mercredi 2 avril 2025
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Faveurs de Printemps rayonne encore 

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Blumi © Marie Auchatraire

Créé en 2005 par Sylvain Besse, le festival Faveurs de Printemps entre cette année dans une nouvelle ère. Le fondateur laisse place cette année à Charlie Maurin, désormais en charge de la programmation. Pour ouvrir les festivités, La Bière de la Rade accueille les Canadiens de Bibi Club : duo électro-pop-rock formé par le couple Adèle Trottier-Rivard et Nicolas Basque, dont le premier album Le soleil et la mer, réalisé pendant le confinement, déroule tout un programme intime, chatoyant et élégant de retour à la vie et d’ouverture à l’avenir. 

Direction Hyères ensuite où l’Anglicane accueille les concerts (19 heures – gratuits sur réservation) d’ouvertures, tandis que le Théâtre Denis offre sa scène aux concerts payants pour continuer la soirée. Le jeudi 13 avril l’indie-pop de Blumi, de son vrai nom Emma Broughton, est à L’Anglicane, qualifiée de « fille spirituelle de Beth Gibbons », ses chansons sont comme « des sculptures patiemment tirées d’un bloc de métal brut ». Au Théâtre Denis, le festival invite Cloud, la chanteuse autodidacte à tendance introspective, en première partie. Elle est suivie de November Ultra, dont le premier album Bedroom walls est une invitation à entrer dans son sanctuaire, sa chambre parisienne, où il a été composé. 

Une pluie écossaise

La soirée du vendredi 14 aligne à L’Anglicane l’Anglo-Libanaise Nadine Khouri dont le premier album The Salted Air a été produit par le producteur britannique John Parish himself. Et au théâtre Denis, le folk-rock du local Fabian Aubry, suivi de l’indie-folk de la Norvégienne Siv Jakobsen, dont l’album sorti en 2020 A Temporary Soothing, au lyrisme audacieux, a été nominé pour un Spellemann, le grammy award norvégien. La soirée de clôture du 15 avril voit à l’Anglicane Shannon Lay, au dernier album Geist peuplé d’ombres, de réveils spirituels, de déjà-vu et de rêves ; et au théâtre Denis, les Black Lilys, invités par Pomme sur sa dernière tournée, dont le deuxième album New Era, sorti en octobre dernier, a été écrit en Écosse, inspiré par les grandes vallées des Highlands et les jours de pluie. Ils sont suivis par Mermonte, formation entre groupe de rock et orchestre, pour une pop orchestrale majoritairement instrumentale, derrière laquelle on trouve Ghislain Fracapane, jeune compositeur et multi-instrumentiste basé à Rennes.

MARC VOIRY

Faveurs de Printemps
Du 7 au 15 avril
Divers lieux à Toulon et Hyères
faveursdeprintemps.com

Une passion aixoise 

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Renaud Capuçon est le directeur artistique du Festival de Pâques © Simon Fowler

Pour fêter l’anniversaire de ce festival pensé comme une réponse aixoise aux festivités de Salzbourg, on ne se refuse décidément rien. À commencer par la présence soutenue de son directeur artistique Renaud Capuçon, qui ouvre le bal le 31 mars avec Les Siècles Pop pour un programme consacré aux musiques de film françaises.

L’Ensemble vocal de Lausanne et l’Orchestre de Genève font ainsi entendre la Messe en ut de Mozart le 1er avril, accompagné de la célèbre symphonie n°40 ; le lendemain, place à la Petite messe solennelle de Rossini ! Le Grand Théâtre de Provence accueille bien sûr comme chaque Vendredi saint une Passion de Bach, cette année selon Saint Matthieu, donnée par les Talens Lyriques. La musique baroque reste au cœur du festival, avec le chef René Jacobs le 6 avril pour le Stabat Mater de Pergolèse et des cantates de Bach, ou encore l’organiste surdoué Thomas Ospital le 11.

Un vaisseau attendu

Les pianistes de renommée mondiale se succèdent : Alexandre Kantorow le 9 avril pour un programme romantique autour de Brahms, Schubert et Liszt ; l’incontournable Yuja Wang le 15 avril avec une pièce écrite pour elle par Magnus Lindberg, aux côtés de l’Orchestre de Paris ; la grande Martha Agerich le 14 sur Prokofiev, Rachmaninov et Ravel aux côtés d’un talentueux confrère, Lahav Shani ; et enfin Igor Levit le 5 avril sur Bach, Busoni et Franck en compagnie de Renaud Capuçon.

Côté symphonique, on se lèche également les babines : Bartok et Strauss par le Budapest Orchestra le 3 avril, la Sixième de Mahler par le Czech Philharmonic le 4 avril… Un fort accent sur Wagner est également porté : avec une soirée d’exception le 8 avril, sous la direction de Fabio Luisi le 8 ; une version concert très attendue du Vaisseau Fantôme, avec notamment James Rutherford en Hollandais sous la direction de François-Xavier Roth. Et enfin, le 12, sa Siegfried-Idyll par l’Orchestra Mozart.

Le festival accueille également Barbara Hannigan le 11 avril et une belle programmation de musique de chambre au Jeu de Paume (avec notamment David Fray et Victor Julien-Laferrière le 2 avril et le Quatuor Dutilleux le 12). Loin du GTP, le festival s’ouvre avec un programme « en partage » gratuit : initiation à la direction, conférences, master classes et surtout le traditionnel concert pour les Aixois en la cathédrale le 9 avril. 

Le festival s’achève par trois concerts d’artistes révélés depuis dix ans à Aix-en-Provence : autour des violoncelles le 14 avril, des bois le 15 avec les pianistes David Kadouch et Tanguy de Williencourt, et un grand concert de clôture en plénière le 16 autour de concertos de Bach et Vivaldi.

PAUL CANESSA

Festival de Pâques
Du 31 mars au 16 avril
Divers lieux, Aix-en-Provence
festivalpaques.com

Les enfants du Vaucluse sont rois

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La Cuisiniere © Tout En Vrac

L’amour du spectacle vivant, ça commence tout petit ! Le festival avignonnais Festo Pitcho le sait bien qui, année après année, organise un temps fort du spectacle vivant destiné au jeune public, et a choisi en exergue la formule « spectacles vivants pour public jeune ». Pas d’inquiétude pour les personnes qui accompagnent les enfants, l’esprit n’a pas d’âge et la sélection effectuée grâce à la coordination de la scène conventionnée Art, enfance, jeunesse, Le Totem met en avant un florilège de propositions accessibles à tous. La profondeur et la qualité des scénographies, des textes, des jeux, des idées, n’est plus à démontrer dans cette catégorie que l’on a trop longtemps classée comme « mineure ». 

L’inventivité déployée est toujours étonnante, poétique, drôle parfois, émouvante souvent, jamais gratuite ; le public enfantin ne triche pas et ses enthousiasmes ne se laissent pas abuser. Théâtre, danse, poésie, musique, marionnettes, cirque, aucun champ artistique n’est oublié lors de cette manifestation foisonnante qui met à l’affiche vingt-sept spectacles, certains comptant plusieurs représentations dans les divers lieux culturels de la ville. Un Festival d’Avignon avant l’heure qui, outre les spectacles nés en France, décline une programmation internationale francophone qui fait découvrir la création jeune public belge, suisse et québécoise. 

Un grand programme

La traditionnelle parade d’inauguration, le 1er avril, aura pour thème les animaux sortant de leur hibernation, prétexte à métamorphoses, mues, sorties de terre, de l’œuf, et créations d’animaux imaginaires. Tout le monde est invité à se déguiser pour l’occasion afin de défiler et déambuler avec les marionnettes géantes de la compagnie Caramantran (à noter, le départ est donné square Agricol-Perdiguier et un goûter est offert aux enfants à 17h au jardin des Doms). 

On danse avec les compagnies Didascalie, Nicole Seiler, Itinerrances. On entre dans les univers musicaux de la compagnie Bulle à sons, d’Ong Dam avec ses marionnettes et leur magie, de Léa Lachat et Susana del Baño, du théâtre musical de Deraïdenz ou de la Cie du Pestacle, du concert théâtral de la Cie des Mammifères et du ciné-concert de Victoria Follonier et Elie Blanchard. On va applaudir le cirque de la Cie Commun Accord, le théâtre d’objets des compagnies Mille Tours ou Tac Tac… De quoi satisfaire les plus exigeants !

MARYVONNE COLOMBANI

Festo Picho
Du 1er au 22 avril
Divers lieux, Vaucluse
04 90 85 59 55
festopitcho.com

Flamenco Azul et la Provence dit olé !

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The Game © Paco Lobato

À peine quatre ans d’existence pour Flamenco Azul et déjà cette impression que le festival a toujours fait partie du paysage culturel non seulement marseillais mais aussi de la région. L’alchimie entre le Centre Solea et Arts et Musiques en Provence fut si immédiate et naturelle, que la manifestation transpire la passion et la détermination de ses deux coproducteurs. Il faut dire aussi qu’à Marseille et au-delà dans le Sud-Est, le flamenco étant une réalité culturelle fortement ancrée, l’arrivée d’un festival enfin ambitieux qui lui est dédié ne pouvait que connaitre le succès voire susciter une attente entre deux éditions. Fidèle à sa ligne populaire, savante et solidaire, Flamenco Azul gravit encore quelques échelons qualitatifs avec cette cinquième cuvée au thème annonciateur d’audace, d’ouverture et de générosité : « Le flamenco invite ». « Au bout de quatre éditions, nous osons nous lancer dans un programme où le flamenco va inviter d’autres musiques et d’autres genres », explique Maria Pérez, directrice du festival et cofondatrice du Centre Solea, rappelant une autre des raisons d’être de l’événement, son engagement en direction des « publics éloignes de la culture ». Au total, une vingtaine de propositions artistiques ou de transmission sont accueillies dans une quinzaine de lieux, pendant près de quatre semaines de festivités itinérantes en Provence-Alpes-Côte d’Azur !

Une ode à la liberté
Un marathon d’éclectisme où musique, chant, et danse, expositions et projections, conférence, stage et scène ouverte satisferont un large public, entre têtes d’affiche, création contemporaine hybride et rendez-vous conviviaux – pour certains gratuits. Parmi ceux-ci, le concert jam, un classique du festival, hébergé par un autre lieu marseillais estampillé flamenco – et surtout pas concurrent – La Mesón (31 mars). La veille, et toujours en entrée libre (sur réservation : reservation@theatredescalanques.com), l’Orchestre national de Cannes, rien que ça, se déplace au Théâtre des Calanques pour interpréter L’amour sorcier, du compositeur emblématique Manuel De Falla (30 mars). Cette « gitanerie musicale » est introduite par une restitution d’atelier de danse menée par Maria Pérez avec des élèves de seconde du lycée de l’Olivier. Place aux poids lourds de la programmation, Antipodas (1er avril, Friche la Belle de Mai), spectacle qui a déjà séduit les scènes de Séville et Nîmes. Les sœurs jumelles chiliennes Florencia Oz et Isidora O’Ryan, l’une danseuse, l’autre violoncelliste, explorent le mythe du double, de la dualité à travers un dialogue intime où s’entremêlent voix, cordes et mouvements. Le lendemain, au même lieux, The Game réunit le danseur et chorégraphe Jesús Carmona, José Valencia au cante et Juan Requena à la guitare. Le trio joue autant qu’il jouit de son art dans ce spectacle conçu comme une ode à la liberté de créer à l’intérieur même du langage flamenco. Deux événements qui confirment la volonté du festival de donner à voir à Marseille des productions flamenco de stature internationale.

Autre temps fort, la venue à la Cité de la Musique, en exclusivité pour le festival, de Pepe Fernández (8 avril). Pour la sortie de son nouvel album, Cautivao, le musicien français que l’Espagne nous envie, a voulu montrer qu’il joue dans la cour des grands et s’entoure sur scène d’artistes transpyrénéens qu’il admire. Et pas des moindres : Rafael de Utrera au chant, Jacobo Sanchez aux percussions, Nene Maya à la basse et Los Mellis aux incontournables palmas et chœurs. On reste en France avec El Cavretico, concert concocté par la compagnie Nine Spirit du saxophoniste, chercheur et directeur de conservatoire Raphaël Imbert (15 avril, Théâtre Toursky). C’est peut-être la proposition qui illustre le plus concrètement l’idée d’un flamenco invitant. Avec son titre qui désigne un chant sépharade en ladino, cette langue judéo-romande dérivée du vieux castillan et de l’hébreu, ce spectacle relie le flamenco aux musiques classiques, jazz et improvisées. Outre Raphaël Imbert, on peut y entendre un autre saxophoniste, Max Atger, la pianiste Amandine Habib, le percussionniste Jean-Luc Di Fraya. Et voir, se délecter de la danse d’Ana Pérez. Celle qui, passée par la compagnie Grenade de Josette Baïz puis devenue chorégraphe à son tour, est en train de montrer, au-delà de sa technique imparable, la finesse et la profondeur de sa créativité. Elle est également présente dans la programmation avec ses deux premiers projets personnels, deux solos dansés dans lesquels explose son talent : Répercussions (16 avril, Espace Comédia, Toulon) et sa dernière création Concerto en 37.5 (14 avril, Espace Robert Hossein, Grans). Qu’elle soit française et marseillaise n’entre pas ici dans le débat, elle est avant tout une grande artiste à découvrir sans plus attendre.

La flamme gitane
L’affiche de Flamenco Azul ne serait pas si fournie sans sa démarche collaborative avec d’autres structures telles que le festival Mus’iterranée [lire en page III]. Deux dates communes sont annoncées : Cuento el Flamenco (5 avril, Maison des Arts, Cabriès) et ¡Venga Ya ! (7 avril, Amphithéâtre La Manufacture, Aix-en-Provence). Dans le premier, le danseur Kuky Santiago, Melchior Campos (chant) et Lenny Creff (guitare) rendent hommage aux légendes qui ont écrites les plus grandes pages du flamenco « traditionnel ». Le second propose un tablao à la mode sévillane mais avec la crème de la jeune scène française autour des danseurs Luca el Luco et Céline Daussan.

Recréer l’ambiance et la qualité des tablaos espagnols, c’est aussi ce qui a bâti la réputation du Centre Solea. Ce dernier remet les couverts en accueillant la danseuse d’exception Karime Amaya (21 et 22 avril), mexicaine et petite nièce du mythe Carmen Amaya. L’occasion d’admirer l’exposition Balade flamenca de Jean-Louis Duzert, considéré comme le photographe majeur du flamenco en France, visible pendant toute la durée du festival.

S’il est difficile de citer tous les événements imaginés par Maria Pérez et son équipe, il y a en a un qui doit être particulièrement souligné, le 20 avril, à Port-de-Bouc. C’est l’hommage, à travers une conférence, un récital et un film, à la communauté gitane de notre région sans qui la flamme du flamenco ne serait peut-être pas aussi vive dans nos territoires. Une histoire, qui comme toutes les histoires de migration, est traversée de souffrance et de dignité. Des mots qui collent si bien au flamenco.

LUDOVIC TOMAS

Flamenco Azul
Jusqu’au 23 avril
Divers lieux
Marseille et Région Sud
festivalflamenco-azul.com

Les mots justes

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La Macronie n’en est plus à une perversion sémantique près. Les accusations en islamo-gauchisme portées sans suite par Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer avaient déjà considérablement ranci ce qui reste, aujourd’hui, de débat politique. Les procès tous azimuts en wokisme ont fait du paysage politique français la risée, entre autres, de ses voisins européens, bien incapables de comprendre ce que ce néologisme franglais pouvait bien signifier, et pourquoi il succédait à la tout aussi obscure panique face à ladite « théorie du genre ». Et Gérald Darmanin de s’emparer à nouveau d’une expression venue tout droit de l’extrême-droite : le « terrorisme intellectuel ». Victor Hugo, plaidant dans ses Misérables pour un monde idéal, où « ni despotisme, ni terrorisme » ne viendraient menacer un peuple libre, en aurait certainement pleuré, de rage ou de chagrin. Il n’est pourtant pas si loin, le temps où le Robert définissait le terme « terrorisme » ainsi : « gouvernement par la terreur », description bien plus proche de l’obstination sans bornes de l’exécutif que des rares débordements pointés du doigt. 

Une histoire de violence

Nul besoin cependant d’observer la surdité criminelle de l’État à des revendications pourtant légitimes, ou l’éternelle violence d’une classe de possédants à l’égard d’un peuple plus paupérisé que jamais, pour constater envers qui la violence symbolique se déploie. Car la violence physique écrase déjà ceux qu’on accuse d’être des « casseurs professionnels » : ce manifestant plaqué au sol et déshabillé par un policier en pleine rue à Lyon, jeudi dernier ; ce militant de Sud Rail qui ne recouvrera pas la vue de son œil gauche ; ces étudiantes victimes de violences sexuelles à Lyon il y a deux semaines ; et le pronostic vital de Serge D., toujours engagé. Pour eux, et pour tant d’autres victimes de violences policières, l’avenir ne pourra se concevoir sans une résistance de la langue, de la littérature, de la culture. De cette culture où les Réactions Françaises habilement dénoncées par François Krug n’ont que trop infusé.

C’est aussi au nom de ces laissés-pour-compte de quartiers isolés et fragilisés qu’il faudra lutter. Pour les morts et blessés, si jeunes, victimes des fusillades de ce dimanche. Contre cette terreur-là, il est urgent d’agir – et de trouver les mots qui s’imposent.

SUZANNE CANESSA

Sous le signe du désir : un théâtre érotique

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La Marseillaise Zita Hanrot dans À mon seul désir © Pyramide films

« Pourquoi vous me regardez comme cela ? », nous interpelle  Elody, regard caméra. Et de poursuivre : « vous avez l’air de chercher quelque chose… j’espère que ce n’est pas l’amour. Ce n’est pas ici que vous le trouverez. » En lettres d’un rose éclatant, s’inscrit le nom du club de strip-tease, à mon seul désir. Du nomdu dernier film de la cinéaste Lucie Borleteau dont on avait a déjà apprécié Fidelio ou l’Odyssée d’AliceÀ mon seul désir, sixième toile, de la tapisserie médiévale La Dame à la licorne. 

« Vous n’avez jamais été dans un club de strip-tease ? Mais vous en avez déjà eu envie. Au moins une fois… vous n’avez pas osé, c’est tout. » Celle qui a osé, qui veut faire un essai, c’est Manon, une jeune étudiante sans aucune expérience, qui plonge dans cet univers souterrain. Ce sont aussi  les spectateurs qui, peut être, ont quelques idées préconçues voire quelques préjugés. Durant près de deux heures, Lucie Borleteau nous emmène dans ce club, nous faisant découvrir les coulisses, les spectacles et les corps des femmes. Corps effeuillés, lentement, car la lenteur captive l’auditoire ! Corps découverts par les yeux de Manon (Louise Chevillote) qui a choisi comme pseudo Aurore  comme la Belle au bois dormant. Corps regardés par des hommes, émerveillés, subjugués qui, parfois, se paient en plus un « salon » : un moment en tête à tête avec Mia (Zita Hanrot), Elody (Laure Giappiconi), Savannah (Sieme Milady) ou Sati (Yuliya Abiss). 

Libres et sans craintes

Toutes ont choisi ce qu’elles font, par curiosité. Parce que cela paye mieux qu’un emploi de caissière, parce qu’elles aiment être regardées pour se préparer à jouer sur d’autres scènes. Comme Mia, comédienne qui prépare le conservatoire et qui monte un soir un spectacle de strip-tease, sur un extrait de Platonov de Tchekhov. Elles sont joyeuses, s’entraident, se confient. Elles préparent leurs prestations, seules ou à deux, choisissant leur stripteaseuse comme on trouve son clown. Certaines sont très drôles. Elles se sentent libres, nous laissant libres de les observer sans voyeurisme. Sans crainte, elles se regardent dans les nombreux miroirs qui, dans leur loge, reflètent leurs dessous, orange, roses, rouges, leurs maquillages, leurs accessoires colorés, tout ce qui les rend belles et désirables. Et dans ces pièces, décorées avec soin, éclairées de tons chauds, on parle, on se donne des conseils, on rit. Rien de glauque. 

La caméra d’Alexis Kavyrchine semble caresser les corps, superbement éclairés, que les spectateurs présents aimeraient bien approcher. La musique de Pierre Desprats ainsi que les chansons qui ponctuent le film dont celles de Rebeka Warrior participent de cette ambiance. Et malgré l’avertissement d’Elody au début du film, on peut trouver l’amour. Dans l’entrée du club, une reproduction de tableau de Courbet, Le Sommeil ou Les Deux amies, comme un signe. Aurore va tomber amoureuse, pour la première fois, de Mia. Et le film, choral au départ va ainsi nous conter l’histoire initiatique d’une femme, et d’une vie qui prend un autre tournant…

« À mon seul désir est une ode à la liberté (..). Je crois à un monde où les femmes peuvent prendre tous les risques sans être punies pour cela. Je suis pour un féminisme pro-choix, polyphonique, complexe. Je n’ai pas de leçon à donner. L’art est là pour rendre compte de la complexité du réel et pour nous faire nous poser des questions, nous bousculer, et, le cas échéant, nous faire changer d’avis. » Lucie Borleteau. 

Sans doute est- ce chose faite…

ANNIE GAVA

À mon seul désir, deLucie Borleteau
Sorti en salle le 5 avril
Ce film a été présenté en avant-première le 10 mars au Gyptis en présence de la réalisatrice et de Zita Hanrot. Une rencontre animée par Marie Hermann, éditrice et fondatrice de Hors D’atteinte, maison d’édition féministe.

Richard Bona : une musique monde

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Richard Bona © Yassine Toumi

Il est vrai que le parcours même de Richard Bona tient de la légende. Bona Penda Nya Yuma Elolo naît dans une famille de musiciens au Cameroun et joue très vite du balafon mais aussi d’instruments qu’il se fabrique : flûte, percussions, avec du bois qu’il trouvait autour de son village, Minta, et une guitare avec des câbles de freins « empruntés » dans un magasin de cycles. Dès cinq ans, l’enfant chante avec sa mère et ses sœurs à l’église de la Paroisse Sainte-Croix de Minta. Sa famille déménage à Douala où il sèche régulièrement les cours pour s’entraîner et faire le bœuf dans les clubs de la ville… En 1990 son premier orchestre est fondé pour un club de jazz de Douala dont le propriétaire lui fait découvrir Jaco Pastorius. C’est décidé, il sera bassiste lui aussi ! Il part en Allemagne puis en France, sera instrumentiste à Paris, perdra son titre de séjour, retournera au Cameroun puis, grâce à Harry Belafonte, chanteur, acteur et militant des droits civiques américains, il se rend à New York. Les récompenses se succèdent, Victoires du Jazz en 2004, nomination au Grammy Awards pour son album Tiki en 2005 (il sera nominé trois fois et obtiendra une récompense), grand prix jazz de la Sacem en 2012…

Fluidité

Entouré de ses complices, Alexandre Herichon (trompette), Ciro Manna (guitare), Michael Lecocq (claviers), Nicolas Viccaro (batterie), cet immense bassiste joue avec le public, raconte des histoires, multiplie les anecdotes, dont une à propos du voyage effectué par son guitariste « venu en jet privé de Naples ». Plus sérieusement, mais toujours sur le mode potache, il nous parlera de la magie vaudou de la musique, tout en mettant à distance le snobisme décidément bien post colonial du « j’adooore la musique vaudou ! ». La magie est là cependant, palpable au cœur des improvisations des instrumentistes. De fulgurants solos sont confiés à la trompette. Le guitariste qui règle les problèmes de sono au début du concert enchaîne comme si de rien n’était et déploie ses contre-chants. La batterie se déchaîne, les claviers murmurent puis se livrent à la fluidité mélodique de rêveries inspirées. La fluidité est le maître mot des compositions et adaptations de Richard Bona.

Tout prend un air d’évidence, la virtuosité est dissimulée par une aisance époustouflante. Il n’est pas besoin de forcer les effets, la musique vagabonde fusionne les influences, ici, un rythme de jazz, là un élan de bossa, un éclat d’afro-beat, un détour par la pop, le funk, une réminiscence de chants traditionnels… Tout est musique. La salle est invitée à se lever pour danser, le GTP quitte ses habitudes sages pour une manifestation au cours de laquelle chaque participant retrouve son âme adolescente, crie, chante, fredonne, encourage les musiciens sur scène, tente des sauts juste contenus par les fauteuils… L’artiste reviendra pour une reprise de la chanson composée par le pianiste Ariel Ramirez et l’écrivain Félix Luna, et tant chantée par Mercédès Sosa, Alfonsina y el mar en hommage à la poétesse argentine Alfonsina Storni qui se suicida en entrant dans la mer à la playa de La Perla à Mar del Plata un sombre 25 octobre 1938. La voix au fantastique ambitus de Richard Bona aborde avec une délicatesse extrême ce chant poignant, lui offre des aigus aériens, des pauses délicates, un cocon onirique dans lequel les vagues qui emportent la poétesse se peuplent de coquillages et de songes.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 21 mars au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.

Lionel Damei : au fil des mots

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Lionel Damei et Agnès Jacquier à l'Idéétèque © DR

« L’idééthèque », quel joli nom ! Le tout nouveau complexe culturel des Pennes-Mirabeau, fleure bon le bois et les livres et recèle une salle de spectacles avec une programmation qui sait accueillir les poètes et leurs mots.

Ce jour-là, de passage dans son sud natal, l’auteur, compositeur, interprète, danseur, comédien, feu follet génial qu’est Lionel Damei, refermait une résidence de création autour de son Jardin solaire avec la complicité de la subtile pianiste Agnès Jacquier. Ces compositions pour « voix nue et piano noir » s’orchestraient en deux temps, un regard vers le passé puis un florilège de pièces nouvelles.

Voici une première. « La » première chanson, « écrite avec un copain dans la voiture » en 1984, déjà la poésie sourd des mots et de leur accord aux notes, impressions qui, mine de rien, dessinent une aventure humaine. Les souvenirs éclosent au cœur des « chansons de l’ancien temps», l’enfance, les parfums, les sensations, les goûts, avec un « chat rossignol dans la gorge ». Marseille, la ville où finit Rimbaud « amputé de ses ailes », Le jardin d’Allah composé lors d’un retour de Tunisie, la place de Lenche où le comédien fit ses débuts, renaissent, images sensibles, vignettes délicates de « l’ancien temps ». Le tango impose alors son rythme, le chanteur chaloupe, dessine un autre langage où le corps, les mots, la musique ne sont plus qu’un. L’ogre de paille, cet « enfant perdu au fond d’une armure », souffre sous ses fards et c’est alors qu’il est beau. Le tragique s’immisce avant d’être bousculé par une pirouette… de la légèreté avant toute chose. De toute façon, « à la fin tout fait sens »…

Des souvenirs et des refuges

Les nouvelles compositions, malgré « la mémoire d’hippocampe » de leur interprète (dit-il), poursuivent une introspection parfois facétieuse, « niveau zodiaque, je suis poisson ascendant vierge, au niveau zodiaque chinois serpent » … Naît ainsi « le paradoxe du serpent », aux couleurs d’ombres qui font « brader au diable (notre) âme d’enfant / Et réciter comme à la messe / Aujourd’hui c’est moins bien qu’avant ». Les souvenirs émergent, façonnent la matière. On flirte avec le « Roman de Claudine », la douceur des glycines, le « regard intense » de Colette, hanté par les fantômes de Barbara et de la Louve, la sublime Anne Sylvestre… Bach groove, et Patti Smith « fulmine ». « La peau des mots fait mouche » et « il n’y a plus d’encre à perdre », les histoires d’amour finissent parfois mal, ailleurs ce sont les amitiés amoureuses qui servent de refuge.

La silhouette de Dalida se profile dans Soleil de cendres (écrit pour le dernier spectacle autour de la chanteuse et actrice concocté avec Alain Klingler, Dalida sur le divan à partir du texte éponyme de Joseph Agostini). La chanson du spectacle L’homme traversé permet de rendre hommage à Laurent Jacquier dont les superbes arrangements offrent à Agnès Jacquier de superbes partitions pianistiques aux accents qui jonglent entre Bach et Debussy. La musique n’accompagne pas seulement les textes, mais cisèle leur portée tandis que la danse est un « chemin buissonnier ». Quelle invite ! On en garde les fulgurances, les évasions, la désinvolture, les frémissements : « Je suis en souvenance / Enivré d’un avant / Tout n’est que résonance / Que parfums m’éprouvant » (Lionel Damei – Henry Torgue). Entre Baudelaire et Des Esseintes (le personnage de Là-Bas de Huysmans), la valse des sensations tournoie. Subtile musique…

MARYVONNE COLOMBANI

Spectacle donné le 16 février à l’Idééthèque, Les Pennes-Mirabeau.

Improviser, ça ne s’improvise pas !

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©SoleneRenault ©PhilippeGontier

Deux concerts particuliers étaient programmés par les théâtres en ce mois de mars, bien connu pour être celui des fous d’après un vieux dicton provençal : pas de feuille de salle avec un programme, juste une note d’intention pour la représentation donnée au conservatoire Darius Milhaud le vendredi matin, rien pour celle du samedi soir au Grand Théâtre de Provence.

Aux commandes de ces évènements, deux personnalités très médiatiques et médiatisées, et malgré tout (on a parfois tendance à opposer le talent et le « trop connu ») excellents musiciens, Jean-François Zygel et André Manoukian.

Galerie de peinture

Avec pour seul titre Aix en musique, et muni d’un petit pense-bête, l’inclassable pianiste Jean-François Zygel captivait d’emblée son auditoire. Partageant avec lui anecdotes, souvenirs personnels, réflexions sur la vie et la musique, surtout la musique, l’essence même de la vie. Après un petit prologue où l’artiste faisait connaissance avec l’instrument, plaquant un large accord pour en ressentir les résonances, puis arpentait les octaves afin de goûter la luminosité de chaque note, il se retournait vers les spectateurs et posait les principes de la performance du jour : une esthétique de la surprise portée à son acmé : « vous n’avez aucune idée de ce que vous allez entendre puisqu’aucun morceau n’est annoncé, et moi, je ne sais pas ce que je vais vous jouer… aussi, pas de fausse note possible, ajoutait-il en riant, elles ne peuvent être qu’une invention supplémentaire, voire expérimentale… Je propose de vous emmener en promenade par le piano et l’imagination dans les rues d’Aix, en partant de ce que je connais de la ville et de l’imaginaire que j’ai développé autour d’elle ». « Chaque ville, ajoutait-il, offre un fantastique mélange des temps, présent, passé, futur… ».

Ces strates enchevêtrées permettent au pianiste de jongler entre les univers, ici on croit reconnaître l’influence de Debussy, là, un contrepoint de Bach, un élan de Ravel, une facétie de Satie, un éclat de Ligeti, un murmure de Chopin, un rêve de Liszt… mais c’est, à travers les rues, les places, les fontaines, le lever de soleil sur la Sainte Victoire, si subtilement arachnéen, un concert de sensations et d’émotions, un être qui nous parle, nous raconte, brosse à grands traits un cadre, y cisèle des détails, anime une saynète, s’attarde devant une porte, s’émerveille d’une réminiscence, s’amuse d’une remarque, s’émeut d’une époque révolue qui le temps d’une mesure renaît sous ses doigts. La « ville des cent fontaines bleues » conjugue mouvement perpétuel et immobilité : « c’est fascinant, une fontaine, elle est immobile, mais son eau jaillissante s’écoule sans cesse sur place : fuite inexorable du temps et permanence ». Cultivant la mise en abyme, le poète du piano évoque la place d’Albertas, construite par le marquis du même nom qui souhaitait, non y vivre, mais édifier face à ses fenêtres un décor qui réjouirait sa vue. Friand des parenthèses, Jean-François Zygel précisait les circonstances de la mort du marquis, assassiné par un certain Anicet (« quel joli prénom ! ») Martel (« j’ai vécu à Paris, rue Anicet Martel ») … Les échos se multiplient ainsi en un temps suspendu.

Le DUEL !!!

La scène du Grand Théâtre de Provence, comble pour l’événement, accueillait un duel au sommet, celui de deux univers portés par les deux pianistes Jean-François Zygel, le « classique », et André Manoukian, le jazzman. Les deux personnages face à face, le premier sur un piano Bechstein, le second sur un Steinway, (ils échangeront en fin de concert, Jean-François Zygel prétextant qu’après avoir choisi le Bechstein, il enviait le Steinway, de la même manière qu’au restaurant, il convoite toujours le plat de ses voisins). Le duel est amorcé plutôt en duo complice, l’un ouvre par un accord, un arpège, un motif, l’autre le suit, remodule le thème, les formules ostinato passent de l’un à l’autre, soutenant les volutes des mélodies qui s’inventent, se croisent, se titillent avec humour.

L’art des conclusions est poussé à l’envie, c’est à qui posera la dernière note, « ah ! les cadences ! » sourit André Manoukian. Il n’est plus de catégorie ni d’époque musicale dans ces assauts où triomphe l’harmonie. Potaches, en un numéro bien huilé, les compères invitent des spectateurs sur scène. L’une (oui, il n’y eut que des spectatrices à venir se mesurer aux deux musiciens !) fera l’objet d’un portrait musical, l’autre dirigera avec allant les deux pianistes qui exagèreront les effets, en une joute prenant pour témoin la salle entière. Des défis seront lancés, improvisations à partir de notes lancées par le public afin,  de montrer, tels deux prestidigitateurs, qu’il n’y a pas de « truc » et que « tout est vrai », jeu avec les mains croisées, reprise d’un thème joué par l’un en le développant… Dupes ou pas, peu importe, la musique savante devient accessible, son vocabulaire expliqué avec un humour parfois un peu gras, ses envols sont alors saisis avec intérêt, le jeu est la norme, l’essentiel ingrédient d’un art qui s’ouvre ici à tous. La virtuosité prend tout son sens, l’art n’est plus le carré privé d’une élite mais se décline pour tous, sans se dévoyer. Bravo !

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts donnés le 17 mars au Conservatoire Darius Milhaud et le 18 au Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence.

Au Lenche, une maison s’ouvre

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©Théâtre Joliette

C’est en fait un grand appartement avec cinq chambres, deux salles de bains, une grande cuisine. Le tout refait à neuf, installé avec le goût exquis de la décoratrice Claudine Bertomeu, qui a chiné des meubles vintages. Lumineux et donnant sur la place de Lenche, il se trouve dans l’immeuble qui jouxte le théâtre du même nom. Il ne reste plus qu’à ouvrir le passage entre les deux, ce qui va se faire très vite. Cet endroit délicieux a été inauguré lundi 20 mars avec les représentants des responsables de la culture : Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture de Marseille, Nicole Joulia et Michel Bissière, respectivement au Département et à la Région. Chacun s’est félicité de la création de cet « outil culturel rare et indispensable ». Au moment où beaucoup de structures se voient contraintes de restreindre leurs propositions, l’ouverture de ce lieu d’accueil, de création et de partage donne un élan bienvenu dans ce quartier populaire.

Un grand appartement accueille les artistes en résidence
© C.B.

Maurice Vinçon, créateur du théâtre de Lenche, rappelle, non sans émotion, l’historique du lieu. Il y a une cinquantaine d’années, il créait le Mini-théâtre dans les locaux de l’ancien cinéma, Le Rexy, propriété du diocèse, installé sur l’emplacement de l’agora de la cité grecque. Très vite s’y associe une troupe d’amateurs. Le lieu développe un rôle fédérateur dans le quartier. Ainsi, à la fin des années 1980, la mairie rachète le bail et engage des travaux. En 1985, Pierrette Monticelli et Haïm Menahem quittent le Lenche et s’installent à La Minoterie. Toujours soudées, les deux équipes fusionneront en 2017.

Créer des passerelles

La nouvelle directrice artistique Nathalie Huerta exprime sa joie et sa fierté d’être désormais à la tête de ce lieu et compte bien en préserver l’esprit en gardant le cap sur les écritures contemporaines. Après avoir travaillé au sein de plusieurs compagnies internationales, elle a été attirée par le côté cosmopolite de Marseille. Elle se réjouit de pouvoir accueillir des artistes d’horizons divers, de les accompagner dans leurs recherches et leurs créations.

Des projets à suivre, donc.

CHRIS BOURGUE