mercredi 24 décembre 2025
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(La)Horde, entre nouvelles technologies et patrimoine

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(LA)HORDE / Ballet national de Marseille © Blandine Soulage

Zébuline. Qu’est-ce qui vous a poussé à travailler autour du rapport au numérique et aux multiples dimensions qui peuvent en émerger ?
(La)Horde.
Dans la continuité de notre travail avec (La)Horde, on avait envie de travailler sur les effets des nouvelles technologies et des réseaux sociaux sur nos corps. Mais internet et le multiverse sont juste des prétextes pour échanger et trouver du mouvement, ce qui nous intéresse c’est la rencontre dans le réel. Age of Content est composé de beaucoup de tableaux différents comme différentes possibilités de réalités qui dialoguent et s’entrechoquent entre elles.

Quelles ont été vos principales sources d’inspiration pour cette pièce ? 
On s’est beaucoup intéressé aux danses post-internet, toute cette circulation et ces nouvelles modalités de danse sur les réseaux. Il y a aussi des chorégraphies inspirées par les jeux vidéo. Ça nous a intéressé de se demander comment on pouvait recréer cette virtualité pensée pour être la plus proche des mouvements humains. Les danseurs avec lesquels on travaille ayant des capacités de fluidité et d’envol extrêmes, c’est très étrange de les voir dans des mouvements qui sont réduits, numériques. 

Pour la première fois, vous avez fait appel à des cascadeurs pour préparer le spectacle.
On a toujours travaillé avec des communautés artistiques déjà établies, comme des danseurs de jumpstyle, ou encore des danseurs traditionnels géorgiens. Pour chaque nouvelle pièce on a besoin que le geste soit très technique, comme s’il avait une histoire avant d’être créé en studio.

C’est donc le geste qui vient avant la théorie dans votre écriture ?
En fait, on ne s’intéresse pas forcément à la façon dont les gens dansent mais à la raison. Pour nous, le geste n’est que vecteur d’histoire, on n’écrit pas un mouvement ou une chorégraphie juste pour sa beauté, même si je pense que nos pièces sont assez émouvantes et spectaculaires dans la finalité. On a besoin d’avoir une trajectoire conceptuelle qui nous permette de raconter quelque chose et de soulever des problématiques. Partir d’une esthétique qui n’est pas la nôtre nous permet presque de dépersonnaliser le travail pour ensuite se demander comment faire de cette réalité une fiction. 

© Blandine Soulage


L’année dernière, vous disiez dans les pages de Zébuline vouloir vous produire davantage à Marseille. Avez-vous l’impression que vous avez réussi à le faire ?
Plutôt, oui. L’année dernière on a présenté Room With A View sur le Vieux Port, ce qu’on devrait réitérer cet été avec quelque chose d’inédit. On présente Age of Content à La Criée, dans le cadre du Festival de Marseille, ce dont on est très fiers, et on a aussi des collaborations avec d’autres théâtres. Mais le problème reste qu’il manque d’une salle capable d’accueillir de grandes formes de danse contemporaine avec des décors. Pour l’instant, il n’y a que sur le plateau de La Criée qu’on puisse le faire. 

Pourquoi avoir présenté Age of Content à l’étranger en premier ?
Le BNM est un centre chorégraphique national, une compagnie permanente, mais qui n’a pas dans ses missions de jouer à demeure. C’est par contre l’une de ses missions que de représenter Marseille dans le monde entier. Par ailleurs, comme tout le monde, on est soumis aux décisions de programmation. Marie Didier [directrice du Festival de Marseille, ndlr] a décidé de programmer la pièce au festival, mais ça ne pouvait pas se faire avant. 

La semaine prochaine vous organisez une grande vente de costumes au BNM…
Cette vente d’une partie des fonds de costumes du Ballet s’inscrit dans une réflexion autour de l’histoire et du patrimoine du Ballet qu’on a amorcée à notre arrivée. On a près de 5 000 costumes sans possibilité de réutilisation car ils correspondent à des pièces dont nous n’avons plus les droits. On a donc créé une grande exposition avec le Centre national du costume de Moulins dont on a aussi fait un livre, Danser l’image. Mais il y a aussi tout un fonds de costumes qui est très beau, mais qui n’est pas du patrimoine. C’est une partie de ces pièces que l’on met en vente, avec aussi l’idée que chacun puisse s’emparer de l’histoire du Ballet. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CHLOÉ MACAIRE 

Age of Content
Du 2 au 5 mai
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Room With a View
8 mai
Château d’If, Marseille

80 ans de résistance, ça se fête ! 

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©C.M./R.G./N.S./TnK1PrdZ

« Toujours résistante » peut-on lire sur l’affiche annonçant le concert des 80 ans de La Marseillaise qui se tiendra le 3 mai au Dock des Suds. Le journal, créé par des résistants en décembre 1943, n’a depuis pas cessé de porter la voix des luttes, faisant sien la fameuse phrase de Bertolt Brecht : « celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu ». Après avoir frôlé la disparition en 2020 alors qu’elle avait 77 ans, La Marseillaise continue de se battre pour exister, et faire vivre le pluralisme. Et s’il est d’habitude question de journal de qualité, ce vendredi il s’agira de musique de qualité. Au programme du concert, du rap, du rock, du DJing et de la musique du monde. On retrouve aussi bien des pontes comme Faf Larage ou Quartiers Nord, que des étoiles montantes comme Lansky Namek ou Tony Drime. Pour ce qui est de la musique du monde, La Marseillaise a donné carte blanche à la chanteuse marseillaise Christina Rosmini pour la programmation de cette partie du concert. 

« Donner à La Marseillaise un concert qui ressemble à ses valeurs »

La Méditerranée coule dans les veines de Christina Rosmini, dont les origines sont espagnoles et italiennes. Cette artiste pluridisciplinaire à mi-chemin entre tradition et modernité se définit comme l’une des « porte-parole[s] des valeurs de La Marseillaise », elle qui espère « avoir de justes indignations » et dont le travail et le parcours s’inscrivent dans un courant humaniste. Pour sa carte blanche, la chanteuse a concocté un plateau intitulé « Peuples de Marseille ». Près d’une vingtaine d’artistes issus d’Espagne, d’Italie, de Corse, d’Arménie, d’Afrique du Nord, d’Amérique du Sud et du Moyen-Orient se produiront. Les Comores seront aussi représentées par le Chœur Boras, une chorale de femmes d’origines comoriennes et habitantes de la cité phocéenne, et par l’auteur-compositeur Ahamada Smis. Le but derrière cette programmation est de mettre en avant les différents peuples qui constituent la ville cosmopolite de Marseille. Christina Rosmini, qui prépare un nouvel album et ambitionne de se produire à l’Olympia dans trois ans, ne jouera qu’une seule de ses compositions, mais se greffera spontanément aux chansons des autres artistes. Qu’il s’agisse de Ruben Paz, originaire de Cuba, ou bien de Luisa Briguglio et sa poésie contemporaine, toustes transmettent une musique à laquelle le lectorat du journal résistant peut s’identifier. Car il est là l’objectif principal de Christina Rosmini : « donner à La Marseillaise un concert qui ressemble à ses valeurs ». 

RENAUD GUISSANI 

Concert des 80 ans de La Marseillaise
3 mai
Dock des Suds, Marseille  

Croissance et métamorphose 

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Les propositions culturelles que Zébuline vous annonce cette semaine plongent dans les mémoires, revisitent et colorent les répertoires de regards nouveaux, mettent en parallèle créations artistiques et patrimoines populaires, journalisme et musique de résistance, sports et culture du dépassement et du collectif, ouvrant de nouvelles voies dans une société… qui semble pourtant plus désorientée que jamais. 

À quelques semaines d’élections européennes où une immense vague d’extrême droite s’annonce, alors que la Russie torpille aujourd’hui l’Ukraine de missiles nord-coréens et que le gouvernement israélien continue d’affamer et de massacrer les Gazaouis déplacés, la société française se fracture, comme au bord du gouffre. La côte de popularité d’Emmanuel Macron s’effondre au fil des jours et  les Français semblent de moins en moins dupes des uniformes et abayas agités par le gouvernement pour faire diversion face à l’effondrement de l’école, des services publics et du pouvoir d’achat. Pourtant l’opinion publique ne se révolte pas contre les records absolus de reversement des dividendes, la concentration des médias et l’accroissement sidérant de la richesse des riches. L’insécurité globale du monde, loin de provoquer une révolte populaire, fait naître une vindicte xénophobe et l’affrontement des communautés, crispées sur des valeurs culturelles identitaires et excluantes.

À quels changements du monde faisons-nous face ? 

Nos outils d’analyse manqueraient-ils de pertinence pour décrire l’évolution actuelle des mentalités et le glissement progressif vers l’extrême droite d’une grande partie du monde ? Les économistes, historiens et sociologues, peu enclins à penser la métamorphose, n’envisagent le changement qu’en termes de croissance ou d’extinction, de conservation ou de révolution. Pourtant notre imaginaire d’humain, nos mythologies, depuis Ovide jusqu’aux super-héros, petites sirènes ou mutants comme dans le récent Règne animal, est peuplé d’hybrides et de métamorphes qui évoluent, comme les insectes et les grenouilles, en changeant radicalement de forme pour atteindre leur état adulte ou juvénile. 

Un changement de forme, d’usage et de milieu, est à l’œuvre dans le monde culturel : les Citadelles oppressives s’ouvrent à la fête et à la joie, les langues minoritaires s’affirment comme des cultures valides, les créations se conçoivent dans le croisement, le partage, le droit d’expression de tous.tes, le métissage des formes. La domination masculine recule, la transition de genre se danse, les atypismes se répandent et la sobriété se discute. 

Sommes-nous en train, à l’abri de nos chrysalides, de préparer une nouvelle société dont les organes ne s’alimenteront plus de l’exploitation capitaliste et du mythe du progrès infini et de l’universel ? C’est ce que nos fictions laissent espérer, quand elles ne nous alertent pas sur la fin possible du monde. 

AGNÈS FRESCHEL

De la politique et de nos quotidiens

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lecture mise en scène par Claire Massabo du texte de Cherif Majdalani, Beyrouth 2020, journal d’un effondrement, avec Bruno Bonomo et Pascal Rozan

Parmi les témoignages du foisonnement culturel du pays du cèdre, était à retenir, au couvent des Prêcheurs, la lecture orchestrée par Claire Massabo. La dramaturge, metteure en scène et directrice de l’Auguste Théâtre avait choisi de présenter un texte de Cherif MajdalaniBeyrouth 2020, journal d’un effondrement par le biais d’une lecture à deux voix, Bruno Bonomo et Pascal Rozan. L’ouvrage, construit comme une chronique rythmée par l’égrènement des jours, s’ancre dans l’année 2020. Le 4 août de cette année-là, eut lieu l’apocalyptique explosion du port de Beyrouth, « cinq secondes » qui scellèrent une tragédie.  « Le hasard a quelque chose de romanesque, voire de tragique. C’est il y a cent ans exactement, en 1920, que l’État libanais a été fondé, et on ne peut que rester rêveur devant l’ironie du sort qui fait advenir la ruine d’un pays à la date même de sa naissance, et au moment même où l’on s’apprête à en célébrer le centenaire », écrit Cherif Majdalani. Au fil des pages, remarquablement choisies, se dessine un portrait de la ville et de ses habitants. Les prénoms fusent, les liens se nouent, les amitiés se révèlent mais peu à peu, le constat de la corruption des élites, de la prédation sans vergogne par les plus hautes instances de l’État des ressources du pays, s’impose. « Sur un mur, ce graffiti que j’ai noté il y a quelques jours et qui procède à une belle inversion : le régime souhaite la chute du peuple ».
La catastrophe du 4 août s’avère au fil des pages comme la conséquence inéluctable de la gestion catastrophique de l’État qui a tout abandonné aux pilleurs de tout poil qui imposent une gouvernance inique de trafics et d’exploitation de la population. L’auteur explique : «rentables, très rentables (…), le port et le service des douanes par où passent tous les jours des milliers de tonnes de marchandises, l’aéroport, le service d’enregistrement des véhicules motorisés, le casino du Liban. Autant d’institutions qui toutes possédèrent à un moment ou à un autre leurs propres caisses noires, dont les comptes sont absolument opaques depuis trente ans et où auraient disparu plus de vingt milliards de dollars ».  Le duo des lecteurs complices établit un jeu d’échos, d’amorces de dialogues, de formes d’insistance, d’ironie au sens premier du terme, et orchestre dans le désordre des phrases qui se catapultent une vision de la terrible explosion du port, esthétique du fragment, de la pulsion… Il est question aussi de la douceur de vivre : passages champêtres, moments de retrouvailles et de convivialité apportent leur respiration devant les absurdités administratives et les compromissions, les exactions. Il y a quelque chose des Lettres persanes dans cet ouvrage où la critique du fonctionnement de pays qui nous sont beaucoup plus proches, le nôtre par exemple, semble être mise en lumière, et entre dans le champ des possibles… 
La poésie du texte souligne avec force la violence des institutions menées par des prédateurs sans scrupules alors que dans la nuit d’une énième coupure d’électricité flotte le parfum des gardénias. 

« C’est la lecture de ce livre qui m’a fait prendre conscience plus que jamais de la relation entre notre quotidien et la politique » explique Claire Massabo après la représentation. Quelle leçon !

MARYVONNE COLOMBANI

Le 20 avril, couvent des Prêcheurs, Aix-en-Provence

Là où se perd la mémoire

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Cécile Rattet, Elle au vent, Déployée ! / Journal d’une amnésique au théâtre des Ateliers

Elle rit de son nom de famille si négatif et l’a transformé au fil des ans en véritable défi. C’est sans doute à cause de ce « Rattet/ raté » que s’est affirmé chez Cécile Rattet le goût pour le détournement des mots et une certaine mise en défiance de leur enveloppe parfois trompeuse. 

Le propos ici met en scène une autrice à son bureau qui écrit, rature, froisse, reprend, évoque au point de susciter sa présence, une femme que la mémoire fuit : « elle ne se souvenait que d’une chose, c’est qu’elle avait tout oublié ». Partant de ce postulat contradictoire, se tissent peu à peu des fragments, des émergences, des éclats. Les sens deviennent peu à peu les derniers réceptacles du souvenir. À contre-courant de la pensée cartésienne, ce sont eux qui permettent d’échapper au doute de l’existence, et accordent une épaisseur vivante à un personnage qui se délite. Le goût des pommes de terre, le parfum des fleurs, un murmure, conjuguent leur synesthésie pour donner une consistance à ce qui a abandonné la protagoniste dont même le nom s’est perdu. Les mélodies et les rythmes de Rémi Amadei à la guitare et au piano électronique, sobrement amenés, ourlent le fil des mots en errance, savent ménager des silences pour que la poésie seule du langage éclose. La musique tresse un souple contre-point aux phrases sans les occulter : le verbe se cherche, les syllabes tentent de retrouver leurs articulations, hésitent dans leur orchestration… le mot juste se dérobe.
Il n’est cependant pas de désespoir au cœur du constat de ces pertes. Les interrogations ne se déclinent pas dans une tension tragique mais semblent convier à un émerveillement sans cesse renouvelé du monde. Ce n’est pas parce que le langage se désolidarise de notre appréciation de ce qui nous entoure, qu’il la gomme. Les sensations, l’inexprimé, prennent alors une place centrale. Le corps entre en résonnance avec l’univers sensible et s’en emplit. Naissent alors des passages slamés au micro, comme si la poésie était le dernier refuge, lorsque la musicalité de la parole se condense en ultime lieu du sens. Le lexique importe peu et bienheureux sont « les gens qui doutent » d’Anne Sylvestre convoquée au cours du texte : le doute et l’oubli se mêlent alors avec finesse, cultivant l’indécision souveraine où se féconde la création tandis qu’un sourire espiègle s’adresse à l’autre, à soi… ce peut être la même personne, on ne sait. Les lumières de Laurent Pirard accompagnent les clairs-obscurs d’une pensée en quête d’elle-même. La joie d’exister même sans attaches mémorielles devient alors le seul questionnement important, infrangible bonheur de l’instant…

MARYVONNE COLOMBANI

Spectacle vu le 20 avril au théâtre des Ateliers, Aix-en-Provence

OCCITANIE : Le Cratère s’ouvre aux cultures tsiganes 

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Pink ! 2023 © Marielle Rossignol

C’est trois jours de programmation intense qui s’annoncent au Cratère du 26 au 28 avril. Ce « Temps fort » autour des cultures tsiganes propose de nombreux spectacles, moments conviviaux, ateliers ou encore expositions. Organisé en collaboration avec deux associations tsiganes et un centre social, il invite comédiens, musiciens, danseurs, à faire découvrir au public la richesse des cultures tsiganes grâce une programmation en grande partie gratuite. 

Flamenco
Le flamenco est mis particulièrement à l’honneur, avec trois spectacles de danse et des ateliers animés par Eva Luisa. La danseuse flamenca se produira dès le vendredi soir sur la scène du Cratère avec son Flamenco por dentro, mais aussi le dimanche sur le parvis du théâtre. Dans Ces gens-là, de la Cie d’un jour, Eva Luisa et Adelaïde Motte incarnent la beauté des textes du slammeur Luis Ruiz dans une chorégraphie entre flamenco et danse contemporaine signée Geneviève Choukroune. D’origine tsigane ou non, les danseur.euse.s et musicien.ne.s donneront un aperçu de la diversité qu’il existe dans la pratique du flamenco, que ce soit dans la proximité avec la tradition avec Melizzo Doble de Israel Gálvan et Niño de Elche, ou avec une touche plus moderne avec le concert de Maël Goldwaser et Arthur Bacon

Littérature rom
Mais le flamenco n’est pas le seul art à être représenté lors de ce festival : la littérature rom est aussi mise en avant avec deux lectures de la conteuse Nouka Maximoff, inspirées par des récits traditionnels et des histoires vécues. La première, Chez nous les roms, est plutôt destinée à un jeune public, tandis que les plus grands sont conviés pour Le peuple de la nuit, qui aura lieu un peu plus tard dans l’après-midi (médiathèque Alphonse Daudet, 10h30 et 15h). 

La conteuse est la fille de Matéo Maximoff, l’un des auteurs roms les plus prolifiques et les plus traduits, dont la vie est le sujet d’une des cinq expositions gratuites présentées dans le hall du Cratère au cours de ce Temps Fort. Celles-ci abordent plusieurs pans des cultures roms et gitanes, du pèlerinage de Sainte Sara aux vêtements traditionnels, en passant par les expériences de vie d’artistes, telle celle du photographe et slammeur Luis Ruiz. 

CHLOÉ MACAIRE 

Temps Fort Cultures Tsiganes
Du 26 au 28 avril
Le Cratère, Scène nationale d’Alès
et divers lieux, Alès

À la marge

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© Matis Lombardi

Intégrée au cursus de formation art de la scène de l’AMU, la création universitaire est un temps fort de l’année pour les étudiants et étudiantes qui constituent un collectif artistique complet, du jeu à la technique et passant par la médiation et la production, une manière d’ancrer puissamment le travail théâtral dans tous ses aspects au cœur de la préparation universitaire. Artiste associée, la metteure en scène Wilma Lévy dont la compagnie des Passages s’intéresse à « la figure et à la place des femmes », dans un travail qu’elle qualifie comme « faire du théâtre avec des citoyennes », accompagne cette création.

La pièce est construite sur le modèle d’une enquête au cours de laquelle sont collectées les paroles de jeunes filles incarcérées mais aussi d’historiennes, d’éducateurs et d’éducatrices. Y sont explorées les lignes de vies nées de témoignages et d’archives. Apparaissent violences familiales et institutionnelles et les réponses apportées par le système judiciaire. Marginalité, sororité, notions de justice et d’injustice, de liberté, se dessinent dans une tentative passionnante d’analyse des arcanes du pouvoir, de son exercice et des diverses formes de mise à l’écart des êtres.

M.C.

Du 23 au 27 avril
Théâtre Vitez, Aix-en-Provence

La rue prend le Luberon 

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© Hervé Vincent

Cinq étapes jalonnent cette année la route du festival : après un lancement le 19 avril à Cucuron, la ville d’où tout est parti en 2015, il poursuit ensuite son chemin à La Tour d’Aigues les 20 et 21, Cabrières d’Aigues le 25, Vaugines le 26, pour s’achever à Cadenet le week-end des 27 et 28. En ouverture, la Compagnie Éléphante propose avec Utopy un ballet éphémère, apparition furtive dans l’espace public de deux créatures quasi chamaniques travesties de costumes recyclés, pour une transe mi végétale mi organique (les 19 et 20 avril). Certaines propositions théâtrales prennent ensuite l’espace public comme agora pour y porter des paroles engagées. Avec Hune, Paon dans le ciment donne la parole à tous les invisibles, ceux qu’on appelle parfois pudiquement les zonards, ces “sans port d’attache” qui hantent les marches d’escaliers (les 19, 20 et 21). Les arracheurs de dents, fieffés bonimenteurs oeuvrant en rue depuis 2009 pour y porter texte avec ferveur, panache et humour, abordent cette fois la notion de lutte, puisant dans la verve de Tolstoï (Ni gueux ni maîtres, le 20 avril).

Jubilation collective

Le festival est aussi l’occasion de découvrir plus avant l’univers très singulier de Guillaume Derieux, qui fut un temps crieur public marseillais devant les Halles Delacroix. Il signe ici En roue libre pour le compte de l’incontournable compagnie jurassienne Théâtre Group’. Pio, ancien mécano, y évoque ses sombres souvenirs, entre passion, addictions et rédemption, autour d’une Peugeot 305, totem trônant en milieu d’arène (les 25, 26 et 27). Avec sa propre Kie Faire-Ailleurs, l’artiste propose aussi Nuque rouge, “western déstructuré franchouillard” sous forme de déambulation doublée d’une immersion radiophonique dans la psyché de Poliveau, un homme cherchant à reconstituer un fait divers du passé (le 27 avril). Des digressions plus légères trouvent aussi leur place, tel Le nez au vent de La Bouillonnante, une ode au plaisir de rouler en vélo, depuis l’enfance jusqu’aux premières nuits à la belle étoile. Ces évocations s’accompagnent de croquis au fusain, pour un carnet de voyage grandeur nature (les 26, 27 et 28). Enfin, un morceau de bravoure à ne pas louper : avec L’arrière-pays, Les trois points de suspension & 3615 Dakota puisent dans les tréfonds de notre inconscient. L’arrière-pays éponyme, c’est celui de la petite enfance. Quatre comédiens adultes s’approprient des mots d’enfants pour tenter d’en sonder les enjeux. Devant nous, c’est la comédie de l’humanité qui se rejoue, avec beaucoup d’humour et de subtilité. Paradis perdu ou orée de l’enfer sartrien ? Une jubilation collective, entre ours géant, hommes-buissons et fontaines de jouvence (le 21 avril). En fin de semaine, diverses réjouissances incitent à poursuivre les soirées : Pola Facette, Comité national des arts de la fête, discomobile de Tony Swarez… A noter : sur les 20 spectacles proposés, 5 sont payants (tarif unique à 5 euros).

JULIE BORDENAVE

Le grand ménage
Du 19 au 28 avril
Dans 5 communes du Luberon, legrandmenage.fr

La Mer et ses vagues

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Copyright KAFARD FILMS

Pour son avant dernière soirée au MuCem, AFLAM, nous faisait découvrir La Mer et ses vagues un premier long métrage franco-libanais, en présence de ses jeunes réalisateurs : Liana Kassir et Renaud Pachot

A l’origine du projet, un lieu. Décalé, riche d’un potentiel poétique et symbolique : un vieux phare de Beyrouth abandonné au milieu des buildings. Dix ans de maturation et des difficultés à réunir les fonds pour un film dont le synopsis n’enthousiasme pas les producteurs : par une nuit de pleine lune , la jeune Najwa et son frère Mansour arrivent dans la capitale libanaise. On ne sait rien d’eux. Ils fuient vers la Scandinavie. Lui veut rejoindre une fiancée par delà la mer. Il joue du mijwiz et porte au flanc une blessure à peine recousue. Tous deux errent dans la ville déserte dans l’attente de leur rendez-vous avec leur passeur. Ils croisent un marchand ambulant en tuk tuk, le vieux gardien d’un phare éteint, une vendeuse de billets de loto.

Pour Liana et Renaud, l’histoire vient après, il s’agit avant tout de faire un objet de cinéma avec l’écriture du cinéma :  mouvement et  lumière. De retrouver aussi les mythes et légendes entre flux et reflux, clarté et ténèbres.

Ancré dans la réalité historique et géographique, situant ses personnages par le GPS au degré près, dans un Moyen Orient de guerre et de sang hors champ, de migrations forcées, d’infrastructures déficientes, le film travaille l’imaginaire méditerranéen et universel, mêlant les formes et les registres. Théâtralité d’une ville vidée par la pandémie, étrange comme un rêve. Burlesque à la Tati où l’anachronique gardien mutique, barbe blanche et bonnet marin, sur fond de technologie urbaine, bataille avec une ampoule défaillante ou un tableau électrique antique. Truculence et puissance felliniennes de la marchande de loto, la roue de la fortune entre ses mains. Tragédie pasolinienne, incarnée par le musicien sacrifié, frère du cinéaste italien. Conte oriental des Mille et une nuits, où une princesse attend, assise sur la margelle d’une fontaine, son amoureux clandestin. Comédie musicale aussi. La musique et le chant qui surgissent dans l’image plus qu’ils ne l’accompagnent, la déchirent, à l’instar des faisceaux de lumière qui déchirent l’obscurité.

En prologue, une pythie borgne nous fait face et nous parle : son œil fermé voit le passé, son œil ouvert garde la flamme d’une bougie. Au fil des images, la rotondité oculaire et les points lumineux dans la nuit se déclinent, guidant notre itinéraire de spectateur :  le phare d’une moto, le point de navigation qui danse sur l’écran du smartphone, les réverbères de la Corniche. La lune , grosse, ronde, incandescente. L’œil encore, découvert au fond du tube-tunnel de la longue vue et celui cyclopéen de la lanterne du phare marin enfin rallumé qui balaie la nuit tandis que son gardien crie dans le vide : « Revenez ! Revenez ! »

Tourné en argentique, avec un tout petit budget, ce film, sélectionné par l’ACID à Cannes 2023, est un petit bijou d’intelligence et de créativité.

ELISE PADOVANI

Prochainement en salles

Lorsque le théâtre rencontre son/ses histoire(s)

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Une autre histoire du théatre © Marc Domage

Tant pis pour les recueils de textes et traités du théâtre, le quatuor réuni par la metteuse en scène Fanny de Chaillé, Malo Martin, Tom Verschueren, Margot Viala et Valentine Vittoz, aborde l’art qu’il pratique avec une verve et un humour décapant, s’éloignant de toutes les conventions mais en se jouant des codes à travers leur maîtrise et leur mise à distance – exercice périlleux s’il en est, et subtilement réussi. L’histoire du théâtre, c’est vaste ! Décider de la résumer en une heure prend des allures d’impossible gageure. 

Heureusement l’adjectif « autre » est accolé à l’ambition démesurée du titre, ouvrant d’autres possibles, permettant de réduire le propos géographiquement et temporellement. Tant pis pour l’antiquité ou le Nô, on restera dans les limites des XXe et XXIe siècles en Europe, ce qui est déjà bien trop large pour être épuisé en une seule représentation. Partant des apports des quatre protagonistes, archives, textes aimés, expériences, débats, Fanny Chaillé orchestre discussions collectives souvent enflammées, intrusions d’acteurs, de metteurs en scène, de professeurs de théâtre ou de danse, de personnages mythiques. L’entrée en scène de Louis Jouvet est mémorable, de même que les « confidences » de Jeanne Moreau ou de Sella Adler imprégnée des méthodes de Stanislavski. 

Des corps, des décors 

S’exposent les théories de Pina Bausch qui insiste sur la place des corps, puis de Grotowski : pas de décor, pas d’effets de lumière, pas de grimage ni de costumes, mais l’acteur au centre de tout… Apparaissent au détour d’une confrontation Hedda Gabler (de Ibsen), le shakespearien Richard III. La fragilité de l’art théâtral est rendue sensible par les interrogations qui le nourrissent et le façonnent. La richesse du spectacle au rythme sans faille nous donne à explorer le foisonnement de l’art dramatique, l’évolution de ses mutations et de ses doutes en une mise en perspective pertinente et ludique. Bravo !

MARYVONNE COLOMBANI

22 avril
La Vignette, Montpellier 
24 et 25 avril
Théâtre de Nîmes