lundi 14 juillet 2025
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MONTPELLIER : L’Opéra fait sa rentrée

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Chloeì Dufresne © Capucine De Chocqueuse

Elle était déjà à la tête de l’orchestre en septembre 2022 pour les concerts de rentrée. Et la revoilà sur un programme constitué cette fois-ci de pages opératiques. Entretemps, la carrière de Chloé Dufresne n’aura cessé de prendre de l’ampleur. Il semble loin le temps où la montpelliéraine désormais trentenaire officiait dans le chœur d’enfants affilié à l’Opéra de Montpellier. Et quelle émotion ce doit être de revenir au bercail après une année passée à Los Angeles en compagnie de Gustavo Dudamel, et à peine plus d’un an après sa nomination aux Victoires de la Musique Classique ! Et ce d’autant plus que Chloé Dufresne partage l’affiche avec deux chanteurs tout aussi talentueux : la soprano Manon Lamaison, qui depuis sa formation à Toulouse, Lyon puis Montréal, s’est fait une spécialité des rôles mozartiens ; et le baryton suisse Félix Gygli, membre cette année du International Opera Studio de l’Opéra de Zurich, et Papageno salué à la production de l’Ouverture-Opéra. Autant dire qu’on attendra le duo de pied ferme sur Là ci darem la mano, aria parmi les plus célèbres du Don Giovanni et comptant parmi les incontournables de ce concert généreux en tubes, dont deux extraits des Noces de Figaro. Sous la direction de Noëlle Gény, le Chœur s’est lui aussi mis à Mozart, et au Chœur des voyageurs extrait de l’Idomeneo ; mais aussi aux pièces maîtresses de Lakmé, des Pêcheurs de perles et du Faust de Gounod. Le répertoire italien ne sera pas en reste, puisque Rossini et son Largo al factotum, le Falstaff de Verdi et la donizettienne Fille du régiment seront également au programme. De quoi réviser ses classiques à prix doux, puisque le tarif unique de 10€ reste en vigueur.

SUZANNE CANESSA

Opéra Comédie, Montpellier
23 septembre
04 67 60 19 99
opera-orchestre-montpellier.fr

De la bifurcation du regard

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L'artiste Clarissa Baumann sera en résidence cette année au 3 bis f © Marc Coudrais

Zébuline. Pourquoi avoir nommé la nouvelle saison Incertain regard ? 

Jasmine Lebert. Nous n’avons pas voulu de thématique de saison, mais plutôt l’annonce d’une couleur, par une formule qui nous engage. Lorsque l’on porte un regard sur les artistes invités l’an dernier, on se rend compte que leur trajectoire, leur propos sont interdisciplinaires. C’est ce qui caractérise aussi cette nouvelle saison : une forme très vaste de dénominateurs communs qui passent par la « bifurcation du regard ». Une expression que j’emprunte à la philosophe et dramaturge Camille Louis, une des artistes en résidence cette saison. Elle viendra plusieurs fois pour l’écriture de son essai, La fabrique des yeux secs. Il s’agit de prendre d’autres points de vue, d’autres espaces. 

Vous conjuguez en effet l’espace dans lequel vous vous trouvez avec les créations mises en œuvre ou réfléchies au 3 bis f…

Oui, par exemple, lors des Journées européennes du patrimoine, organisées avec le centre Montperrin, le théâtre pense les espaces du soin. La première exposition de septembre sera d’ailleurs consacrée à Yoan Sorin, Désordres, univers très riche, très lié au relationnel. Nous avons invité cet artiste à partager une soirée dans le cadre d’actoral avec Camille Louis. Ils l’ont composée ensemble en mettant leurs travaux en résonnance. Notre jardin d’art et d’essai est aussi au centre de cette relation. À l’invitation encore de Diane Pigeau, directrice artistique du centre d’art, Clarissa Baumann, artiste à la fois plasticienne, performeuse, danseuse et chorégraphe viendra en résidence de recherche pour travailler sur l’interrelation entre corps, espace, mémoire, un enchevêtrement et encore une « bifurcation » ! 

Qu’en sera-t-il de vos Soirées astrales au jardin ? 

C’est un temps d’expérimentation autour des artistes en résidence. Pour cette troisième édition Rebecca Digne performera sa nouvelle création Delirio, mêlant arts plastiques, danse, texte et bande son tandis que Marin Fouqué proposera une lecture performance autour de son dernier livre À la terre. Il est difficile de tout énumérer, le superbe travail d’Emmanuel Vigier et de Mario Fanfani, de l’inspiration apportée par la philosophe écoféministe australienne Val Plumwood (1939-2008), de la chorégraphe marseillaise Maud Pison, du musicien Thierry Balasse, du metteur en scène Youri Romão et tant d’autres. 

Je voudrais aussi insister sur les groupes de réflexion qui produisent des savoirs « situés » : se croisent les savoirs des expériences vécues, des patients, des artistes, des soignants. Ils reposent sur une méthodologie citoyenne et activent des solidarités entre art et soins, une nouvelle anthropologie des vulnérabilités sachantes s’élabore. Le mouvement du rétablissement est très vivant et très pionnier à l’échelle du territoire.  

ENTETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

3 bis f
Aix-en-Provence
04 42 16 17 75 
3bisf.com

Une Passerelle éprise de nature 

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Maldonne © Nora Houguenade

Zébuline. Le dispositif Curieux de Nature, qui investit chaque automne un espace naturel différent, franchit un nouveau cap : vous emmenez cette fois vos spectateurs sur l’eau ! 

Philippe Ariagno. On commence la saison à Savines-le-Lac, avec RicOchets, une balade poétique et musicale au petit matin sur le lac de Serre-Ponçon à bord d’une carline, un bateau rétro. Nous inaugurons avec ce projet – vraiment particulier et symboliquement fort pour nous, en rapport avec un territoire qu’on apprécie –, un compagnonnage de 3 ans avec Ottilie [B], une chanteuse des Hautes-Alpes qui pratique un magnifique chant diphonique. Plusieurs rendez-vous suivront avec cette compositrice, à l’image de 1 + hein ? dès novembre, trois jours de résidence avec David Lafore, suivis d’une performance. 

Nouveauté cette année, vous proposez de longues séries sur certains spectacles.
En effet, huit dates pour La saga de Molière, de la compagnie Les estivants, une très belle équipe de la région : Johana Giacardi s’empare du texte de Boulgakov, tout en établissant un parallèle entre une jeune compagnie contemporaine et un Molière qiu rencontrait des difficultés en tournée sur les tréteaux, avant d’être connu. Huit dates sont aussi prévues pour De bonnes raisons, un spectacle de cirque par la compagnie La Volte qui aborde le rapport au risque, la nécessaire confiance qu’il induit, ce qui advient lors de la chute éventuelle… Cette programmation est intégrée au parcours des Olympiades culturelles.

Cette saison est aussi largement féminine !
Plus de la moitié des projets est en effet portée par des femmes. Certaines sont des fidèles, telle Maëlle Mays qui propose une nouvelle Leçon impertinente de Zou. Une autre révélation : Leïla Ka, qui fut danseuse chez Maguy Marin. Nous l’accueillons lors de deux soirées, la première autour d’un triptyque qui aborde la notion d’identité, ce qu’on est et qu’on doit être, la frustration de n’être que soi… La deuxième autour de Maldonne, sa nouvelle création. On y retrouve notamment Jane Fournier Dumet, une danseuse qui jouait dans le solo Bien parado de La Méandre. Au rayon théâtre, Estelle Savasta adapte L’endormi, un texte coup de poing de Sylvain Levey, étayé du flow de Marc Nammour, leader du groupe La canaille : de l’excellent rap à hauteur d’enfants, dès 9 ans. Vient ensuite L’affolement des biches, dans lequel Marie Levavasseur, que nous avons accueillie sur toutes ses précédentes créations, se frotte pour la première fois à du spectacle tout public. Avec la douceur et la finesse qu’on lui connaît, elle y aborde la mort, le deuil, la manière de se reconstruire après la disparition de ceux qu’on aime. 

Ces autrices s’emparent aussi de violents sujets sociétaux.

Notamment avec Le jour où j’aimerais pour la première fois sans toi de la compagnie Vertiges, basée à Nice. Après un premier solo de danse aux accents autobiographiques, Alexandra Cismondi y raconte l’histoire d’une famille, qui commémore la mort d’une de ses sœurs advenue lors d’un massacre dans un lycée. Il s’agit d’un texte étonnant, qui prend place dans un futur proche plutôt dystopique. C’est très particulier, le langage n’est pas le même pour les générations, qui ont du mal à communiquer entre elles… Une petite bombe, les collégiens et lycéens adorent ! C’est aussi le cas avec Les femmes de barbe bleue, une relecture du conte de Perrault, dans laquelle les femmes assassinées prennent la parole pour évoquer les arcanes du désir féminin, le mécanisme à l’oeuvre dans les relations toxiques, la figure ambigüe  du prédateur… Il s’agit de se libérer des modèles archaïques qui gouvernent nos inconscients, de chercher à reprendre le pouvoir sur ses désirs. Le tout est porté au plateau par une belle sororité entre les actrices qui s’entraident et s’écoutent. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JULIE BORDENAVE

La Passerelle
Scène nationale de Gap
theatre-la-passerelle.eu

Les valeurs de l’ovalie

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Il n’est pas de bon ton de se plaindre d’accueillir une compétition sportive. La presse, les politiques, les commerçants, les bistrotiers, se réjouissent en chœur de l’arrivée en masse d’un public au « panier moyen » élevé, qui consomme et qui, miracle de l’ovalie, ne fracasse pas, comme le public du foot, les équipements communs et la gueule des supporters de l’adversaire. 

Pour autant célèbre-t-on le sport avec cette Coupe du monde, masculine, de rugby ? Est-ce un hasard si la France, dans cet affrontement des nations, s’accommode d’un deuxième ligne accusé d’avoir cassé du « bougnoule », et d’un chauvinisme qui sombre à pieds joints dans la caricature ? 

La cérémonie d’ouverture avec béret, foulard rouge, baguettes croustillantes, Jean Dujardin recuit et coq géant débile est bien sûr une offense à notre sens esthétique, à toutes les magnifiques compagnies qui savent fabriquer des spectacles à l’échelle d’un stade. C’est surtout un camouflet au pluriculturalisme et à la diversité qui anime nos rues. Non seulement la France, ce n’est pas cela, mais ça ne l’a jamais été, en aucun temps, même pas dans les années 1930, en aucun lieu et encore moins dans un Montmartre fantasmé. 

Tout le travail d’une culture en marche est d’échapper aux images caricaturales qui enferment les peuples et les esprits, de refuser de céder aux fantasmes, de briser les miroirs oublieux d’où ne savent surgir que des hommes, parisiens, blancs, forcément vantards et bons vivants, filous à la main leste. 

Valeur de l’ovalie ? Valeur du sport ? Fierté française ? 

La France sera une grande nation sportive quand elle aura des équipements qui permettent aux enfants d’apprendre à nager, à courir, à sauter, à faire équipe. Quand chacun et chacune pourra pratiquer une activité sportive, à tout âge, performant ou invalide, doué ou maladroit.  Quand elle cessera de confondre sport et compétition, match et affrontement identitaire, sport et spectacle sportif. 

Alors, on pourra se réjouir de partager des valeurs, les plaisirs les gestes des corps en  mouvement. Comme les arts, les sports n’ont de sens que s’ils sont partagés. Dans un spectacle qui construit du collectif et non de la castagne, dans une pratique ouverte et possible pour tous et toutes, et dans une élaboration commune des enjeux et des règles qui les régissent. 

AGNÈS FRESCHEL

Panique identitaire sur le corps des femmes

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La rentrée des classes a vu l’humiliation de centaines de lycéennes et collégiennes françaises, renvoyées chez elles parce qu’elles portaient des vêtements trop amples, trop couvrants ou trop longs. Trop pour qui ? 

La laïcité française nécessite donc qu’on montre les mollets des femmes, la forme de leurs seins de leurs fesses ? Plus de la moitié des jeunes filles qui se sont vu refuser l’entrée dans des établissements publics financés par les impôts de leurs parents ne portaient pas d’abayas. Certaines d’entre elles, adolescentes, n’étaient simplement pas à l’aise avec le fait de changer de formes, et portaient des vêtements amples. Toutes n’étaient pas musulmanes. Mais toutes, bien sûr, étaient racisées.

Comment l’État français en est il arrivé à produire des situations si fortement discriminatoires, si humiliantes, si révoltantes ? 

Alors que tous les théâtres régionaux programment des spectacles qui mettent en scène les difficultés sociales des racisés, le désir d’égalité des femmes, la violence des clivages sociaux, l’importance de l’image du corps, les histoires des exils, les musiques du monde… alors que tout ce travail patient, minutieux, de terrain, de tolérance, d’écoute, de bienveillance, est mené dans tous les établissements culturels, voilà qu’on impose aux établissements scolaires de discriminer leurs élèves à l’entrée ? Aux professeurs de leur refuser leur enseignement ? Au nom d’un principe de laïcité qui ne se fonde plus sur des « signes ostentatoires », mais sur une manière, culturelle, de se vêtir et de concevoir la pudeur ? 

Le corps des jeunes filles restera-t-il toujours un terrain de luttes ? Quand va-t-on les laisser s’habiller comme elles le veulent sans subir de jugement ou de regard inquisiteur ? 

La planète brûle, le climat s’emballe, la guerre s’installe, les candidats à l’exil se noient dans notre mer, mais l’enjeu important de cette rentrée serait d’interdire les abayas et de rétablir l’uniforme ? D’équarrir les singularités, les corps, les différences ? 

S’en prendre au corps des musulmanes, ou supposées telles, n’est qu’un piètre dérivatif, révoltant, de nos angoisses de l’avenir. Boucs émissaires et victimes d’une société incapable de faire face aux changements impérieux et nécessaires qu’elle doit s’imposer, l’autre est redevenu l’ennemi d’une République Française qui n’en finit pas de se croire blanche, catholique et masculine.

AGNÈS FRECHEL

Scène nationale de Cavaillon : Enchantée, Garance

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MONTE CRISTO © Frederic Ferranti

S’inspirant à la fois du philosophe Michel Serres « à quoi bon vivre si nul jamais n’enchante le monde ? » et de l’humoriste Inès Reg « mets des paillettes dans ma vie, Kevin ! », le ré-enchantement entamé la saison dernière par La Garance, sous la houlette de sa nouvelle directrice, Chloé Tournier, se poursuit cette saison. Ancré autour de deux temps forts annuels, le premier consacré à la magie nouvelle en décembre (festival Manip ! du 5 au 9 décembre) le second à la cuisine en mai (festival Confit !). Le tout en compagnie d’artistes complices (Leila Ka, Begat Theater, Pauline Susini et Thierry Collet) et en portant une attention toute particulière « … à la place de la joie et de la convivialité dans un lieu culturel ».

Fêtes de mi-saison

Justement, le premier semestre de la saison va se dérouler entre deux fêtes de présentation. Le 22 septembre, avec le vernissage de l’exposition L’amer du photographe Pascal Grimaud et un concert performance de L-Raphaële Lannadère, mis en scène par Anne-Sophie Bérard (commissaire d’exposition associée à La Garance). Et le 27 janvier, autour des projets du deuxième semestre, suivi du spectacle Ami·e·s il faut faire une pause de Julien Fournet/ l’Amicale : une classe verte culturelle qui part à la recherche des origines du plaisir d’être spectateur·rice, avec mise en pratique : travaux manuels, pâte à modeler et cocottes en papier, séance de relaxation et infusion au thym. 

Complicités artistiques 

Les quatre artistes complices vont chacun·e présenter leur dernière création : Maldone (16 novembre) de Leila Ka, qui poursuit ses réflexions sur les mille manières d’être soi au féminin. Cinq danseuses sur scène, des robes diverses et variées qui tournent et volent, une soirée entre copines, dans l’intimité et le collectif, un ballet féministe percutant. Les Consolantes (11 janvier) de Pauline Susini, qui part de la récolte de témoignages de victimes des attentats de Paris et de Saint-Denis de novembre 2015, pour écrire une fiction théâtrale, où les vivants côtoient les morts, et s’interroger : est-ce que l’expérience de la douceur et de la beauté peuvent aider à réparer ? 

Le Begat Theater va lui créer Home/Land sur la place Maurice Bouchet à Cavaillon (11 octobre), installation sonore où les conflits et les drames des vies individuelles se présentent comme placés sous cloche. Enfin, Thierry Collet reprendra Dans la peau d’un magicien (9 décembre) spectacle dans lequel il raconte, tout en réalisant quelques tours plus que bluffants, son voyage dans l’univers de la magie, depuis qu’il est tombé dans la marmite, à 7 ans.

Pépites

À noter également, dans ce premier semestre, quelques autres rendez-vous précieux : le concert de l’excentrique et envoûtante Zaho de Sagazan (5 octobre – première partie Fred Nevché ), qui viendra interpréter les titres de son premier album très remarqué La symphonie des éclairs. Le nouveau spectacle de la marionnettiste d’Élise Vigneron, Les Vagues (17 octobre) adaptation du livre de Virginia Woolf, où, avec ses marionnettes de glace à taille humaine, elle embrasse cinq parcours de vie, de la petite enfance à la vieillesse. Enfin Stadium (8 et 9 novembre) de Mohamed El Khatib qui convie sur scène, en « live » et en vidéo 53 vrai·e·s supporteur·rice·s du Racing Club de Lens. Une série de portraits sensibles de personnes qui consacrent leur vie au supporterisme. Spectacle avec bières et frites autorisées en salle ! 

MARC VOIRY

La Garance
Scène nationale de Cavaillon
04 90 78 64 64 
lagarance.com

Le PIC : Audaces et entrelacements

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L'ile aux chants mêlés © Martin Sarrazac

Zébuline. Cette saison célèbre des anniversaires…

Raoul Lay. Oui ! En octobre nous fêtons les dix ans du PIC et début 2024, ce seront les trente ans de Télémaque, mais on ne le dit pas ! Je préfère célébrer les mille concerts : le millième concert sera donné le 13 janvier. 

Et toujours le goût de la création…

Le PIC est centre de création. Cette saison, les porteuses de projet en résidence (quatre femmes et trois hommes) arpenteront des univers très variés : la pianiste Amandine Habib viendra avec le talentueux bandonéoniste Victor Hugo Villena pour un duo inédit, Detrás de los árboles (derrière les arbres) au cours duquel ils vont entrelacer les musiques argentine, hongroise, les compositions de Bach et les créations de Gerardo Jerez Le Cam dont Detrás de los árboles ; Lamine Diagne nous fera remonter aux origines du jazz jusqu’au rap sur des textes et du rap d’Ilan Couartou pour une poésie urbaine fascinante rythmée par l’époustouflant beat box de Joss ; Laïla Sage viendra avec Mulattierra, là où vivent les chansons, proposition de la Cie Terracanto qui a travaillé avec des ethnomusicologues sur des chansons de la tradition populaire italienne ; Maura Guerrera présentera Transphonie de Marseille pour un conte allégorique taillé dans une musique liée au territoire provençal et marseillais. Pilpoul, (en yiddish : art de résoudre par la controverse des idées contradictoires), viendra en trio pour une invention cohérente entre jazz, blues, rock. En partenariat avec Tous en sons, Marion Rampal dessinera L’île aux chants mêlés

Et Télémaque ? Le cinéma, un enregistrement…

Le 10 octobre Télémaque sera au Forum Prévert de Carros pour Le rêve de Sam, un ciné concert dont j’ai écrit la musique, et j’aime à dire que ce sont les images qui accompagnent la musique et pas l’inverse [rires]. Nous enregistrerons en septembre Le tournoi des sixtes, un multi-opéra sur le football, la télévision, l’adolescence, les années 1970 que j’ai composé à l’invitation du CRR de Toulon, et cette création est labellisée Olympiade culturelle par Paris 2024. Une fantaisie jubilatoire qui se concrétise d’autant que c’est un travail que devient petit à petit un projet de territoire avec la collaboration de l’équipe de foot féminine de Saint-Henri, du lycée Montgrand, du collège Barnier, des centres sociaux de 15/16… La jonction entre le foot et la musique contemporaine, la danse et le théâtre est étonnante.

Et October Lab ?

Après la Chine, le Canada, le Pays de Galles, nous partons à la découverte de l’héritage méditerranéen avec trois compositeurs, trois îles, la Corse, la Sardaigne et Malte… Peut-on fusionner les instruments traditionnels et la musique savante ? J’ai demandé à chaque compositeur un concerto pour un instrument traditionnel et un orchestre « classique » : un concerto pour mandoline (Vincent Beer Demander) à Karl Fiorini, un pour launeddas, une clarinette polyphonique à triples tuyaux sarde jouée par Michele Deiana, à Jérôme Casalonga, et double concerto pour mandoline et launeddas à Maria Vincenza Cabizza

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

Le PIC
Marseille
04 91 43 10 46 
ensembre-telemaque.com

Les 13 vents de la création

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Il tango delle capinere © Rosellina Garbo 2023

Zébuline. La saison 2023-24 des 13 vents démontre la volonté de mettre en avant la création, cela vous semblait une nécessité dans le contexte actuel ?

Nathalie Garraud. C’est même notre mission fondamentale en tant que centre dramatique national : la création et le soutien aux artistes sont notre cœur de métier et la raison d’exister de ce type de lieu. D’un point de vue sensible et politique, que les artistes puissent être au centre d’une réflexion sur leur époque me semble une nécessité très forte. Afin que quelque chose d’une invention qui naît dans une œuvre soit porté, protégé et partagé avec du public. 

La saison est lancée le 17 octobre par Caligula d’Albert Camus, une pièce aussi philosophique qu’engagée politiquement. La preuve que le rôle du théâtre est aussi de faire réfléchir ?

Le choix et la sensibilité des artistes sont le signe des temps. Jonathan Capdevielle fait partie de l’Ensemble Associé du Théâtre des 13 vents. Le fait que ce grand acteur et faiseur d’art choisisse de travailler sur cette pièce signifie que quelque chose de profond fait écho en lui, notamment dans la question du rapport au pouvoir. La dimension politique ne lui est pas indifférente, pas plus qu’elle ne l’est pour l’ensemble des artistes. Je pourrais citer Brecht et dire que le théâtre a deux fonctions : divertir et instruire. Nous ne devons oublier aucune de ces deux fonctions. Au contraire, il nous faut instaurer une dialectique. 

Comment cette dialectique entre divertir et instruire se décline-t-elle dans vos choix de programmation ? 

Les trois premiers mois de la saison portent assez fort le projet du CDN dans son ensemble. 

Octobre est consacré à un artiste associé, Jonathan Capdevielle, qui fait une nouvelle création en ouverture de saison (du 17 au 19 octobre). Cette pièce a été répétée, travaillée et construite ici.  

En novembre, la deuxième édition de la Biennale des Arts de la Scène en Méditerranée (du 8 au 25 novembre) est un moment très important pour nous. Nous avons construit le projet des 13 vents autour de cette possibilité d’inviter des artistes étrangers avec lesquels nous partageons la même géographie méditerranéenne. La question de l’hospitalité y est essentielle, comme en témoignent trois créations co-produites par les 13 vents : Il Tango delle Capinere d’Emma Dante (9 et 10 novembre), Milk de Bashar Murkus (16 et 17 novembre) et Ordalie de Chrystèle Khodr (22 et 23 novembre). Soit une artiste sicilienne, un artiste palestinien et une artiste libanaise. Cette biennale, un projet collaboratif coopératif regroupant quinze partenaires à Montpellier et alentour, comporte une programmation beaucoup plus vaste que celle que nous proposons au théâtre. 

En décembre, nous présentons notre propre création : Institut Ophélie (du 7 au 20 décembre). Une piècequi commence sa deuxième saison de tournée et que l’on va reprendre avec notre troupe permanente. 

Ainsi, le début de saison reflète notre mission d’hospitalité, une réflexion partagée avec d’autres artistes sur la place de la création dans la vie sociale et la cité ainsi que notre envie en tant qu’artistes-créateurs que le public puisse partager absolument et sensiblement les questions qui nous traversent. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ALICE ROLLAND

Théâtre des 13 vents
Centre dramatique national de Montpellier
04 67 99 25 00
13vents.fr

Au Théâtre Joliette, la révolution harmonieuse

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Losing It © Christian Altorfer

Zébuline. Pouvez-vous nous parler de votre expérience après un an au Théâtre Joliette. Quelles différences avez-vous ressenti eu égard à vos expériences précédentes ?

Nathalie Huerta. C’est avant tout une année de découverte, de prise de connaissances avec la ville. Je viens d’une structure ou je suis restée près de vingt ans [le Théâtre Jean Vilar à Vitry-sur-Seine, ndlr], j’avais l’impression de tout connaitre par cœur, ici tout est à apprendre. J’avais quelques appréhensions mais j’ai été très bien accueillie, et les relations se sont nouées simplement avec les divers interlocuteurs. L’écosystème artistique est important à Marseille et dans la Région Sud.

Quelle place doit donner le Théâtre Joliette à cet écosystème ?
Être ancré dans son territoire, c’est une nécessité : le Théâtre Joliette a perpétué une longue relation avec les artistes locaux. À laquelle nous ne dérogerons pas : la saison s’ouvrira le 16 septembre avec un grand bal festif  préparé par un chorégraphe marseillais, Christian Ubl. Mais ce ne doit pas être un critère en soi, l’axe du projet doit prévaloir. Il y a une grande diversité dans la programmation, que ce soit en termes de formes, d’origines. J’ai tâché de programmer des productions « jamais vues », qui apporteront de la nouveauté dans le paysage marseillais tout en restant accessibles, de créer des rencontres entre les disciplines tout en gardant une identité au niveau des auteurs. 

« Nous avons un rôle sociétal et politique à jouer »

Quelle part prennent les co-programmations cette année ?
Tout d’abord, nous accueillons de nombreux festivals : actoral, Parallèle, le Festival de Marseille, Rencontres à l’Echelle, la Biennale des Écritures du Réel, Klap… Nous portons ensemble les projets. Par exemple en octobre, la création marionnettique Les Vagues d’Elise Vigneron d’après Virginia Woolf est en coopération avec le Théâtre du Gymnase. Dans le cadre du compagnonnage artistique d’Elise Vigneron, deux autres spectacles seront réalisés avec elle cette saison, Glace et le spectacle participatif Lands sur la place en avril. 

La plupart de vos compagnons sont d’ailleurs des compagnonnes, de même que la majorité des artistes programmés cette saison sont des artistes femmes …
En effet, nous suivons en compagnonnage cinq artistes sur une durée de trois ans, quatre femmes et un homme. Nous ne l’avons pas fait exprès, mais c’est finalement si rare que nous en sommes un peu fiers. 

Vous nous avez parlé d’ancrage local, mais vous accordez également une grande importance à la composante internationale.
Le Théâtre Joliette a un fort axe orienté vers le « Sud global ». Nous recevons en novembre trois artistes originaires de Palestine, nous allons aussi programmer des spectacles brésiliens, marocains, mexicains, belges, québécois, suisses… Nous sommes par ailleurs en train de construire avec les Rencontres à l’Echelle un focus autour des artistes subsahariennes en juin. Nous aimons mettre en avant les ancrages multiculturels, comme avec Tamara Al Saadi, artiste française d’origine irakienne, ou l’artiste franco-syrien Fida Mohissen

Que signifie pour vous être une scène dédiée à la création et l’écriture contemporaine ?
C’est être en phase avec le monde, la réalité. Les artistes appréhendent le monde en ouvrant des horizons, et nous avons un rôle sociétal et politique à jouer. Mais en ces temps de crise sociétale et environnementale, le théâtre se doit aussi d’être une bulle de réunion, de joie, d’émotion. Il faut donc trouver un équilibre entre ces deux vocations. Dans ce quartier de la Joliette, qui est avant tout un quartier de travail, le théâtre est par ailleurs un lieu de vie à part entière, qui peut apporter de la fréquentation, et une vraie dynamique avec d’autres lieux culturels.

« Près d’un tiers de notre public sont des jeunes, et pas que des scolaires, la plupart viennent de leur plein gré »

Quelle place sera accordée à la danse cette saison ?
Je suis très attachée à la danse et aux arts du mouvement, mais notre lieu a davantage une identité théâtrale. Notre volonté est donc de nous ouvrir via nos partenariats avec des institutions reconnues telles que Klap, par exemple avec Ayta de Youness Aboulakoul et la dernière création du collectif de danseurs acrobates NAIF Productions. Nous accueillons également Bouziane Bouteldja, un chorégraphe de danse hip-hop, qui a été programmé avec la Biennale des Ecritures du Réel. Il mêle un travail d’action culturelle mêlée à un travail chorégraphique très intéressant. Enfin Dalila Belaza sera programmée dans Figures, dans le cadre du festival Parallèle. Elle mène un travail profond sur la danse traditionnelle.  

Avez-vous eu des retours sur les types de publics fréquentant le théâtre ?
Un gros travail est effectué avec la jeunesse ici. Près d’un tiers de notre public sont des jeunes, et pas que des scolaires, la plupart viennent de leur plein gré [rires]. La diversité culturelle se retrouve dans ce jeune public. Nous souhaitons également travailler sur le champ social, pour que la diversité sociale de la population de la ville se reflète dans le public, comme j’avais pu le faire en banlieue parisienne par exemple ; les communautés étrangères de Marseille se doivent aussi d’être représentées. C’est une démarche difficile mais profonde et précieuse. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA

Théâtre Joliette
Marseille
04 91 90 74 28
theatrejoliette.fr

CHÂTEAUVALLON-LIBERTÉ : Y croire encore ?

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Noces © JC Carbonne

Zébuline. Votre début de saison comporte deux adaptations de films d’Ingmar Bergman. Le diptyque Après la répétition / Persona, mis en scène par Ivo van Hove, que vous interprèterez avec Emmanuelle Bercot fin septembre, et A Bergman Affair en février. Est-ce un choix délibéré ?

Charles Berling. Pas vraiment, non. Il s’agit d’un hasard de calendrier, même si au fond il n’y a jamais vraiment de hasards [rires]. Ivo van Hove avait créé ce spectacle avec une troupe d’acteurs hollandais il y a dix ans, et nous venons de le recréer au Printemps des Comédiens. J’avais vu la pièce à Londres et j’avais été bouleversé. L’œuvre de Bergman embrasse énormément de choses, du point de vue de l’art, du langage, de la compréhension de l’être humain sous toutes ses facettes, y compris les plus retorses. C’est une pièce très forte, et travailler sous la direction d’Ivo van Hove a été une immense joie. Toujours est-il qu’il n’est pas étonnant qu’Olivia Corsini, qui est une actrice et metteuse en scène de grand talent, se soit intéressée à Bergman, elle qui avait mené un projet à terme sur Raymond Carver, immense auteur. Nous avons vu son spectacle et l’avions trouvé très beau. Un heureux hasard, donc. La vraie thématique de ce début de saison, Y croire, qui articule notre programmation, se retrouve à vrai dire dans toute l’œuvre de Bergman, quand on y pense : dans sa façon d’interroger l’amour, et même l’art du théâtre.

« Je prends soin de conserver un équilibre entre le grand spectacle et une exigence artistique à toute épreuve »

Votre programmation opère justement de nombreux allers-retours entre cinéma et théâtre : Bergman donc, en compagnie d’Emmanuelle Bercot plus présente sur les écrans que sur les plateaux, Nanni Moretti qui fera sa première mise en scène sur les planches, Carole Bouquet en Bérénice, Roschdy Zem et Laetitia Casta dans une transposition pour la scène d’Une journée particulière d’Ettore Scola, ou encore Anne Brochet … Peut-on dire que cela est devenu votre marque de fabrique ?

J’ai toujours eu à cœur de dé-segmenter les choses. J’ai toujours effectué ces fameux allers-retours entre les écrans, au cinéma mais aussi même dans des téléfilms – j’ai récemment joué le rôle de Romain Gary pour Philippe Lefebvre, et c’était une expérience formidable ! Tous les acteurs et surtout actrices que vous mentionnez ont déjà fréquenté le théâtre et le cinéma, en y apportant toujours des choses nouvelles. De même que je prends soin de conserver un équilibre entre le grand spectacle, au sens le plus noble du terme, et une exigence artistique à toute épreuve. La seule chose qui me manque, parfois, c’est le temps, car le métier de comédien laisse finalement peu de temps libre pour aller voir jouer les copains [rires]. Je peux heureusement compter sur une équipe incroyable, qui sait prendre le temps de prospecter : Stéphane de Belleval, Benoît Olive, Cynthia Montigny – entre autres ! Et notamment de découvrir et de chérir les compagnies régionales, de leur donner toute l’attention qu’elles méritent. Marie Vauzelle, François Cervantes par exemple… On accompagne ainsi souvent des artistes dans leur reconnaissance nationale, voire internationale. Je suis particulièrement fier que Châteauvallon-Liberté ait permis de mettre en avant une artiste aussi formidable qu’Alexandra Cismondi, par exemple. Et puis il ne vous aura pas échappé que je suis sensible à la notion de fidélité : Michel Boujenah sera de nouveau présentpour son seul-en-scène, Muriel Mayette pour Bérénice, ou encore Olivier Martin-Salvan et son Péplum médiéval. Ce sont des artistes et des personnes que je chéris.

Lancement saison Liberté, Charles Berling © Aurélien Kirchner – Le Liberté, scène nationale de Toulon

« La baisse des budgets qui nous a notamment contraints à amputer cette saison d’une dizaine de spectacles »

Ce début de saison mettra également en avant des artistes s’intéressant à la représentation des Noirs, au théâtre avec Tania de Montaigne mais aussi Kery James côté musiques, la chorégraphe Dada Masilo et son Sacrifice inspiré du Sacre du Printemps… Est-ce une mission qui vous tient à cœur ?

Il me tenait avant tout à cœur de programmer des artistes intéressants, qui avaient des choses à dire et des façons intéressantes de le dire … L’idée n’était évidemment pas de chercher à tout prix une représentativité factice. Un réel rééquilibrage doit être fait, au même titre qu’entre hommes et femmes. Mais je n’ai personnellement pas attendu les quotas pour m’y atteler ! Je m’intéresse avant tout à l’essence des œuvres. Dans mon parcours, ma filmographie, je serais bien malaisé de relever ce qui a pu différer entre un metteur en scène et une metteuse en scène. Lorsque j’ai découvert le travail de metteur en scène de Jean-Pierre Baro, j’ai été soufflé par son travail. Avant même de découvrir qu’il était noir. J’espère parvenir à le programmer sur la saison prochaine, car il a vraiment énormément de talent.

Comment concevez-vous l’avenir de Châteauvallon-Liberté ? Vous appliquez-vous à vous-même le théma de ce début de saison, y croire ?

Bien sûr que j’y crois, et qu’il faut toujours rester optimiste. Mais je n’ai pu m’empêcher de constater, comme tous mes collègues, la baisse des budgets qui nous a notamment contraints à amputer cette saison d’une dizaine de spectacles. L’inflation, la hausse des salaires n’ont toujours pas été compensées, et nous espérons que notre travail d’action culturelle ne va pas en pâtir car il est essentiel. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai l’impression qu’aucun grand responsable politique ne prend la peine de le rappeler : cette nécessité de défendre ce système absolument unique qui doit être pensé en dehors du marché, et non pas en fonction de lui. Mais nous allons tous nous battre !

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA

Châteauvallon – Liberté
Scènes nationales de Toulon et Ollioules
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