mercredi 19 novembre 2025
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Épure et prouesse

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Performances, exploit, dépassement de soi, entraide et solidarité : cirque et sport de haut niveau partagent de nombreux points communs, et cette nouvelle édition de l’Entre2 BIAC nous en présente quelques exemples dans 9 villes de la métropole, de Marseille à Port-Saint-Louis-du-Rhône en passant par Berre-l’Étang, Aubagne ou Aix-en-Provence. Comme d’habitude, on retrouvera au sein de la programmation chamarrée de grandes formes tout public qui en mettent plein les yeux – telle que L’envolée cirque à Vitrolles du 10 au 12 février, ou encore de nombreuses proposition sous chapiteau dans le cadre de la 26e édition des Elancées à Istres. 

Force vives locales 

Forces vives de cette cinquième édition, les compagnies régionales sont à l’honneur. Basée à Nice, la compagnie Les hommes de mains livre une acrobatie épurée sur l’urgence de ralentir (Citizen, le 15 février à Vitrolles et le 21 février à Aubagne). On retrouve avec joie la talentueuse Alice Rende, dont la compagnie AR s’est récemment ancrée à Aix-en-Provence. Forme aboutie de son solo originel Passages, Fora propose une magnifique allégorie de la contorsion, entre repli sur soi et escapologie, cette discipline historique du cirque qui consiste littéralement à s’échapper (les 13 et 14 février au Bois de l’Aune). Quant à la compagnie toulonnaise Hors Surface, dont les gracieuses envolées sur trampoline ponctuent régulièrement le territoire, elle présente sa plus récente création chez Archaos le 15 février : Open cage !, danse voltige autour de la folie d’un homme, déjouant les limites physiques comme mentales d’une chambre d’hôpital. Dans le cadre de l’Olympiade culturelle, la compagnie coordonne aussi le projet Toujours plus haut, en partenariat avec le collectif de foot freestyle Uni-Sphère : à l’issue d’une semaine d’atelier menés avec de jeunes ados autour du ballon comme objet artistique, un spectacle sera présenté durant le traditionnel événement de clôture Au bout la mer, le 25 février sur la Canebière. 

JULIE BORDENAVE

Entre2 BIAC
Jusqu’au  25 février
Marseille, Port-de-Bouc, Istres, Aix-en-Provence…

Les Élancées et l’urgence de ralentir

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Du 10 au 25 février, la 26e édition du festival des arts du geste met en avant les préoccupations écologiques de ses artistes

Depuis 25 ans, le festival Les Élancées prête une attention particulière aux intentions qui animent les artistes épris de mouvement. Entre danse et cirque, des fidélités se sont tissées au fil du temps, des grands noms se sont croisés, et certains d’entre eux orientent cette année leur regard sur l’urgence écologique. C’est le cas de l’inventive chorégraphe Nathalie Pernette, qui avec L’Eau douce explore une scénographie liée aux différents états de l’eau : vapeur, liquide, gelée… Ce spectacle jeune public se destine à happer, émerveiller, susciter l’attention – donc l’intérêt – autour de la beauté et de la fragilité de ce capital commun à préserver (le 14 février à l’Espace 233, Istres). C’est aussi le cas de Philippe Lafeuille, qui imagine un ballet entièrement recyclable : une relecture fantasmagorique de Cendrillon effectuée à base de matériaux de récupération, visant à valoriser les déchets (le 17 février au Théâtre de Fos). 

Autour du monde

Pour sa part, le bouillonnant Anton Lachsky convoque l’énergie de quatre danseurs hip-hop pour déjouer les mirages de nos mondes dévolus au virtuel (Les autres, le 20 février à l’Espace 233, Istres). Quant au Cirque Éloize, troupe historique de cirque contemporain créée il y a une trentaine d’années à Montréal, il décide de célébrer les merveilles naturelles des Îles de la Madeleine (Entre ciel et mer, les 17 et 18 février au Théâtre la Colonne, Miramas). En clôture du festival enfin, l’épopée des treize acrobates guinéens de Circus Baobab, mis en piste par le facétieux Yann Ecauvre de la Compagnie Inextrémiste, revisite la conquête de l’eau dans un monde en ruines, pyramides humaines, océan de bouteilles et acrobatie aocalyptiques à l’appui  (Yé!, les 24 et 25 février à l’Usine, Istres).

JULIE BORDENAVE

Les Élancées
Du 10 au 25 février 
Istres et alentour 
scenesetcines.fr

Tisser le temps

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Le cinéma peut convoquer les fantômes. Personnels et collectifs. C’est ce que fait le dernier long métrage de Bertrand Bonello, La Bête 

La Bête est un film d’arrière-goût où l’on retrouve la passion du réalisateur pour le film de genre. Argento, Cronenberg, Fincher, De Palma, Kubrick, Ophüls et Lynch…Et un film d’avant-goût où s’annonce une catastrophe imminente qui a peut-être déjà commencé. Un film miroir et voyant, un peu extra-lucide, qui ne rassure pas – car l’explication se dérobe. Un film qui se fait écho de nos terreurs contemporaines. L’avènement d’un âge glaciaire pour l’humanité : la disparition des affects, la peur de s’engager dans une relation, le triomphe de l’intelligence artificielle, la confusion entre réel et virtuel. D’accès difficile, diront ceux qui cherchent le linéaire et le rationnel. Captivant, hypnotique et presque familier, répliqueront ceux qui acceptent de se laisser porter par la beauté des images. Guidés par les motifs récurrents. Conquis par l’interprétation vibrante de Léa Seydoux – saisie à fleur de peau, omniprésente – et par celle de l’acteur anglais Georges MacKay, lunaire et chimérique à souhait, tour à tour amoureux transi ou criminel sexuel.

Bertrand Bonello, nous transporte dans un futur proche, aseptisé gris et sec, dominé par l’IA qui exige des humains briguant un emploi à responsabilité, une purification de leur ADN, afin d’annihiler tout affect perturbateur. Gabrielle, rongée par le doute, torturée par la peur, accepte tout de même le long process du « nettoyage » et retrouve ses vies et morts antérieures. Elle est la femme d’un fabricant de poupées, riche bourgeoise dans le Paris de 1910. Elle est cette actrice qui fait des castings, et garde une somptueuse maison californienne en l’absence des propriétaires à Los Angeles en 2014. Film en costumes, polar californien, film d’horreur et de science-fiction s’hybrident. Dans cette traversée de ce qui a abîmé Gabrielle, a fait couler ses larmes, entre les époques, les genres, les formes, la rencontre de ce même homme, Louis. Et ce risque d’aimer qu’aucun des deux ne veut prendre. 

Poupées russes 

D’un univers à l’autre, les fils se tissent : le thème des poupées, si présent dans le fantastique. De porcelaine ou de celluloïd. Aux yeux fixes et bleus comme ceux de Gabrielle. Assemblées ou désarticulées comme dans un tableau de Bellmer. Poupée-robot domestique posée sur un canapé ou la poupée Kelly (Guslagie Malanda) nurse-androïde assistant Gabrielle dans le protocole de purification, l’aimant jusqu’à rêver d’elle, jusqu’à désobéir, déjà si humaine. Le thème de la voyance et un pigeon messager de malheur sautant les années, l’angoisse permanente de la bête prête à bondir. Un tissage poétique, l’eau et le feu dans une rêverie très bachelardienne. Jeux de symétries, de reflets : les dialogues s’inversent. 

Rien n’est laissé au hasard par le réalisateur qui joue des écrans et des cadres comme il le fait pour des niveaux de réalité. Le film commence par un making-of sur fond vert, où il dirige son actrice pour une scène qu’on retrouvera plus tard dans l’illusion réaliste du décor. Le réalisateur affirme qu’il a choisi ce prologue pour dire : « Voilà c’est Gabrielle mais c’est aussi Léa Seydoux ». Pour autant, le mystère et le charme restent entiers.

ÉLISE PADOVANI

La Bête, de Bertrand Bonello
En salle le 7 février

Dali change de toile

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Quentin Dupieux convoque la figure délirante du peintre catalan. Dans un long-métrage déconcertant, à l’image de son réalisateur et du modèle dont il s’empare  

D’abord il y a le titre majuscule DAAAAAALI !, avec ses six « A » qui semblent évoquer le phrasé traînant et mélodramatique du Maître catalan et, peut-être, les cinq acteurs qui endossent son look et ses attributs : canne crossée, plus sceptre que béquille, moustache-croc, fine et cirée.

Après Yannick, le prolifique Quentin Dupieux enchaîne avec cette fantaisie – mi farce, mi raisin –, présentée à la Mostra 2023, et réunissant pour le rôle phare : Gilles Lellouche, Edouard Baer, Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Didier Flamand. Face à la multiplicité de l’artiste, Anais Demoustier – une « habituée » des castings de Quentin – est Judith, ex-pharmacienne devenue une journaliste médiocre qui entreprend d’interviewer l’imprévisible Dali. Ce projet d’interview sous l’impulsion du peintre qui ne parle que devant caméra, devient projet de film. Il sera produit par un Jérôme globalement odieux, campé par Romain Duris

Comme toujours le pitch du réalisateur déconcerte et ne dit pas grand chose du film que l’on va voir, dont on ne peut guère parler non plus, tant il tient dans son montage, ses imprévus, et ici plus que jamais, ses métamorphoses. Comme pour un scratching, Dupieux distord. Les scènes sont reprises en boucle, des rêves s’imbriquent dans un supposé réel, les possibles narratifs et filmiques cohabitent, des gags à la Monty Python surgissent. L’univers surréaliste se recrée par citation – Buñuel en filigrane, et par immersion. Le premier plan donne le LA : on entre dans un tableau reconstitué de Dali, Fontaine nécrophilique coulant d’un piano à queue (1933) puis dans un décor saturé de lumière qui reproduit sa maison de Portlligat, où le peintre et Gala ont vécu jusqu’en 1982. L’agneau, la chèvre, l’ours blanc, le crâne, le téléphone filaire, la télé en noir et blanc, un crâne : le bestiaire et les objets dignes d’un cabinet de curiosités en petits cailloux thématiques. La peur de la mort et les vanités au cœur du délire dalinien-dalinesque.

Dali, c’est moi non plus 

En boutade, le réalisateur a déclaré que pour réaliser cet hommage au peintre surréaliste qu’il admire, il est entré en « connexion cosmique » avec lui et s’est laissé guider. Dali serait donc à la fois le sujet de cet improbable biopic mais aussi son auteur par procuration. Fort de sa « méthode paranoïaque-critique », c’est lui qui mène la danse suivant ses caprices de star, et on se demande si l’on peut tout pardonner à un artiste. C’est lui qui impose au montage, le final du documentaire. « Excentrique et concentrique » comme il se définissait. Il y a du Dali dans Dupieux et anachroniquement du Dupieux dans Dali. Ils partagent en tout cas la hantise de s’ennuyer et d’ennuyer : le réalisateur travaille déjà sur son prochain film.

ÉLISE PADOVANI

DAAAAAALI !, de Quentin Dupieux
En salles le 7 février

Joyeux Débarras : accords de libre-échange

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Ce 10 février aux 8 Pillards, Les Pas Perdus exposent donnent des œuvres d’art

En 2019, un collectif d’artistes, architectes, artisans investissaient l’ancienne usine de métallurgie Pillard, dans le 14 e arrondissement de Marseille. Un lieu immense, qu’ils réhabilitent depuis avec un espoir en l’expérimentation collective et une inventivité qui ne se démontent pas face aux obstacles. Car obstacles il y a eu ! En juillet dernier, Les 8 Pillards se sont vus signifier leur éviction de l’appel à projets porté par l’Établissement Public Foncier, actuel propriétaire du site, qui décidera de son avenir. Comme souvent, restent en lice de gros investisseurs, avec des propositions sans valeur culturelle et sociale. Le collectif a toutefois obtenu un répit un an encore, et ne renonce pas à sa vocation, maintenir un espace de création, de production et de vie, dans un quartier trop souvent délaissé par les artistes.

Tout ou rien

Occupants depuis la première heure, Les Pas Perdus, groupe d’art contemporain collaboratif, s’investissent dans la programmation et initient sur place Joyeux débarras, un cycle de douze expositions au cours desquelles seront données des œuvres d’art créées à plusieurs mains. « En échange de rien ou au contraire de tout ce qui vous plaira : une chanson, une poésie, une danse, une recette, une plaisanterie, une lecture d’un compte rendu de la coupe du monde de rugby, une performance, un toast, une histoire, une coiffure, un mot, un mets… ou toute autre immatérialité. »
Chaque exposition prendra une forme événementielle singulière : Playing with life, le 10 février, celle d’une tombola. Les suivantes, celle d’un loto ou d’un karaoké… Joyeux débarras -2 (Insolentes joyeusetés & Club de rencontres pour objets) et -3 (La Joliette des Songes) auront lieu respectivement les 9 mars et 4 mai.

GAËLLE CLOAREC

Joyeux débarras -1 Playing with life
10 février
Usine Pillard, Marseille
lespasperdus.com

Manouchian, l’honneur de la France 

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Le 7 février, les associations Promemo et Coudes à Coudes s’associent pour organiser une après-midi autour de la thématique : « Les étrangers dans la résistance ; et la figure de Missak Manouchian ». Un événement qui s’inscrit dans le cadre de la panthéonisation prochaine du poète arménien et de sa compagne, tous deux résistants, le 21 février. Le coordinateur local de Coudes à Coudes en charge d’animer ces rencontres, Michel Potoudis, n’a d’ailleurs pas manqué de souligner le caractère paradoxal de l’actualité politique. « On honore un étranger qui est mort pour la France et dans le même temps on restreint les droits des sans-papiers ! », s’offusque-t-il. 

Transmettre à la jeunesse 

Selon Michel Potoudis, l’intervention de l’historien Jean-Marie Guillon constitue « le noyau intellectuel de la demi-journée ». L’enseignant à Aix-Marseille Université parlera du rôle des étrangers dans la Résistance à partir de 15h45. Plus tôt, à 14 h, l’archiviste au musée de la Résistance nationale Xavier Aumage projettera des archives du groupe Manouchian. Ces horaires ne conviennent pas à tous les publics, mais il s’agit d’un choix délibéré de la programmation qui a décidé de se tourner vers les jeunes. « Il y aura une centaine d’élèves qui viennent du lycée Victor Hugo, Simone Veil et Marie Curie », indique Michel Potoudis. Une démarche salutaire dans le contexte actuel de montée de l’extrême droite. 

RENAUD GUISSANI 

Les étrangers dans la résistance
7 février
Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille

Entre ici, Manouchian, pour l’honneur de la France 

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Le 19 décembre 1964 André Malraux, Ministre de la Culture, prononçait, pour accueillir au Panthéon les cendres du héros de la Résistance un discours historique d’une voix vibrante : « Entre ici Jean Moulin … ». De Gaulle, Pompidou et VGE laissaient l’écrivain faire son oraison, accompagnée par des roulements de tambours discrets, retransmise en direct par l’ORTF devant 5 millions de Français possédant une télévision.

Le 21 février 2024. Il aura fallu près de 60 ans pour que Missak Manouchian, le chef des Partisans Main d’Oeuvre Immigrée, le FTP MOI, entre dans le bâtiment national qui porte au fronton, depuis l’invention de la République (avec quelques trous pendant les périodes de restaurations monarchiques) la devise « Aux Grands Hommes la Patrie reconnaissante ». 

Soixante ans de plus, pour que l’on dise enfin la reconnaissance de la Nation à cet Arménien qui, orphelin, avait fui le génocide turc, et s’était engagé dès les premières heures contre l’Occupation nazie. Soixante ans de plus, alors que la Résistance employait massivement pour sa guérilla urbaine les unités de Francs Tireurs et Partisans étrangers, communistes, que les Nazis qualifiaient de terroristes et de métèques. 

Nos frères (et soeur) pourtant

Ils étaient très majoritairement juifs, d’Europe de l’Est, « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant »  écrira Aragon, chantera Ferré. Notre soeur aussi, puisqu’Olga Bancic était parmi eux, juive roumaine du Groupe Manouchian torturée et exécutée par les Nazis, par pendaison quant à elle, parce qu’elle ne valait pas une balle.

Les « Vingt et trois » immigrés, qui « criaient La France en s’abattant » n’auraient-ils pas dû entrer ensemble au Panthéon d’une France enfin reconnaissante des Grands Hommes (et Femme) étranger.e.s qui l’ont défendue ? Un seul suffirait, « parce qu’à prononcer leurs noms sont difficiles » ? Manouchian est le symbole de tous, mais 23 places n’auraient pas été de trop au Panthéon. 

Qui enjoindra, comme Malraux l’a fait pour Jean Moulin, à penser à tous ces hommes (et femme) qui étaient « le visage de la France  » ? Qui honorera leurs portraits « hirsutes, menaçants » placardés par les Nazis comme autant d’affiches rouges transformant ces « libérateurs » en « armée du crime » ?  Qui fera aujourd’hui leur oraison ?

La mémoire et les actes

Rachida Dati, qui 60 ans après occupe le poste d’André Malraux, n’est sans doute pas prévue dans ce rôle, et c’est le Président d’une République qui, après avoir tenté de promulguer une loi illégale sur les étrangers, honorera Manouchian et sa femme. Parlera-t-il des autres M.O.I., du rôle du P.C.F. dans la Résistance, des 60 ans écoulés entre la panthéonisation de Jean Moulin le Gaulliste et de Missak Manouchian le Communiste ? 

Ce serait peu dans sa  logique. Les cérémonies mémorielles rendent hommage, mais elles ne sauront camoufler le gouffre immense entre une Ministre et l’autre. Elles ne sauront excuser l’attitude d’une France qui veut se débarrasser de ses étrangers en oubliant qu’ils l’ont défendue et construite. Qu’arriverait-il aujourd’hui à Marie Curie la Polonaise, Milan Kundera le Tchèque, Andrée Chedid l’Egyptienne? Comment un étranger apatride arrivé du Liban clandestinement serait-il aujourd’hui accueilli dans notre pays ? Calculerait-on son âge osseux et mesurerait-on son poignet pour attester que Missak Manouchian, dix-huit ans quand il a débarqué à Marseille, n’était pas mineur et devait être renvoyé vers sa Turquie natale, qui avait tué son père ? 

AGNES FRESCHEL

Bourdieu au prisme du neuvième art

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De gauche à droite. Manon Cheminat, Pascal Génot, Tiphaine Rivière, Michel Potoudis et Charles Bosvieux-Onyekwelu

Située tout en haut de la Canebière, la librairie Maupetit propose régulièrement des rencontres dans son enceinte

Le 20 janvier à la librairie Maupetit à Marseille, il était question de « Pierre Bourdieu en BD ». Autour de la table Tiphaine Rivière autrice de la BD La Distinction, librement inspirée du livre de Pierre Bourdieu, Pascal Génot auteur de Bourdieu, une enquête algérienne, Manon Cheminat professeure de SES et le sociologue Charles Bosvieux-Onyekwelu. Michel Potoudis, coordinateur local de l’association Coudes à Coudes qui organise la rencontre, s’occupe de la modération. « Notre but est de partager les savoirs critiques et de donner les outils pour sortir de la domination », explique-t-il en introduction. Rien que ça !

Faire émerger les représentations
« J’ai fait lire l’adaptation de Tiphaine Rivière à mes élèves de seconde. C’est à la fois un outil et un support pour faire émerger les représentations. La BD est une voie d’entrée beaucoup plus efficace car elle est incarnée », explique Manon Cheminat dans sa première prise de parole. L’autrice Tiphaine Rivière a dû faire un choix face à la complexité des idées brassées dans La Distinction. Elle a ainsi volontairement grossi le trait des personnages qu’elle met en scène, au risque de frôler la caricature. « En même temps, ça nous arrive souvent de rencontrer des gens et de se dire qu’ils sont caricaturaux », ironise-t-elle.

Pour le sociologue du CNRS Charles Bosvieux-Onyekwelu, les adaptations artistiques de la pensée bourdieusienne sont nécessaires pour la faire connaître. Il salue la dimension didactique du roman graphique de Tiphaine Rivière et souligne la profondeur de celui de Pascal Génot. Ce récit à double hélices alterne entre des moments où l’on suit le personnage principal qui s’aventure sur les pas de Bourdieu en Algérie, et des passages de reconstructions historiques où l’on voit l’enfance du sociologue et son ascension sociale.  

RENAUD GUISSANI

La rencontre « Pierre Bourdieu en BD » s’est tenue le 20 janvier à la librairie Maupetit, Marseille.

[SPÉCIAL SAISON] : L’Alpilium donne à voir

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La petite ville de Saint-Rémy-de-Provence, avec ses deux musées de France, so site archéologique, son cinéma et son théâtre municipal, a tout d’une grande ville culturelle. L’Alpilium laisse l’embarras du choix dans sa programmation 2024. Inauguré en 2013, il sort aujourd’hui de ses murs, comme pour Ranger (le  10 février), à l’occasion de la venue de Jacques Weber au théâtre d’Arles, affrétant un bus ; ou programme au lycée professionnel agricole des Alpilles le spectacle Seuil (le 18 avril à 14h30 et 20h). Une pièce de la compagnie Grande Marée qui sensibilise au harcèlement et interroge la virilité. Et où le public va deviner ce qui se trame, à la manière d’un roman policier. 

L’éclectisme dit « Bingo ! » 

Il y a de la danse avec le chorégraphe Sébastien Ly qui présente Sidéral (le 28 février). Ce ballet suspendu dans les airs et accompagné de musique invite au lâcher-prise, à la contemplation et à l’introspection. 

Du théâtre avec L’Occupation jouée par Anne Consigny (le 22 mars), adaptation du roman d’ Annie Ernaux qui met en scène la jalousie obsessionnelle d’une quadragénaire envers son ex-compagnon. 
Place au cirque avec A simple space, un spectacle de la compagnie australienne Gravity and other myths(le 13 avril). Au cours de cette représentation les acrobates vont repousser leurs limites sous les yeux d’une assistance qui pourra choisir de se tenir à proximité des athlètes.
La musique de chambre a aussi sa date, avec le concert de Vincent Mussat et Joë Christophe (le 18 mai). Ce duo clarinette-piano est respectivement nommé dans la catégorie « révélation, soliste instrumental » des Victoires de la musique classique 2023, ainsi que dans la catégorie « révélation classique » de l’Adami 2019. 
Enfin, l’humour tire aussi son épingle du jeu avec Bingo ! en la présence d’Igor Bouin, Martial Pauliat et Yann Rolland (le 16 mars). Les trois chanteurs y organisent un véritable loto déjanté, où certains auront la chance de remporter un prix…

RENAUD GUISSANI

Alpilium
Saint-Rémy-de-Provence
04 90 92 70 37
mairie-saintremydeprovence.com

D’une candeur bestiale

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Ludor Citrik ©Philippe Laurençon

Le premier opus de Grrrrrrr !, dernière création de La Factory,  s’est ouvert à Avignon et se poursuit jusqu’au 11 février

La première édition du festival de férocité Grrrrrrr ! rugit depuis le 25 janvier au Théâtre de l’Oulle à Avignon. Derrière ces journées qui mettent le personnage du clown en avant, il y a la volonté de critiquer la société, sans se prendre au sérieux. A cet égard, le directeur de La Factory Laurent Rochut rappelle les mots de Montesquieu : « La gravité fait le bonheur des imbéciles ». Il faut entendre par là que la naïveté et l’humour seraient plus efficaces que des discours politiques pour révéler les absurdités du monde. « Je m’inscris dans une filière qui va des dessinateurs de presse comme ceux de Charlie Hebdo, à des chanteurs comme Didier Super », indique Laurent Rochut. La programmation du festival s’est donc dotée de grands clowns tels Ludor Citrik et Fred Blin, qui représentent tous cette innocence féroce que la fabrique d’art vivant a en grande estime. Pour la suite des festivités, Grrrrrrr ! joue à nous faire peur avec le clown Typhus Bronx et son show caustique et déjanté qui promet de nous « faire flipper [notre] race » (le 3 février). Le stage de recherche initialement prévu avec le clown Gilles Defacque, a dû changer de nature puisque le comédien a malheureusement subi une opération chirurgicale. C’est Ludor Citrik qui le remplace, pour un séminaire qui laisse certes moins de place à l’introspection, mais au profit d’une extraversion bienvenue (du 2 au 4 février).

Catharsis carnavalesque
Ce festival s’inscrit aussi dans la tradition du Roi Carnaval. Selon cette coutume qui remonterait au Moyen-Âge, un habitant lambda devient le roi le temps de la fête lors de laquelle les rôles sociaux s’inversent. « On veut retrouver cet esprit de Catharsis qui est au cœur du carnaval, où on brûle tout, y compris les maux de la société, symboliquement », explique Laurent Rochut. Mais dans tout ça, où sont les femmes ? Leur absence totale de la programmation est pour le moins intrigante, si ce n’est dérangeante. L’équipe programmative justifie cette carence de deux manières. Tout d’abord car la première édition du festival s’est basée autour du trio Ludor, Fred et Typhus et leurs solos respectifs. Et ensuite car il n’y aurait eu que des hommes disponibles avec un projet mobilisable à trois mois de l’événement. Cependant, Laurent Rochut l’affirme, la prochaine édition de Grrrrrrr ! ne conviera que des artistes femmes. D’ici là, il faut se tourner vers GIRL, GIRL, GIRL, festival de la nouvelle scène féminine prévu pour mi-avril et sous le marrainage de l’artiste Emma Daumas.

RENAUD GUISSANI

Du 25 janvier au 11 février
Théâtre de l’Oulle, Avignon