lundi 25 novembre 2024
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Jazz et classique créolisés

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Invisible Stream © Muriel Despiau

« Ne plus parler de vivre ensemble, mais le vivre, simplement. » Telle est la déclaration portée par le quatuor de chambre improvisé formé par quatre artistes aventureux du classique et du jazz d’aujourd’hui, à savoir : le jazzman Raphaël Imbert, le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, le pianiste Pierre-François Blanchard et le percussionniste Sonny Troupé. S’inspirant des pensées d’Édouard Glissant et de Pierre Barouh, leur création Invisible Stream prend sa source dans les « courants invisibles », qui relient des hommes et des musiques par-delà les frontières esthétiques et culturelles. Proposant un dialogue de la musique de Raphaël Imbert avec celle de Schubert, Wagner et Ornette Coleman, dans le plus pur esprit de l’improvisation.

MARC VOIRY

Invisible Stream
3 septembre
Conservatoire Pierre Barbizet, Marseille
nine-spirit.com

Marseille represent !

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Hip-Hop Non Stop 2021, Théâtre Silvain © UrbanProd

Marseille, capitale française du rap. Il a fallu près de trois décennies aux édiles pour l’entendre et le comprendre. Et quelques mois à la majorité élue en 2020 pour remédier au mépris, à l’indigne occultation de la culture hip-hop par l’institution municipale. Conçu non pas comme un festival mais comme un dispositif au long cours favorisant l’intervention de l’ensemble des actrices et acteurs de la scène marseillaise, Hip-Hop Non Stop (HHNS) est né en 2021, par la volonté de quelques mairies de secteur. Pour sa deuxième édition, toujours en coproduction avec l’équipe d’UrbanProd, l’événement s’élargit, se densifie, avec l’objectif renouvelé de ne pas faire à la place mais avec celles et ceux, collectifs, associations et lieux, qui font vivre le rap, la danse, le graff, le deejaying et le beatboxing dans les quartiers de la deuxième ville de France. Le temps fort de la manifestation a lieu cette année du 24 au 28 août, au Théâtre Silvain pour les grandes soirées mais aussi dans à la Plaine et au Panier. Par son volet rencontres et débats, la première édition a permis un diagnostic des besoins.

Quarante ans de hip-hop à Silvain

En 2022, l’objectif est d’ouvrir le chantier des réponses que peuvent coconstruire les décideurs publics avec les différentes structures engagées dans le développement de la pratique des différentes disciplines et l’émergence artistique. Sur sa feuille de route, la manifestation n’oublie pas les enjeux culturels et citoyens : l’accès des quartiers populaires à la culture, l’égalité homme-femme, la lutte contre les LGBTphobies, la réduction des émissions de CO2 ou encore l’inclusion des publics en situation de handicap.
Coté programmation, Hip-Hop Non Stop renouvelle sa confiance en l’expérience des opérateurs du terrain tout en incluant les propositions issues d’un appel à candidatures lancée en mai dernier. Ce sont plus de 45 artistes issus essentiellement de la nouvelle scène qui vont se produire au fil de plusieurs rendez-vous. Nouveauté par rapport à l’année dernière, la première soirée au Théâtre Silvain (24 août), en collaboration avec la salle Le Molotov, invite un groupe mythique de la scène new-yorkaise des années 90 : Onyx. Un concert conçu comme un moment fort de transmission entre des artistes d’âges et de courants différents, pour célébrer « 40 ans de hip-hop ». Vont se croiser sur la scène à ciel ouvert de la corniche, Swift Guad, alias le Narvalo, venu de Montreuil (93), Lansky Namek, autrice, compositrice et interprète issue de la nouvelle génération rap/trap du centre-ville de Marseille et L’Amir’al, autre phocéen au talent confirmé. En ouverture, HHNS propose un coup de projecteur sur trois artistes émergents du sud de la France : 3yeuz, Misa (la Z) et Ekloz.
Le lendemain (25 août), pas moins de quatre heures de spectacle mettront à l’honneur la danse, le beatbox et le rap, à travers des créations portées par plusieurs activistes culturels du territoire. Parmi eux, BVice, acteur historique de la scène hip-hop marseillaise, qui accompagne depuis vingt ans de nombreux·ses artistes. L’association ancrée dans le quartier de La Savine et emmenée par Solly et Hassany, met en lumière cinq jeunes accompagnés à l’année.

Danse, graff, scratch et bobines

Hip-Hop Non Stop 2021, Théâtre Silvain © UrbanProd

La compagnie Cré’scène 13, première école spécialisée en danse hip-hop à Marseille depuis 2005, présente la restitution d’une résidence initiée en amont avec une vingtaine de danseurs et danseuses. Puis le collectif Original Rockerz organiste une mini battle et un show de danse inspirés de leurs réputées performances. Quant au collectif East Africa Rise Up, réunissant des artistes d’Afrique de l’Est, il produit, distribue et diffuse la musique créée dans le cadre d’échanges culturels avec la Tanzanie dans le but de sensibiliser aux enjeux socio-économiques mondiaux comme locaux. Pour lancer la soirée, l’association 2 Da Streetz, portée par la marseillaise Tressym’ beatbox double vice-championne de France de beatbox, a préparé un show forcément impressionnant de technique.

On quitte le littoral pour une destination non moins emblématique de la ville. Le quartier du Panier accueille une double projection en plein air (26 août), à partir de 21 heures, sur la place du Refuge. Au programme, deux œuvres qui confirment l’axe à la fois international et local emprunté par l’événement marseillais. Tout d’abord, la pépite du cru, Merlich Merlich, réalisée en 2021 par Hannil Ghilas, issue du programme Moovida de l’association ph’art & balises. Ce film de 19 minutes, dans lequel apparaissent Mombi de Troisième Œil et DJ Rebel, a remporté le Grand prix de l’Urban Films Festival de Paris. La projection est suivie d’une performance de krump, orchestrée par Mugen. En deuxième partie de séance, l’incontournable Rize, de David LaChapelle. Après un temps consacré à des rencontres autour de la professionnalisation (27 août), la journée de clôture de HHNS 22 (28 août) mise sur la dimension pédagogique avec plusieurs ateliers installés à la Plaine. Au menu : graff et sérigraphie avec l’association Planète Émergences, écriture avec Start Up et beatbox avec 2 Da Streetz. Tandis que Kouss anime un open mic parrainé par Pone, que l’association Baham Arts invite à l’after de son festival Umoja et que Marseille Zulu Radio prend les commandes d’un plateau aux nombreuses et nombreux intervenant·es. Un après-midi dominical pour une école buissonnière fortement recommandée.

 LUDOVIC TOMAS

Hip-Hop Non Stop 
Du 24 au 28 août
Théâtre Silvain, places du Refuge et Jean-Jaurès
Marseille
hiphop-nonstop.fr

Piano en Fleurs continue de bourgeonner

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Amandine Habib © Piano en Fleurs 2022

Lancé dès le mois de mai, le festival a arpenté les jardins de Provence avec le même goût de l’itinérance qui le caractérise. Goût qui le situe à mi-chemin entre le jazz, l’improvisation mais aussi le répertoire classique au sens large – du baroque au post-post-post romantique. C’est à Marseille que l’équipe d’Arts et Musiques en Provence et de la Compagnie Nine Spirit, coproducteurs de l’événement, pose ses valises en cette fin de semaine.

Tristan Mélia © Piano en Fleurs 2022

A partir du 26 août, La Magalone accueille des soirées plus qu’alléchantes. Ce vendredi, Amandine Habib, directrice artistique du festival, et Pia Vidal s’attaquent à un programme hautement pictural : les Tableaux d’une exposition de Moussorgski, les Études-Tableaux de Rachmaninov et la Suite Imaginaire de Gilles Alonzo. Le samedi 27 août accueille le programme jazz « Mistake Romance » de Tristan Mélia (18 h), suivi d’un florilège classique concocté par Mūza Rubackytė (20 h), où l’on retrouve notamment des extraits de la sublime Première Année de pèlerinage de Liszt, mais aussi Mozart, Chopin et Scarlatti.

Eriko Renaud Arima © Piano en Fleurs 2022

Dimanche 28 août, deux contes mis en musique par Chihiro Todoroki, Akira Ifukube et Karen Tanaka se succèdent – La Petite Sirène et Tanabata (17 h). Ils sont illustrés en live par Chihiro Iwasaki et exécutés au piano par Eriko Renaud Arima. Un programme idéal pour les jeunes publics, qui sera suivi d’un concert du pianiste et compositeur Johan Farjot (20 h).

Ce dernier explore les œuvres de Lili et Nadia Boulanger, auxquelles il avait consacré un très bel enregistrement l’an dernier – Sisters – paru chez Klarthe. Deux sœurs qui auront tout particulièrement compté dans l’histoire de la musique du XXe siècle, à (re)découvrir de toute urgence.

SUZANNE CANESSA

Piano en Fleurs
Du 26 au 28 août
Jardin de la Magalone - Cité de la Musique 
04 91 31 17 46 · pianoenfleurs.com

Acontraluz : dernière étincelle de l’été

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Adriatique © X-DR

Le festival Acontraluz est un événement à part. Non pas grâce à sa programmation qui ne ferait pas fuir le public des Delta festival ou autre Marsatac, mais grâce à son positionnement dans le calendrier. Il fait de lui le dernier grand rendez-vous électro estival marseillais, plusieurs semaines après ses principaux concurrents. Bien installée entre l’été et la rentrée, la Joliette et le Mucem, cette closing attrape les derniers rayons de soleil et les jette dans les oreilles des festivaliers pas encore rassasiés. Le tout dans une avalanche de mix, de beat et d’ivresse. Bref : d’électro.

Et la lumière fut

Longtemps resté dans l’ombre des plus grands producteurs électro internationaux, Acontraluz met en lumière l’Allemand Stephan Bodzin, le quinquagénaire est considéré par les amateurs du genre comme le saint patron de la techno minimale. Il se complet dans l’épure d’une musique sans fioritures, mais ne lésine pas sur quelques envolées planantes, la grande classe de l’école berlinoise.

Germanophones aussi, mais de l’autre côté du lac Constance, les Suisses d’Adriatique sont également au programme. Si leur électro penche plus vers la house et la techno, on sent dans leur set une retenue et une certaine neutralité chères à leurs racines helvétiques.

En plus de la musique, le festival promet une expérience visuelle en mettant en valeur les monuments qui l’entourent. Fidèle à son habitude, il souhaite aussi servir de tremplin pour des artistes locaux sur une deuxième scène – dont l’ambiance est fréquemment bien plus survoltée que sur la scène principale. Car comme l’évoque souvent l’architecte du Mucem Rudy Ricciotti : le plus important dans la lumière, c’est l’ombre.

NICOLAS SANTUCCI

AU PROGRAMME 
26 août : Stephan Bodzin, Adriatique, Blond:ish, Bedouin, Monika Kruse, Arkadyan
27 août : Pan - pot, Fjaak, Marcel Dettman, Octave One, Francis 
Acontraluz
Les 26 et 27 août
Esplanade du J4, Marseille
acontraluz.fr

Sortez les violons, La Roque-d’Anthéron c’est terminé

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Soirée de clôture © Valentine Chauvin 2022

Le Festival international de La Roque-d’Anthéron est estampillé « piano », cela va sans dire. Ce qui n’exclut pas d’autres familles d’instruments car le piano n’est ni un instrument forcément solitaire ni excluant. La preuve, outre les sessions purement orchestrales, laissant le concertiste du jour se remettre des prodiges accomplis sur son clavier, des formations chambristes (souvent avec piano quand même !) et des représentations où le violon s’affirme soliste voire chef, ont mis à l’honneur les archets.

On a ainsi pu applaudir dans un subtil programme de musique française, (Quintette pour piano et cordes en fa mineur de Franck et Concert pour piano, violon et quatuor à cordes opus 21 de Chausson), l’une des coqueluches – et c’est mérité – du violon actuel, Renaud Capuçon entouré de Manon Galy, Raphaëlle Moreau (violons), Paul Zientara (alto), Maxime Quennesson (violoncelle) et Guillaume Bellom, toujours souverain au piano. Délicatesse, intelligence, expressivité, se conjuguent au cœur de ce programme exigeant et sans doute trop peu joué en comparaison des Chopin, Liszt, Rachmaninov qui emplissent les salles…

Une Écossaise exécutée

Renaud Capuçon revient pour le concert de clôture à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne dont il est le directeur artistique depuis 2021. La soirée est consacrée à deux œuvres de Felix Mendelssohn, l’une des grandes figures du romantisme (certains portraits le représentent en train de donner un concert chez Goethe). Le Concerto pour piano (excellent Jorge Gonzalez Buajasan dont on regrette l’absence de bis qui aurait permis d’écouter l’approche sensible et virtuose du jeune interprète), violon et cordes en ré mineur déploie son architecture souple, enchâssant des passages chambristes au cours desquels piano et violon duettisent à d’amples mouvements d’ensemble. La fougue se mêle à un sens mélodique très sûr, une pointe d’espièglerie se glisse ici ou là… Le compositeur en mai 1823 (date de la composition de l’œuvre) n’a que quatorze ans. Quelle fraîcheur !

La plus connue peut-être des œuvres orchestrales de Mendelssohn, la Symphonie écossaise (n° 3 en la mineur opus 56), conçue dit-on devant la chapelle mortuaire de Mary Stuart envahie de lierre, lors du voyage du musicien en Grande-Bretagne. L’orchestre remarquablement uni et autonome nous emporte dans les brumes des Highlands, brossant des paysages emplis de mystères et de légendes, sculptant les contrastes, dessinant de fines eaux-fortes aux traits affirmés.

Il faut bien un clap de fin

L’équipe de cette superbe édition qui renouait avec des espaces abandonnés les deux dernières années retrouve le niveau de fréquentation de 2019. Un véritable succès, se réjouit René Martin, directeur artistique du festival, tandis que la vice-présidente déléguée du festival, Marie-Claude Alcaraz salue encore le travail des équipes. Qu’ils soient salariés ou bénévoles, leur efficacité, leur présence souriante, leur bienveillance font de ce festival un rendez-vous unique dans le paysage musical. Il invite les plus grands musiciens de la planète et sait garder une atmosphère simple et conviviale, se moquant bien des manières surplombantes ou snobs. Les qualités humaines priment et contribuent de même que le cadre unique (Ah, la merveilleuse allée des séquoias…), à l’atmosphère particulière qui règne ici. Et quel bilan ! 124 propositions artistiques dont 19 gratuites, 63 récitals, 423 artistes invités dont 105 pianistes, répartis sur treize scènes, des ensembles en résidence, des masterclass dispensées par sept professeurs devant 630 personnes. Plus de 62 000 entrées dont 50% viennent de la région Paca (non il ne s’agit pas d’un festival pour jet set parisienne, seulement 17% des entrées proviennent de la région Île-de-France). Certes, il y a toujours le souci de la moyenne d’âge, mais il faut déjà se réjouir des 7% des spectateurs 2022 de moins de trente ans. À cela s’ajoutent les actions culturelles et sociales avec un parcours découverte dédié à une trentaine de lycéens de la région et les soirées pédagogiques en direction des publics prioritaires du dispositif « Ensemble en Provence », porté par le département des Bouches-du-Rhône. 

Rendez-vous est pris pour l’an prochain avec de nombreuses surprises à la clé comme l’ouverture dont René Martin garde le secret avec une gourmandise malicieuse. Du 20 juillet au 18 août 2023, de nouveaux enchantements nous attendent !

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts donnés les 26 juillet et 20 août dans le cadre de la 42e édition du Festival international de piano de la Roque-d’Anthéron qui a eu lieu du 18 juillet au 20 août 2022.

À Barjols, Christian Nironi dans son élément

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Encre de Nuit, Christian Nironi © Maryvonne Colombani

La toute nouvelle galerie auto-co-gérée de Barjols, l’Espace Simple Vitrage, accueille l’exposition Encre de Nuit concoctée par Christian Nironi, dit Chire, qui livre ici une nouvelle facette de son travail. Sculpteur (diplômé des Beaux-Arts de Paris, section sculpture en 1986), il se tourne vers quantité d’autres supports, surprenant sans cesse les publics qui suivent le cheminement de son œuvre. Poétique, celle-ci glane les matières les plus diverses, passe du papier aux objets récoltés, cueillis, à la vidéo, la peinture, l’encre de chine, s’anime en performances vivantes autour du thème de l’eau. On a d’ailleurs pu en applaudir quelques-unes lors des manifestations organisées par les éditions Plaine Page, comme Les Eauditives. Certains thèmes le hantent – le passage, le seuil, la mémoire des sens, l’eau (il est né à Barjols, cité de l’eau) – et nourrissent une inspiration avide d’expérimentations sonores, plastiques, redessinant les imaginaires.

Encre de Nuit, Christian Nironi © MC

Trois éléments entrent dans l’étape présentée lors de l’exposition Encre de Nuit : l’encre de Chine, l’eau et le papier. « Je suis juste le gardien du troupeau, sourit-il. J’avais un lot de papier glacé dont j’aime la matière, abandonné par un imprimeur. J’ai multiplié les tentatives avec mes encres, leur capacité à habiter les feuilles, y couler, s’y inscrire. Au départ, les supports sont très grands, je zoome, je découpe, je choisis, je jette aussi, beaucoup… Tout doit aller très vite, sans reprise. En trois minutes tout est scellé. Aucun retour n’est possible. Je guide, je rassemble, je me laisse surprendre… »

« Sans titre »

Les titres collés sur de petits papiers, sous ou à côté des œuvres encadrées, sont de véritables pieds de nez aux étiquettes qui présentent d’ordinaire les tableaux d’exposition. Nombreux sont ceux qui débutent par la préposition « sans » : « sans titre », « sans rire », « sans rien », « sans quoi ? », avec des variantes homonymes, « sang-froid », « sens dessus-dessous ». Ou interpellent le passant : « Holà ! », « tout est à voir ! », « comment dire ? », « vas-y en premier », « Kaoucoik ». Puis s’échappent en clin d’œil poétique : « l’âme de fond »… Chaque tableautin suit le double axe d’amples mouvements qui rythment et structurent des détails foisonnants au cœur desquels on aime se perdre. Ici, un paysage se dessine. Là, une vision tourmentée brosse ses emportements baroques. Là encore, un ciel offre l’onirisme de ses nuages. Les formats de petite taille enferment des respirations immenses. L’artiste explique encore : « L’eau est là. Sur le papier un travail est à l’œuvre, encre noire, dilution, diffusion, coulures, absorption, rejets, dépôt, impression, puis l’eau lassée se retire ailleurs, intacte, contente de la farce, et puis voilà ! Le jour peut se lever. »

MARYVONNE COLOMBANI

Encre de Nuit, Christian Nironi
Jusqu’au 31 août
Tous les vendredis (18 à 20 heures) et dimanches (11 à 13 heures)
Galerie Simple Vitrage, Barjols
06 12 90 49 25

Patinage pianistique à Durance Luberon

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Tristan Legris © Jean-Pierre Daudon

Certes, l’émotion fait partie des poncifs accompagnant la période romantique, mais là, c’en est trop ! Un orage chateaubrianesque s’est abattu l’après-midi du dimanche 14 août sur la commune du Puy-Sainte-Réparade et la soirée épargnée du déluge réservera de bien mauvaises surprises. Une rosée tenace et récurrente a décidé de s’inviter à la fête programmée par le Festival Durance Luberon et se dépose quasi continument sur le piano. L’accordeur fait des miracles, l’instrument sonne juste, mais offre aux artistes une patinoire pour les doigts, l’humidité s’acharnant sur les touches que l’on s’évertue tout au long de la représentation à essuyer. Vladik Polionov, le fabuleux pianiste régulièrement invité par le festival, maître d’œuvre d’adaptations réussies d’opéras pour piano et voix, sourit en épongeant le clavier qui résonne à chaque passage : « ne pensez pas que vous êtes venus pour un concert de Boulez ! ».

On glisse dans le somptueux

Le concert ne manque pas d’attraits, conjuguant le récit mené par Olivier Bellamy, auteur, entre autres, d’un Dictionnaire amoureux du piano et d’un Dictionnaire amoureux de Chopin (éditions Plon). Il relate les éléments marquants autour des œuvres interprétées : souffrance du départ de Pologne pour Vienne alors que son pays natal se révolte contre le pouvoir russe, sensible dans la simplicité intimiste de la Ballade n° 1 en sol mineur opus 23. L’arrivée à Paris, capitale du piano, et très vite l’engouement pour le jeune pianiste soutenu par l’idole qu’est déjà Liszt, et voici les Études, si virtuoses et poétiques (opus 25 n° 23 et 24). On passera pudiquement sur les dérapages et les rattrapages héroïques de Tristan Legris, remarquable pianiste amateur qui se prête au jeu du concert. Il faut plus que de la maestria pour surmonter les obstacles physiques imposés par les variations météorologiques.

Olivier Bellamy vient au secours des prestations noyées en expliquant le drame humide. L’entracte s’évertua à coup de sopalin et autres chiffons à assécher la marée dévastatrice. On retient le prix des cours de piano donnés par le subtil compositeur : vingt francs-or, environ mille euros, sourit le conférencier, Chopin adorait enseigner et l’Europe entière se battait pour bénéficier de ses leçons…

La seconde partie, asséchée, permet aux pianistes de se libérer de l’angoisse des pertes de contrôle, la verve intelligente et sensible de Vladik Polionov se glisse dans la sublime Ballade n° 4 en fa mineur au thème sensible où semblent se nouer des incertitudes existentielles. En bis, les deux pianistes se retrouvent pour le somptueux quatre mains de Rachmaninov, la Barcarolle opus 11. Souffle de la réconciliation dans l’air froid de la nuit.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 14 août, au château d’Arnajon, dans le cadre du festival Durance Luberon.

Magiques Nuits Pianistiques

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Samuel Parent était sur la scène des Nuits Pianistiques

Trois semaines de Nuits Pianistiques, au rythme d’environ quatre concerts par semaine. C’est le pari d’une programmation particulièrement riche, rassemblant des pianistes d’horizons et de sensibilités divers sur des répertoires plus que variés – et ce malgré une très faible présence de pianistes femmes, pourtant inhabituelle dans ce festival. La virtuosité inhérente à ce format à la fois intime et performatif est évidemment au rendez-vous. On a notamment l’occasion de découvrir la méconnue Sonate en mi bémol mineur de Dukas, interprétée avec une rare dextérité technique mais surtout une émouvante musicalité par Samuel Parent ; ou encore la Grande Polonaise brillante opus 22 de Chopin, sublimée par l’exécution sensible de Carlos Roque Alsina, tout aussi impressionnant sur le Concerto en la mineur opus 16 de Grieg.

Chevalier romantique

Mais ce goût de la virtuosité ne relève heureusement pas de la simple épate : la technique se mettant en effet toujours au service de pages d’un lyrisme assumé. Le piano « chevalier romantique » cher à Liszt trouve notamment en Alexandre Lory un défenseur passionné et passionnant, capable de faire chanter la Ricordanza sans effort ou de faire valser Faust joyeusement. Les inconditionnels des transcriptions de Liszt sont également ravis par sa géniale Symphonie n°9 de Beethoven pour deux pianos, laquelle est entonnée par les non moins géniaux Philippe Cassard et Cédric Pescia. Sur ces pages pourtant si familières, réunies sur ces deux seuls claviers, on croit entendre tour à tour Bach, Mozart et Bruckner.

Une autre modernité se fait également entendre : les couleurs impressionnistes de Debussy, chères à Samuel Parent mais également à Albéniz, et son El Albaicin sont également de la partie. La fougue gitane est en effet convoquée tour à tour par Alexandre Lory et Samuel Parent, pour des résultats étonnamment dissemblables.

Clavier bien tempéré

Si Bach est moins présent que dans l’édition précédente, où Konstantin Lifschitz s’était brillamment emparé des Variations Goldberg, il est cependant chaleureusement applaudi en clôture du festival. C’est le cas sur deux Toccatas méconnues exécutées avec la même chaleur par un Lifschitz tout aussi saisissant sur le contrepoint de Couperin. Ce piano aromantique, peut-être moins prisé des mélomanes, est cependant mis courageusement à l’honneur à cette édition. Alexandre Lory se frotte ainsi avant Lifschitz à Messiaen, avec le même désir de faire surgir une mélodie secrète d’un inimitable et fascinant magma polymodal. Lifschitz fait découvrir à un public pourtant déjà sonné par les oiseaux messianiques le langage tout aussi atypique de Peter Seabourne. Pianiste célébré, Carlos Roque Alsina est également applaudi en tant que compositeur, sur des œuvres joliment exécutées par l’Orchestre Philharmonique de Marseille. De quoi conjuguer le piano au futur proche.

SUZANNE CANESSA

Les Nuits Pianistiques se sont déroulées du 9 juillet au 12 août dans divers lieux à Aix-en-Provence.

« Mon cher mari » nous donne de ses nouvelles 

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Mon cher mari, Gallimard

Rumena Bužarovska est macédonienne, professeure de littérature à la fac de Skopje et experte dans le genre « court » qui lui permet le coup de griffe rapide et le condensé de causticité. Onze nouvelles composent sa dernière parution, Mon cher mari. Le couple en crise raconté selon le point de vue de onze narratrices qui brossent les portraits sans concession de leurs « chers » maris. Bellâtre prétentieux (Mon mari, le poète), infidèle (L’adultère), raciste (Les gènes), misogyne et stupide (Le nectar), condescendant (Un nid vide), complaisant (Un homme d’habitudes), pères attentifs (Père, Les gènes, Lilé), gentleman impuissant (Samedi, cinq heures), ou même, défunt (La soupe). Regards cruels sur les gros nez, les bedons, les calvities, les mollesses, les faiblesses, les ridicules intimes et sociaux, qui révèlent, en retour de bâton, des narratrices pas très reluisantes non plus ! Telle qui, bien qu’intelligente et lucide, s’ouvre comme une orchidée quand son crétin de mari le lui demande. Telle qui s’accroche comme une folle à un amant qui ne veut plus d’elle et met en péril la carrière de son conjoint diplomate par ses excentricités. Telle encore qui, n’ayant pas la fibre maternelle, maltraite son enfant. Sous emprise, jalouses, vaniteuses, volages, vénales, menteuses, dans ces jeux de massacre où le couple ne fait pas la paire, où le foyer sert surtout à cuisiner son malheur et à le garder bien au chaud, les « chères » femmes ne sont pas épargnées. Aucune n’envisage un divorce. Et comme une synthèse, le décalogue s’achève sur une onzième histoire, ironique et gore, intitulée Le 8 mars. La Journée internationale des droits de la femme finit pour la narratrice dans une apothéose de vomi et de diarrhée… L’autrice s’amuse des diktats aliénant les femmes (et les hommes). Le mariage et la reproduction en passages obligés, un bon adultère plus tard pour s’épanouir, avec une dose de clair de lune avant la fellation à l’arrière des berlines. Un constat jouissif mais pas très réjouissant. Et la tendresse ? Bordel !

ÉLISE PADOVANI

Mon cher mari, Rumena Bužarovska
En librairie le 8 septembre
Collection du Monde entier, Gallimard
18,50€

Durance Luberon : Macbeth sauvé des eaux. Pas Nabucco

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On le sait, il a plu, parfois tragiquement ces derniers jours. Et les festivals n’ont pas été épargnés. Dans la cour si prisée du château de Mirabeau (ouverte quasi exclusivement pour le festival Durance Luberon), le public se presse, amateur de voix lyriques et habitué à celles qui allaient le charmer. Celle de la soprano Cécile Perrin qui fut élève de Régine Crespin et arpente les scènes nationales et internationales et celle du baryton Florent Leroux-Roche qui collectionne les prix et revient régulièrement au Festival Durance Luberon

Pour les accompagner, le pianiste Vladik Polionov quitte son rôle de grand soliste et suit finement les respirations des chanteurs, soulignant les traits, dessinant les atmosphères, le tout avec une intelligente élégance. Bref, un cadre idyllique, des interprètes de choix, un programme qui nous conduit de l’opéra Macbeth à d’autres extraits verdiens, air de Léonora (La Force du Destin), air de Renato (Un bal masqué), du prélude du troisième acte de La Traviata au duo émouvant entre Nabucco et Abigaïlle, Donna, chi sei

Rideau

Un océan de parapluies tapisse la cour du château. Chacun bien décidé à servir d’abri dans la grande tradition brassenssienne, le paradis en coin et la bonne humeur de potaches. En attendant que « cela se calme », Florent Leroux-Roche entonne un air, Vladik Polionov esquisse les premières mesures d’une pièce de Rachmaninov malgré le tonnerre, et le spectacle débute sous l’averse. Les musiciens bravent vaillamment les éléments et pour ceux qui écoutent, le duo entre Macbeth et sa terrible épouse Mi si affaccia un pugnal, l’air de Lady Macbeth Perche mi sfuggi… La luce langue à laquelle répond l’air de Macbeth Pietà, rispetto, amore, trouvent une concordance troublante entre les éléments déchaînés et le propos dramatique.

Les voix, superbes, malgré l’humidité (l’un des ennemis des chanteurs) savent se glisser avec justesse et expressivité dans les grands rôles qui leur sont offerts. Animé par la passion de son personnage, le baryton semble, tendant la main vers les cieux, cueillir les éclairs. Le sublime duo Vi trovo alfin trouve surtout des sièges emplis d’eau qui se vident de leurs occupants. Les parapluies craignant de se transformer en paratonnerres fuient allègrement, se moquant bien des références poétiques à Brassens. L’entracte scelle la fin prématurée du spectacle. Débandade à l’italienne, après tout, de Verdi à Fellini, la géographie reste la même. On ne peut que saluer les efforts titanesques des artistes pour offrir malgré tout un concert de qualité.

MARYVONNE COLOMBANI

Le spectacle Viva Verdi a été – presque – donné dans la cour du château de Mirabeau, le 18 août, dans le cadre du festival Durance Luberon.