lundi 25 novembre 2024
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Maison Jean Vilar : des notes, des livres, et des photographes

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Jean-Pierre Darras et Philipe Noiret, jour de relâche à Tout-Vent, Entraigues, 1959 © Maurice Costa

Installée au rez-de-chaussée, Infiniment, Maria Casarès, Gérard Philipe une évocation, célèbre le centenaire de ce couple, indissociable de l’aventure vilarienne. Commissaire de cette exposition de la Maison Jean Vilar, Jean-Pierre Moulères assemble un choix de photographies, enregistrements sonores, objets et éléments d’archives autour des deux monstres sacrés. La sélection couvre la création en 1947 par Philipe et Casarès, sous la direction de Roger Blin, des Épiphanies d’Henry Pichette puis leur engagement conjoint au côté de Jean Vilar, jusqu’à la mort de Gérard Philipe en 1959. Cette date coïncide avec une période radicale pour Maria Casarès, suite à la disparition d’Albert Camus peu de temps après.

Le diable dans les détails

« La photographie de théâtre c’est d’abord pour moi un rapport au sens mais aussi à l’espace. » Christophe Raynaud de Lage définit ainsi son approche d’un événement dont il est le photographe officiel depuis 2005. Et d’ajouter « L’idée est que le public entre à l’intérieur des images et puisse les ressentir. » Son exposition baptisée L’Oeil présent estinstallée au premier étage. Conçue en collaboration avec Laurent Gachet, créateur scénique et Pierre-André Weitz, fidèle scénographe d’Olivier Py, elles’assimile à une déambulation sensorielle à travers une mémoire fragmentée. Il ne s’agit pas de suivre une chronologie mais de vagabonder à travers les lieux (cloîtres, gymnases, cours…) du Festival. À chaque station, bribes sonores, maquettes de décors reconstitués, dialoguent avec les empreintes que constituent les images des créations rêvées dans ces espaces. Les coulisses ne sont pas occultées pour mieux capter la recherche, le doute, le travail.

Cette année une pièce du premier étage de la Maison accueille les notes de services de Jean Vilar. Punaisés sur les tableaux partagés, ces brefs messages à l’intention des personnels, témoignent de l’exigence de Vilar, premier convaincu que le diable rode dans les détails, de même qu’ils synthétisent son éthique et sa foi en l’esprit de troupe. Après le TNP de Villeurbanne puis Marseille au Théâtre de la Criée, l’exposition produite par l’Association Jean Vilar arrive enfin à Avignon.

Côté jardin

Toujours en place au jardin des Doms, Côté jardin-Jean Vilar et Avignon balise une promenade photographique en harmonie avec le plein-air et la détente liés au lieu. Le parcours ressuscite les premiers festivals de Vilar et sa troupe à travers des moments de concentration, de conversation, de délassement dans la nature, autour d’une table, souvent au verger Urbain V. Compilations d’images légendaires et de vues rarissimes, l’exposition empile les prolongations jusqu’à, on l’espère, résider en permanence sur ce Rocher des Doms voué à une prochaine requalification.

MICHEL FLANDRIN

Infiniment, Maria Casarès, Gérard Philipe – une évocation, jusqu’au 30 avril 2023
L’Oeil présent, jusqu’au 31 mars 2023
Ce soir, oui tous les soirs, Jean Vilar, Notes de service, jusqu'au 30 avril 2023
Côté jardin-Jean Vilar et Avignon, jusqu'au 13 novembre
Maison Jean Vilar, Avignon
04 90 86 59 64 maisonjeanvilar.org

Avignon sous les tropiques

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Archipel fluvial de Mariuá Rio Negro État d'Amazonas Brésil 2019 © Sebastião Salgado

« Créer un environnement où le visiteur se sente au cœur d’une forêt ». Cette intention anime l’accrochage imaginé par Lélia Wanick Salgado, scénographe-commissaire de l’exposition Amazônia et épouse du photographe Sebastião Salgado. La forêt amazonienne se partage entre neuf pays d’Amérique du Sud, dont 60 % en terre brésilienne. Vaste comme dix fois la France, le territoire abrite moins de quatre-cent-mille habitants qui pratiquent quinze dialectes différents. Agrégeant sept années d’expéditions, le dispositif se divise en trois espaces. La Grande Chapelle rassemble deux-cent clichés réalisés auprès de douze communautés indigènes et trois ocas. À l’intérieur de ces habitations autochtones, sept films réalisés spécialement pour l’exposition, compilent des récits du quotidien délivrés par des membres des diverses communautés.

En immersion

Indienne Yawanawá, État d’Acre, Brésil, 2016 © Sebestão Salgado

« Je suis né dans un pays musical. Les indigènes chantent beaucoup, jour et nuit, sauf au moment de la chasse. Amazonia s’assimile à un voyage en forêt. On y entre par les airs ou en bateau. On suit le fleuve. La forêt devient touffue jusqu’à l’espace où l’on peut rencontrer les tribus. » En lien avec les mots de Sebastião Salgado, l’immersion à l’intérieur de la Grande Chapelle, s’enveloppe dans une partition signée Jean-Michel Jarre. Le musicien mêle des boucles orchestrales ou synthétiques, évoquant les timbres de la nature. S’y ajoutent des sons de l’environnement et des éléments récupérés dans les archives sonores du musée ethnographique de Genève. La Sacristie Sud accueille une projection de cent-dix photos paysagistes au rythme de Érosion, Origine du fleuve Amazone, poème symphonique composé par Hector Villa-Lobos.

Le même nombre de vues alimente Portraits d’indigènes. Sis dans la Chambre neuve du camérier, le diaporama se déroule, cette fois, sur la partition composée pour l’occasion par Rodolfo Stroeter. Amazônia nous immerge dans un poumon en danger au cœur d’un monument emblématique d’un passé glorieux, le pari s’annonce judicieux au moment tant de questions absorbent l’avenir.

MICHEL FLANDRIN

Amazônia
Jusqu’au 30 novembre
Palais des papes, Avignon
04 32 74 32 74 palais-des-papes.com

On Air : « Il n’y a pas de honte à faire des soirées payantes »

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Alban Corbier-Labasse est le directeur de la Friche la Belle de Mai depuis septembre 2021 © Pascal Nampémanla Traoré

Instaurés en 2013 par l’ancien directeur Alain Arnaudet, ces rendez-vous très populaires des Marseillaises et Marseillais permettaient un embryon de mixité dans un territoire aux inégalités criantes. Les explications d’Alban Corbier-Labasse, directeur du lieu depuis septembre 2021.

Zébuline. Pourquoi avez-vous décidé de rendre les soirées On Air payantes ?
Alban Corbier-Labasse. Plusieurs choses ont conduit à cette prise de décision. L’une concerne le modèle économique. C’est le seul événement où la Friche est en position de production directe. Le toit-terrasse générait un déficit important pour notre structure alors que partout ailleurs dans Marseille, ce sont des lieux où les organisateurs de soirée gagnent de l’argent. Nous en perdions beaucoup et ce n’est pas négligeable dans un contexte de raréfaction des subventions publiques. Elles n’ont pas bougé depuis dix ans et des subventions qui ne bougent pas sont des subventions qui baissent, par la force de l’augmentation des charges. Si on veut sauver ces soirées sur un moyen terme, il fallait trouver un modèle économique qui nous permette de les sécuriser. L’idée est de ne plus perdre d’argent mais on ne va pas en gagner.

«la gratuité d’une offre ou d’un espace culturel n’a jamais été signe de démocratisation»

La fin de la gratuité dans un quartier aussi défavorisé est tout de même symboliquement forte…
D’expérience, dans tous les lieux où je suis passé, la gratuité d’une offre ou d’un espace culturel n’a jamais été signe de démocratisation. Dans l’ambition, cela semble naturel ; dans les faits, ce n’est pas la réalité. Dans bien des cas, ce sont ceux qui ont déjà le capital culturel et social qui savent comment y accéder et se sentent légitimes pour le faire. Si, quand c’est gratuit, il n’y a pas de mixité, quand c’est payant, il y en aura encore moins. Sauf que dans notre projet d’évolution du toit-terrasse, on se sert des nouvelles recettes pour embaucher trois jeunes médiateurs recrutés à la Belle de mai. En plus de nos propres équipes de médiations, ils vont travailler avec les associations du quartier pour mettre en place un dialogue à partir duquel on va offrir le Ticket Toit, carte valable tout l’été et gratuit pour deux personnes. Celle-ci est donnée en nombre illimitée aux associations qui les distribuent aux publics qu’elles sensibilisent. Quand on fera le bilan à la fin de la saison, on espère pouvoir dire qu’on a servi une plus grande mixité des publics que l’inverse.

Dernier aspect, l’accès est fluidifié. On n’a plus de queue monstre comme c’était parfois le cas dès 18 heures. La plupart des gens ayant acheté leur billet avant, ils sont sûrs de rentrer.

Proposer ce Ticket Toit aux publics qui socialement ou culturellement ne se sentiraient pas spontanément concernés n’est-il pas stigmatisant ?
La relation tissée avec les associations est faite de telle sorte que cela ne le soit pas. Prenons le cas des jeunes étudiants précaires : ils n’entrent pas dans le dispositif, ils ont plus de 16 ans et pas les minimas sociaux. Il y a tout de même des outils qui leur permettent de ne pas payer l’accès comme le Pass culture ou le Pass Région. On peut en débattre toute la vie mais je pense que le Ticket Toit est une carte privilège plutôt qu’une carte stigmatisation.

Le privilège d’être pauvre ?
Ce n’est pas du tout ce critère. Le public concerné est celui des associations du quartier La Belle de mai. Cela peut être des mères isolées, des familles nombreuses, des jeunes en situation de décrochage, etc. C’est aux associations qui travaillent dans le territoire de proximité d’orienter et de décider à qui donner ces entrées gratuites.

Dans notre précédent entretien, vous disiez souhaiter que la Friche devienne une vraie coopérative. Or visiblement ni les résidents, ni les administrateurs et ni les opérateurs invités sur le toit-terrasse n’ont été consultés ou informés en amont du passage au payant…
La SCIC (société coopérative d’intérêt collectif) a la responsabilité de l’exploitation. Des réunions ont été faites très en amont avec Les Grandes Tables (le restaurant de la Friche, ndlr), coproducteurs des soirées et qui sont sur la même longueur d’ondes que nous. Mais effectivement, toutes les décisions à la Friche ne font pas l’objet d’un vote à l’unanimité des résidents ni des sociétaires. Si un jour on décide d’augmenter le tarif des visites d’exposition, je ne pense pas qu’on demandera à l’ensemble de la communauté de donner son avis. Sinon on serait dans un blocage de fonctionnement permanent.

Les opérateurs culturels qui pensaient proposer une programmation en accès libre se retrouvent du jour au lendemain à devoir assumer le fait que ce soit payant.
Il n’y a pas de honte à faire des soirées payantes. Surtout à cinq euros ! Et tous ceux qui ont produit un événement étaient au courant du changement de format. Ils ne l’ont pas découvert à l’ouverture des portes ! Si éthiquement pour eux, c’est compliqué de passer de zéro à cinq euros, ils pouvaient aussi refuser de le faire. Je n’ai pas participé à ces discussions-là. C’est dire à quel point les choses sont déconcentrées à la Friche. Jusqu’à présent, toutes les équipes sont très contentes de l’évolution du format.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Catherine Cattaruzza et le mal des frontières

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Catherine Cattaruzza. I am folding the land, France-Lebanon, 2022. Courtesy of the artist.
Catherine Cattaruzza. I am folding the land, I am folding the sea, France-Liban, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

À Martigues, les grands formats (2m50 sur 1m70) de Frontières infranchissables interpellaient les passants sur les rapports entre intime et politique. Une question loin d’être « hors-sol » pour Catherine Cattaruzza : née en 1968 à Toulouse, elle a grandi au Liban, pays auquel elle est profondément attachée, mais qu’elle a dû quitter plusieurs fois, du fait des situations de violence politique. Une expérience de l’exil, des frontières, de l’effacement, qui l’a marquée à jamais. Et qui l’a amenée à développer un travail plastique et photographique se nourrissant de territoire, de trace, d’identité et de mémoire. Depuis 1992, année où s’est mis en place, à la fin de la guerre civile, le système politique, économique et social qui a conduit à la situation catastrophique actuelle du pays, elle travaille avec des pellicules périmées, donnant des qualités de lumière et de couleurs étonnantes à ses images. Et une présence à l’intangible, à l’incontrôlable, à l’instabilité permanente, qu’ils soient à l’œuvre au Liban ou, plus largement, dans le monde. Dans I am folding the land (Je plie la terre), organisé au centre Fernand Léger de Port-de-Bouc, dans le cadre du Grand Arles Express, elle évoque son rapport au monde à travers une exploration du contexte sismique libanais, aussi bien géologique que géopolitique, politique, économique, sanitaire, social ou environnemental. À travers un parcours qui l’a menée le long des trois failles sismiques majeures du pays, elle interroge le paysage et ce qu’il nous dit du monde, reliant transformation du territoire physique et de la pensée, dans leurs dimensions politique et poétique, inspirée par la pensée du tremblement d’Édouard Glissant.

MARC VOIRY

I am folding the land de Catherine Cattaruzza
Jusqu’au 2 septembre 2022
Centre Fernand Léger, Port-de-Bouc
04 42 40 65 19 centrefernandleger.com

Juliette Roche, vous connaissez ?

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Sans titre, dit american Picnic, vers 1918, huile sur toile © Aïnu - Photo A. De Valence, ADAGP, 2022

Artiste issue de la très haute bourgeoisie parisienne, ses œuvres d’avant la première guerre mondiale conjuguent les influences esthétiques des différents groupes d’artistes qu’elle fréquente : les formes simples, le caractère décoratif et l’univers symboliste des peintres du mouvement nabi, les découpes géométriques du cubisme (elle rencontre Albert Gleizes en 1913, qui deviendra par la suite son mari). Pendant la première guerre, elle est à New York, où elle participe au groupe dada avec Marcel Duchamp et Picabia, ce dernier faisant son portrait en manomètre : l’étrange et l’ironie s’introduisent dans la pratique de celle qui se désignait elle-même comme « la dame en peau de léopard » qui « boit du whisky et parle d’art ». Après la guerre, Juliette Roche multiplie les natures mortes, les portraits féminins et les autoportraits, tout en se consacrant à des travaux d’illustrations et d’art décoratif.

Icône de modernité

En 1927, avec son mari, elle fonde à Sablons (Isère), les Coopératives artistiques et artisanales de Moly-Sabata. Puis en 1939, ils s’installent dans le grand mas des Méjades à Saint-Rémy, où ils accueillent, pendant la seconde guerre mondiale, leur ami Gaston Chaissac. Elle cesse de peindre après la disparition de son mari en 1953. Peu exposée de son vivant (2 expositions), son œuvre, qui ressortit aux genres traditionnels de la peinture (portrait et autoportrait, paysage, scène de genre, nature morte, scènes bibliques ou mythologiques) avait fait l’objet d’une rétrospective en 1962, à la galerie Miroir à Paris. Cette nouvelle exposition, Juliette Roche – L’insolite conçue par le Musée Estrine en partenariat avec la Fondation Albert Gleizes par le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon et le MASC, musée d’art moderne et contemporain des Sables d’Olonne, vise à la reconsidérer comme une icône de la modernité.

MARC VOIRY

Juliette Roche – L’insolite
Jusqu'au 23 décembre
Musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence
musee-estrine.fr
04 90 92 34 72

Messiaen s’invite au Festival d’Aix

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Julia Bullock sur la scène du Pavillon Noir © Vincent Beaume, Festival d'Aix-en-Provence2022

La Turangalîla-Symphonie composée pour grand orchestre et deux instruments solistes, piano et ondes Martenot, connut sa création française à Aix-en-Provence sous la conduite de Roger Désormières, à la tête de l’Orchestre national de France, le 25 juillet 1950 (la création mondiale ayant eu lieu à Boston le 2 décembre 1949). Il fallait bien le piano intelligemment sensible de Bertrand Chamayou et les ondes Martenot de Nathalie Forget pour tenir l’exigeante partition de Messiaen servie avec une élégante et bouleversante vérité par l’Orchestre de Paris, dirigé par Esa-Pekka Salonen. « Chanson d’amour, hymne de joie, mouvement, rythme, vie, mort », la traduction du titre sanscrit est polysémique. Voulue comme partie centrale d’une trilogie sur le thème de Tristan et Iseult, elle est précédée dans ce triptyque par le cycle de mélodies Harawi, douze poèmes d’amour et de mort par la soprano Julia Bullock, accompagnée du piano d’Alphonse Cemin et des évolutions des danseurs Or Schraiber et Bobbi Jene Smith.

Julia Bullock sur la scène du Pavillon Noir © Vincent Beaume, Festival d’Aix-en-Provence 2022

Avec Harawi, variante péruvienne du mythe des amants maudits, le compositeur mêle à ses propres poèmes des termes quetchua, des onomatopées, qui rendent la narration à la fois fascinante pour l’auditeur et d’une grande complexité d’exécution. La voix de la soprano sut se glisser dans ces pièces avec une subtile élégance, tandis que les pas des danseurs se coulaient dans la puissance évocatrice de la musique. La symphonie concertante Turangalîla frappait par sa liberté de ton, la foisonnante présence des pupitres mis en œuvre, bois, cuivres étoffés de trompettes, cordes, percussions (dont maracas, tam-tam, célesta, vibraphone). Colossale, l’œuvre prenait dans l’enceinte du Grand Théâtre toute son ampleur, ses masses sculptées, ses élans, ses replis, ses rythmes luxuriants, son art de la fresque, son énergie communicative qui subjugua le public.

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts donnés les 14 (Grand Théâtre) et 16 juillet (Pavillon Noir), dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

Camille Claudel à la folie 

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L’Implorante petit modèle, bronze ancien entre 1900 et 1904, Photo B. Serre-Bouret

Une réouverture qui donne lieu à une « revisite » des collections permanentes du musée. Chacune des salles du premier étage présentant, sous le titre Laisser une trace, la confrontation d’une œuvre d’un jeune artiste contemporain (Audrey Langlet-Odatempo, Maliza Kiasuwa, Gabriel Boutros et Tomek Jarolim, Gouzelle Ishmatova, Abdullah Al Qandeel, Michal Korman) avec la peinture d’Yves Brayer.

Et depuis mai sont donc également présentées, au rez-de-chaussée, une trentaine de sculptures de Camille Claudel, artiste dont on connaît la trajectoire tragique : l’une des premières artistes femmes à s’émanciper de l’emprise d’un artiste homme. Auguste Rodin, sorte d’ogre avec qui elle a vécu, à la fin du XIXe siècle, une passion artistique et amoureuse « hors-norme », eendossant les rôles d’élève, modèle, assistante et amante. Artiste à part entière, à la virtuosité et la modernité remarquable, mais sans être reconnue en tant que telle, « l’élève de Rodin », qui combattra ce qualificatif tant qu’elle pourra, connaîtra, quelque temps après leur rupture, un isolement volontaire et des épisodes de rage destructrice. Qualifiée de folle, elle finira les trente dernières années de sa vie enfermée de force par sa famille à l’asile. Elle y vivra de grandes souffrances, et y décèdera en 1943.

Parmi les œuvres exposées, prêtées par des collectionneurs et des musées français dont le musée Camille-Claudel, sont visibles La Valse, l’Implorante, Les Causeuses.  À noter qu’en lien avec l’exposition un concert de piano de Gabriel Boutros Autour de la Valse de Camille Claudel est donné le vendredi 22 juillet à 19h dans l’église des Baux-de-Provence et qu’une lecture par Charlotte Assemat Lettres de Camille Claudel a lieu le samedi 6 août à 19h dans la cour du musée.

MARC VOIRY

Camille Claudel – Géniale Folie
Jusqu’au 13 novembre
Musée Yves Brayer, Les Baux-de-Provence
yvesbrayer.com

Avec Art-o-rama, Marseille devient l’épicentre de l’art contemporain

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Catinca Malaimare,Seedy Pink, 2021 - Courtesy Catinca Tabacaru, Bucarest

La Friche la Belle de Mai devient pendant quatre jours une véritable ruche de l’art contemporain à Marseille. C’est à peu près l’impression que donne la lecture du programme d’Art-o-rama 2022. Un salon payant (5€ ou 3€), qui investit comme à son habitude différents espaces du site (la Tour, la Cartonnerie, les Plateaux). Une Friche qui accueille au même moment l’exposition personnelle du Franco-Portugais Wilfrid Almendra, une autre proposée par Triangle-Astérides autour de pratiques de sculptures, et une troisième qui présente le travail de deux jeunes artistes vivant à Marseille : Prune Phi et Sandar Tun Tun.

La grande foire

Sur les quarante-huit galeries internationales, provenant de dix-huit pays, vingt-deux galeries participent pour la première fois au salon. Sur les cent-trente artistes qui y sont présenté·e·s, il y a vingt-trois solos shows, dix-huit duos shows et vingt-quatre présentations de groupes. Cinq projets communs, développés par deux galeries présentant chacune un·e de leurs artistes, figurent dans la section « Dialogue ». La place des éditeurs s’agrandit en s’ouvrant au design, et met en avant des éditeurs français et européens. Enfin, dans la section « Show-Room » du prix Région Sud, on peur voir les travaux de Hayoung, Samir Laghouati-Rashwan, Robin Plus et Janna Zhiri. Lalauréate de l’année dernière, Flore Saunois, est l’« artiste invitée » du salon, et présente ses productions issues de sa résidence à Moly-Sabata.

Du côté du programme culturel, à noter une table ronde autour de l’exposition Le Verre présentée au Cirva, un focus sur le centenaire de Jonas Mekas, un débat sur la place des foires d’art contemporain au Sud de l’Europe. Enfin une avant-première, suivie d’une discussion, du film Bright Hours des artistes Gerard & Kelly, tourné sur le toit de la Cité Radieuse en 2021.

MARC VOIRY

Art-o-rama
Du 25 au 28 août
Friche la Belle de Mai, Marseille
art-o-rama.fr

Ébouriffante diversité à Paréidolie

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Modulab Lumeret, Levitation © Roxane Lumeret

Un format court, intimiste et convivial. Il se déroule au même moment que la foire Art-o-rama et le salon photographique Polyptique, trio de rendez-vous permettant aux amateurs, amatrices, curieux et curieuses, de s’immerger le temps d’un dernier week-end estival, dans l’art contemporain. Et comme on dit : trois salles, trois ambiances ! Celle de Pareidolie, concoctée par une équipe 100% féminine, est assez unique dans l’accueil, le contact, l’ouverture : un anti-snobisme de bon aloi, sans pour autant abandonner l’exigence et le professionnalisme.

Une armée de crayons

Parmi les quatorze galeries sélectionnées, la Galerie 8+4, grande habituée de Paréidolie, présente les bouquets de Christian Lhopital et ses plis de couleur peuplés de diverses figures. On retrouve aussi l’exploration de l’inconscient de jeunes filles d’Amélie Barnathan, les paysages éclatés de Claire Trotignon et les dessins du photographe Gilles Pourtier. Autre grande habituée du salon, Backs\ash, expose deux artistes femmes, Karine Rougier et Odonchimeg Davaadorj, qui proposent un projet spécialement conçu pour le salon. La presque nouvelle Galerie Nadja Vilenne (elle était là l’année dernière) vient avec les dessins de l’Ukrainienne Alevtina Kakhidze, qui a (notamment) exposé à Manifesta 10 à Saint-Pétersbourg en 2014, et qui en 2022, armée seulement de marqueurs, d’un crayon et de papier, est entrée en lutte avec la guerre : des dessins « parfois acérés, parfois naïfs, surtout angoissants, et tout sauf ludiques ».

À noter également, deux cartes blanches, l’une à Polaris – Centre d’art d’Istres (inauguré le 11 juin dernier), avec une proposition du duo d’artistes Magali Daniaux & Cédric Pigot, l’autre à la galerie Territoires Partagés de Marseille, avec un hommage à l’artiste Jean-Jacques Ceccarelli (1948-2017).

MARC VOIRY

Paréidolie Salon international du dessin contemporain
27 et 28 août 2022
Château de Servières, Marseille
pareidolie.net

Le Nice Classic Live célèbre la musique chambriste sous toutes ses formes

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Pascal Rogé et Barbara Binet sont sur la scène du Nice Classic Live © DR

La soirée du 1er août s’est ouverte sur une programmation singulière. Soit deux guitaristes réunis pour entonner des pages dédiées à leur instrument, les Micropiezas du compositeur cubain Léo Brouwer, mais également et surtout, nombre de transcriptions d’œuvres pour le moins hétéroclites. Rémi Jousselme et Tristan Manoukian, solistes et chambristes aguerris et forts d’une belle collaboration, ont passé au prisme des cordes pincées des pages passionnantes : Meredith Monk, Béla Bartók, et même John Cage ! Le tout, sans rien sacrifier de la subtilité des œuvres, semble les enrichir de couleurs inédites. Les accents brésiliens de Brouwer résonnent sur les envolées jazzy de Meredith Monk ; la musique folklorique revue et corrigée par Bartók sonne… folk ! En bis, une autre transcription de Lutoslawski vient conclure ce joli voyage.

Violon sans frontières

On sait pourtant qu’on embarque de nouveau pour une destination inconnue en seconde partie de soirée. La carte blanche confiée au violoniste Gilles Apap lui ressemble : son ancrage classique s’enrichit de fantaisies audacieuses, jusqu’à sa conclusion d’une quinzaine de minutes quasi improvisées par un groupo de cordes sur des thèmes irlando-américains. Tout juste pourra-t-on regretter que l’immense talent de la harpiste Marie-Pierre Langlamet ne soit sollicité que sur des transcriptions au mieux anecdotiques – L’Entr’acte de Jacques Ibert –, voire franchement ingrates – la pourtant magnifique Sonate pour flûte et piano de Poulenc, sur laquelle Julien Beaudiment laisse l’auditoire sans voix. Menée de main de maître par la pianiste Marie-Josèphe Jude, directrice artistique du festival, la Sonate pour violon et piano du même Poulenc rappelle quels grands écarts stylistiques le compositeur opéra tout au long de sa vie. La clarinette de Michel Lethiec, très classique, sait également tirer le meilleur de Gershwin, en compagnie du piano très swing de Ninon Hannecart-Ségal.

L’art délicat du quatre mains

La soirée du 2 août rassembla deux ensembles pas comme les autres. L’art tout particulier du quatre mains se révélant d’une délicatesse certaine, il impliquait de convoquer des duos durablement soudés. Sur un programme donné également le 10 août aux Nuits Pianistiques d’Aix-en-Provence, Jacques Rouvier et Kateryna Diadiura se sont frottés à l’exercice avec enthousiasme et dextérité : la complicité unissant l’ancienne élève et le professeur est tangible. La Melodiya de Skoryk donnée en préambule semble tenir particulièrement à cœur à la jeune pianiste ukrainienne, qu’une émotion palpable ne quittera pas pendant une bonne moitié du concert. Ce qui ne l’empêche pas d’exécuter la célèbre Fantaisie de Schubert avec panache, puis de faire danser Grieg et Brahms sur tous les tons et tempi imaginables. Jusqu’aux désopilants Souvenirs de Bayreuth de Fauré et Messager, hydre à deux têtes… au carré ! En seconde partie de soirée, Barbara Binet et Pascal Rogé s’attaquent à un programme plus bigarré : de la classiquissime Sonate en ré majeur de Mozart aux Souvenirs hollywoodiens en diable de Samuel Barber, un grand écart stylistique se creuse, révélant de ce pas l’irréprochabilité technique du couple. De retour de l’entracte, les Six pièces opus 11 de Rachmaninov sont entonnées avec une cohérence et une ferveur rare. La symbiose est totale entre ces deux interprètes. Autant dire qu’on attend de pied ferme la parution à venir de leur enregistrement commun.

SUZANNE CANESSA

Soirées du 1er et 2 août du Nice Classic Live, qui s’est tenu du 16 juillet au 9 août au cloître du monastère de Cimiez, à Nice.