dimanche 20 juillet 2025
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 209

À chacun son avenir 

0
Nous étudiants © Makongo Films - Unité - Kiripifilms

« C’est l’histoire d’un étudiant qui prend la caméra et entreprend de se filmer avec ses amis pour dire : voilà qui nous sommes, regardez-nous, écoutez-nous ! » L’étudiant, c’est Rafiki Fariala. Il étudie les sciences économiques et de gestion à l’université de Bangui (République Centrafricaine). Il est d’abord slameur, sous le nom d’artiste Rafiki RH2O. Sélectionné pour participer à l’atelier de réalisation documentaire Varan à Bangui, il réalise son tout premier film Mbi na Mo – Toi et Moi. Son deuxième, Nous, étudiants, a été le premier film centrafricain présenté à la 73e Berlinale. Une chronique de sa vie et de celle de ses trois amis, Nestor Ngbandi Ngouyou, Aaron Koyasoukpengo et Benjamin Kongo Sombot, avec qui il partage tout, logement, repas, cours, sorties et galère.

Quatre vérités

Le film commence par une chanson. En gros plan, face caméra, le réalisateur chante son impuissance à changer les choses : « On dit souvent que la jeunesse est l’avenir. Les vieux nous ont menti. Ils se foutent de nous, ils ont tout verrouillé. Les jeunes étudient pour avancer mais les vieux ne font que les recaler. » Tourné pendant trois ans avec la complicité de ses amis, le film nous donne à voir les conditions de vie des étudiants de la seule université publique de sciences économiques : logements vétustes, salles de cours surchargées, manque d’argent. S’ajoute pour les étudiantes le harcèlement de certains enseignants qui ne s’en cachent pas. « Toutes les étudiantes appartiennent aux professeurs, vous allez chercher vos copines au lycée », disent-ils aux garçons. Les quatre amis discutent de tout. Aussi bien de la situation économique du pays que de leurs amours, de sexe ou d’avortement. On suit au commissariat Aaron, accusé à tort d’attentat à la pudeur par la tante de son amie qui demande comme compensation, entre autres, un cabri et six poulets ! On partage la tristesse de Nestor, passionné par ses études, brillant, qui, étonnamment, ne réussit pas son examen de licence et tous se demandent pourquoi. Même soutenu par ses amis, il doute de lui-même et remet en question son amitié avec Rafiki. « « Tu me traites non comme un ami mais comme si j’étais un personnage du film ! » posant ainsi une question importante pour tout documentaire : que deviennent les gens qu’on filme, après ? « A chacun son avenir », répond Rafiki. « Moi, je veux faire des films. » 

ANNIE GAVA

Nous étudiants, de Rafiki Fariala
En salle le 15 novembre

De l’art des contraires

0
Young men, Antipodes © Y.Alain

Quatre pièces au programme s’enchaînent, entrecoupées d’intermèdes mutins au cours desquels les danseurs  parodient les bords de plateau, l’invitation d’un spectateur sur scène ou les annonces   réclamant l’extinction des portables.

The Roots de Kader Attou s’inspire d’un quotidien bancal pour composer, sur la musique d’un vinyle qui craque, une danse qui emprunte à la grammaire de chaque danseur, mêlant hip-hop et contemporain en un ensemble qui ne nie aucune singularité, racines porteuses d’une humanité foisonnante aux émotions multiples.

Puis la délicieuse saynète imaginée par Claire Laureau et Nicolas Chaigneau, Petite Dernière, interpellait la salle pour faire venir un spectateur imaginaire sur le plateau afin qu’il départage trois danseurs dans leur mime des Variations Goldberg de Bach, leurs pieds scandant les notes de la main gauche tandis que les mains et les bras épousent les gestes du pianiste pour les notes de la main droite. Les gestes hypnotiques apportaient une délicate fraîcheur à ce passage enjoué.  

Enfin, Young Men d’Ivàn Perez,  sur la musique de Keaton Henson, évoquait les dures séances d’un camp d’entraînement militaire, chorégraphiant les combats avec une précision d’orfèvre, puis ramenant sur scène des élans d’une fraternité et d’une tendresse qui manquent tant aujourd’hui à un monde qui s’emballe. Ronde folle où la vie dessine ses orbes. L’engagement des danseurs est irrésistible et leur bonheur d’être sur scène communicatif.  

Sulfureux ?

Le dernier opus du spectacle, -SIAS, chorégraphié par le collectif Les Filles de Mnemosyne, avec son défilé de mannequins de haute couture, ses effets de flashes, ses dandinements, ses tenues latex, empruntées à un univers sado-maso, sa musique électronique de circonstance, était moins convaincant. La violence gratuite d’un monde drogué que les jeunes danseurs n’incarnent pas reste aux frontières du sulfureux  et les postures sans équivoque ne dénoncent guère l’ensauvagement trouble qu’elles seraient censées condamner. 

MARYVONNE COLOMBANI

Antipodes a été créé les 6 et 7 novembre au Grand Théâtre de Provence 

La Distillerie, une ivresse à cultiver !

1
Christophe Chave © X-DR

Zébuline. Tout d’abord, pourriez-vous définir ce qu’est exactement La Distillerie ?

Christophe Chave. La Distillerie, c’est un lieu de fabrique à destination régionale de spectacle vivant. On accueille toute l’année des compagnies de théâtre, de performances, de danse, pour des temps de travail, de résidence d’une à trois semaines avec mise à disposition du plateau, du son, des lumières, sans régisseur : les compagnies sont totalement autonomes. Grâce au dispositif Place aux Compagnies, né en 2016, s’orchestre un soutien à la production du spectacle vivant régional, depuis la production jusqu’à la diffusion. À la fin de la semaine de résidence (une seule est proposée dans ce cadre), une présentation du travail est effectuée devant des professionnels. En général, les projets tournent sur le plan régional. Il ne faut pas oublier « Le goûter des créations » mis en œuvre conjointement avec le Cercle de midi (la branche sud-est au niveau régional du « Chaînon manquant »). Cette année neuf compagnies exposeront leur projet de la manière qui leur convient à un public de professionnels (directeurs de structure, producteurs, diffuseurs, Réseau Traverse, la Drac). 

On peut parler d’un lieu en synergie ?

Oui. Pour la Drac, on fait partie des rares lieux de résidences tremplin (actuellement il y en a deux sur le territoire de la région Sud, l’Entre-Pont de Nice et La Distillerie). Malheureusement nous ne sommes pas encore un lieu labellisé, ce qui permettrait de soutenir toutes les compagnies en résidence (certes, il y a aussi des lieux labellisés qui accueillent des compagnies en résidence, mais ce n’est pas leur principale fonction). 

Quelles relations entretenez-vous avec les compagnies régionales ?

Le bouche à oreille suffit. Les compagnies m’envoient par mail leur projet, mais je ne me contente jamais d’un dossier, je rencontre toujours personnellement les artistes afin de parler de leur projet. Souvent, on a affaire à de jeunes compagnies qui sont encore assez précaires. Aussi, on cherche à les soutenir dans leurs démarches administratives, à les orienter vers des lieux qui pourront les aider. Les choix se font sur l’artistique, le rapport au monde des artistes, leurs questionnements. Le travail sur l’artistique ne correspond pas à une « nécessité de la création » mais à l’émancipation du public : le sortir de l’ornière télévisuelle et du carcan de l’individualisme.

Vous évoquiez les difficultés financières de La Distillerie en début de saison. Qu’en est-il aujourd’hui ? 

Je pourrais dire que nous en sommes au même point ! Le 10 octobre, nous avons eu une réunion avec des représentants de la Ville d’Aubagne, du Département, de la Région Sud, de la Drac. Toutes les subventions ont baissé sauf celles de la Région Sud. Sans vouloir être alarmiste, l’avenir de La Distillerie est en jeu. Si rien ne change on dépose le bilan en juin 2024, c’est une réalité. L’an dernier nous avons pu aider douze compagnies, cette année seulement neuf. Pour augmenter leurs financements, les structures institutionnelles attendent un geste de la Ville d’Aubagne, notre principal financeur, puisque La Distillerie est née de la volonté de la ville, pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui, une belle plate-forme de la création artistique et un tremplin de la vie culturelle régionale. Je crois qu’il ne faut jamais oublier que ce ne sont pas les lieux qui font les artistes, mais les artistes qui font les lieux. L’obscurantisme est fatal pour les démocraties c’est pourquoi le théâtre est fondamental car il est un endroit de réflexion.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

Faire la lumière

0
À rendre à M. Morgenstern en cas de demande, au Camp des Milles © DR

Au départ, il y a une boîte noire en carton bouilli retrouvée dans un grenier, un dossier gris assorti d’une note écrite au crayon à papier « À rendre à M. Morgenstern en cas de demande ». L’écriture est celle du grand-père de Frédéric Moulin. Nous sommes en 2018 au mois de janvier, l’acteur se plonge dans la centaine de documents contenus dans le dossier : lettres, notes, assignations à résidence, passeports, photos, permis de séjour, certificats médicaux, lettres préfectorales…. Qu’est-il arrivé à la famille Morgenstern, quelles relations avait-elle avec le grand-père, imprimeur de son métier, de Frédéric Moulin ? 

Naît une véritable enquête au cours de laquelle le comédien ira consulter les recueils du CHRD au mémorial de la Shoah, s’entoure d’historiens (principalement issus du réseau Mémorha). L’histoire « trop romanesque, trop parfaite pour sembler vraie », explique l’acteur, devra être mise à distance dans la pièce. Sabine Moindrot endosse le rôle de découvreuse. Elle entre dans cet univers avec une sensibilité et une justesse de jeu rares au cœur d’une mise en scène en épure qui se nourrit des ombres et des lumières, des paroles prononcées derrière un long rideau qui permet aussi la projection de photographies et de documents. La famille de Leopold Morgenstern-Singer devient familière : quel soulagement à l’annonce de leur fuite rocambolesque en Suisse ou de la naissance de leur deuxième enfant en 1945 ! Jouée au Camp des Milles, le lendemain des manifestations contre l’antisémitisme, la pièce prend une résonnance particulière. Il n’est pas question de « devoir de mémoire mais de travail de mémoire » précise Frédéric Moulin alors que, convié sur le plateau avec le père de l’acteur, Robert Singer, (l’enfant né en Suisse en 1945), lit un texte dans lequel il remercie ceux qui ont contribué à sauver sa famille et rappelle combien l’humanité a besoin de la solidarité des êtres et de leur attention pour ne pas plonger dans la barbarie. Le mouvement dialectique entre histoire et mémoire tient ici de l’intime et renvoie chacun à sa responsabilité individuelle. 

MARYVONNE COLOMBANI

La pièce a été donnée le 13 novembre 2023 au Camp des Milles, Aix-en-Provence. 

Rêve de wombat

0
Le chemin du wombat au nez poilu © Patrick Berger

Artiste de la bande du Zef depuis 2022, la chorégraphe belge Joanne Leighton est née et a grandi en Australie. Un pays-continent qui est une source d’inspiration très importante pour cette artiste, tant elle ancre la démarche de sa compagnie dans l’exploration des notions d’espace et de site comme un tout, un commun peuplé de territoires, d’identités, d’espaces interdépendants. 

Danse de feu

Sur la scène du Zef en ce mois de novembre, Joanne Leighton présente sa première pièce jeune public : Le chemin du Wombat au nez poilu. Elle s’inspire ici des mythes aborigènes australiens, en l’occurrence celui du « temps du rêve » et de la création du monde. Sur l’écran qui occupe tout le fond de scène, un ciel nocturne où brillent des étoiles innombrables aspire les regards. À ses pieds, deux personnages allongés sur une montagne, parlent en regardant les étoiles, de la création du monde : le big bang, et puis rien. Puis un trou dans le sol, d’où sortent des animaux extraordinaires, comme le serpent arc-en-ciel, qui ondule et mange tellement de terre qu’il devient énorme, se transforme en lac, qui irrigue les rivières jusqu’à la mer. La végétation apparaît, d’autres animaux, l’oiseau-lyre, le paradisier, les pélicans… et le wombat au nez poilu, rêvant de son ancêtre, la fameuse wombat à la moustache rouge. 

Les deux conteuses-danseuses (Flore Khoury et Marie Tassin) devant l’écran où apparaissent les images de Flavie Trichet-Lespagnol transforment la narration contée en séquences dansées, et inversement. La création fantastique du monde continue de se déployer, les paysages se transforment, et un incendie gigantesque, comme celui qu’a connu l’Australie en 2018, ravage tout. Joanne Leighton dira dans la discussion d’après spectacle avec le public avoir voulu montrer cette crise actuelle comme une mythologie, pour y mettre de la distance et pouvoir y réfléchir. Et dans ce contact merveilleux avec la terre et les animaux, faire naître le désir de protéger, d’embrasser les différences, de se mettre ensemble pour la traverser.

MARC VOIRY

Le chemin du Wombat au nez poilu a été présenté les 9 et 10 novembre au Zef, scène nationale de Marseille.

MONTPELLIER : Il était une fois l’humain

0
Faire fleurir © Hinterland

Présenté en co-accueil par Montpellier Danse et ICI-CCN Montpellier, cette création Faire fleurir de Nicolas Fayol se découvre comme une histoire sans paroles. Porté par un titre poétique prometteur, presque utopiste en ces temps sombres, cette pièce solo qu’il a lui-même chorégraphié est le récit en mouvement d’un être humain confronté à l’impossibilité de verticalité, et donc de bipédie. Mais aussi par extension de danse, telle qu’on la connaît et qu’on la vit aujourd’hui. Est-ce un handicap ? La réponse est mise en suspens pendant tout ce spectacle qui se déroule sous un cube-ciel bas irradiant de lumière blanche, presque aveuglante, formant un espace presque clos, dont on ne sait pas s’il est enfermement forcé ou cocon bienveillant. Dans ce solo sous contraintes, Nicolas Fayol explore un monde parallèle qui semble infini bien que restreint à quelques mètres carrés. Le danseur est pierre qui roule sans but, enfant qui teste ses limites, animal terrestre qui s’adapte au monde. 

Corps en transition

La quête d’alternative est une exploration portée par une énergie en régénération constante malgré les essais, les ratés, les inattendus. Le tout accompagné en live par le collectif interdisciplinaire Hinterland, bercé par l’électro expérimentale et intimiste du duo Mont Analogue et transfiguré par l’univers visuel rêveur de Jéronimo Roé. Si on ressent la forte influence de la danse hip hop dans la gestuelle de Nicolas Fayol, ce dernier aime plus que tout décloisonner les genres et nous propulse dans un autre mode d’état chorégraphié où le corps semble chercher une forme de fusion bienveillante avec la terre qui le porte, le soutient, l’accompagne. Pieds, genoux, dos, tête, bras… Tout devient appui, énergie, expérimentation. Avec une douceur et une lenteur qui finit par nous envoûter au point de ressentir l’état d’être du danseur. Un corps en transition, comme le devenir du geste. 

ALICE ROLLAND

Faire fleurir de Nicolas Fayol a été présenté les 9 et 10 novembre à l’ICI – CCN, centre chorégraphique national de Montpellier/Occitanie dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée

MONTPELLIER : Rock your body

0
Rrriight now © Leo Vuoso

« Quelle performance ! », se dit-on à voix basse en sortant du Théâtre la Vignette où a été présenté ce lundi 13 novembre le spectacle Rrrrright now. Ce n’est pas que l’affirmer à voix haute aurait été gênant. Au contraire. Le spectateur émerge du spectacle présenté par Paola Stella Mini et Konstantinos Rizos avec un rapport nouveau à ce qui est codifié, normatif, harmonieux. Issus du master exerce ICI-CCN de Montpellier, où ils ont fondé la Cie Futur Immoral, les deux artistes ont une nouvelle fois misé sur leur appétence pour l’expérimental, faisant de l’audace leur contrainte, la créativité leur champ de bataille scénique.

Quatre corps pour un punk 

Pourquoi quatre interprètes ? Sans doute parce qu’il fallait bien quatre corps pour se glisser dans celui de Johnny Rotten, le chanteur des Sex Pistols, emblème absolue du mouvement punk qui a pulvérisé la scène artistique à la fin des années 70. S’immerger dans un espace-temps de liberté absolue, sa radicalité décoiffante, sa créativité alternative, ses excès dévastateurs. Difficile de ne pas être rétif, au début du spectacle, devant ces interprètes en caleçon, chaussettes… et veste d’époque aux relents shakespeariens se mouvant maladroitement sur des airs de Frank Sinatra. Vient la musique rock, forte, répétitive, électrisante. Les gestes sont excessifs, éminemment caricaturaux, souvent très drôles. On se laisse prendre au jeu, acceptant de nouvelles règles scéniques, une approximation volontaire en regard de normes esthétiques que l’on oublie si on ne les confronte pas. Les interprètes eux aussi sont pris dans un engrenage de liberté, leur corps hors de contrôle. Un paroxysme semblent atteint dans une scène de rock performatif mémorable des plus rageuse, suivie d’une overdose d’images, de sons, de révolte gestuelle. Vient l’après. La phase planante, les corps pris entre liberté exultante et contraintes fantasques des substances psychotiques. La chute aussi, dont on ne réchappe pas toujours, du moins pas complètement. Comme on n’échappe jamais vraiment au My Way de Sinatra, punk ou pas. 

ALICE ROLLAND

Rrrrright now, Paola Stella Mini et Konstantinos Rizos a été présenté le 13 novembre au Théâtre de la Vignette, Montpellier, dans le cadre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée.

Les vieux amants

0

Elle est sans conteste une des artistes dramatiques les plus importantes, émouvantes, singulières de la scène européenne. Le principe de son Tango est d’une extrême simplicité. Une femme, vieille, allume les lumières, rejoue le théâtre de sa vie, fait surgir d’une malle ses souvenirs et d’une autre celle du souvenir de son amant, son amour, le compagnon de sa vie. 

Guidés par la musique, variété italienne des années 60 et 70 qui a su être pop sans passer par l’anglais, les deux amants retournent en arrière, vers des souvenirs anciens et précieux. Ceux de leur rencontre, de leur déclaration d’amour, de la naissance de leur enfant, de soirées de fête et d’ivresse. Des gestes de désir, de plaisir, d’amour, passionné, de quotidien aussi, de scènes de disputes taquines, la plupart du temps muettes et dansées, parfois dialoguées, comme le très beau moment où il déclare son amour sur la plage qu’on devine. 

Entre chacun de ces souvenirs la vieillesse resurgit, le corps de la femme (Manuella Lo Sicco) se plie, celui de l’homme (Sabino Civilleri) se raidit, et les scènes extraites des malles du souvenir s’enfouissent dans l’épaisseur du temps. Les accès de toux irrépressibles, la boite de pilules à laquelle ils s’accrochent, le geste compulsif d’une jambe qui s’agite, le mouchoir dans laquelle elle se mouche puis qu’elle ouvre pour montrer à son amant ce qu’elle vient d’expulser, tout cela se décline, à chaque fois, comme un rappel de la fin de la vie qui approche, drôle et tragique en même temps.

Dernier acte

« Le dernier acte est sanglant, quelque belle que soit la comédie en tout le reste, on jette enfin de la terre sur la tête et en voilà pour jamais. », écrivait Pascal dans une de ses Pensées les plus tragiques. La comédie a été belle, même si on ne sait pas très bien à quel moment exact de leur amour l’homme a disparu, jusqu’où ils ont été un couple réel, et quand elle a commencé à imaginer sa présence auprès d’elle, à allumer les lumières, à rouvrir les malles. Une scène où, encore jeune, elle le soigne, le rassérène, le porte comme un enfant vers un lit d’inconscience, suggère qu’il est peut-être mort depuis longtemps, et que depuis longtemps seul son fantôme raide se déplace à ses côtés. Mais avant d’éteindre les lumières et même si la mort est proche, elle sait et rappelle que la vie a été belle, l’amour a été là, nourri de chansons populaires, de bal, de plage et de liberté.

AGNÈS FRESCHEL

Il tango delle capinere d'Emma Dante
Les 9 et 10 janvier
Le ZEF, Scène Nationale de Marseille
www.lezef.org

Parade + Fabulous Sheep 

0
Parade © X-DR

Guitare, basse, batterie et chant, un son brut et énergique et des mélodies accrocheuses, la formule est connue et particulièrement efficace mise en œuvre par Parade, groupe originaire de Marseille. Une musique qui tient du rock garage, du post punk, nourrie de la voix sépulcrale de son guitariste chanteur Julien Henriel, accompagné d’une section rythmique puissante et énergique. Leur deuxième EP It All Went Bad Somehow est sorti en mai dernier, sept titres aux tonalités sombres et urgentes, qu’ils viennent présenter en live au Cargo de Nuit ce 18 novembre. Suivis de Fabulous Sheep, groupe post-punk de Béziers, cinq musiciens bêtes de scène dont le dernier album, Social Violence, sorti en 2022, aligne dans une ambiance post-apocalyptique onze titres de deux ou trois minutes chacun, punk, new wave et garage. M.V.

18 novembre
Cargo de Nuit, Arles
cargodenuit.com

SÈTE et MONTPELLIER : La Biennale en fête

0
© Simon Wolf

Une dernière rencontre, sept rendez-vous spectacles et deux fêtes de clôture sont à l’affiche du 18 au 25 novembre de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée, manifestation initiée par le Théâtre des 13 vents CDN Montpellier, et portée par un ensemble de partenaires culturels à Montpellier et alentours.

C’est d’ailleurs l’un de ces partenaires culturels, le Théâtre Molière de Sète, qui accueillera, le 25, la Fête de Clôture de la Biennale. Le collectif montpelliérain Maison Lieu invite de 16 h à minuit les musiciens Grégory Dargent, Wassim Halal, Anil Eraslan et les chorégraphes Paola Stella Minni et Konstantinos Rizos pour une sieste acoustique, des lectures, une installation sonore, un concert de piano et de musique et photos. Pour finir par une grande fête « psychédélique orientale », proposée par tous les musiciens et artistes : Quart de ton & Mur du son. Ça promet !

À l’affiche

Mais d’ici là il reste de très belles choses à aller voir et écouter. Notamment, le 18 à partir de 16 h, une autre fête, sous le titre Qui Vive ! pour la clôture de la semaine de Rencontres au Théâtre des 13 vents. Au programme : séminaire d’Olivier Neveux, rencontre avec la réalisatrice Simone Bitton et projection de son film Conversation Nord-Sud : Daney / Sanbar, la performance The Waterproofed artist du marocain Younès Atbane, et un DJ set du Libanais Ziad Moukarzel

Quant aux spectacles proprement dits, la semaine commencera le 20 à l’école de cirque Zepetra, à Castelnau-le-Lez, avec À chaque pas que je fais je laisse une empreinte dans le paysage de Nadine O’Garra, amalgame de chapitres performatifs discontinus, dont le thème est le béton ! Le lendemain Runa de la Lali Ayguadé Company, au Chai du Terral à Saint-Jean-de-Védas, une femme et un homme qui évoluent dans les ruines de leurs paysages intimes. La Truelle de Fabrice Melquiot, avec Olivier Nadin, texte vibrant autour de l’histoire de la mafia est présenté le 22 à la Bulle Bleue à Montpellier, et le 23 au Théâtre Jacques Cœur à Lattes. Le 22, le Théâtre Jean Vilar accueille la reprise du solo de Christian Rizzo écrit pour le danseur Kerem Gelebek Sakinan göze çöp batar (C’est l’œil que tu protèges qui sera perforé). 

Les 22 et 23 sera également présenté, au Théâtre des 13 vents, Ordalie de Chrystèle Khodr, actrice, autrice et metteuse en scène basée à Beyrouth, qui sonde avec humour et colère le rapport d’hommes de sa génération à l’héritage historique du Liban. Au Domaine d’O, le 24, Pixelated revolution, conférence-spectacle de Rabih Mroué, qui interroge « de façon non-académique » la circulation d’images filmées en Syrie. Tandis qu’au Théâtre Molière, on pourra assister, le 24 également, au concert des Las Migas, quatre musiciennes qui brisent les codes du flamenco traditionnel pour y ajouter des sonorités jazz, classiques, bossa et tziganes.

MARC VOIRY

Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée
Jusqu’au 25 novembre
Divers lieux, Montpellier, Sète
13vents.fr