.

Quelles vont-être les conséquences de ce déménagement sur vos activités ?
Un certain nombre de personnes qui travaillaient au sein de l’association partent, les 2/3 du personnel. Nous resterons à quatre personnes à la fin du mois de janvier. Ensuite, nous allons essayer de maintenir partiellement les activités de Montévidéo. On a signalé à la Ville qu’on a besoin d’espaces de travail et de résidences pour les auteurs vis-à-vis desquels on est engagés en 2024. On va également solliciter des structures marseillaises pour nous permettre de faire des ouvertures publiques. On a déjà des signes positifs du Gymnase, de la Friche, et d’autres. Pour actoral, la Cômerie ne pourra pas être le QG du festival, car il n’y a pas de possibilité d’ouvertures publiques. Montevideo était le fief où les artistes, le public et les professionnels du festival se rencontraient. Je ne sais pas quelle solution on va pouvoir trouver. Quant à ma compagnie, il va falloir qu’on trouve des lieux de répétition, que nous n’avons plus.

Quels enseignements retirez-vous de cette longue bataille autour de Montévidéo, et de cette défaite ?
Il y a eu beaucoup de paroles données, d’assurances données par moment et ça n’a pas été tenu. Ce que je remarque aussi, c’est qu’on a la sensation que les initiatives menées par des acteurs culturels dans cette ville ne sont souvent pas écoutées. On a l’impression qu’il n’y a qu’un seul espace possible, celui des directives institutionnelles. Et qu’on puisse, nous, avoir un regard, une activité et des propositions sur la ville, en direction des artistes et du public, ça ne peut plus exister. Par exemple, Marseille Objectif Danse, initiative magnifique de la part de Josette Pisani, qui a fait venir à Marseille de très grands artistes, et à qui on doit beaucoup pour la danse contemporaine dans cette ville, a aussi été étouffée petit à petit par les institutions. C’est bien dommage.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARC VOIRY

Au mépris de la culture

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11 janvier 49 avant J.-C. César franchit le Rubicon.
En marchant sur Rome avec sa troupe en armes, le général César mettait à mal les frontières et interdits de la République, première étape pour la renverser et instaurer une Dictature.
Avons-nous franchi un Rubicon ? Le gouvernement de Gabriel Attal explose les limites du mépris du peuple en nommant des ministres clairement inaptes à leur ministère.
La nomination d’Amélie Oudéa-Castéra à l’Éducation nationale provoque un rejet immédiat du corps enseignant et des parents d’élèves, qui défendent l’école de la République, qui comme son nom l’indique est l’école publique. Aura-t-il un effet ? La nomination d’Éric Dupond-Moretti avait soulevé l’indignation des parquets de France et des syndicats de la magistrature, pourtant fortement dépendants de son pouvoir de Garde des Sceaux. Il est reconduit, pour la troisième fois.

11 janvier 2024. Gabriel Attal franchit le mur du con.
Rachida Dati est nommée ministre de la Culture. Diplômée de Droit, proche de Sarkozy et de Bolloré qui a mis la main sur nombre de médias, soutien de l’Azerbaïdjan contre sa minorité arménienne, fière d’aimer le caviar, les bijoux et les marques, mise en examen dans une affaire de corruption avec Carlos Ghosn, elle est clairement une transfuge de classe qui a épousé au plus près les intérêts de l’élite économique, la vraie, celle qui se repaît du travail du peuple, dont elle est pourtant issue. Son appétence culturelle la rend-elle indispensable à ce ministère au point qu’il faille en oublier les taches de ce passé ? Il se trouve peu d’opérateurs culturels pour témoigner de son assiduité dans les salles de théâtre, de concert et les galeries d’art, malgré leurs cocktails.

11 janvier 2024. La culture franchit le mur du silence.
Pourtant le monde de la culture, sans doute plus dépendant encore de sa ministre que celui de la justice, reste coi. La presse de gauche commente son passif politique sans mesurer les conséquences possibles de cette nomination sur les médias, les représentations, l’opinion publique. Car elle est aussi ministre des Industries culturelles et donc des médias, et la presse dépend très directement de ces financements.
Le milieu culturel sidéré est tout aussi silencieux, tout aussi dépendant. Les profs ne risquent pas leur salaire en critiquant leur ministre. Il va falloir, quoi qu’il en soit, composer avec Rachida Dati. Autant ne pas la fâcher d’entrée.
Comment va fonctionner le ministère de la Culture ? S’il n’est plus depuis longtemps le premier financeur des opérateurs culturels, surtout en régions, c’est lui qui décide des nominations à la tête des établissements nationaux, de la ventilation des financements d’État, des lois cadres, des évolutions des cahiers des charges, des mesures pour parvenir à plus d’équité en matière de décentralisation des moyens, de parité, de représentation des racisés. Si on peut imaginer que Rachida Dati, en raison de ce qu’elle est, pourra être attentive sur ces deux derniers points, et que pour le reste le ministère sera géré par ses techniciens, le parisianisme et le goût du luxe risquent fort de mettre un frein à toute décentralisation, à protéger les intérêts des grands mécènes et à monétiser les arts.

11 janvier 2024. La gauche nous souhaite bonne chance.

Est-ce le prix à payer quand on a un gouvernement de droite ? La gauche, fataliste, plaint le monde de la culture mais ne mesure pas les conséquences sociales d’un tel choix culturel, et n’en fait pas un combat. Pourtant la droite, et Macron lui-même jusqu’à peu, ont su que ce secteur complexe doit être guidé par des hommes et des femmes intègres et attentifs au partage généreux de l’expérience sensible. Rima Abdul Malak ou Françoise Nyssen en furent des exemples, sans parler de Jacques Toubon nommé par Balladur, ou de Malraux par De Gaulle…

AGNÈS FRESCHEL

Châteauvallon – Liberté : « Il faut réenchanter l’amour » 

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Éliette Abécassis © G. Harten

Zébuline. L’amour, le couple, le cercle familial et même le divorce occupent une place importante dans votre œuvre de fiction comme dans votre réflexion critique : d’Un Heureux évènement à Un Couple, en passant par Une Affaire conjugale. Votre regard sur ces questions diffère-t-il, selon que vous adoptiez un point de vue de romancière ou de philosophe ?

Éliette Abécassis. Ces points de vue sont assez cohérents. La vraie différence, c’est qu’en tant que romancière, j’essaie de donner à voir et non pas de défendre une thèse. Lorsque j’ai écrit De l’âme sœur à Tinder, j’ai cherché à comprendre l’évolution du couple aujourd’hui. Ce que je perçois avec une sensibilité de romancière, mais aussi au fil de recherches qui nourrissent toujours mon écriture de fiction, j’essaie ensuite de l’analyser en tant que philosophe. Et ce que j’ai perçu, par un biais ou par un autre, c’est une véritable transformation des mœurs. Non pas une disparition de l’amour, comme le dit Eva Illouz, mais un changement de paradigme. On est passés de l’amour passion à une rationalisation de l’amour : applications de rencontre, algorithme… On va chercher avant tout un partenaire aujourd’hui, et non pas la passion, au risque de souffrir. Le développement personnel a fait évoluer la relation à l’autre. Avant, le mythe de l’androgyne nous faisait attendre notre moitié. On ne cherche aujourd’hui qu’à dépendre de soi : on n’attend pas de l’autre qu’il nous rende heureux. On recherche ainsi l’amour avec des critères extrêmement précis, au lieu de chercher quelqu’un avec qui on vivrait un choc de rencontre. 

Est-ce selon vous une mauvaise nouvelle ? Doit-on craindre ce retour à une certaine rationalité en amour ? 

Pour le couple, il est sans doute plus salutaire de moins en attendre de l’autre et de vouloir construire quelque chose de solide. On a toujours aspiré, en amour, à la durée. Peut-être qu’en rationnalisant le couple, on peut se donner les moyens de faire durer, alors que l’amour passion est source de tant de déception. Je crois en revanche qu’il faut réenchanter l’amour : la propagation de la culture de la violence a mis à mal le récit d’amour. Le rapport de force est au cœur de toutes les histoires dont nous nous nourrissons aujourd’hui, et il reflète d’ailleurs une certaine réalité de la violence entre les hommes et les femmes. Mais le risque que court l’amour, à mon sens, n’est pas qu’on le rationnalise, mais qu’on cesse de le montrer. C’est pour cela que je m’emploie à le faire [rires] !

Cet amour que vous racontez dans Un couple, qui a su s’aimer jusqu’à l’âge de 80 ans, où l’avez-vous observé ?

Tout près de moi : je voyais mes enfants totalement subjugués par le couple de mes parents, et je me suis rendue compte que je tenais là un sujet particulièrement fort. Car c’est incroyable, ce que nous vivons : avant l’allongement de la vie, nous n’avions jamais vu des couples durer si longtemps. C’est une performance inouïe, inédite dans l’histoire du monde, que je me devais de célébrer.

SUZANNE CANESSA

Le corps dans le couple
21 janvier
Liberté, scène nationale de Toulon

MONTPELLIER : Christian Jaccard, l’incandescent

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Christian Jaccard, Bâche blanche calcinée, 1982, toile libre calcinée, 428 x 395 cm, Montpellier, musée Fabre, inv. 2021.35.8 Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole, photographie Frédéric Jaulmes © ADAGP, Paris, 2023.

La découverte de l’exposition Christian Jaccard, une collection commence au rez-de-chaussée du musée Fabre, dans un atrium dont la lumière donne à voir toute la démesure de grandes bâches blanches traversées par des traces plus ou moins sombres. Ce sont les stigmates encore vivaces de la combustion d’une mèche lente. Né en 1939, Christian Jaccard est un compagnon de route du mouvement Supports/Surfaces dans les années 70, en lisière de ce groupe porté par des languedociens comme Claude Viallat, Vincent Bioulès ou encore Daniel Dezeuze. Avec eux, il partage un questionnement profond sur la peinture ainsi que la volonté de s’intéresser à la matière au-delà même de la notion de représentation. Cela se fait en détournant les supports traditionnels de l’art pictural avec les moyens les plus humbles possibles. Comme la chute d’une mèche lente. Une découverte inopinée au gré d’une promenade, nourrissant rapidement l’idée de la nouer sur elle-même avant de l’enflammer sur une toile. 

Donation de 24 dessins

À l’étage, quatre salles en enfilade nous laissent le temps de nous imprégner d’une quête presque alchimique où l’incandescence joue un rôle central. On y découvre la fascination de Jaccard pour l’empreinte, qui laisse une trace indélébile d’un objet devenu absent, ainsi que le goût du polyptyque, dans une démarche proche du rituel. La mèche lente laisse parfois place à la combustion du gel thermique, comme pour la flamboyante peinture Tondo BRN 04, d’une perfection toute en rondeur inspirée par l’impétueux Vésuve. L’exposition présente également de nombreuses sculptures issues d’un « concept supranodal » inventé par l’artiste, lequel recouvre des objets du quotidien (pinceaux, brouette, outils de jardinage) sous une accumulation de nœuds. L’accent est volontairement mis sur le travail sur papier de l’artiste, le fruit d’une donation de 24 dessins réalisés entre 1970 et 2017 par celui qui travaille entre Paris et Saint-Jean-du Gard. Cela illustre au mieux la façon dont le peintre expérimente son art de la combustion par la mèche lente sur toutes sortes de texture : papier Japon, papier d’Arches, vélin de Rives, papier offset, papier Bristol, papier Canson… Certaines feuilles sont tellement calcinées que l’on se demande comment elles peuvent être encore intactes. D’autres sont juste balafrées, presque transcendées par la magie de l’aléatoire. Jouer avec le feu s’apparente alors à une déclaration d’amour aux mystères du vivant.

ALICE ROLLAND

Christian Jaccard, une collection 
Jusqu’au 21 avril 
Musée Fabre, Montpellier 

Il fait bon de vieillir ensemble 

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Les Gardiennes © Luc Jennepin

Créé en novembre 2022 et après une première tournée réussie en 2022-23, le spectacle Les Gardiennes a repris de plus belle la saison suivante. La prochaine halte de sa troupe est le 16 janvier aux Salins, la scène nationale de Martigues. Dans cette dernière création, Nasser Djemaï raconte l’histoire de quatre amies âgées qui ont décidé de vivre ensemble. Le metteur en scène s’empare ainsi d’un sujet difficile, tant la question de vieillir est aujourd’hui dépréciée dans la société. Il s’agit souvent d’un synonyme d’isolement, de complications, d’immobilisme et de silence. C’est tout l’inverse pour ces « gardiennes » qui ont profité de la vieillesse pour s’émanciper et s’épanouir. Ici, Nasser Djemaï prend à contrepied la norme qui consiste à promouvoir une jeunesse éternelle, et dont le fardeau repose principalement sur les femmes – selon une étude de l’Aafa en 2021, seuls 7% des rôles sont attribués à des comédiennes de plus de 50 ans. Dans Les Gardiennes, les actrices arborent une chevelure grise, ont la peau ridée, comme un pied de nez au sexisme structurel du monde de la fiction.

Différentes, mais toutes ensemble

Même si Rose souffre de son handicap, ses trois amies s’occupent d’elle et font front commun. La pièce est donc une ode à l’amitié, mais pas seulement. Elle prône aussi l’acceptation de l’autre que représente Victoria, la fille de Rose. Celle-ci est pragmatique et se heurte au mode de vie décalé des Gardiennes. Elle désire un autre avenir pour sa mère pour qui elle a trouvé une maison médicalisée mais les Gardiennes ne l’entendent pas de cette oreille et désirent garder leur amie auprès d’elles. Pourtant toutes vont devoir s’adapter et apprendre à vivre ensemble. Le metteur en scène décrit sa pièce comme une « odyssée fantastique à la frontière de la folie ». Cet irrationnel est un bol d’air frais dans un monde où le réel prend parfois des allures de cauchemars.

RENAUD GUISSANI

Les Gardiennes
16 janvier
Les Salins, scène nationale de Martigues
les-salins.net