lundi 14 juillet 2025
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La Criée, hôtel de la paix

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Je suis une fille sans histoire ©Simon Gosselin

Zébuline. Votre saison s’ouvre sur une journée festive ce samedi 16 septembre. En quoi consiste-t-elle ?

Robin Renucci. J’avais pour désir d’ouvrir la saison sur une journée qui remettrait le théâtre à l’endroit des vraies richesses de la vie. Mon idée du théâtre est très loin des salles fermées prisées par la bourgeoisie du XIXe siècle. Je veux rappeler aux Marseillaises et aux Marseillais que ce lieu leur est consacré, et qu’ils y sont chez eux. Cette journée leur permettra notamment de circuler sur le plateau, et de se l’approprier. Une succession de rencontres, d’ateliers autour du souffle, mais aussi avec les libraires de l’Histoire de l’Œil, des comédiens de l’Eracm, les cuisiniers des Grandes Tables, célèbreront les arts mais aussi ceux de la table – un marché se tiendra, et la boulangerie Pain Pan y sera un invité de choix ! Aix-Marseille Université proposera également une expérience de sciences et d’art dont la thématique sera « Se nourrir en Méditerranée ». Et on dansera… et ce jusqu’à ce que Michel Portal propose un concert comme toujours décapant en fin de journée.

C’est une des directives marquantes de cette saison : son fort ancrage local.

Je ne pense pas que le rôle d’une scène nationale soit de proposer un défilé des productions parisiennes et des plus gros succès du Festival d’Avignon. Notre rôle est ailleurs à mon sens, ce qui ne signifie pas que le théâtre oublie d’être un lieu de représentation national, européen et international. Mais il est vrai que je voulais avant tout fêter la Méditerranée. L’Italie de Nanni Moretti, qui prend un grand risque en proposant chez nous sa première œuvre théâtrale. Celle de Pippo Delbono, emplie de poésie et de musique… La saison théâtrale s’ouvrira sur le spectacle d’Alice Zeniter, et c’est un choix qui me tenait à cœur. Car nous sommes en présence d’une autrice mais également d’une comédienne née, et d’une profonde méditerranéité. Dans la beauté de son écriture, dans sa capacité d’échange avec le public. Il me semblait utile de rappeler que la place pourtant essentielle des femmes dans ce domaine est encore trop souvent réduite à portion congrue. Et puis, c’est une écriture passionnante, généreuse, qui raconte avant tout ce qu’écrire veut dire : voilà quelque chose qui peut parler aux jeunes femmes, mais également à toutes et tous.

« Je ne pense pas que le rôle d’une scène nationale soit de proposer un défilé des productions parisiennes »

Robin Renucci © Jean-Christpophe Bardot

Cette question de la naissance de l’écriture, voire même du désir de l’écriture, était d’ailleurs déjà centrale dans votre seul en scène, L’Enfance à l’œuvre…

C’est une question qui me travaille, en effet ! Je conçois le théâtre non pas comme un art industriel, mais dans sa dimension artisanale. Le théâtre est une fabrique, qui se construit à échelle humaine. Elle met en contact profond des autrices, des auteurs et le public. Ce métier a très souvent été dévoyé par le vedettariat des acteurs ou des metteurs en scène : on va voir machine ou machin dans un spectacle, peu importe lequel… Et on oublie l’auteur, l’autrice, l’histoire qui se raconte : le récit. Je veux replacer le théâtre à sa vraie exigence, car je pense que c’est là que se trouve la possibilité d’inviter celles et ceux qui ne sont pas encore le public du théâtre, d’élargir la base sociale des publics. C’est pourquoi j’ai notamment décidé de proposer des spectacles sur un temps long, soit à peu près une dizaine pour le spectacle de François Cervantes, pour ma création À la paix !, quatre à cinq pour Alice Zeniter, Les Trois Mousquetaires, Suzanne aux Oiseaux… Je voulais que ces spectacles aient le temps de rencontrer un public qui n’est pas un public d’habitués, qu’il aille au-delà des deux ou trois salles combles faites par des grands noms auprès des seuls spectateurs et spectatrices qui connaissent les usages du théâtre. Évidemment, ce parti pris réduit les possibilités de proposer un nombre élargi de spectacles : il y a peut-être un peu moins de musique, un peu moins de danse… Et ce malgré mon goût de la tranversalité !

« Je conçois le théâtre non pas comme un art industriel, mais dans sa dimension artisanale »

Et les nombreux partenariats que La Criée a noué de longues dates, et continue de mener, avec d’autres lieux, et des festivals …

D’autant que ce sont des partenariats qui ont toujours un sens très fort : il ne s’agit pas de prêter notre salle au premier projet venu, et la fraternité qui demeure entre les salles marseillaises, loin de toute compétitivité, me remplit de joie. Je suis évidemment sensible au travail que mène Marseille Concertspour faire vivre la musique classique dans cette ville. Mais également à la volonté du théâtre de garder le contact avec la littérature, et avec la pensée : le festival des Rencontres d’Averroès compte tout particulièrement pour moi. J’accueille avec grand plaisir plusieurs spectacles programmés par Dominique Bluzet, qui a compris que nous voulions tisser quelque chose qui aurait du sens. Le travail de Myriam Boudenia et Louise Vignaud, metteuse en scène de grand talent, sur les débuts de la guerre d’Algérie, est sensible, fort, remarquable. Je suis également très admiratif du travail mené par mes consoeurs Nathalie Huerta au Théâtre Joliette et Francesca Poloniato au Zef. Je sais enfin à quel point un festival tel qu’actoral est aujourd’hui nécessaire : ce théâtre contemporain, très contemporain, qui questionne les formes et le monde d’aujourd’hui.  

Votre mise en scène d’une nouvelle traduction de la Paix d’Aristophane par Serge Valetti, à retrouver en novembre prochain, est très attendue. Comment en êtes-vous venu à concevoir ce projet ?

Il me semblait particulièrement juste de questionner aujourd’hui le sens de la guerre dans une société qui n’en a à la fois jamais été si lointaine et si proche. La pièce se réfère à un temps de trêve, qui ressemble au monde que nous connaissons aujourd’hui. Et c’est en temps de trêve qu’il faut questionner notre rapport à la guerre, sans se montrer moralisateur ou résoudre superficiellement cette question sans fin : pourquoi sommes-nous si belliqueux ? Le texte a 2500 ans mais il semble avoir été écrit il y a quelques années. La langue d’Aristophane est très forte, irrévérencieuse, emplie d’humour. Très astucieuse aussi, notamment dans sa réflexion écologique : l’essence pour la machine volante évoquée dans le texte est fait de matières organiques. On émet déjà l’hypothèse que nos déchets soient le carburant de l’avenir. Et puis il y a dans l’idée du titre, À la paix !, ce besoin dionysiaque, festif, de trinquer à l’avenir. Chez Aristophane, Hermès est le gardien de la vaisselle des Dieux. C’est dire si la convivance et la convivialité sont essentielles à la survie de l’être humain !

SUZANNE CANESSA

La Criée
Théâtre national de Marseille
04 91 54 70 54
theatre-lacriee.com

Jazz et nouveaux horizons

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Trio Suzanne © Laurent Vilarem

Autour du contrebassiste Claude Tchamitchian et de sa Compagnie Émouvance, le festival  des Émouvantes vise à faire découvrir au public des musiques trop peu entendues à Marseille. Après dix ans de villégiature aux Bernardines, l’événement se tient comme en 2022 au Conservatoire Barbizet, où l’on va retrouver également plusieurs masterclasses animées par les artistes.

Le Trio Suzanne ouvre la danse le 21 septembre, avec Pierre Tereygeol, Hélène Duret et Maëlle Desbrosses, tantôt à la voix, tantôt instrumentistes, qui interprèteront de mélancoliques chansons folk. Suivra le délicat trio Poetic Power autour de Claude Tchamitchian avec Christophe Monniot au saxophone et Eric Echampard à la batterie.

Musique et transat 

Le 22 à 19h, le violoniste Frédéric Aurier et le percussionniste Sylvain Lemêtre présenteront leur cocréation éclectique Super Klang, inspirée tant des musiques actuelles que de celles du passé. Seront de la partie violon et tambour bien sûr, leurs instruments de prédilection mais également pendule de Newton, zarb, nyckelharpa pour cette proposition originale. À 21h, le quartet Transatlantic 4 de Steve Swell (trombone), Sylvain Kassap (clarinette), Shad Taylor (batterie) et Benjamin Duboc (contrebasse) regroupera musiciens français et américains des deux côtés de l’Atlantique.

Le samedi 23 à 19h, le clarinettiste Louis Sclavis s’unira au percussionniste Keyvan Chemirani, spécialiste de la musique persane, pour une rencontre musicale singulière. Le festival s’achèvera à 21h avec le grand concert « Brain Songs ». Ce projet porté par l’Ensemble Nautilis tire ses racines dans les neurosciences : ses pièces ont été composées par Christophe Rocher sur la base d’un diagramme cérébral. Cette réflexion poussée sur le processus créatif, unissant intelligence artificielle et improvisation, sera le parfait point d’orgue à un festival toujours aussi enthousiasmant.

SUZANNE CANESSA

Les Émouvantes
Du 21 au 23 septembre
Conservatoire Pierre Barbizet, Marseille
festival-emouvantes.fr

Cavaillon fête le cinéma

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En salles le 15 novembre, le dernier film de RobertGuédiguian Et la fête continue sera projeté en avant-première © Agat Film - Bibi Film - France 3 cinéma

Les Rencontres cinématographiques de Cavaillon fêtent leurs vingt ans. Un âge respectable pour un festival soutenu depuis toujours par les instances municipales et régionales, et dont le président souligne la maturité et l’ancrage. Organisé par l’association Ciné Plein Soleil en collaboration avec les cinémas de Cavaillon : la Cigale et le Femina, la manifestation cavaillonnaise, avec ses avant premières, ses débats animés par le médiatique et enthousiaste Xavier Leherpeur, se déroule du 21 au 24 septembre. 

En ouverture, Jean-Pierre Améris présente Marie-Line et son juge. Une comédie dramatique feelgood qui rapproche un vieux juge bougon et triste (Michel Blanc) d’une jeune serveuse –« cagole » version havraise, pétillante et joyeuse, interprétée par Louane. Le lendemain, c’est au tour de l’acteur-réalisateur Nicolas Giraud d’accompagner ses deux premiers longs métrages : Du Soleil dans mes yeux, drame intime et sensible de 2017 et l’Astronaute sorti en 2023, salué par la critique mais peu diffusé. L’histoire d’un ingénieur aéronautique qui suit son rêve, construisant sa propre fusée pour le premier vol habité amateur. Le vendredi 22, sera social et politique avec deux avant-premières. Une année difficile co-signé par Éric Toledano (invité des Rencontres) et Olivier Nakache. Et Le monde d’après de Laurent Firode quiparlera de son film, grinçant et libre, réalisé sans subventions, pour dénoncer l’instrumentalisation par le pouvoir en place, de nos peurs actuelles. 

Les femmes hors-champ

Le 23, focus sur Philippe Lioret en trois temps : Toutes nos envies (2010) qui met en scène le duo gagnant Vincent Lindon Marie Gillain dans un combat juridique contre le surendettement ; Tombés du ciel (1994) où l’on suit les mésaventures d’Arturo (Jean Rochefort) errant dans la zone internationale de Roissy. Et enfin, inédit au cinéma, le téléfilm Paris-Brest, une histoire de famille chabrolienne et toxique, adaptation de Tanguy Viel pour Arte. Ce même jour, on pourra entendre Serge Valetti et découvrir en primeur le dernier Guédiguian au titre si optimiste (pas un souhait, non, mais un constat) : Et la fête continue.

Le dernier jour, voyage avec le grand réalisateur allemand Volker Schlöndorff . En Grèce ( The Voyager), au milieu des Steppes d’Asie (Ulzhan), au Niger dans le sillage de l’agronome Tony Rinaudo (The Forest Maker). 

C’est le biopic de Frédéric Tellier, L’Abbé Pierre- Une vie de combats (sortie nationale le 8 novembre) avec dans le rôle-titre Benjamin Laverhne, qui clôture ces Rencontres. Portrait du fondateur d’Emmaüs dont le bréviaire fut de « refuser ce monde où le plus grand nombre souffre, se mobiliser contre l’injustice », œuvrer en faveur de « l’insurrection de la liberté, de la justice, sinon ce sera l’insurrection de la colère. »

Parmi ces invités de prestige, on s’étonnera de ne compter qu’une seule invitéE, l’actrice Mallory Wanecque, révélée par Les Pires de Lisa Akoka et Romane Guere, programmé le samedi 23 septembre à la Cigale. Hasard ? Choix ? Non choix ? 

ÉLISE PADOVANI

Rencontres cinématographiques de Cavaillon
Du 21 au 24 septembre
Aux cinémas La Cigale et Fémina
rencontrescine-cavaillon.fr

Klap d’ouverture 

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Tendre Carcasse d'Arthur Perole © Nina-Flore HERNANDEZ

Installée à l’orée des quartiers Nord de la ville, Klap – Maison pour la danse a toujours eu à coeur d’entretenir un lien fort avec ses voisins. Le clou est enfoncé cet automne, avec une exposition consacrée au boulevard National, considéré comme une entité à part entière (vernissage le 16 septembre). La démarche se poursuit jusqu’en décembre avec le programme Question de danse, qui propose de régulières présentations d’étapes de travail. Le rituel est immuable : à l’issue de formes courtes (de 30 à 40 minutes), un échange est initié avec les artistes à propos de leur travail en cours. Parmi ces projets, signalons Inaccessible Vallée (le 28 septembre à 19 h), un solo autobiographique hybride dans lequel Max Fossati explore, en mouvements et en mots, la construction de l’identité masculine, via l’exploration de la relation qui le liait à son grand-père défunt, porteurs de valeurs d’un autre temps. Cette fabrique de l’identité en cours de construction, c’est une thématique qui anime Arthur Perole dans son travail au long cours. Tendre Carcasse pose un nouveau jalon dans cette recherche, menée cette fois avec quatre interprètes tout juste sortis de formation (le 14 octobre à 19h). Autre artiste régionale emblématique, Josette Baïz, à la tête de la Compagnie Grenade, met en scène pour sa prochaine création quatre artistes aux univers très forts : le hip-hop de Kader Attou s’y confronte à la recherche théâtrale de Nicolas Chaigneau et Claire Laureau, à l’écriture contemporaine d’Ivan Pérez et aux questionnements sur le genre des Filles de Mnemosyne (Antipodes, le 14 octobre à 20h).

Mise en abyme ludique 

Au rayon de la diffusion, plusieurs créations d’importance émaillent la saison à venir. Du genre, il en est aussi question chez la Compagnie HKC, qui décide d’user d’une mise en abyme ludique pour aborder ce sujet déjà quasiment galvaudé : au plateau, cinq danseuses, une autrice et un metteur en scène tentent de déjouer leurs propres limites, de déconstruire les dénis et injonctions subliminales qui les gouvernent, afin de s’emparer de la thématique au plus juste (Promesse, les 9 et 10 novembre). Quant à l’hôte des lieux, Michel Kelemenis, c’est en janvier qu’il présente en sens murs sa nouvelle création, VERSUS : un duo pour quatre interprètes et de multiples combinaisons, autour de la notion de désir. Entre mirages et faux-semblants, nécessaire abandon au risque de frôler la consumation, sans occulter l’emprise ou la jalousie pouvant mener à la violence, les états de corps racontent ces bouleversements présidant à l’émoi amoureux (présentation préalable d’une étape de travail le 10 novembre). Le 18 janvier, place à une création résonant particulièrement à Marseille : en un funeste effet miroir, la danseuse hip-hop Marina Gomes Hylel aborde via La Cuenta [MedellinMarseille] les tragiques conséquences de faits divers qui endeuillent trop souvent ces deux cités : les règlements de comptes homicidaires et leurs victimes collatérales, de plus en plus nombreuses. Au plateau, trois femmes rejouent ces drames intimes – mères ou soeurs, oscillant entre deuil et résilience, désir de vengeance et aspirations à l’apaisement. La chorégraphe s’est nourrie de ses rencontrés en Colombie auprès d’associations œuvrant auprès des familles pour pacifier les quartiers. À Marseille, les premiers collectifs de femmes endeuillées commencent aussi à émerger.

JULIE BORDENAVE

Klap – Maison pour la danse
Marseille
04 96 11 11 20
kelemenis.fr

De l’art comestible au Citron Jaune 

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PontVer(t)s( © Eva Habasque

Zébuline. C’est une surprise de vous voir investir le stade Allianz Arena de Nice en septembre, en préambule des matches de rugby ! 

Pascal Servera. Il s’agit d’une demande émanant du ministère : faire des interventions dans certains stades concernés par la Coupe du monde. Cela nous permet de fournir des apports financiers conséquents à certains projets, mais aussi de mieux comprendre le tissu culturel du territoire. Nous travaillons ainsi avec des compagnies de Nice : Les hommes de main, qui proposent des formes in situ, et deux fanfares, La Fanfoire et le Nogobi Brass Band. Les propositions seront gratuites, ouvertes à tous sans billets, accessibles sur le parvis après la fouille. 

Le 17 septembre, on pourra y découvrir des prémices de la nouvelle création de Rara Woulib. 

Vertige(s) se décompose en trois cellules – des éléments sécables, qui peuvent être accueillis séparément – : la première, montrée cet été à Chalon dans la rue, se déroule dans une salle polyvalente, dans un contexte évoquant une fin de fête qui pourrait dégénérer. Des intervenants y prennent la parole pour évoquer leur rapport à l’engagement. La deuxième cellule est celle qui sera accueillie à Nice : une déambulation d’inspiration carnavalesque, dans laquelle vont se porter des discours politiques. On affrète un bus de cinquante personnes depuis Marseille, avec des musiciens amateurs et semi-professionnels dont une chorale pour enfants ! La troisième est une intervention plastique, qui peut accompagner ce cortège. Elle mobilise des habitants d’un quartier, invités à inscrire leurs revendications sur des grands kakémonos déroulés depuis leurs fenêtres. Le spectacle définitif verra le jour d’ici un an. 

Retour ensuite en Camargue avec Pont vert(s), de l’artiste arboriculteur Thierry Boutonnier. Le projet se poursuit autour du verger collectif installé au pied des immeubles du quartier Ambroise Crozat.
Nous faisons partie des heureux et rares lauréats de l’appel à projets de la Fondation Carasso, ce qui témoigne de la reconnaissance de l’enjeu à la fois écologique et politique du projet, et confirme sa viabilité financière. La deuxième étape démarre en septembre. En ligne de mire : produire la première huile d’olive de Port-Saint-Louis-du-Rhône, avec tout ce que ça comprend d’incertitude à l’heure actuelle ! Cela nécessite en amont une préparation minutieuse, les oliviers seront recouverts de kaolin pour être protégés d’une mouche. La première récolte d’olives sera analysée pour voir quel type de pollution elles contiennent. Ensuite viendra la première production d’huile, en petite quantité, qui donnera lieu à une fête autour d’un loto, le 10 novembre. À terme, la volonté est de rendre cette production autonome. Nous inventons des modalités d’agriculture urbaine, possiblement duplicables ailleurs. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR JULIE BORDENAVE

Citron Jaune
Port-Saint-Louis-du-Rhône
04 42 48 40 04
lecitronjaune.com

Racines et actualité de l’Utopie

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Pendant cinq jours, de nombreuses conférences gratuites invitent le public à s'intéresser au concept de l'utopie © Kolandjian Florent

Voyage en Utopies, thème de l’édition 2023 du festival Allez Savoir, avait été choisi avant le passage de relais de l’ancien directeur de l’EHESS, Christophe Prochasson, au nouveau, Romain Huret. Mais celui-ci semble s’en être emparé gaillardement, ce qui n’étonnera pas, puisque l’historien est spécialiste de la fabrique des inégalités dans les sociétés contemporaines, et l’inégalité, au cœur des réflexions séculaires sur l’utopie depuis l’île décrite par Thomas More au XVIe siècle. « Que faire des utopies ? » se demande-t-il dans l’édito de la manifestation. « Comment les réconcilier avec la rationalité, souvent froide, des sciences sociales et leurs méthodologies d’enquête et d’accumulation des savoirs ? » Peut-être justement comme cela, en proposant au public d’assister non pas à d’austères conférences entre spécialistes, mais en hybridant les formats et en invitant la réflexion à dialoguer avec les arts.

Utopie ou dogmatisme ?

Cinq jours durant, en entrée libre, chacun est invité à piocher dans un programme touffu et à circuler dans la cité phocéenne pour se faire sa propre opinion sur la question et sur une foule d’autres. Au Moyen Âge et à la Renaissance, par exemple, creusets de notre propre époque, est-ce que les universités ont plutôt été une fabrique d’utopie, en favorisant la circulation des idées, ou au contraire ont-elles formaté les esprits en tirant vers le dogmatisme ? Réponse le 21 septembre à la bibliothèque de l’Alcazar. Et puisque rien ne vaut de mettre la main à la pâte, pourquoi ne pas participer, le 23 septembre, à l’atelier tout public proposé à la Vieille Charité par Pierre-Antoine Marti, féru de littérature d’anticipation ? Il s’agira de concevoir une société idéale dans la Méditerranée, en évitant qu’elle ne dérive, comme tant d’autres, vers la dystopie.

GAËLLE CLOAREC

« Les citoyens aspirent à plus de démocratie »

Trois questions à Marie-Aude Fouéré, anthropologue, co-présidente avec l’historienne Sabina Loriga du comité scientifique d’Allez Savoir

Marie Aude Fouéré est co-présidente du comité scientifique d’Allez Savoir © DR

Comment prépare-t-on un festival de sciences sociales d’une telle ampleur ?

Marie-Aude Fouéré. Nous avons travaillé étroitement avec les Musées de Marseille, et les autres institutions, notamment le CNRS, Aix-Marseille Université… Sabina et moi avons essayé de trouver un équilibre entre les disciplines, histoire, sociologie, géographie etc… ; à articuler avec les dimensions artistiques de la manifestation. Ces dernières ont pris un relief particulier cette année, dont le thème, l’utopie, est par exemple très présent en littérature. Chacune depuis notre discipline, nous nous intéressons à la mémoire, et nous avons mis nos réseaux en commun. J’étais attentive à ce que la programmation porte sur d’autres aires culturelles que l’Europe, s’intéresse à l’Asie, l’Afrique… Un autre critère était important : assurer un équilibre de genre entre les intervenants.

L’Université populaire Marseille-Provence s’est emparée aussi de ce thème de l’utopie en cette rentrée, pour son cycle de conférences. Cela est dans l’air ?

Je pense que ces questions reviennent de manière récurrente dans le champ intellectuel. Sans doute, aussi, vivons-nous un moment historique particulier, avec des crises qui s’accumulent : politiques, nos démocraties prenant un tournant autoritaire ; migratoires ; écologiques ; climatiques… La jeunesse est inquiète de son avenir et les citoyens aspirent à plus de démocratie. Toutes ces voix demandent à être entendues, pour ne pas laisser nos sociétés basculer dans différents types d’horreur.

Concernant l’équilibre entre les genres, chaque année le dialogue inaugural se fait à deux voix. Pour cette édition, ce seront l’historien Jérôme Baschet et sa consoeur Axelle Brodiez-Dolino. Ils évoqueront les reviviscences de la pensée utopique aujourd’hui. En tant que spécialiste de la mémoire, qu’est-ce que cela vous inspire ?

La programmation d’Allez Savoir est riche en tables rondes et rencontres qui porteront sur les utopies du passé. Il sera intéressant de se pencher sur ce qu’il se passe actuellement. Jérôme Baschet travaille sur l’expérience zapatiste, Axelle Brodiez-Dolino sur les formes contemporaines de solidarité. Est-ce que les mouvements d’aujourd’hui vont puiser dans les ressources de leurs prédécesseurs, comme un imaginaire auquel se référer ? Je n’ai pas la réponse, j’attends d’assister aux événements pour voir si les gens s’en emparent.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR G.C.

Allez Savoir
20 au 24 septembre
Divers lieux, Marseille
allez-savoir.fr

Vu qui croyait voir

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Accueilli par une volée de bois vert lors de sa sortie le 6 septembre, le dernier long-métrage de Yann Gozlan ne démérite pourtant pas du reste de son ambitieuse filmographie. On y demeure sur un terrain connu : celui de l’aviation, déjà exploré par Boîte Noire, et source intarissable de fascination pour le cinéaste. Mais le registre n’est plus celui de la paranoïa et de la machination. C’est plutôt du côté de Burn out, précédent opus du réalisateur, que l’on se situe : la soif de contrôle, l’épuisement et le dérèglement mental de Diane Kruger évoque ainsi celui incarné par François Civil, motard contraint d’effectuer des courses pour un gang de narcotrafiquants. La détresse d’Estelle, pilote de ligne long-courrier, est cependant bien différente. Mais on y retrouve la question fondamentale du sommeil, et de son absence, ici induite non pas par un simple surmenage mais par un jetlag carabiné, soigné à coup de somnifères. 

Un inconfort rare

Le récit se densifie de rêves, de retours en arrière, d’ellipses d’autant plus déstabilisantes qu’ils s’opèrent en plein jour, baigné de la lumière si singulière de la Côte bleue, où se déroule la majorité du long-métrage. On y distingue la crise conjugale essuyée par le couple d’Estelle et de son médecin de mari, incarné avec ce qu’il faut d’inquiétant et d’enveloppant par Matthieu Kassovitz. Et surtout l’idylle ravivée avec Ana, artiste espagnole et surtout amour de jeunesse d’Estelle, qui a les traits et l’ardeur de Marta Nieto. Une inquiétude sourd d’interactions et de trajets faisant pourtant l’objet de peu de dialogues, et de scène distillant une étrangeté et même un inconfort rares dans le cinéma grand public français. Cinéma qui a jusqu’alors si peu fait honneur aux talents de Diane Kruger, dont on est heureux de constater la présence sur quasiment tous les plans. Et si Visions n’est pas exempt de maladresses, on peut au moins saluer cette volonté de s’emparer de cette héroïne hitchcockienne en puissance, et de l’avoir emmené sur un terrain nouveau. Pour elle, et aussi pour les porosités d’un récit plus ambigu et retors qu’il n’y paraît, Visions vaut bien un coup d’œil.

SUZANNE CANESSA

Visions, de Yann Gozlan
En salles depuis le 6 septembre
Le film a été présenté en avant-première lors d’une rencontre avec le réalisateur organisée par Les Cinémas Aixois.

Un souffle de liberté

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L’action se déroule à Londres sur deux années, de 1894 à 1896, et offre une peinture précise de la morale étriquée cette société. Les premières pages nous font partager un rêve érotique de John Addington, quarante-neuf ans, grand bourgeois érudit et prospère, marié à Catherine et père de trois filles. Dès le début il est clair que ce n’est pas sa vie conjugale qui satisfait ses désirs. Puis voici le timide Henry Ellis, médecin et écrivain, 30 ans, marié pour entente intellectuelle – mais sans consommation – avec Édith, rencontrée en 1892 dans la Société de la Vie Nouvelle qui ambitionne de réformer l’organisation et la morale de la société.

Le récit de Tom Crewe se déroule de façon circulaire, passant de la vie et des expériences de John à celles d’Henry en alternance, les entourant de personnages hauts en couleurs… John rencontre à Hyde park un homme de vingt-huit ans qui devient rapidement son amant et qu’il finira par imposer au domicile familial tandis qu’Henry accepte que la brillante et riche Angelica partage bientôt la vie, puis le lit d’Édith. Après la publication d’un article d’Henry sur Whitman, John rentre en contact avec lui. Leurs échanges épistolaires font naître le projet risqué de la publication d’une étude sur ce que l’on appelait « sentiment grec » ou « inversion sexuelle », et d’y exposer les fondements d’une moralité nouvelle qui permette l’épanouissement de chaque individu, quel que soit son sexe. 

Cru et remarquable

Fi des injonctions de la société, de l’obligation du mariage et de la procréation, des rôles déterminés au sein du couple, du moralisme et de la bienséance !  C’est à ce moment que survient le procès et la condamnation d’Oscar Wilde qui fait l’effet d’un tsunami. Pour ce roman, Tom Crewe s’est inspiré de deux hommes qui ont existé et publié, changeant quelques noms et dates, mêlant intimement la fiction à l’histoire qui bouleverse par la souffrance et l’étouffement des femmes et des hommes de cette époque qui ne sont pas sans évoquer les difficultés de la nôtre à propos du sexe, de l’épanouissement de l’individu, de la tolérance. Tom Crewe a fait un travail remarquable, dans un style séduisant qui n’a pas peur de la crudité et semble nous tendre un miroir, déformant certes, tout en rendant hommage à ces combattant·e·s de la première heure.

CHRIS BOURGUE

La vie nouvelle, Tom Crewe, traduit de l’anglais par Étienne Gomez
Christian Bourgois - 24 € 

actoral s’ouvre au Mucem

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Dans le cadre du prélude d'actoral, River Lin a été donné dans le hall du Mucem © Juliette Larochette

Les 8 et 9 septembre dernier, le festival pluridisciplinaire actoral, dirigé par Hubert Colas a fait son inauguration au Mucem. Et comme depuis quelques années déjà, ces deux jours en prélude précèdent de deux semaines le début d’un rendez-vous incontournable des arts de la scène.

Cette année, le festival arbore les couleurs de l’inclusivité, du dialogue, du partage. actoral célèbre « l’humanité des corps oubliés », la différence des genres, la singularité des récits. Il creuse les mémoires et fait honneur aux voix singulières. Tout en remettant celles-ci au cœur de la cité.

Ainsi, de River Lin, qui, dans My body is a public collection, fait déambuler les danseurs du Ballet national de Marseille au milieu du public regroupé dans le forum du musée. Interactions, regards, sourires : la frontière entre plateau et salle disparaît. Les spectateurs esquissent quelques pas de danse, écoutent un récit ou observent la chorégraphie conçue autour d’un objet des collections du musée, fragment oublié d’une mémoire pourtant commune.

De l’inattendu 

C’est aussi sous le signe du dialogue que cette édition se joue. Dialogue entre danse et musée : pour Dress-up, Darius Dolatyari-Dolatdoust a pioché dans les collections du Mucem différents costumes traditionnels ensuite réassemblés pour produire une performance entre surface et profondeur qui explore les facettes du moi. Dialogue entre cinéma et littérature, pour des ciné-lectures inspirés de films rares extraits des collections. Dialogue entre public et interprètes enfin, lorsque Stéphanie Aflalo détourne dans LIVE les codes d’un concert pop, pour produire en sous-sol la mélodie d’un one-woman show décapant. Un moment de complicité drolatique et tendre.

Il souffle sur ce festival, et c’est là sa rareté, un esprit de partage, d’aventure et de rencontres. Si toute aventure comporte sa part d’imprévus (comme une jauge plus réduite pour Dress-up, qui aura laissé quelques spectateurs déçus patienter au bar), c’est avec jubilation, dans d’un esprit festif mêlant art et revendication, que se clôt une riche soirée. Le set musical conçus par les artistes queer Flor Mata, Janis et mx.pinky révèle en effet une pop électro, sensible et envoûtante dont le maître mot, toujours, est de montrer que la scène est le lieu d’un questionnement vital sur nos différents rapports au monde. Et actoral le démontre avec brio, édition après édition.

ÉTIENNE LETERRIER-GRIMAL

Le prélude d’actoral a été donné au Mucem ces 8 et 9 septembre

Le festival se poursuit jusqu'au 14 octobre

Le Blues Roots Festival emporte le domaine Valbrillant

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Le Blues Roots Festival s'est tenu dans le domaine Valbrillant à Meyreuil, face à la Sainte-Victoire © François Colin

Les trois soirées du festival s’articulaient chacune en deux temps, un artiste jeune déjà solidement confirmé puis une légende. 

Hymne à la liberté

Le guitariste allemand surdoué Henrik Freischalader ouvrait le bal avec ses complices Moritz Fuhrhop (orgue Hammond), Armin Alic (basse), Hardy Fischötter (batterie). « Le blues est pour lui plus que de la musique, c’est sa vie », souriait le directeur artistique André Carboulet. Sur scène, la technique somptueuse du musicien se joue des sonorités rétro-70, se mariant avec une voix émouvante pour un blues intemporel qui ne néglige pas la joie de la danse même lorsqu’elle dit « my baby don’t love me no more ». 

Le soir suivant, Nikki et Jules, traduisez Nicolle Rochelle (chant, danse) et Julien Brunetaud (pianiste génial), apportaient leur verve et leur humour accompagnés de Sam Favreau (contrebasse), Cédrick Bec (batterie) et Jean-Baptiste Gaudray (guitare). Leur propos abordait le « deuxième versant de la grande vague du blues : boogie-woogie, rhythm and blues… ». La vivacité des utopies berce ces musiques généreuses. Le lapstick (cette étonnante petite guitare) de Laura Cox permettait un hommage à la musique country qui l’a nourrie avant de décliner un rock addictif qui flirte parfois avec les inflexions du groupe Popol Vuh (qui a tant composé pour le réalisateur Werner Herzog). Toute fine sur scène, la jeune guitariste et chanteuse impose une présence forte qui dynamise ses musiciens, Antonin Guérin (batterie), Adrien Kah (basse et chœur), Florian Robin (claviers). 

Le temps des légendes

JJ Milteau Blues Roots Festival Meyreuil 2023© Dan WARZY

Le pionnier de l’harmonica en France, Jean-Jacques Milteau, s’amuse aux traversées transatlantiques des musiques. Et comme « l’ensemble est supérieur aux parties », il réunit autour de lui, outre ses instrumentistes, Jérémy Tepper (guitare), Gilles Michel (basse), Eric Lafont (batterie), deux chanteurs aux voix opposées, l’un ancré dans la terre et les rocailles, l’autre tutoyant les nuages, Michael Robinson et Ron Smyth qui offrirent des duos sublimes où chaque timbre enrichissait l’autre. Le blues retrouve ses racines gospel, arpente les titres des albums. Le guitariste et chanteur Tommy Castro annonçait : « It’s party time tonight » et enchaînait ses tubes, The pink lady, That girl, Blues prisoner, avec un sens très théâtral en une plongée vertigineuse dans le grand bleu du blues. 

Le festival se refermait en pyrotechnie avec Sugaray Rayford, géant de la scène, endroit où il se sent chez lui, présent dès le changement de plateau, blaguant avec les techniciens et ses musiciens, s’adressant au public comme à des amis. La chaleur humaine est aussi une histoire de blues avec un orchestre éblouissant, (« ils peuvent jouer n’importe quoi » affirme Sugaray, exemples à l’appui), guitare stratosphérique de Daniel Avila, trompette (Julian Davis), sax (Derrick Martin), batterie (Ramon Michel), basse (Allen Markel) imperturbables malgré les frasques espiègles de Sugaray dont le chant conte, s’indigne, prend des allures de prédication des églises américaines, confie. On n’oubliera pas de sitôt la reprise par Robert Drake Shining aux claviers et au chant du célébrissime Comfortably Numb (The Wall, Pink Floyd), ni de l’intervention impromptue en « guest star » de l’épouse du bassiste, feu follet à la voix bigrement groovy, ni le dernier chant, a cappella, de Sugaray, assis sur une caisse, face au public, un What a wonderful world (Louis Armstrong) qui nous rappelle combien l’art est capable de rapprocher les mondes et de lutter pour la paix.   

MARYVONNE COLOMBANI

Le Blues Roots Festival s’est tenu du 7 au 9 septembre au domaine de Valbrillant, Meyreuil