lundi 25 novembre 2024
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Jardin polaire au parc Longchamp

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Après un été dense du côté des quartiers Nord de Marseille, avec la coordination de l’opération Un été aux Aygalades au sein de la Cité des arts de la rue, c’est en plein cœur de ville que le Centre national des arts de la rue Lieux Publics lance sa rentrée. Pour inaugurer un premier trimestre majoritairement axé autour des arts plastiques, place à une installation monumentale, nommée Borealis, et qui devrait faire tourner les têtes du 8 au 10 septembre : l’artiste suisse Dan Acher propose de faire naître une aurore boréale en plein parc Longchamp, pas moins ! La promesse de pouvoir admirer dans les cieux les couleurs planantes et moirées des lueurs polaires – déclinant toute une palette de couleurs allant du bleu à l’orange en passant par le vert – pour accompagner ces premières soirées d’allure automnale. Après Tokyo, Adélaïde, Londres ou encore Rennes, c’est donc au tour de Marseille d’accueillir cette expérience insolite et grandiose défiant les sens. Derrière l’appel à la contemplation, l’œuvre aborde en sous-texte la force muette et inattendue de la nature, et la nécessaire humilité qui devrait en découler de notre part. Au cœur du propos : les changements climatiques et les remises en question de nos comportements, autant de sujets qui habitent la démarche d’un artiviste international qui aime à bousculer nos routines urbaines. L’installation sera aussi visible à Aix-en-Provence, sur le Cours Mirabeau, les 11 et 12 novembre, dans le cadre des Nuits d’ouverture de la 3e édition de la Biennale des imaginaires numériques organisée parChroniques. 

JULIE BORDENAVE

Borealis, de Dan Acher
Du 8 au 10 septembre, de 21 heures à minuit
Palais Longchamp, Marseille
lieuxpublics.com

À Lourmarin, le classique fait renaissance

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©Château de Lourmarin

Le festival emblématique du château de Lourmarin souffle ses vingt-quatre bougies cette année et demeure fidèle à sa tradition incubatrice. Elle met ainsi à l’honneur les musiciens en résidence : Maxime Alberti sur un programme Schubert et Chopin le 14 juillet, Nicolas Garrigues et Rodolphe Menguy sur Brahms, Schumann mais également Britten et Jongen le 25 août. On retrouve John Gade le 28 septembre pour un récital dédié à Chopin, Scriabine et Ravel, et enfin le Quatuor Mona sur Beethoven et Debussy. De quoi redonner à ces pages romantiquissimes un nouveau bain de jouvence !

D’autres jeunes interprètes plus que prometteurs vont s’imposer sans effort : passées maîtresses dans l’art du quatre mains, Chiara et Fiona Alaimo s’attellent les 28 juillet et 1er août aux classiques du genre – Schubert, Liszt, Stravinsky – tout en proposant quelques pièces solistes. On attend également de pied ferme le récital de Célia Oneto Bensaid le 28 septembre. La jeune pianiste, particulièrement remarquée au festival Nouveaux Horizons de l’hiver dernier, rend ses lettres de noblesse à Charlotte Sohy. Les pièces lyriques en diable de cette compositrice injustement oubliée côtoieront les œuvres plus rebattues mais non moins passionnantes de Schubert et Liszt.

Le Trac en plus

Riche en soirées alléchantes, la programmation des Musiques d’été de Lourmarin s’est également dotée de deux rendez-vous quelque peu éloignés du répertoire de musique classique qu’elle affectionne. Soit une représentation des Fourberies de Scapin par la bien mal nommée troupe Trac le 18 juillet et une soirée de jazz concoctée par Jean-François Bonnel le 6 août. Celle-ci s’attelle à un pari un peu fou, mais quelque peu prisé depuis le tournant de 2020 : recréer le jazz traditionnel des années folles. Pour lequel on espère pouvoir sortir ses plus belles chaussures de danse !

SUZANNE CANESSA

Musiques d'été
Château de Lourmarin
04 90 68 15 23 chateau-de-lourmarin.com

Paréidolie fait toujours bonne mine

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Magali DANIAUX & Cédric PIGOT, Brille, 2022, encre sur papier, 75 x 110 cm © Magali Daniaux & Cédric Pigot ­ Courtesy Polaris, Istres

Du territoire

Qu’est-ce qu’une poule ? Si la question ne vous est jamais venue à l’esprit, une réponse était néanmoins accrochée juste à l’entrée de Paréidolie, sous forme de deux grands dessins de Jean-Jacques Ceccarelli : une poule, c’est un rythme, dans une forme. Un hommage à cet artiste marseillais, décédé en 2017, par Territoires partagés, l’une des deux galeries « du territoire » invitées du salon, en sus des quatorze internationales sélectionnées. L’autre étant Polaris, nouveau lieu d’art à Istres, qui montrait deux paysages imaginaires, réalisés à l’encre bleue, par Magali Daniaux et Cédric Pigot.

Également invitées « du territoire », deux artistes : la première, Mayura Torii, s’amusait à épuiser quelques supports à fantasmes ordinaires – couvertures de magazine de charme, jeux d’argent à gratter, tickets de caisse ; tandis que la seconde, Jeanne Susplugas, proposait un projet en « réalité virtuelle », où, muni d’un casque ad-hoc, on plongeait à l’intérieur d’un cerveau, dessiné par l’artiste.

De la figuration

Même si l’on trouvait de l’abstraction (trames, géométries, calligraphies…) Paréidolie penchait plutôt, cette année encore, vers le dessin figuratif. Quelques exemples parmi d’autres, avec la galerie Modulab de Metz et Roxane Lumeret, auteure-illustratrice de BD et de livres jeunesse, présentant des tableaux aux scènes étranges, teintées de surréalisme, couronnées, à l’issue du salon, du prix Pébéo. Ou avec les œuvres, fragiles et précieuses, de la Marseillaise Karine Rougier, lauréate du prix Drawing Now 2022, représentée par deux galeries : Espace à vendre de Nice, avec de petites boîtes à images, accrochées au mur, et Backslash de Paris, des dessins autour de l’ésotérisme, des dieux, de la nature, du corps féminin, en dialogue délicat avec ceux, plus éthérés, d’Odonchimeg Davaadorj. La galerie parisienne 8+4 présentait les scènes sadiques imaginées par Amélie Barnathan, explorant, façon Jérôme Bosch, l’inconscient torturé de jeunes filles. Ou bien encore, présentés par la galerie Bernard Jordan, les dessins noirs, hantés, angoissants, d’Odile Maarek, se référant à des contes célèbres.

De l’humour

Autre inclinaison du salon : l’humour. Et, mis à part l’ironie de Mayura Torii citée plus haut, un humour s’appuyant assez souvent sur des jeux textes-images : dans le stand de la galerie niçoise Eva Vautier, on pouvait par exemple rire (jaune) avec les décalages illustrations-légendes de Gérald Panighi, résonnant avec les petites ou grandes défaites de la vie. Espace à vendre proposait quelques propositions comiques de Thierry Lagalla, réalisant des « self-vanity (slow version) », affirmant que « L’erreur est une naine », ou examinant « l’importance du retournement lors de l’épiphanie de la saucisse ». Et, dans un registre plus pince-sans-rire, présentés par la galerie Laurent Godin, quelques œuvres de Claude Closky : le laconisme hilarant d’un « Before – After » en gommettes, ou celui de grilles de loto, cochées avec beaucoup d’application et de désinvolture.

MARC VOIRY

Paréidolie, salon International du dessin contemporain s’est tenu les 27 et 28 août, au Château de Servières, à Marseille.

L’Ami allie le Jest à la réflexion

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Luufa, Jest 2022 © DR

Zébuline. Avec Jest, on touche au cœur du travail de l’Ami (Aide aux musiques innovatrices) puisque les projets artistiques présentés sont tous accompagnés ou soutenus par la structure.
Élodie Le Breut. Comme pour la première édition, l’événement a été pensé pour mettre en valeur le travail des artistes et ritualiser la diffusion de l’accompagnement qu’on a engagé auprès d’eux. Toujours dans le cadre du dispositif Be.On, créé l’an dernier, nous avons cette fois lancé un appel à projets. Quatre ont été sélectionnés et trois sont présentés au public. Et il y aura une deuxième phase de présentation au mois de décembre. Ce ne sont pas tous des artistes émergents mais leurs projets le sont. Parce qu’ils présentent des esthétiques pointues ou des projets transdisciplinaires, on les accompagne pendant un an. À côté, nous soutenons d’autres projets de façon plus classique, en étant coproducteurs ou simplement programmateurs de créations inédites.
Votre proposition semble également questionner le format de festival…
Tout le travail de l’Ami a été reposé pendant la période du covid en nous recentrant sur l’accompagnement de l’artiste, le temps long de la création. Le retour à la « normale » – si tant est qu’il y ait une normalité dans la situation d’aujourd’hui – nous a paru extrêmement rapide et dans une forme de boulimie de propositions. À de rares exceptions près, les festivals ont retrouvé leur format initial. Or à la suite des différentes crises qui se succèdent, une grande partie de la population n’est pas en proximité avec l’art. Ce n’est pas la priorité des gens. Nous sommes donc allés dans des lieux qui entreprennent un travail avec la population.
En même temps que le format et la temporalité, Jest invite aussi à réfléchir à l’espace avec un recentrage sur un quartier, celui où est implanté l’Ami, la Belle de Mai.
Au-delà de l’événementiel pur, la proximité avec les habitants nous semblait être un travail de territoire important à faire. Le fait de travailler à la Belle de Mai suscite une vraie réflexion, menée avec beaucoup d’acteurs de la Friche, pour resserrer les liens avec le quartier, avec les habitants comme avec les opérateurs. Si le projet de la Friche a pour ambition d’être un quartier-ville, c’est aussi à nous d’aller dans le quartier. Nous avons donc pensé le parcours et les espaces de notre événement dans ce sens-là.
Pouvez-vous nous parler de quelques artistes programmés et de leurs projets ?
On trouve grande diversité de formes. En musique, il y a Luufa (2 septembre) avec sa pop délurée, Manoir Molle (1er septembre) qui est sur une esthétique plus expérimentale et tellurique ou encore Normal Cracra (3 septembre) entre jazz, krautrock et musiques improvisées sur lesquels intervient un danseur rencontré devant nos studios. Le Corps utopique (1er septembre) est une création sonore qui nous a été proposée par Laurent Pernice. Le duo Garçons Fragiles (2 septembre) invite Laura Perrudin, harpiste reconnue, et le beatboxer K.I.M. pour un concert très particulier sur le toit-terrasse si la météo le veut bien. On a une solution de repli au cas où… On peut aussi citer les deux performances sonores de Lucien Gaudion du collectif Deletere (1er septembre), qui ont aussi une dimension plastique.
En termes d’esthétiques, peut-on mettre des mots sur ce qui est présenté ?
Avec l’Ami, l’idée est justement de ne pas en mettre. D’où le « i » pour innovatrices qui permet d’être très vague et en même temps très clair sur l’intention. Nous sommes dans une recherche d’originalité, de croisement. Les projets sont difficiles à qualifier car hors des normes mais toujours très éclectiques.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Jamais d’Eux Sans Toi
Du 31 août au 4 septembre
Divers lieux à la Belle de Mai, Marseille
jest-ami.webflow.io

Générations hip-hop

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Plateau Créscène 13, HHNS 2022 © Dogan Boztas, Urban prod

Comment a-t-on pu détourner le regard d’un tel bouillonnement ? À Marseille, le hip-hop a tissé sa toile, pendant près de quatre décennies, sans la moindre reconnaissance institutionnelle. Résultat : la deuxième ville de France, berceau du rap français, regorge de collectifs, véritables viviers de passionné·e·s, de vocations, d’artistes en devenir.

Plateau Créscène 13, HHNS 2022 © Dogan Boztas, Urban prod

Il n’y avait qu’à ouvrir les yeux, tendre les oreilles, pendant ces quatre jours de temps forts du dispositif Hip-Hop Non Stop (HHNS), pour mesurer l’emprise d’une culture sur la cité. La cité et non plus les cités. Car la première des leçons à retenir de la deuxième édition de l’événement initié par les mairies de secteur de Marseille est qu’ici le hip-hop est partout. La fracture entretenue par les responsables politiques de l’ancien temps entre le Nord et le Sud n’existe pas quand il s’agit de graff, de beat box, de breakdance. Même les Jeux Olympiques l’ont compris (Le Comité international olympique a inscrit le breakdance parmi les sports au programme des Jeux de Paris 2024).
À flow tendu

Battle Original Rockerz, HHNS 2022 © Dogan Bostas, Urban prod

Il n’y avait qu’à écouter les participants à l’« open mic » organisé le dimanche 28 août, jour de clôture de HHNS 2022, sous le parrainage de Pone (ex-Fonky Family). Il faut voir avec quelle assurance, quel bagou, pardon quelle tchatche, ces garçons et cette fille habitent la petite scène posée sur l’emblématique Plaine, – avec enceintes et projecteurs à énergie solaire s’il vous plaît – devant public et jurés qu’ils et elle regardent droit dans les yeux. Les jeunes ne lisent plus ? Ne savent plus s’exprimer ? En tous les cas, les jeunes écrivent et scandent leur droit à la ville, à la vie et à la lumière ! Plus tard dans la journée, d’autres clichés vont tomber. Notamment grâce à l’association Baham Arts et l’after de son festival Umoja à la ligne afroqueer.

Un dimanche à la Plaine, HHNS 2022 © Dogan Boztas, Urban prod

Parce que rien n’est trop beau pour la grande communauté hip-hop et qu’elle a aussi le droit de fouler les plus belles scènes de la ville, l’écrin du Théâtre Silvain lui sera ouvert lors de deux soirées précédentes. Le jeudi 25 août, les actrices et acteurs du territoire sont mis à l’honneur. Les démonstrations de talent s’enchaînent à flux (flow ?) tendu. De la prestation toujours impressionnante de human beat box proposée par l’association 2 Da Streetz que pilote la double vice-championne de France Tressym’ beatbox à la rafraîchissante restitution de la résidence des élèves de l’école de danse Cré Scène 13, préparée en quelques jours.
Textes féministes

Sise Ici, HHNS 2022 © Dogan Boztas, Urban prod

À chaque fois, le même engagement, le même enthousiasme, la même application et aussi la même fierté à présenter sa pratique artistique à un public qui sort des cercles d’avertis. On reste plus dubitatif devant la sélection de trois rappeurs masculins accompagnés par Le Makeda, Cookie, Lennox et Morféus, aux codes parfois anachroniques quand, quelques minutes plus tôt, la chanteuse Sise Ici expose la pertinence de ses textes féministes et les nuances de son interprétation. Le battle organisé par les Original Rockerz réunit la fine fleur des danseurs (malheureusement aucune femme parmi les concurrents) du Sud. Un show chorégraphique époustouflant guidé par l’émulation, le fairplay et la créativité. Moment sans doute le plus poignant de la soirée, la création pluridisciplinaire du collectif Artistes en exil où un slameur guinéen, un danseur brésilien – le talentueux Breno Angelo – et un artiste graffeur irakien communient sur un message de paix et de fraternité. C’est aussi ça le hip-hop.

Onyx, HHNS 2022 © Dogan Boztas, Urban prod

Hip-Hop Non Stop ouvrait sous les meilleurs auspices avec un plateau rap aux noms – une fois n’est pas coutume – prestigieux, le 24 août et toujours au théâtre Silvain. Entre les stars newyorkaises enragées d’Onyx, le Narvalo de Seine-Saint-Denis Swift Guad et les représentant·e·s de la scène marseillaise Lansky Namek et L’Amir’Al ou encore Misa et Ekloz comme entre les sonorités des années 90 de la côte Est et celles, plus bariolées, des villes populaires de l’Hexagone, les quarante ans de hip-hop ont été célébrés sous le signe de la diversité des courants et des époques.

LUDOVIC TOMAS

Le temps fort de Hip-Hop Non Stop 2022 a eu lieu du 24 au 28 août dans divers lieux de Marseille.

La vie rêvée de Verónica

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La Verónica, Leonardo Medel, 1h40

En 2016, Leonardo Medel signait le premier long métrage chilien en réalité virtuelle : Constitución. L’année suivante, un film interactif : Harem. Son nouvel opus, La Verónica, interroge, entre rire et effroi, dans un jeu de masques et de massacres, cette virtualité que le cinéaste connaît si bien. La Verónica, c’est d’abord un dispositif : une cinquantaine de plans séquences, caméra fixe. Cadrages rapprochés, le plus souvent visage ou buste, de la même femme à la beauté idéale et normée de bimbo brune. Comme des clips publicitaires, des shoots de casting, des selfies relayés par un Smartphone omniprésent. Verónica se détache sur des fonds en aplats nets fortement colorés, ou apparaît dans le noir, ses lèvres exagérément rouges. Ses interlocuteurs sont flous ou en retrait, saisis de dos face à elle, derrière ou à ses côtés pour des selfies partagés. Le visage de Verónica vu par Verónica et les « instagrameurs », ou par l’objectif du réalisateur qui comme nous, la regarde se mettre en scène, se dissimuler en se montrant. Une virtuosité technique manipulatrice qui n’aurait pas grand intérêt si elle ne devenait pas le sujet même du film. Comédie satirique et politique, drame psychologique et thriller, le jeune réalisateur chilien brouille les genres, joue sur les limites privé-public, vérité-mensonge, bien et mal. Il crée, en huis clos, une tension dramatique qui va crescendo. L’actrice Mariana Di Girólamo, qu’on ne quitte pas des yeux, excelle à passer d’un registre à l’autre.

Vie de rêve

Verónica est l’épouse de Javier, star du football international, revenu au Chili natal depuis peu. Mannequin à la plastique parfaite, elle habite une villa de rêve, dotée d’une piscine de rêve. Maman de rêve d’une petite Amanda, elle forme avec Javier un couple de rêve avec des neveux de rêve. Elle publie sur Instagram les images de sa vie de rêve, qui bien sûr ne l’est pas : un bébé qu’elle n’aime pas et qui pleure sans cesse, faute de soin, une mère qu’elle cache, une morte à qui elle dévoile sa noirceur, un procureur qui la traque pour un présumé infanticide, des rapports conjugaux minés par une jalousie dévorante et un projet qui l’occupe à plein temps : obtenir 2 millions de followers pour devenir l’égérie d’une grande marque de maquillage. Prête à tout pour atteindre son but, incapable d’empathie dans la folie de son narcissisme névrotique, est-elle victime ou bourreau ? Verónica participe d’un monde ultra libéral, soumis aux lois de l’offre et de la demande : elle donne à ses fans ce qu’ils veulent. Et très professionnellement, se vend. Manipulatrice, elle est tout autant manipulée par le diktat des apparences. Aliénée par les fantasmes de ses adorateurs qu’elle contribue à conforter.

La Belle et le Monstre

Une écrivaine l’accompagne pour écrire son hagiographie people, complice de ses mensonges. Qu’est-ce qui se cache derrière ce visage ? écrira-t-elle en conclusion de son livre. À des fins de promotion, Verónica pose avec une jeune femme brûlée, défigurée : la Belle et le Monstre. Mais nous savons bien que le monstre, c’est la Belle. Il y a du Mr Hyde dans Verónica. Dualité morbide et joie du Mal. Chaque époque génère ses propres Monstres qui cristallisent son génie maléfique. Ici, le Monstre se nourrit de la représentation virtuelle mondialisée, de la falsification des relations humaines qui prennent la pose sur des réseaux devenus miroirs aux alouettes. Le réalisateur introduit dans son film une scène d’éclipse totale et la protagoniste porte un prénom qui signifie « porteuse de victoire ». Des augures plutôt glaçants !

ELISE PADOVANI

Sortie en salles le 17 août.

Nkumba System était au rendez-vous du lac

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À la tombée du jour, les pelouses du parc de Maison Blanche descendent en pente douce vers son petit lac – très petit car complètement à sec – où sont organisés Les rendez-vous du lac. Mais tout le monde est tourné vers la petite scène, montée sous un immense tilleul, tout en étant installé à la cool pour le pique-nique, grands tissus posés sur l’herbe, chaises de jardin ou de camping, fauteuils de plage, tables disséminées ici ou là. Le concert des Nkumba System démarre pile à l’heure : 20 heures. Les cinq musiciens, Cindy Pooch (chant), Jhon Socha (basse, choeurs), Simba Daniel Evousa (guitare), Cédrick Bec (batterie) se sont réunis autour du guitariste Guillo Cros en 2018 à Bogota (Colombie). Un combo qui mélange dans ses compositions originales rythmes sud-américains et guitare africaine : cette guitare à la fois rythmique et mélodique, sautillante et chantante, qui va introduire pas mal de morceaux d’une phrase brièvement répétée, mettant en branle aussitôt la machine rythmique caliente du groupe. 

Cindy Pooch, à la voix chaleureuse et caressante, planante ou dansante, grande liane camerounaise gracieuse et énergique, transmet sans effort l’envie de bouger son corps à un public de plus en plus dense et debout devant la scène, au fur et à mesure du concert. Pendant lequel on apprend, démo à l’appui, que le bikutsi se danse en bougeant les deux épaules à la fois. Et, un peu plus tard, qu’une chanson décoiffante, chantée en espagnol comme la plupart des morceaux, parlait des gens aux poches trouées, qui brûlent la vie par les deux bouts. On n’en saura guère plus sur le contenu des chansons, ou sur les assemblages rythmiques afro-colombiens à l’intérieur des morceaux, mais ce n’est pas le but : le but c’est faire danser le public, sans arrêt, comme en Colombie ou au Cameroun, nous dit à la fin du concert Guillo Cros, transpirant et souriant. Donc si vous souhaitez savoir comment le Nkumba System conjugue le highlife, la rumba zaïroise, le makossa avec la cumbia, le currulao ou encore la guaracha dans leurs morceaux, prenez rendez-vous ! Les Nkumba sont désormais basé à Marseille : on n’a pas fini de danser ! 

MARC VOIRY

Nkumba System clôturait Les rendez-vous du lac le 25 août, au parc de Maison Blanche, Marseille. 

La musique de chambre a tenu Salon

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Année après année on le répète : « les meilleurs solistes au monde se retrouvent à Salon » à l’occasion du Festival International de Musique de Chambre de Provence. Et une fois de plus, même si tous ne sont pas là, les artistes en présence comptent en effet parmi les meilleurs, en toute objectivité. La musique chambriste trouve à Salon un écrin particulier dû sans doute à la forme d’un festival atypique, réunissant des artistes amis, cooptés, qui ne viennent que pour le plaisir de vacances passées ensemble. Que seraient des vacances sans musique pour des musiciens ? Ce serait comme enlever leur eau aux poissons. Aussi, les musiciens invités par les trois fondateurs de cette manifestation, le pianiste Éric Le Sage, le clarinettiste (et chef d’orchestre) Paul Meyer et le flûtiste Emmanuel Pahud, s’adaptent à l’ambiance festive, sa décontraction, son espièglerie, sans pourtant aucun laisser-aller lorsqu’il s’agit de jouer. Jouer c’est sérieux, n’importe quel enfant vous le dirait. 

De la chambre à la boîte de jazz

Emmanuel Pahud, Paul Meyer, Éric Le Sage se fondaient dans nombre des diverses formations chambristes. Dont celle en quintette aux côtés de Gilbert Audin (basson) et Benoît de Barsony (cor) pour le Quintette en si bémol majeur de Rimsky-Korsakov, écrit à l’occasion d’un concours créé par la Société musicale russe en 1876. L’œuvre fut totalement ignorée par le jury qui ne daigna même pas l’entendre jusqu’au bout (oui déjà le système du radio-crochet dans la Russie des tsars !), sans doute parce que le musicien qui était chargé de présenter la pièce (c’étaient des « lecteurs à vue ») n’était pas très convaincant ni très doué… Heureusement, servi magnifiquement par les cinq interprètes du jour, la vivacité de la composition, la souplesse mélodique, les développements harmonieux sur des orchestrations luxuriantes, rendaient justice au quintette délaissé ! Ce dernier rejoint par le hautbois de François Meyer pouvait se lancer dans la verve du Sextuor de Francis Poulenc. La feuille de salle due à Laurent Cools précisait que lors de la composition du dernier mouvement, Poulenc écrit à Chanclaire : « j’ai trouvé un thème “bordel à souhait“ pour le divertissement. Je crois décidément que je devrais donner mon concert en espadrilles, un foulard autour du cou, un mégot à la bouche… » Autres temps… Quoi qu’il en soit, la pièce séduit par son équilibre, la virtuose intelligence des interprètes, la subtilité des dialogues, la construction sûre des tutti, leur palette colorée et quelques passages qui semblent avoir inspiré Nino Rota pour certaines musiques de film de Fellini…

Le jazz s’immisçait au cœur de cette deuxième partie de soirée grâce au talent chaleureux du saxophoniste Raphaël Imbert (un presque familier du festival). S’inspirant des extraits d’Oraison, une de ses dernières créations, il mêlera la voix de ses saxophones aux géniales improvisations de Pierre-François Blanchard au piano. Ce dernier, musicien de Pierre Barouh (à qui l’on doit la chanson du film Un homme une femme de Lelouch) est de longue connivence avec le saxophoniste, et a contribué largement à l’un de ses derniers projets Music Is My Hope (2018). Raphaël Imbert rappelait malicieusement qu’il n’était « que musicien de jazz et incapable de lire une partition à l’inverse des musiciens qui le précédaient sur scène » (coquetterie de celui qui est quand même directeur du conservatoire de Marseille), et que l’improvisation serait reine, loin de toute intention préconçue… Déjà frémissent ceux qui ont été échaudés par l’appellation « free jazz » et craignent le pire pour leurs oreilles ! En oubliant que le jazz est un domaine de liberté par excellence et que liberté n’est pas synonyme de cacophonie… 

L’origine de l’opus consacré au village Oraison est lié à des souvenirs d’enfance. Et surtout au constat que chaque rue est baptisée des noms des soldats morts au combat durant la Grande Guerre ou lors d’actes de résistance au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Portraits, évocations, voyage physique autant que spirituel, nourrissent la composition de Raphaël Imbert. S’ajoutent au concert des clins d’œil à Wagner, Schubert, Pierre Barouh, « notre plus grand parolier… » Le pianiste à la fin du premier morceau se retourne, se déchausse. « On est plus à l’aise en chaussettes ! ». Indubitablement, son inventivité, sa capacité à raconter des histoires d’un trait mélodique, d’une intention, d’un simple accord, rivalisent avec le génie du saxophone. Les amateurs de musique classique chambriste sont conquis, cela se passe de tout commentaire !

Des voix

La soirée dédiée au Chœur de chambre Namur débutait par le Trio de Joseph Haydn (Emmanuel Pahud, Éric Le Sage et Zvi Plesser au violoncelle) qui nous fait entendre les oiseaux dans une partition en épure. Puis Le Bœuf du Trio Dämmerung (Misako Akama, violon, Eudes Bernstein, saxophone, Orlando Bass, piano) qui présentait une configuration originale où le saxophone est utilisé comme une voix soliste accompagnée par le piano et le violon. La finesse élégante des interprétations servait brillamment Jeux d’enfants de Bizet, Épitaphe de Jean Harlow de Koechlin et Le bœuf sur le toit de Darius Milhaud. En création mondiale, le jeune trio jouait Mysterious Morning V en présence de son compositeur japonais résidant en France, Fuminori Tanada, pièce somptueuse par sa capacité évocatoire, poétique et inspirée. 

Gwendoline Blondeel, Aurélie Moreels, Anaïs Brullet, Julie Vercauteren, Pierre Derhet, Kamil Ben Hsain Lachiri, Samuel Namotte, solistes du Chœur de chambre de Namur, offraient de très beaux moments d’ensemble, tissant leurs voix sûres et amples en de savants accords. Que ce soit dans la reprise de musiques enfantines de César Franck, le sublime Tantum ergo du même compositeur ou le Cantique de Jean Racine de Gabriel Fauré. La collaboration entre ce chœur et le festival salonais ne s’en tient pas là puisqu’une partie des habitués et fondateurs du festival ont ouvert un cycle de musique de chambre dans la nouvelle salle de concert de leur ville, le Namur Concert Hall… Pas de frontières pour la musique !

Taillé dans l’étoffe du rêve

La dernière journée du festival permettait d’entendre après le fin pianiste Samuel Bismut dans Trois pièces pour piano de Schubert, laissant les harmonies se mêler à la douceur de l’air du soir. La complicité des interprètes du Trio Pascal dessinait un Ravel des confluences avec son Trio en la mineur, passant par tous les registres avec une élégante maîtrise. Dans la passacaille, les premières notes graves du piano rencontrent la sonnerie des cloches de l’église voisine, comme un signe de connivence. Le vent doux du soir accompagne le voyage musical. Murmures, fanfares, on se laisse guider avec délices dans les méandres de l’œuvre…

Trio Dammerung © Jael Travere

Poursuivant les mots du conte, le « Final Shéhérazade » retentissait en feu d’artifice. Deux créations de Jules Matton voyaient le jour en présence du compositeur qui donnait quelques clés explicatives des deux pièces qu’il avait confiées aux artistes du jour. Le Sextuor Winckler construit en quatre mouvements, accordait à la soprano Anara Khassenova une partition délicate. Avec un travail très subtil sur les voyelles, les sons, étirés, scandés, utilisant la voix comme un instrument au même titre que la flûte (Mario Caroli), la clarinette (Paul Meyer), le violon (Alexandre Pascal), le violoncelle (Marie Viard) ou le piano (Frank Braley). Les musiciens revenaient en deuxième partie pour l’œuvre composée sur deux poèmes de Philippe Jaccottet, Si je me couche contre la terre, où le thème de l’éternel retour se matérialise par un mouvement perpétuel… éternité de l’art.

On découvrait aussi la soprano Sarah Aristidou qui se glissait avec la même aisance dans les chants chypriotes ou Le pâtre sur le rocher de Schubert. La flûte d’Emmanuel Pahud transportait le Prélude à l’après-midi d’un faune (Debussy) dans les éthers après avoir esquissé la toile moirée de La flûte enchantée (extrait de Shéhérazade de Ravel). Tout s’achevait avec une interprétation pêchue du Quintette en la majeur de Schubert, La Truite. Merveille des vagabondages musicaux, bonheurs réitérés. Quel privilège !

MARYVONNE COLOMBANI

Le Festival International de Musique de Chambre de Provence s’est tenu du 28 juillet au 6 août, à Salon-de-Provence. 

Festival Kouss.Kouss : Marseille, capitale pimentée

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Kouss.Kouss © C. Dutrey, Les grandes Tables

S’il fallait citer une spécialité marseillaise, pas certain que la bouillabaisse remporte les suffrages. Surtout ceux des porte-monnaie. Car s’il y a un plat populaire qui met toutes les bourses méditerranéennes d’accord, c’est bien le couscous.
En cinq éditions, les organisateurs de l’événement gastronomique de la fin de l’été ont pris de la graine. S’il a mitonné dans les fourneaux des grandes Tables de la Friche la Belle de Mai, le festival Kouss.Kouss s’est répandu comme une trainée de paprika dans les coins les plus épicés du plan de table marseillais. Cette année, les agapes investissent le plus célèbre toit-terrasse de la cité phocéenne mais aussi le Plan d’Aou, en passant par le centre-ville.  Et c’est le piment sous toutes ses formes et particulièrement la harissa qui sont mis à l’honneur à travers une programmation à la fois culinaire, culturelle et festive. La Tunisie comme invitée d’honneur ainsi que la Colombie – l’Amérique latine étant la terre originelle du met à l’effet gustatif incendiaire – sont les deux pays aux traditions de bouche relevées choisis pour réveiller nos papilles linguales. Quelques-un·es de leurs chef·fes les plus audacieux·ses – mais aussi des producteurs, chercheurs, médiateurs – vont mettre leur savoir-faire au service d’une cuisine vivante, à la fois singulière et propice à créer du commun.

Couscous et variants

Kouss.Kouss © C. Dutrey, Les grandes Tables

Tout commence à la Friche, berceau du festival, avec plusieurs rendez-vous haut en saveur. On ne présente plus les soirées On Air qui, bien que devenues payantes, restent un des points de ralliement festif des fins de semaine marseillaises. Les 26 et 27 août, le programme annonce plus de mille couscous, un bar à harissa et un set musical signé Bi:Pole. Dans la foulée, Belles et Toiles (28 août) propose la projection du film tunisien Une histoire d’amour et de désir de Leyla Bouzid. Pas de pause puisque le fameux marché du lundi (29 août) va prendre des airs de souk à épices avec une thématique piment et harissa. Même ambiance piquante pour la soirée « Marseille cuisine le monde » (30 août) qui verra le toit-terrasse accueillir un dîner géant avec des plats originaires de la plupart des continents, réaffirmant que le couscous et ses variants, repas transculturels, se déclinent à travers le monde.
Les échoppes sont bien trop nombreuses pour citer toutes celles qui s’associent à la manifestation dans le centre-ville. À noter que la rue du Musée, dans laquelle se situe la célèbre table du Fémina où l’on mange du couscous depuis plus d’un siècle, va se transformer à nouveau en rue du Kouss.Kouss pendant toute la durée de l’événement.
Dans les quartiers Nord, au Plan d’Aou, le Monticole, tiers-lieu cantine, sera inauguré pendant le festival dans les premiers jours de septembre. L’occasion de déguster – devinez-quoi ? – du couscous mais aussi, en partenariat avec la nouvelle médiathèque Salim-Hatubou, d’initier les scolaires aux plaisirs gustatifs et littéraires autour du piment. La rentrée s’annonce caliente.

LUDOVIC TOMAS

Kouss.Kouss
Du 26 août au 4 septembre
Divers lieux, Marseille
kousskouss.com

Les voyages forment les objets

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Skyphos, Ulysse sur un radeau d’amphores sous le souffle de Borée, céramique à figures noires, 425-375 av. J.-C. © Ashmolean Museum, Oxford.

L’académicienne et philosophe Barbara Cassin a de la suite dans les idées. Après avoir conçu, avec le Mucem en 2016-17, l’exposition Après Babel, traduire, elle a, dans la foulée, initié le projet des Maisons de la sagesse dont le but est de créer en France des espaces d’échanges, autour de la traduction et de la transmission des cultures. Aujourd’hui, elle propose avec Objets migrateurs, à la Vieille Charité, une exposition qui continue d’alimenter, de questionner et de promouvoir ce goût de l’accueil et de la curiosité de l’autre. Et qui cherche à la fois à complexifier et à dédiaboliser l’idée de migration, tout en s’interrogeant sur « les idées de centre et de périphérie, d’original et de copie, de même et d’autre, de musée et d’objet de musée ».

Le ton est donné dès la chapelle Puget, où sont notamment mis en présence la barque solaire égyptienne, représentée sur une stèle funéraire, Ulysse, sur une céramique antique, naviguant sur deux amphores, et un eco-boat construit en bouteilles de plastique par une ONG au Cameroun. Une mise en écho entre proche et lointain, questionnements sur la nature et la fonction des objets, que l’on retrouve dans les sept sections de l’exposition. Tout autour de ces premiers rapprochements, des périples et des exils, anciens et contemporains, la traite négrière. La salle suivante évoque les questions liées à l’accueil et à l’administration de l’immigration en France, en formulaires, glossaires, installations artistiques, pour basculer, plus précisément ensuite, sur les objets : mémoriels et/ou commerciaux avec une série de vis-à-vis, exemple de porte-bonheurs modernes et d’amulettes antiques, etc. Puis des interrogations sur l’inspiration, la contrefaçon, le faux, la valeur. Sur le mélange, le métissage, le syncrétisme – on y retrouve le Zeus-Ammon, marbre du 1er siècle avant JC, de l’affiche de l’exposition. Les dernières salles regardent l’institution muséale, sa fonction et son histoire, avec les « Objets à l’arrêt », partie de l’exposition où se situe un cabinet de curiosités re-inventé, dans lequel figurent notamment un ballon de l’OM de 1993 et une photo du Sars-Cov2. On arrive après quelques exemples d’œuvres liées à des spoliations et de restitutions, au projet de « muséobanque », dispositif original fondé en Afrique, associant dépôt d’objet, récit mémoriel et micro-crédit, repris par les Maisons de la sagesse « pour penser autrement l’idée de valeur ».

MARC VOIRY

Objets migrateurs – Trésors sous influences
Jusqu’au 8 octobre
Centre de la Vieille Charité, Marseille
vieille-charite-marseille.com