mercredi 24 décembre 2025
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Tara fait escale à Marseille 

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Mission Microbiome © Giulia Grossmann

La fondation Tara, créée par la styliste Agnès b. (alias Agnès Troublé) en 2003, s’est donné pour mission de comprendre et protéger l’Océan. Elle finance entre autres le périple d’une goélette, Tara, qui sillonne depuis un an les côtes européennes afin d’étudier l’impact des pollutions terrestres et du changement climatique sur les écosystèmes côtiers. « Hotspots » de biodiversité, particulièrement vulnérables, ces milieux marins sont étudiés par les partenaires scientifiques de l’expédition. Laquelle fait escale à Marseille du 4 au 7 avril, à l’occasion du Grand musée bleu, temps fort organisé par le Mucem dans le cadre de ses 10 ans. Notons que l’événement est, comme l’ensemble des célébrations anniversaires du Mucem, financé par la CMA-CGM, acteur majeur du transport maritime mondialisé, et, comme tel, responsable de nuisances environnementales considérables. Quant à Tara, elle est soutenue, entre autres, par Axa, Veolia, L’Oréal… Pas, donc, les plus scrupuleuses des multinationales.

Garder à l’esprit cette contradiction permettra d’assister avec un œil plus vif aux diverses propositions du week-end. Qui s’inaugurera, le vendredi, avec une conférence invitant Pierre Boissery (Agence de l’Eau Rhône Méditerranée et Corse), Rémy Simide (biologiste marin, Institut Paul Ricard), Audrey Lepetit (responsable du programme Pêcheurs d’Avenir, Planète Mer), et Alexis Rosenfeld (photographe, Fondation One Ocean) à s’exprimer sur le futur de la Méditerranée. Le public pourra, sinon visiter la goélette (les réservations sont closes), en tout cas rencontrer les artistes accueillis en résidence à son bord, Enrique Ramirez et Nicolas Floc’h, assister à la projection de films documentaires, ou participer à de nombreux ateliers, à partir de 8 ans. L’un d’eux s’intitule Plastique en mer : les solutions sont à terre. Il invite à réduire à la source les déchets, en n’en produisant pas, ou le moins possible. Une excellente idée.

GAËLLE CLOAREC

Un grand musée bleu
4 au 7 avril
Mucem, Marseille

Mort de Maryse Condé : Retour sur une vie sans fard

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Maryse Condé chez elle à Paris, en 2015 © Jacques Torregano

Maryse Condé s’est éteinte dans la nuit du 1er au 2 avril. Et c’est tout le monde des lettres françaises et francophones qui se sent aujourd’hui orphelin. Âgée de 90 ans et affectée par un accident cérébral, elle s’était installée avec son mari et traducteur Richard Philcox dans le Lubéron depuis plusieurs années. Son affaiblissement physique n’avait jamais entamé son désir d’écrire, si bien qu’elle avait dicté ses derniers textes. On se souviendra longtemps des deux journées consacrées à son œuvre organisées en novembre 2022 au Mucem.

À la croisée des continents

Née à Pointe-à-Pitre dans une famille d’instituteurs, Maryse Condé dénoncera non sans tendresse son éducation « à l’occidentale » dans son roman autobiographique Le Cœur à rire et à pleurer : sa mère, Jeanne Quidal, première institutrice noire de la Guadeloupe, s’y enorgueillit d’être « plus français[e] » que les français eux-mêmes : « Nous sommes plus instruits. Nous avons de meilleures manières. Nous lisons davantage. Certains d’entre eux n’ont jamais quitté Paris alors que nous connaissons le Mont Saint-Michel, la Côte d’Azur et la Côte basque ». Elle y raconte aussi ce père « convaincu que seule la culture occidentale vaut la peine d’exister ». Ses études menées à Paris au mi-temps des années 1950 et ses premiers écrits gardés secrets, marqués par un désir de créolité, la mettent devant l’évidence : elle est attendue ailleurs. En Afrique, où elle découvrira la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Ghana au gré de postes d’enseignante ; à Londres, puis au Sénégal. Douze années de découvertes mais aussi de souffrance aboutissant à sa rencontre avec Richard Philcox, narrées dans le très beau La vie sans fards : « Il était celui qui allait changer ma vie. Il allait me ramener en Europe puis en Guadeloupe. Nous découvririons l’Amérique ensemble. Il m’aiderait à me séparer en douceur de mes enfants le temps de reprendre mes études. Surtout, grâce à lui, je commencerais ma carrière d’écrivain ».

De retour en France, au tournant des années 1970, elle travaillera longtemps pour les éditions Présence Africaine, et effectuera de nombreux retours en Guadeloupe, ou encore aux Etats-Unis où elle mènera, en parallèle, une carrière universitaire, puisqu’elle dirigera jusqu’à sa retraite le centre d’études française de Columbia. 

Des honneurs tardifs

Certes tardifs, les honneurs décernés à Maryse Condé en France et en Europe, loin de l’Amérique qui avait déjà reconnu ses talents et où elle fit paraître plusieurs essais, furent nombreux. Elle fut, entre autres, couronnée du « Prix Nobel Alternatif » décerné en 2018, année de l’annulation des Nobel pour cause de scandale #metoo. L’autrice laisse derrière elle une œuvre abondante, politique, portée par une langue unique, lyrique et musicale. Marquée d’accents, de mots et de structures créoles, qu’elle prit parfois le pari de ne pas traduire pour mieux désarçonner ses lecteurs et lectrices. On évoque souvent, à son sujet, la saga Ségou publiée en 1984 et 1985, mêlant fiction et grande histoire du régime bambara ; ou encore Moi, Tituba … sorcière noire de Salem, biographie fictionnalisée de l’esclave d’un pasteur puritain. Mais c’est peut-être La Migration des cœurs qui résume le mieux l’ambition romanesque de cette autrice unique : une transposition hallucinée des Hauts de Hurlevent dans les Caraïbes du début du XXème siècle. Heathcliff y devient Razyé, jeune orphelin adopté par une famille béké. La langue y est étincelante et imagée, comme ce  « silence pesant comme un linge mouillé », ces « ventres à crédit », ou encore ce soleil qu’on regarde « se lever et se coucher derrière les dents de scie de la montagne, et se lever encore ». Vivace et vibrante, à l’image d’une autrice dont il nous faudra chérir l’infatigable appétit de vivre.

SUZANNE CANESSA

La FNCC à la recherche d’un nouveau pacte 

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Frédéric Hocquard © Marie-Sophie Leturcq

Zébuline. D’abord, qu’est-ce que la FNCC ?
Frédéric Hocquard.
C’est une fédération qui existe depuis 1960, et regroupe des élus à la culture, de différentes collectivités, beaucoup de communes, mais aussi des départements, des régions, des intercoms, des métropoles… C’est une fédération pluraliste sur le plan politique, donc avec des élus de différentes sensibilités politiques. Ces élus réfléchissent autour des questions culturelles et cherchent à trouver une parole collective autour des grands sujets qui concernent la culture. 

Pourquoi était-ce important d’organiser un congrès maintenant, sept ans après le précédent ?
Les collectivités territoriales contribuent pour deux tiers des financements publics dans le domaine de la culture, et on est aujourd’hui à un croisement en termes de politiques culturelles. Certaines sont à bout de souffle, d’autres demandent à être changées, redynamisées. On est à un point où il y a besoin de retrouver un nouveau pacte entre les collectivités territoriales et l’État, qui coconstruisent les politiques culturelles. Ce pacte se défait petit à petit à cause des problèmes de financement et du manque d’intérêt. On a une valse des ministres de la Culture depuis des années, on voit bien que la culture n’est pas vraiment prise au sérieux, alors que c’est un élément structurant en termes de politique publique. L’idée de ce congrès c’est aussi de faire des propositions en partant de ce qui est fait sur les territoires. On ne va pas se contenter de débat théorique. 

Et pourquoi avoir choisi Marseille pour ce congrès ?
Marseille a été capitale européenne de la culture en 2013, ça a donné une impulsion nouvelle qu’on observe depuis à l’échelle de ce territoire très grand. C’est quelque chose qu’on veut saluer. Marseille est à la mode aujourd’hui sur les sujets culturels, beaucoup de gens cherchent à y développer des projets, et c’est une bonne chose, parce que c’est une ville qui mérite d’être attractive. 

À quoi peut-on s’attendre pour ce congrès ?
Beaucoup de sujets importants traverseront le congrès : la transition climatique et sa possible articulation avec le développement de la culture donnera lieu à une table ronde, les droits culturels, la coopération entre l’État et des les collectivités territoriales… 

On a invité beaucoup d’élus de différentes collectivités territoriales d’un peu toute la France. Pour l’ouverture, on aura entre autres le maire de Marseille, la présidente du département, le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), et puis la ministre de la Culture.

Et vous, qu’attendez-vous de ce congrès ?
J’attends beaucoup ! Je voudrais qu’il permette la mise en place d’un pacte qui renouvelle la coopération des collectivités territoriales et de l’État. Depuis quelques années, l’État avance tout seul de son côté. Quand il a mis en place le Pass Culture, par exemple, il l’a fait seul. Aujourd’hui, la ministre de la Culture parle de révolutionner le Pass Culture pour l’adapter. Ce sont des choses que les collectivités territoriales disaient il y a quelques années, en faisant la remarque que ça ne fonctionnait pas, qu’il fallait faire mieux sur les dépenses collectives. Je prends cet exemple-là, mais ça pourrait se multiplier. La question, c’est de savoir comment on peut remettre en place un cadre de coopération dans ce domaine.  

Justement, que pensez-vous des coupes budgétaires annoncées par Bruno Le Maire ?
Cette baisse budgétaire est brutale et inédite. Pour la création, c’est 10% du budget qui est retiré sur un claquement de doigts. Et encore une fois, c’est unilatéral. Cette baisse de budget, les collectivités ne pourront pas la compenser. 

Rachida Dati, ministre de la Culture, a également annoncé des fermetures d’écoles d’art…
Il y a 15 jours, on a fait une Conférence des territoires pour la culture, et il n’en a pas été question. Et là, on apprend que le ministère veut les fermer, alors qu’elles sont financées en grande partie par les collectivités territoriales ? On est étonnés de continuer à avoir des décisions qui viennent d’en haut… On ne peut pas faire tout seul dans le domaine de la culture, les choses sont beaucoup trop entremêlées. Prenez l’exemple de Marseille : le Mucem est un établissement national, il relève de l’État. Juste à côté, vous avez la Grotte Cosquer qui est un établissement régional. De l’autre côté du Vieux-Port, il y a le Théâtre de La Criée, qui est financé par l’État, le Département et la Ville. Si une des institutions arrête les financements, qu’est-ce qu’on fait ? Si la ville veut cesser de financer La Criée, on arrête un tiers de sa programmation ? Ça n’a aucun sens. Tout ça est entremêlé, au service des habitants et des artistes. C’est comme ça qu’ont été construites les politiques culturelles depuis les années 1960. Là, on est en train de tout déconstruire. Ça ne va pas. 

Que pensez-vous de la proposition de loi de Pierre Dharréville, concernant la continuité de revenus pour les artistes ?
C’est un débat qui date de la dernière élection présidentielle et qui opposait droits d’auteur et intermittence du spectacle : soit on ouvrait l’intermittence du spectacle à tous les types de métiers artistiques, soit on laissait les artistes-auteurs vivre seulement de leur droits d’auteur. Cette proposition de Pierre Dharréville est de l’ordre de l’expérimentation, et l’intermittence du spectacle s’est aussi construite ainsi. Ça a commencé sous le Front Populaire avec une caisse de secours pour les techniciens du cinéma, et ça s’est finalisé dans les années 1970, quand les chorégraphes et les danseurs y ont eu accès. Bref, c’est cette sédimentation qui fait que c’est un bon dispositif. Là, c’est pareil, il faut ouvrir un nouveau temps qui permettra dans le futur d’avoir des droits qui seront étendus à plus de gens qui travaillent dans la culture. Pierre Dharréville a eu du mérite de travailler cette question. 

ENTRETIEN REALISÉ PAR CHLOÉ MACAIRE

Oyez pitchounes  

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La grande parade de Festo Pitcho avec les marionnettes géantes de la compagnie Archibald-Caramantran © X-DR

Avec les animaux de La Fontaine en ombres tutélaires de cette nouvelle édition, l’écologie se taille la part du lion pour une sensibilisation en douceur, autour des mésaventures d’une jeune ourse polaire (Ricochet(s), du 5 au 14 avril, Grand Avignon), ou d’un conte musical dans une réserve naturelle d’animaux marins au Brésil (Voyage au-delà des mers, le 10 avril, Châteaurenard). Les expérimentations sensorielles immergent dans le cycle du vivant : les compositions électro-acoustiques de Simon Kansara accompagnent les dessins animés réalisés en direct par l’artiste peintre Émilie Tarascou, donnant vie à paysages naturels mouvants – fil des saisons, vol des oiseaux, scintillement des étoiles… (Versant Vivant, le 9 avril au Grenier à Sel, Avignon). Pour les plus petits, place aux formes courtes, mêlant théâtre d’ombres (Le Tout Petit Voyage, 25mns, dès 1 an, le 10 avril à Sauveterre) ou fable musicale évoquant le vol d’une raie manta dans l’atmosphère onirique de vitraux colorés, bercée par les trois musiciennes de la Compagnie Klankennest, aux percussions et violoncelle (Manta, 40mns, de 4 à 24 mois, du 11 au 13 avril à La Garance, Cavaillon). 

Pas de côté 
Pour les plus grands, la programmation ose le pas de côté. Création in situ à la Maison Jean Vilar, Bazar Vilar retrace la vie du grand homme – les escabeaux se muent en tréteaux, et c’est la grande histoire du théâtre qui prend vie sous nos yeux ! (du 11 au 13 avril). Avec Méandres, la chorégraphe Sara Pasquier ressuscite le Minotaure pour une initiation à la danse contemporaine (les 12 et 13 avril au Théâtre Golovine, Avignon), tandis que Moi c’est Talia nous plonge dans la psyché d’une collégienne, confrontée à son surmoi récalcitrant. Apaiser les cavalcades de pensées à l’orée de l’adolescence, tout un programme (le 16 avril au Théâtre des Halles, Avignon) ! La compagnie Les Traversées s’attelle au deuil, sujet ardu mais nécessaire : deux jeunes orphelins s’épaulent dans la découverte intuitive de la résilience, jugulant chacun à sa manière l’immense chagrin de la perte d’un parent (Le chant de la baleine, les 13 et 14 avril au Théâtre Transversal, Avignon). Plus léger, le concert de Coeur de Louve met le rock à hauteur des petits, autour de thèmes qui leur sont chers : la perte du doudou, l’apprentissage du non… (à l’Isle-sur-la-Sorgue le 12 avril). Les plus téméraires oseront la musique improvisée, autour des “chimères syllabiques” de Baby Jotax (les 19 et 20 avril à l’AJMI, Avignon). Enfin, deux rendez-vous de plein air : le 15 avril, la chorale Pitchoun scelle l’aventure collective menée par le musicien Thomas Pitiot avec une cinquantaine d’enfants scolarisés à Avignon. Et dès le 6 avril, les animaux mènent la sarabande dans les rues de la ville, pour un lancement en fanfare auprès des marionnettes géantes de la compagnie Archibald-Caramantran (départ à 15h du Square Agricol Perdiguier, clôture à 17h autour d’un grand goûter). 

Julie Bordenave 

Festo Pitcho
Du 6 au 24 avril
Avignon et alentour,
festopitcho.com

Biennale d’Aix, un festival de propositions 

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Aux lendemains de la crise covidienne, Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence, contrant les propos jugeant la culture non-essentielle, décidait de renouer avec le souffle de la culture par l’élaboration du projet fou. Une biennale ayant pour « terrain de jeu » toute la ville d’Aix-en-Provence, du cœur historique aux quartiers plus excentrés et les villages au pourtour de la ville. « Il s’agit de mettre l’art au cœur de la cité, de le rendre accessible à tous », expliquait Sophie Joissains lors de la présentation de la première étape.

Une initiative politique

Deux temps seront déclinés cette année au lieu des « quatre saisons » de la première biennale qui tentait – avec le succès que l’on connaît – à rompre avec les années de restrictions liées à la pandémie. « Il était important de ne pas mélanger la biennale et les autres festivités traditionnelles de l’année, telles le festival de Pâques ou le festival d’art lyrique » ajoute l’édile. En revanche, le lien patrimonial est renforcé, mettant à contribution, non seulement les lieux institutionnels, comme les divers musées de la ville, les théâtres et lieux de spectacle, les bibliothèques, les écoles d’art, le conservatoire, mais aussi les centres sociaux, les parcs, jusqu’au Gymnase de Val de l’Arc : quarante espaces où seront jouées, interprétées, projetées, performées, exposées, commentées, les 80 propositions de la première partie des festivités. 

 « Croiser patrimoine et création est un pari passionnant auquel sont associés les partenaires du territoire » explique Stéphanie Lelouarn, chargée de mission à la Biennale d’Aix. « La biennale existe comme une, chance une opportunité pour valoriser et développer les propositions de l’École d’Art d’Aix, et prend une place importante dans la politique d’insertion professionnelle des élèves de l’école », affirme l’historienne de l’art et directrice de cette institution, Barbara Satre. Christel Roy, coordinatrice des musées d’Aix-en-Provence, souligne combien le lien entre la ville et l’art contemporain est symbolisé par Beyond consciousness, « tissages oniriques et organiques » qui constituent l’installation immersive de l’artiste Chiharu Shiota. 

Du local et de l’international

Suivant le principe d’accueillir lors de chaque édition un nouveau pays, la biennale 2024 offre son écrin aux artistes du Liban en écho à l’anniversaire de l’accord de coopération avec Baalbeck, jumelée avec Aix-en-Provence depuis 2003. Le « cinéma comme force vitale » mettra à l’honneur ce pays par plusieurs projections et débats grâce à l’Institut de l’Image. Le Couvent des Prêcheurs recevra la soirée musicale Galbi Galbi et l’Auguste Théâtre y proposera une lecture théâtralisée, Beyrouth 2020, Journal d’un effondrement tandis que dans la cour du musée Granet l’autrice, actrice et metteure en scène libanaise Chrystèle Khodr interprètera la performance théâtrale et musicale Ascension et chute de la Suisse de l’Orient

Axée aussi sur la jeunesse, la Biennale reconduit sa collaboration avec lAix-Marseille Université pour Before-Campus de nuit#2. Les manifestations comme l’agitation foraine de Cosmogonos de la compagnie Titanos ou le Manège d’Andréa de François Delarozière investiront les espaces urbains pour des émerveillements partagés. Expositions collectives, installations sonores, lien fort avec les Rencontres du 9e art, la première édition du festival pluridisciplinaire Lips #1, théâtre, danse (dont un somptueux programme concocté par la compagnie Grenade), arts de la rue, déambulations, impossible de tout citer tant la ville foisonne de propositions toutes plus inventives et intéressantes les unes que les autres… Indubitablement, l’art est le lien privilégié et essentiel qui fonde notre humanité.

MARYVONNE COLOMBANI

Biennale d’Aix
Du 6 avril au 29 juin
biennale-aix.fr

Ni repaire, ni perspective

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Horizon rocade-T. Fourneau © Olivier Quéro

L’École régionale des acteurs de Cannes et de Marseille (Eracm), formation d’excellence de notre région, présente régulièrement des étapes de travail des apprentis comédiennes et comédien. C’est le cas de la pièce, Horizon Rocade, du prometteur auteur anglais Simon Langman, récompensé en son pays par des prix qui l’ont fait connaître dans toute l’Europe. Pièce choisie dans le cadre de l’Atelier de Recherche des Écritures Contemporaines qui met en place une collaboration entre l’Eracm et l’Université. 

Portraits d’une jeunesse désorientée

Le metteur en scène Thomas Fourneau en a proposé une mise en espace, déjà très aboutie, avec quatre comédiennes et deux comédiens qui jouent les trois personnages. En effet, et c’est une première particularité de ce texte, chacun des rôles est partagé par deux acteurs. Procédé original qui souligne les égarements des jeunes de 15 ans, enfants de familles pauvres qui sont dans la détresse de l’alcool et du chomage. Pas d’avenir dans ces petites villes sans âme pour les enfants qui reproduisent ce qu’ils voient et entendent, blagues débiles, délires bêtes. Ils parlent parfois de famille, d’amour dont ils ne connaissent rien, d’enfant qu’ils auront peut-être. Mais un jour, un drame éclate. Kate emmène ses deux amis dans la voiture de son père et sera la seule survivante d’un accident. Le texte du début revient alors comme reviennent les fantômes dans l’esprit de Kate. Pour autant, malgré leur désespérante noirceur, les dialogues crus, d’un humour caustique, nous accrochent. Les comédiens restituent parfaitement l’univers d’une jeunesse égarée.

CHRIS BOURGUE

Horizon Rocade a été du 19 au 23 mars à l’IMMS-Friche de la Belle de mai, Marseille. 
La traduction de Mirabelle Ordinaire et Marion Schartz n’est pas encore éditée

DIASPORIK : Le monde est babil 

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La musique n’a pas de frontières et les répertoires s’acculturent au contact des uns des autres. Ils voyagent, s’interpénètrent pour se renouveler, bousculer les catégories, emprunter rythmes et instruments et surprendre les publics. C’est à partir de ce constat que la conversation a commencé entre les personnalités artistiques engagées dans la valorisation de répertoires qui comptent dans la « world music ». 

Pour Élodie Le Breut, directrice et programmatrice de l’AMI, Amine Soufari, compositeur, pianiste, Issiaka Kouyate, directeur artistique du festival Nuits des Griots et Manu Théron, programmateur du Pôle des musiques du monde (Cité de la Musique), de faire la promotion et d’assurer la diffusion de répertoires authentiques mais aussi de musiques syncrétiques, qui fusionnent les influences, sans exclusive.

L’appellation « world music » transposée en France en « musiques du monde » est apparue dans les années 1980, quand le chanteur britannique Peter Gabriel crée le label musical Real World chez Virgin Records pour promouvoir la world par des enregistrements et une diffusion mondiale. Au-delà d’une catégorisation qui rend visible ces musiques dans le rayonnage des disquaires, l’appellation a permis de promouvoir des artistes ayant participé aux différents festivals WOMAD.

C’est l’enjeu de cette diffusion mondiale, davantage que la volonté de circonscrire et catégoriser ces musiques, qui a prévalu et permis de structurer scènes, marchés et diffusion. Comme le rappelle Issiaka Kouyate, au-delà de l’hégémonie des maisons de disques que cela génère, les mondialités culturelles restent aujourd’hui contraintes par l’économie fragile des festivals, et la mobilité culturelle soumise à l’obstacle endémique des visas. Pour Élodie Le Breut, les résidences d’artistes sont autant d’occasion de diffuser les musiques actuelles, telles que le rap algérien ou l’afrotrap, que de revisiter les répertoires traditionnels. 

Mais Amine Soufari et Manu Théron soulignent aussi l’importance de la circulation des répertoires dans leur authenticité : ces répertoires par leurs instruments, leurs rythmes, la qualification des terroirs de production, leur harmonies modales, assouplissent les règles et élargissent les possibilités musicales. Sont aussi évoquées les distinctions entre musiques populaires et musiques savantes,: ainsi les musiques populaires, de transes (raï, kabyles, hadra, gnawa, aissaouas…) ou musiques savantes (chaâbi algérois ou constantinois) qui interrogent aussi le rapport de classe dans les pays de provenance, n’ont pas ce trait sur les scènes en Europe. 

Nos piafs et leur poésie

Alors qu’en France, certains contestent le droit à la chanteuse Aya Nakamura de représenter la France à l’ouverture des JO 2024, le chemin semble encore jalonné d’incertitudes sur la légitimité des répertoires diasporiques qui empruntent aux cultures urbaines autant qu’aux cultures d’origines ! Connaître les parcours biographiques des artistes aujourd’hui consacrés comme « français » paraît pour le moins nécessaire : « la môme », le « piaf » avait des origines marocaines, et un usage très urbain de la langue. 

Samia Chabani

La rencontre s’est déroulée à la Friche La Belle de Mai le 28 mars dans le cadre de Babel Music XP

DIASPORIK : Le Théâtre de l’Œuvre rompt le jeûne avec des dates 

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El Besta © X-DR

À l’occasion des longues soirées ramadanesques, les femmes pratiquent le jeu de la boqala en Algérie. Les participantes récitent de courts poèmes qu’elles interprètent ensuite comme des présages. À Marseille, Les Lunes du Ramadan, le rendez-vous annuel du Théâtre de l’Œuvre – en partenariat avec l’association Cultur’all Massalia – invite le public à une série de concerts de musiques d’Afrique du Nord. Un véritable voyage sensoriel révélant les intrications délicates entre héritage de répertoires musicaux et chansons à texte métaphorique et parfois subversif. 

La programmation alterne les répertoires savants et populaires, dans un savant dialogue qui réjouit les amateurs marseillais. D’abord avec le chaâbi de Fouad Didi le 5 avril, on attend ensuite El Besta, qui débarque à Marseille pour un concert inédit le samedi 6 avril. Issu de Mostaganem, le groupe offre un embarquement immédiat dans l’univers mélancolique de l’accordéon et de la poésie populaire. Inspirés par les ambiances des qaadates de l’ouest algérien, le quatuor réincarne en live les grands noms et rythmes du Raï en offrant une expérience live immersive unique et intimiste. Sofiane Merabet, avec sa voix puissante et émotionnelle, incarnant l’âme et l’expression authentique du raï est accompagné de Laredj à l’accordéon, Dadi à la derbouka et du bassiste Abed. Issu des nouvelles générations et bien ancré dans notre époque, chantant l’agonie amoureuse, les interdits, la trahison, la fatalité, la passion ou l’ennui, El Besta, entre traditions et modernité, fait du raï un témoignage, à la manière des anciens.  

Une musique reconnue

Le raï est une chanson populaire d’Algérie d’origine rurale qui a véhiculé la réalité sociale sans tabou ni censure. Il aborde des thèmes tels que l’amour, la liberté, le désespoir et les pressions sociales. Au début du XXe siècle, les prima donnas y ajoutent des idées transgressives, en chantant la liberté d’aimer et de désirer, tout en glorifiant dieu et les saints. Au fil du temps, le raï s’est progressivement imposé, d’abord au niveau local, lors des rituels et des mariages, puis au niveau mondial grâce à des artistes tels que Chikha Remitti, Khaled, Mami, et aujourd’hui DJ Snake et son fameux Disco Maghreb. Depuis 2022, cette musique est inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.

SAMIA CHABANI

Les Lunes du Ramadan
Fouad Didi
5 avril

El Besta
6 avril
Théâtre de l’Œuvre, Marseille

Feelgood, pass et manque

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– Oh  dis donc, encore le pass culture ? Tu pourrais pas faire un édito feelgood pour une fois ? 

– Mais j’essaye j’essaye, face aux grandes catastrophes du monde menaçant !! Regarde regarde, j’ouvre les perspectives de la paix, je parle de Matisse et de sa Joie de vivre, je remarque toutes les flammes qui s’allument…

– C’est ça que t’appelles feelgood ? T’as entendu parler du journalisme de solution ? Tu peux pas pour une fois mettre l’accent sur ce qui marche ? Franchement, regarde, dans les librairies, sur les plateformes de streaming, mêmes dans les bibliothèques, les programmes des théâtres parfois aussi, la rubrique feelgood apparaît partout partout. Il est plus question de divertir, de passer un bon moment en mettant les douleurs du monde en veilleuse, mais de prendre enfin du bon temps avec une bonne tranche de comédie, un truc qui finit bien quoi.  C’est pas du luxe en ce moment. Tu vas encore nous emmerder avec ton pass culture et ta politique de la demande et de l’hégémonie culturelle de masse ?

Déso, et oui, encore. Et les solutions, celles que souligne notre journalisme, ce sont les artistes qui les portent. Que l’État consacre plus de 250 millions à fournir aux jeunes des coupons d’achat pour les grands groupes de produits industriels numériques et audiovisuels, et diminue d’autant le budget qu’il allouait à la culture publique, à la création, à la décentralisation des moyens, n’est pas acceptable. Rachida Dati le constate aujourd’hui, il faut qu’elle aille au bout, et arrête la gabegie. La réformer ne suffit pas, la politique est injuste et inefficace, ne rapportant qu’aux industries culturelles, du livre Bolloré au streaming Spotify. S’il s’agit de financer la culture publique avec les impôts de tous, autant donner les moyens à ceux qui la fabriquent, en cessant de diminuer les budgets de la création. 

Car le constat est là : les salles sont pleines. C’est assez miraculeux, étant donnée la concurrence exercée par les industries culturelles et le lavage de cerveau médiatique. Partout, carton plein. À l’Opéra de Marseille pour Massenet, à La Criée pour un Molière, à Babel Music XP pour le monde, au Festival de Pâques, à Martigues pour Pommerat, au Vidéodrome 2 pour un festival trans, au Zef et à Klap pour Rigal, le public est là, divers pour peu qu’on aille à la fois voir de l’opéra et des musiques du monde, du théâtre classique ou contemporain, de la danse, des films, des débats. 

– C’est plein, mais plein ne viennent jamais. 

– Évidemment. Mais ce constat forcément juste de l’échec de la démocratisation culturelle est l’arme avec laquelle l’État et certaines collectivités publiques coupent le trop maigre budget alloué à la création, aux compagnies, aux artistes et à ceux qui les diffusent.

Un constat qui se renouvelle année après année, trimballant avec lui le reproche d’élitisme : la culture publique ne touche pas tous les citoyens. Les publics sont trop blancs, trop féminins, trop âgés…

– Ok ok, mais que faire ?

– Exactement ce que nous faisons. Proposer, avec obstination, une alternative au stade, au streaming, à la VOD, au feelgood, à la culture de masse qui impose ses produits en les rabâchant. Garder vivants ces lieux où les artistes fabriquent un regard vivant sur le monde que l’on peut partager avec eux, dans la proximité chaleureuse du spectacle. Comprendre combien ils nous sont nécessaires. Comprendre qu’ils ne sont pas là pour nous livrer du feelgood. Retrouver Aristote. 

– Ah non là non pas Aristote dans un édito. Déjà que tu te la joues pseudo Platon avec ton dédoublement dialogique

– Et pourtant 

– Vraiment la catharsis ?

– Faire éprouver les douleurs du monde pour mieux les combattre n’est-il pas le but essentiel des artistes ? 

– Et la comédie ? 

– Depuis toujours elle ridiculise les puissants ce n’est pas le feelgood. L’apparition de cette catégorie est le signe d’une société dépressive réduite à l’apathie. Plutôt que de détourner le regard des publics vers des bonheurs illusoires, les artistes peuvent, doivent, découvrir les chemins qui leur feront combattre l’impuissance.

AGNÈS FRESCHEL ET ALCIBIDON

#Puzzled : pièces d’artifice

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#Puzzled, Pierre-François Blanchard

Concocté avec la complicité du clarinettiste Thomas Savy#Puzzled offre en dix morceaux, ou paragraphes, un cheminement tendre, triste, émerveillé, espiègle, déployé comme les pages d’un journal intime qui se feuillette avec délices. En ouverture, Backtrack, pose ses notes avec une simplicité rêveuse qui s’orientalise, sinuosités délicates de la clarinette de Thomas Savy sur les ostinatos du piano de Pierre-François Blanchard. Les sonorités s’emballent en un foisonnement étonné avant de revenir, comme dans un poème symphonique qui se referme sur lui-même. Les notes liquides de Fears, écho au chatoiement de certaines pièces de Debussy, se tendent d’une insondable tristesse. Chaque pièce est un tableautin finement ciselé où les instruments complices tissent des mélodies peuplées de réminiscences. Ici, l’on croit reconnaître un écho de Darius Milhaud, là Satie, Fauré, Michel Legrand… On sourit aux accents mutins de C’est par où ? ou d’Asmara, on se laisse emporter par les mouvements introspectifs d’Afterglow ou de Foreshadow, les fantaisies contrapuntiques de #Puzzled, titre éponyme.
Mouvements envoûtants, mélancolies, joies, irriguent cet album qui mêle les influences classiques et jazz. Conservant la liberté de ton apprise aux côtés de Pierre Barouh, « sorte de chaman, initiateur, poète », dont il a été le pianiste durant cinq ans, Pierre-François Blanchard laisse sa musique vagabonder au fil de pensées qui s’orchestrent au fur et à mesure qu’elles naissent, abolissant les frontières entre improvisation et partition écrite pour un voyage hypnotique. Les compositions lumineuses nous emportent vers les ailleurs. L’ultime morceau de l’album, Lullaby for freedom, ne referme pas le propos mais ouvre de nouvelles portes par lesquelles la pensée s’évade. Poudroiements oniriques…  

MARYVONNE COLOMBANI

#Puzzled, Pierre-François Blanchard avec Thomas Savy, Les rivières souterraines

Le CD a été joué en concert au Petit Duc, lieu de résidence des artistes

Concert de sortie du CD #puzzled à Marseille au Cri du Port le 11 avril à 20h00