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Le Songe éveillé de Gwenaël Morin

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« Le Songe » de Gwenaël Morin est donné dans les jardins de la Maison Jean Vilar. PHOTO CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

La comédie estcomplexe. Écrite en 1595 mais située dans l’Athènes antique, elle entremêle plusieurs histoires et oppose le jour à la nuit. Une troupe de comédiens amateur, formée d’artisans, prépare une pièce de théâtre, tandis qu’un couple d’amoureux, les nobles Hermia et Lysandre, fuit la ville pour échapper au mariage avec deux autres jeunes nobles…  et que s’affrontent le roi des elfes et la reine des fées, et que le roi et la reine d’Athènes observent le tout. Tous vont se retrouver dans une mystérieuse forêt le temps d’une nuit et d’un songe.

Gwenaël Morin fait jouer le texte dans son intégralité, et sur un rythme soutenu. Et pour ne rien simplifier à l’enchevêtrement, chaque comédien joue plusieurs rôles. Ils sont six. Les historiques du Théâtre permanent d’Aubervilliers fondé il y a 20 ans par le metteur en scène -Virginie Colemyn, Julian Eggerickx, Barbara Jung et Grégoire Monsaingeon- ainsi que deux acteurs amateurs, Jules Guttier et Nicolas Prosper. Tous interprètent quatre ou cinq personnages.

Pour être distingués dans les différentes intrigues qui se jouent en parallèle, ils changent de costumes, sur scène. Leurs tenues symboliques -une branche de lierre, une toge athénienne, de simples habits de ville, ou juste leurs sous-vêtements noirs- sont souvent le seul indice qui indique au spectateur le changement. Qui se surajoute au changement d’amoureux, puisqu’il est question en cette nuit de songe de philtre d’amour, et d’aveuglement.

L’amour est théâtre

La pièce se joue dans le jardin de la rue de Mons de la Maison Jean Vilar, une belle parenthèse sauvage au milieu de la ville. La scène, à même la terre battue et sans délimitation, permet aux comédiens de se cacher dans la végétation, de courir autour des gradins, d’occuper l’espace. Un espace épuré, avec juste deux grandes lampes, quelques chaises en plastique et deux tableaux.

Pas de féérie dans cette mise en scène, mais une réflexion sur les jeux de l’amour, et leur représentation. Baroque, le Songe de Shakespeare présente l’amour comme changeant et passager. Celui de Gwenael Morin propose une mise en jeu de l’amour au théâtre. Les sentiments exaltés, celui de quatre jeunes gens, mais aussi le désir grotesque mais très charnel, de la reine des fées pour un âne, ou l’amour de Pyrame et Thisbée joué par les artisans travestis. Comique de répétition, petite danse au milieu d’une tirade, et bien sûr quiproquos alimentent la quadrangulaire amoureuse. La représentation finale grotesque de la pièce dans la pièce par les comédiens athéniens conclut le spectacle sur un fou-rire collectif du public.

Le Songe est la première des quatre pièces, une par été, que va présenter Gwenaël Morin. Démonter les remparts pout finir le pont, c’est le nom provocateur qu’il a donné à cet engagement qui a vocation à construire un répertoire de « grands classiques » choisis en fonction de la langue mise à l’honneur par le Festival.

Rafael Benabdelmoumene

Le Songe a été diffusé sur France 3 Provence-Alpes-Côte-d’Azur le 27 juillet, et sera joué  à Martigues le 21 novembre 2023.

Apocalypse soon

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Avocate, présidente de l'association Wild Legal et porte-parole du colectif Or de question, Marine Calmet est une des intervenantes du film © K2 Productions

Le 30 novembre s’ouvrira la COP 28. La conférence onusienne sur le climat devrait, comme ses prédécesseurs, n’aboutir qu’à des espoirs déçus et se tiendra cette année aux Emirats Arabes Unis sous la présidence du PDG de la Abu Dhabi National Oil Company. C’est au cœur de cette actualité écœurante qu’Arte programme le documentaire L’Horloge de l’Apocalypse – quelques secondes pour sauver le monde.

Les réalisateurs Pascal Verroust et Dirk Van den Berg ont ramené de belles et dépaysantes images de Chicago, de Bavière ou encore du Japon pour relater la genèse de cette horloge, métaphore coup de poing créée en 1947 en une du Bulletin of the Atomic Scientists. Et ce dans le but de sensibiliser le public au niveau de danger inédit à la civilisation humaine que posait l’existence des armes atomiques. Ce n’est qu’en 2007 que les risques climatiques sont pris en compte dans le paramétrage de cette horloge qui indique désormais deux minutes avant minuit.

Parmi les interviewé·e·s, on retrouve notamment la climatologue allemande Friederike Otto, la passionnante historienne des sciences Naomi Oreskes, la directrice du Bulletin Kennette Benedict ou le physicien Sivan Kartha. La mise en avant de femmes dans ces sujets techniques trop souvent monopolisés par les hommes s’avère appréciable. Ces interventions de spécialistes apportent un recul bienvenu sur de nombreux mythes : la justification a posteriori de bombardements atomiques inutiles, l’appréhension des enjeux climatiques dans un premier temps par et pour l’armée américaine, le cynisme des pétroliers et la manipulation du grand public. La métaphore de l’horloge ne sert ici que de pivot entre la peur des armes nucléaires et la crise climatique ; deux peurs bien différentes par leur appréhension, l’une immédiate, l’autre plus pernicieuse, mais potentiellement aussi destructrices pour nos sociétés.

PAUL CANESSA

Le documentaire L’Horloge de l’Apocalypse sera diffusé sur Arte le 21 novembre à 23h40, et disponible sur arte.tv jusqu’au 8 janvier 2024.

Musiques débridées

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Petit vacarme © X-DR

À côté de Hip Hop Society au printemps, et des Rendez-Vous de l’Été, Jamais d’eux sans toi est le troisième temps fort de l’année proposé par l’AMI (Aide aux Musiques Innovatrices) à Marseille. Un temps fort crée en 2021 à la sortie de la période Covid, car, comme l’écrivait sa directrice Elodie Le Breut « plus que jamais, il semblerait que les seules urgences dans ce monde d’après soient de défendre la liberté de tous les imaginaires, de toutes les résistances portées par les artistes ». Ce sont les artistes émergent·e·s du programme d’accompagnement Be On qui donnent le la de la programmation de JEST, en présentant leurs expérimentations en cours, à côté de productions issues des résidences et collaborations nationales et internationales organisées par l’AMI, notamment avec la Palestine, l’Algérie, les USA. 

Ouvrez (grand) vos oreilles

L’ouverture de JEST ce sera le 18 novembre rue Sainte, dans l’espace de la Galerie Zemma, avec un double concert : celui de Quel Enfer ! duo d’improvisation formé par Luci Schneider et Tyfen Guilloux, où se rencontrent bandes magnétiques, cordes amplifiées, direct radio, K7 et objets glanés. Et celui de Julie Rousse, artiste sonore, improvisatrice et compositrice électroacoustique qui propose Horizon(s) un espace d’expériences sensorielles, sonores et visuelles, habité par le motif de l’eau. La clôture du festival se fera le 26 à la fois au Gyptis et à L’Embobineuse. Au Gyptis, ce sera avec l’ARFI (À la Recherche d’un Folklore Imaginaire), sept musiciens qui réécrivent la bande-son du film La nuit des morts-vivants, et la jouent intégralement en direct : musiques, bruitages, voix, ambiances, dialogues, sons illustratifs ou abstraits. Quant à L’Embobineuse, elle recevra la Palestinienne Makimakkuk, qui tisse électronique, expérimental, freestyle avec des histoires mixant l’intime, le social et le politique. Fulu Miziki Kolektiv collectif d’artistes « Eco- Friendly-Afro-Futuriste-Punk » basé à Kinshasa, maniant des instruments faits à partir d’objets de récupération trouvés dans les poubelles, sans cesse en mutation, toujours à la recherche de nouvelles sonorités. Et le DJ set « Cosmogonic Techno / Hardgroove Stellaire » des Marseillais Vague Alarme. Entre ces deux dates, il y aura des concerts tout aussi ébouriffants à la Friche (le 21 : Natacha Muslera, Chœur tac-til & Lionel Marchetti, le 25 : Confuse, Cheval de Trait, Moon Squad), au Théâtre de L’Œuvre (le 23 : Emmanuel Scarpa, Fanny Lasfargues & Mike Ladd, Symo Reyn) au Conservatoire (le 24 : L’Ensemble In(dé)fini, Kebbi Williams meets Raphaël Imbert & Co, Petit Vacarme), un repas solidaire et une table-ronde à Coco Velten (le 22) et un atelier et village prévention, J’crains degun à la Mairie du 1/7 (le 24/11).

MARC VOIRY

JEST
Du 18 au 26 novembre
Divers lieux, Marseille
lejest.fr

Place aux compagnies : une première sortie de résidence prometteuse

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Le dispositif de Place aux compagnies 2023 (lire ici notre entretien avec Christophe Cave, directeur de La Distillerie) a démarré avec la présentation d’une première partie du spectacle écrit et mis en scène par Clara Chrétien qui permet d’apprécier le travail accompli. Au début plongé dans la fumée, le décor inquiétant installe d’emblée le spectateur dans une atmosphère étrange. On ne discerne pas tout de suite la forme humaine tassée dans un coin du plateau. Le fond est occupé par une porte percée d’un hublot qui laisse passer une lumière blafarde. Un homme surgit et appelle « Esther ! », la lumière monte peu à peu et l’on distingue la femme assise dans un fauteuil roulant. L’homme demande où il est, la femme au regard noir, excellente Zoé Guillemaud, répond par signes, puis un dialogue confus s’installe. On comprend peu à peu que derrière la porte se trouve un monde mystérieux auquel on ne peut accéder qu’avec une autorisation spéciale. La lumière dévoile alors une autre femme derrière un bureau sur lequel trônent deux vieux téléphones qui vont sonner l’un après l’autre dans un silence pesant. L’autre femme, étonnante Juliette de Ribaucourt, décroche avec des gestes lents et dialogue avec un haut responsable administratif.

Un univers kafkaïen 

Clara Chrétien et la dramaturge Nina Ayachi, qui ont pensé ensemble l’univers scénique, ont su rendre l’atmosphère lourde et menaçante, aidées en cela par les sons et lumières de Guillaume Ohrel. Questionné, l’homme, Stéphane Monpetit, déclare rechercher une jeune femme qui est peut-être de « l’autre côté ». Les deux femmes semblent vouloir l’aider mais la procédure est longue et les autorisations difficiles à obtenir. Cela donne des dialogues cocasses, des regards, des rires fous. Clin d’oeil aux lourdeurs administratives que nous connaissons tous…

À ce stade du travail, on n’en saura pas plus. Il faut attendre une deuxième résidence dont le lieu d’accueil n’a pas encore été trouvé. Qu’adviendra-t-il de cette histoire qui semble s’apparenter à celle d’Orphée descendant aux Enfers pour trouver Eurydice ?

CHRIS BOURGUE

La compagnie des oiseaux par la Cie Le vaisseau a été donné le 11 novembre à La Distillerie, Aubagne.

« Je m’intéresse essentiellement aux femmes en lutte »

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Depuis près de vingt ans à Marseille, Films Femmes Méditerranée affirme que le cinéma des femmes existe, et qu’il a en Méditerranée une force et une actualité particulières. Qu’il est résistant, émouvant, drôle, solidaire, du côté des victimes de l’histoire, de la jeunesse et des résiliences à construire. 

La programmation 2023 le confirme en mettant à l’honneur Sarah Maldoror. La cinéaste, qui a fondé dans les années 1950 la première compagnie de théâtre noire « pour en finir avec les rôles de de servantes », a travaillé à écrire une histoire noire et décoloniale avec ses amis Senghor, Glissant et Césaire, mais en affirmant aussi qu’il fallait filmer les femmes. Son film Sambizanga (1973) qui retrace un amour en contexte de répression coloniale, ouvrira le festival le 18 novembre, et 4 autres soirées lui seront consacrées. 

Familles et luttes

« Il faut soutenir les femmes qui souhaitent travailler dans le cinéma, affirmait-elle. Les hommes ne sont pas prêts à les y aider. » Elles filment, pourtant, des histoires de femmes, souvent des gestes de tendresse et d’amour. Le 20 novembre on pourra voir en avant-première un film de Sonia Ben Slama Machtat, qui suit un orchestre de femmes, familial, dans les mariages tunisiens. Le 21 Blackbird, Blackbird, Blackberry, troisième long métrage de la réalisatrice Elene Navariani, met en scène l’émancipation d’Etero, célibataire amoureuse dans un village géorgien.

Le 22 la présence de la comédienne palestinienne Hiam Abbas, filmée par sa fille Lina Soualem sera un événement : Bye bye Tibériade parle de départ et de liens familiaux, dans une région que le présent bouleverse une fois encore.

Le festival se clôturera le 24 novembre par l’avant-première de Madame de Sévigné, biopic littéraire en costumes d’Isabelle Brocard sur une mère qui aimait démesurément sa fille, Françoise de Grignan, principale destinataire, à Marseille, de son abondante correspondance. 

Entretemps, une programmation passionnante de courts métrages, et d’autres longs, de Dominique Cabrera, Felipa Reis, Lucie Demange, Asmae el Moudir, Zaïda Carmona. Quelques incursions hors de Marseille, un jury des lycéen·nes, une séance jeune public, une billetterie solidaire, et une fête de clôture à Covo Velten dans le cadre de la journée pour l’élimination des violences faites aux femmes et aux minorités de genre. 

SUZANNE CANESSA

Films Femmes Méditerranée
Du 18 au 24 novembre
Divers lieux, Marseille
films-femmes-med.org

Nicole Ferroni, en toute férocité 

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Nicole Ferroni © Julie Caught

Nicole Ferroni, assise derrière une table sur le devant de la scène, s’échauffe tranquillement, en proposant son aide pour mettre en contact les célibataires dans la salle, se demandant si elle a le trac ou si elle a faim, avouant attendre un signe discret de la régie pour commencer le spectacle. Le voici. Introduction en forme d’avertissement : « Si vous êtes venu·e·s me voir pour mes ex-chroniques politiques humoristiques radiophoniques, attention, ce soir, c’est pas pareil ! Il s’agit de poésie et de Marseille ! » C’est Dominique Bluzet, directeur des Théâtres, qui lui a demandé, au moment de la fermeture du Théâtre du Gymnase pour travaux, à elle, ex-chroniqueuse de France Inter, d’aller « semer de la poésie » dans les bars de Marseille. Sans blague ! Et bien, chiche ! C’est au printemps 2022 qu’elle a semé ici et là, autour de quelques comptoirs, en quelques formes courtes, ses vers, écrits par elle ou par d’autres. Et ce soir, aux Bernardines, c’est l’intégrale.

« Hé DJ, mets-nous donc des femmes »

Poésie et Marseille d’accord, mais avec Ferroni c’est aussi Femmes ! L’humoriste s’en donne à cœur joie, et passe au filtre de sa lecture féministe quelques pépites textuelles et musicales patrimoniales : l’opéra Gyptis et Protis (1890) de Boniface et Bodin, interprétation du mythe fondateur de la ville, ambiance gauloise et patriarcale, dont elle joue quelques extraits à sa façon. Je danse le Mia d’IAM, qu’elle chante en le gratifiant d’un « Je te propose un voyage dans le genre, pour danser le miaou » ou d’un « Hé DJ mets nous donc des femmes ». Ou encore Bande organisée avec un « pourquoi niquer quand on peut faire mieux ! ». 

Ce sera façon rap également qu’elle rendra hommage à Louise Michel en slamant Les œuillets rouges, l’une des femmes rebelles et d’écriture liée à Marseille, qu’elle évoque parmi d’autres : la poétesse du XVIe siècle Marseille d’Altovitis, Olympe Audouard, romancière et journaliste du XIXe siècle qui écrira Guerre aux hommes, ou encore Simone de Beauvoir. Avec habileté, entre jeux de mots et caricatures plus ou moins faciles, vulgarités jubilatoires (« Malheureuse est la pachole dont le mari est un pacha »), passant parfois imperceptiblement d’un registre comique à un registre dramatique et inversement, l’ex-chroniqueuse, jamais méprisante pour les personnages qu’elle croque, décale les regards et fait passer ses messages féministes en toute bienveillance et férocité. Sur Marseille, autre grand objet poétique, elle évoquera à travers quelques vers de son cru le « grand remplacement », celui des classes populaires par les bobos (« je le sais, parce que j’en suis »), ou encore avec un humour amer les tragédies des règlements de comptes. Pour terminer par un hommage à la Bonne Mère, et à la cagole. Car voilà un genre de femme qui ne s’en laisse pas conter : « De ton sguègue je fais une tapenade ! ». 

MARC VOIRY

Spectacle donné jusqu’au 25 novembre au Théâtre des Bernardines, Marseille.

Arthur Perole fait parler les corps

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Tendre carcasse © N.F Hernandez

La danse a pour habitude de s’emparer des corps pour leur faire narrer un récit ; elle s’est plus rarement aventurée sur le chemin inverse. Soit interroger les corps sur les récits qui les ont accompagnés, qui les ont façonnés, et leur laisser libre cours sur scène. Ils sont quatre, ce soir-là, sur le plateau du Pavillon Noir : Arthur Bateau, cheveux courts et roses, craignant une fois sa trentaine actée les débuts d’une calvitie ; Mathis Laine Silas, à la tignasse blonde mi-longue savamment coiffée-décoiffée, à l’instar de cette jupe arborée comme un pantalon large ; Elisabeth Merle, exhibant son mètre cinquante-sept non sans rage rentrée, pour prouver « qu’elle en a » ; et Agathe Saurel, heureuse de « prendre de la place », par sa taille, tout d’abord, mais également ces cheveux crêpus qui auront attiré tant de répulsion ou de fascination. Chacun racontera, au fil de confessions dansées dans un mouvement commun continu, ces moments où le corps, et avec lui ce qu’il trahit de l’identité, et de sa condamnation par le collectif. L’humour est toujours de mise, même si les récits d’adolescence voyant l’un traité sans relâche de pédé, et l’autre de singe, font froid dans le dos. Mais rien ne semble heurter ce quatuor accompagné dans ce cheminement qui semble les mener vers un dénudement, mais les conduira à exulter sur un rythme toujours plus festif, sur une création musicale très inspirée concoctée par Benoît Martin. Les chorégraphies d’Arthur Perole ont décidément foi en la jeunesse : et cela en deviendrait presque contagieux !

SUZANNE CANESSA 

Le spectacle a été donné les 9 et 10 novembre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence

À Avignon, du théâtre pour retrouver le chemin des classes

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Classe départ II - Avignon © Alexandra de Laminne

J’aime les gens qui doutent. Entonnée durant la représentation, la chanson d’Anne Sylvestre donne le ton de la proposition, écrite et interprétée par les neuf interprètes (5 gars, 4 filles) de la « Classe départ », promotion 2023. 100 000 enfants et adolescents décrochent, chaque année du système scolaire. 50% des non-diplômés sont au chômage ou inactifs, trois ans après leur déscolarisation. Face à ces statistiques, Bruno Lajara, auteur et metteur en scène, crée en 2015, dans les Hauts-de-France, le Centre d’Art et de Transformation Sociale, à l’origine des Classes Départ. Le dispositif réunit une douzaine de jeunes en rupture sociale, familiale, autour d’actions artistiques et citoyennes. Depuis 2019, par l’entremise de Pascal Keiser et La Manufacture, espace repère du Off, Avignon héberge sa « Classe départ ». 

Je cache. J’ai rien à dire. Nous vivons ! 

Entouré par une demi-douzaine de professionnels, la troupe livre une création pluridisciplinaire, au fil de laquelle, les unes et les autres s’expriment avec ses mots et ses capacités. Au bout du conte, illes vécurent agrège des témoignages, sublimés par un slam, une tirade, une apostrophe ou un riff, lâché par un digne émule de Jimi Hendrix et Alvin Lee. Au cœur d’une boîte noire, où sont plantées trois marches d’escalier, des corps vont et viennent, s’éloignent et souvent se rassemblent le temps d’un chœur, l’espace d’une chorégraphie. L’ensemble sonne toujours juste et révèle quelques vrais talents de plume ou d’interprétation. À la suite de la première, les « aiguilleurs » (acteurs, chanteurs, chorégraphes), ne cachaient pas leur satisfaction, tout en évoquant le chemin parcouru par ces jeunes qui, il y a moins d’un an, regardaient leurs chaussures, maugréaient ou s’emportaient à la moindre difficulté. En moyenne, depuis cinq ans, 70 à 80% des jeunes ayant participé à une « Classe Départ » retrouvent le chemin de l’autonomie, de la formation, de l’emploi. Les résultats sont encourageants et, sur le plateau, les métamorphoses impressionnantes. Une réussite sans doute en lien avec l’accompagnement talentueux et personnalisé de ces petits effectifs. Suite à une série de représentations en juillet dernier, la première promo de la « Classe Départ Avignon », entamera une petite tournée nationale. Souhaitons un futur similaire à ce beau travail de troupe, réunion salutaire de forces qui s’entrechoquent. 

MICHEL FLANDRIN

Spectacle donné dans le cadre du dispositif Classe Départ les 10 et 11 novembre au Théâtre Benoît XII, Avignon.

À l’horizon, ancien et nouveau se rejoignent

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FESTIVAL NOUVEAUX HORIZONS 2023. AIX-EN-PROVENCE. 10/11/2023. PHOTO CAROLINE DOUTRE

Au conservatoire Darius Milhaud d’Aix-en-Provence, les deux représentations du vendredi et du dimanche séduisaient ainsi par leur variété, le talent très investi des artistes qui apportaient leur fougue et leur finesse aux partitions parfois diamétralement opposées qui leur étaient proposées. Passer du Trio pour piano, violon et violoncelle en ré mineur opus 120 de Gabriel Fauré, subtilement servi par le piano souverain de Guillaume Bellom et le dialogue des cordes, Irène Duval (violon) et Maxime Quennesson (violoncelle) à la création de Sasha J. Blondeau, Muter pour deux violoncelles (Maxime Quennesson et Ivan Karizna) relevait de la prouesse. Cette pièce puissante use de toutes les capacités sonores de l’instrument, cordes pincées, frottées, frappées, « oiselées », sons menés de leur plénitude expressive à la saturation, pour une performance qui dessine des paysages urbains puis les quitte, habitant l’âme de résonances nouvelles, une réelle performance ! Le Quintette avec piano (1919) du trop peu connu Frank Martin, faisait dialoguer avec souplesse les violons de Renaud Capuçon et Irène Duval, l’alto de Sara Ferràndez, le violoncelle d’Ivan Karizna et le piano de Guillaume Bellom. Le septuor de Sofia Avramidou What can that be my apple tree?, inspiré du conte La jeune fille sans mains, invitait aux côtés des musiciens précédents le violon d’Anna Göckel, l’alto de Gérard Caussé et le violoncelle de Maxime Quennesson. L’œuvre transmute en sons une idée poétique du propos, métamorphose les timbres, joue des contrastes en une horlogerie minutieuse avant l’éclosion d’une mélodie profonde et salvatrice. 

Traditions

Le premier jour, la fine pianiste Julia Hamos s’attachait au Trio avec clarinette (éblouissant Joë Christophe) de Beethoven puis au très beau Quatuor pour piano et cordes en si mineur de Guillaume Lekeu. Si la création très millimétrée de Christopher Trapani, Slow smoke, donnait une partition particulièrement chargée et délicate à la clarinette, accompagnée de l’univers sonore tissé par violons, alto et violoncelle, elle était fortement datée des débuts des travaux de l’Ircam. En revanche, la pièce nouvelle de Camille Pépin, Si je te quitte, nous nous souviendrons, subtil duo entre le violon de Renaud Capuçon et le piano de Guillaume Bellom, taillée sur mesure pour ces deux brillants interprètes, mélangeait les couleurs, jouait des contrastes, lyrique et fluide, un petit bijou !

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts données du 10 au 12 novembre au conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence.

Défaite dans un verre d’eau

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© X-DR
© X-DR

L’Opéra Grand Avignon dispose décidément de moyens rares et inespérés. À commencer par la qualité de l’Orchestre National Avignon Provence qui, sous la direction musicale de Benjamin Pionnier, sublime la délicatesse de la partition de Dvořák, pétrie d’influences folkloriques et d’un tragique tout droit sorti de chez Wagner. 

Même son de cloche du côté de la distribution vocale, irréprochable : la princesse d’Irina Stopina impressionne, de même que la basse tchèque Wojtek Smilek, grand connaisseur du rôle de Vodnik. Le prince, campé avec vigueur par le ténor ukrainien Misha Didyk, bénéficie d’une projection à toute épreuve, tandis que le rôle-titre, tenu par la soprano arménienne Ani Yorentz Sargsyan, s’érige tout en aplomb et en délicatesse, notamment sur le célébrissime chant à la lune du premier acte porté par son très beau timbre sombré. Sans faute également du côté des facétieuses nymphes – Mathilde Lemaire, Marie Kalinine et Marie Karall, à la complicité tangible.
Tout aurait donc pu être réuni pour que cette collaboration entre Bordeaux, Nice, Marseille et Toulon, sublimée par ses chœurs, compte parmi les productions opératiques les plus réjouissantes du pays, sur cette saison ou la suivante. Mais il y a fort à parier qu’elle ne fasse parler d’elle que l’effarante bêtise de sa mise en scène.

Fermer les yeux

 Il y aurait pourtant eu tant à dire aujourd’hui de cette petite sirène adaptée très strictement d’Andersen par Dvořák et son librettiste. Devenue alors allégorie d’une impossible union entre peuples, Rusalka pourrait aujourd’hui revêtir les traits originaux de l’homosexualité tue, se faire transgenre, transclasse … Car nombreuses sont aujourd’hui les déclinaisons de ce mythe évoquant en premier lieu la mue de l’adolescence.

Mais les metteurs en scène Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeil se sont contentés d’explorer deux idées  peu inspirées. La première consistant à faire des sirènes une équipe de natation synchronisée, avec force vidéos et chorégraphies embarrassantes à l’appui. La seconde consistant à piller toutes les piteuses idées du déjà dispensable clip que Luc Besson consacra à Pull Marine : tête dans un aquarium, poissons en chocolat et piscine gonflable. Le tout est d’une misogynie à couper le souffle : talons aiguilles vertigineux contraignant toutes les chanteuses à une immobilité certaine ; scène de viol greffée au livret sans explication aucune, dans un opéra labellé pourtant « opéra en famille ! ». 

Un accident industriel inexplicable.

SUZANNE CANESSA

La production, partagée avec les autres opéras de la région dans le cadre de l’initiative « Opéras au Sud », fera escale à Nice du 26 au 30 janvier, et les saisons prochaines à Marseille et Toulon.