dimanche 24 novembre 2024
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Puissance 3 !

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Rencontre entre passé et présent

Dans Claude Pascal, pièce créée en 2002 par le Nederlands Dans Theater, Jiri Kylian divise la troupe des danseurs en deux groupes. L’un semble évoquer en costumes des années 1890 (Puccini aurait servi de référence historique au chorégraphe, on ne peut que penser aussi au film de Visconti, Mort à Venise) une famille étrange aux attitudes qui se figent en instantanés photographiques. Ses membres s’adressent au public, utilisant raquette de tennis, éventail, balle, oscillent puis disparaissent derrière des panneaux mobiles. Comme si se refermait un livre d’images que broderait la musique de Puccini (extraits du Quatuor Crisantemi), laissant par trois fois place à un couple en tenue contemporaine de danse, qui, sur une composition de Dirk Haubrich, déploient une géométrie fluide et élégante, unissant perfection de la forme et sensualité. Les corps dessinent un nouvel alphabet aux lignes en épure, imbriquées en architectures complexes et fascinantes. Le chorégraphe veut cette œuvre comme une « méditation sur le temps, la vitesse et le vieillissement ainsi que sur l’impossibilité de comprendre de telles notions ». Les deux époques représentées sur scène sont ainsi figées dans leur esthétique, immuables dans leur moment, incapables de pressentir le suivant ou le précédent. Chaque temporalité se voit saisie dans son espace propre, chacune immortelle, farfelue et dadaïste. La seule réponse face à la fuite du temps reste l’art. 

Eco-danse ?

Dans Casi Casa, Mats Ek mêle ses pièces, Appartement et des fragments de Fluke. Des objets du quotidien, fauteuil, gazinière, aspirateurs (la séquence d’ensemble réunissant aspirateurs et danseurs est irrésistible) croisent les évolutions des interprètes, leur servent de cadre, de point d’appui, de prétexte, dans ce « Quasiment appartement » loufoque où l’émotion n’est pas absente. Le pas de deux de la Porte est tout simplement bouleversant, tandis que l’humour de la scène représentant un danseur avachi dans un large fauteuil devant une télévision donne à l’œuvre sa dimension farfelue. La verve des danseurs, aussi acrobates que maîtres de la grammaire classique, permet de passer de la plus délicate impression à la densité d’une palette colorée. De la virtuosité pure.

Rêveries sur pointes

Back on track 61 du directeur des Ballets monégasques lui-même, Jean-Christophe Maillot, unit la nostalgie du passé à la joie d’un présent sans cesse en mouvement sur le Concerto en sol de Maurice Ravel dans l’interprétation de Martha Argerich. Tempi endiablés, occupation classique de l’espace, diagonales, parallèles, clin d’œil aux formations traditionnelles, duos, trios, quatuors, ensembles réglés au millimètre, le tourbillon de la danse ne laisse pas de temps mort aux dix couples de danseurs. Attendant en fond de scène, perchés sur de hauts tabourets, les pieds nonchalamment posés sur une barre de danse, Bernice Coppieters et Asier Uriagereka, les « historiques » des Ballets, se livrent à un pas de deux qui efface toutes les manifestations virtuoses précédentes. Un bras qui s’élève, une main qui se déploie, une jambe tendue au-delà de la physique, le moindre mouvement poétise le monde, lui accorde un sens que l’on croyait oublié. L’abstraction s’incarne sous les pas de la danseuse. La beauté irradie la scène. Chacun en sort transformé.

MARYVONNE COLOMBANI

Joué du 14 au 17 juillet, au Grimaldi Forum, dans le cadre de L’été danse de Monte-Carlo.

Sage comme une image

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UNA IMAGEN INTERIOR mise en scene, dramaturgie Tanya Beyeler, Pablo Gisbert, texte Pablo Gisbert, conception El Conde De Torrefiel en collaboration avec les interpretes, avec Anais Domenech, Julian Hackenberg, David Mallols, Gloria March Chulvi, Mauro Molina et la participation de figurants, traduction Marion Cousin (francais), Nika Blazer (anglais) sculpture Mireia Donat Melus realisation Robot Jose Brotons Pla scenographie Maria Alejandre, Estel Cristia lumiere Manoly Rubio Garcia son Uriel Ireland et Rebecca Praga

Etonnant à Avignon : une première de créateurs en vogue, invités pour la première fois au festival, n’affiche pas complet. Difficile pourtant d’imaginer qu’un soleil caniculaire suffise à décourager celles et ceux dont le seul nom d’El Conde de Torrefiel attise la curiosité. Quitte à sortir des remparts avignonnais pour se rendre jusqu’à la petite commune de Vedène où est programmée Una Imagen interior (Une image intérieure), dernier opus de la compagnie-couple espagnole composée de Tanya Beyeler et Pablo Gisbert. Après que deux techniciens suspendent en fond de scène une toile blanche maculée de jets de peinture multicolore aux motifs symétriques, la voix off surtitrée, unique procédé narratif de la pièce, indique que nous nous trouvons dans un musée d’histoire naturelle. Ses visiteurs et visiteuses, mutiques, observent l’œuvre exposée, avec une attitude plus ou moins intéressée. Les commentaires évoquent son origine exceptionnelle, de plus de trente mille ans, initiant une première réflexion sur l’art, ses origines, ce qu’on y projette et ce qu’il dira d’une époque aux générations futures. Suivra une scène tout aussi banale dans un supermarché, puis une immersion dans un rêve autour d’une veillée dans une grotte préhistorique. D’où venons-nous, où allons-nous, que voyons-nous, ce qui est visible exprime quelle réalité dans nos sociétés sur écran, dans quel état j’erre… ? Le questionnement existentiel éculé posé par la voix invisible frôle la philosophie de comptoir. Malgré le rythme soutenu de surtitres, le dispositif lui fonctionne, plongeant le spectateur dans une aventure théâtrale innovante. Elle stimule les sens à défaut de procurer des sensations. Déception.

LUDOVIC TOMAS

Una Imagen interior a été jouée du 20 au 26 juillet à l’Autre scène du Grand Avignon, à Vedène, dans le cadre du Festival d’Avignon.

Salomé garde la tête haute

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Que faire aujourd’hui de la salomania et de son culte un brin défraîchi de femme fatale ? Au sujet de Salomé, fascinante coupeuse de tête, la metteuse en scène bavaroise Andrea Breth ne tarit heureusement ni d’idées, ni d’amour. Grand bien a pris à ce pilier du théâtre allemand, qui fut entre autres la première femme nommée à la tête de la Schaubühne, de s’y atteler. Et de compter, pour cette production, sur la voix et la présence scénique d’Elsa Dreisig, que l’on pensait à tort trop légère, trop mozartienne pour ce rôle si exigeant.

Car il faut bien admettre que la performance de la soprane franco-danoise relève du prodige : la partition, pourtant rude et ample, semble d’une simplicité désarmante. La pureté surréaliste de son timbre et la souplesse ahurissante de son instrument contrastent brutalement avec la sauvagerie de l’Orchestre de Paris, qu’Ingo Metzmacher fait tour à tour rugir, trembler, danser avec grâce… 

FESTIVAL D’AIX EN PROVENCE 2022 SALOME DIRECTION MUSICALE: Ingo Metzmacher MISE EN SCÈNE: Andrea Breth DÉCORS: Raimund Orfeo Voigt COSTÜMES: Carla Teti LUMIÈRE: Alexander Koppelmann CHORÉGRAPHIE: Beate Vollack Salome Elsa Dreisig Jochanaan Gábor Bretz Herodes John Daszak Herodias Angela Denoke Narraboth Joel Prieto Ein Page der Herodias Carolyn Sproule Erster Jude Léo Vermot-Desroches Zweiter Jude Kristofer Lundin Dritter Jude Rodolphe Briand Vierter Jude Grégoire Mour Fünfter Jude / Zweiter Soldat Sulkhan Jaiani Erster Nazarener / Ein Kappadozier Kristján Jóhannesson Zweiter Nazarener Philippe-Nicolas Martin Erster Soldat Allen Boxer Eine Sklavin Katharina Bierweiler Danseuses et danseurs Martina Consoli Beatriz De Oliveira Scabora Jacqueline Lopez Alessia Rizzi

De l’ô dans le gaze 

Cette Salomé d’une blancheur immaculée se fait, malgré elle, astre d’une nuit sans fin. Celle-ci se mue en cène de pacotille, table de banquet vidée de victuailles, ou en terre volcanique, lieu d’éruption du désir. La jeune princesse sort, conformément au livret, à peine de l’enfance : tout juste sait-elle se distinguer de sa mère, Hérodiade. Autre brillante idée : cette mère bafouée par son mari est interprétée avec une délicatesse émouvante par Angela Denoke, qui incarna elle-même Salomé à plusieurs reprises et cale joliment ses interventions sur celles de sa jeune partenaire. Étouffé par la violence mortifère de son environnement, le désir naissant de cette Salomé adolescente est impossible à assouvir. Il ne peut que se faire pervers, morbide : et ce d’autant plus parce qu’il se dirige vers l’incarnation même de la pureté. Soit Jochanaan, aussi fade et pédant que la voix de Gabor Bretz est riche et ancrée. Bien que visiblement moins intéressée par ses protagonistes masculins que par ses figures féminines, Andrea Breth nous gratifie cependant d’un Hérode nuancé, là où d’autres l’auraient volontiers dépeint en beau-père libidineux. John Daszak l’incarne avec le même mélange de majesté et de naïveté, fort d’un ambitus à rallonge et d’un volume particulièrement impressionnant. Les quelques ralentis superflus et surtout les choix de lumière et de floutage par le rideau de gaze, figurant les sept voiles que Salomé ne retirera pas, ou encore le passage obligé de l’abattoir pourront sembler un peu vieillots. Mais la sincérité et la cohérence du projet l’emportent, très largement.

SUZANNE CANESSA

Salomé de Richard Strauss a été donné du 5 au 19 juillet au Grand Théâtre de Provence dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

Sur les traces du cheval blanc

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Résurrection de Gustav Mahler – direction musicale Esa-Pekka Salonen – mise en scène Romeo Castellucci – Festival d’Aix-en-Provence 2022 © Monika Rittershaus

Événement s’il en était, la Symphonie n° 2 en ut mineur, « Résurrection » de Gustav Mahler ouvrait le Festival d’Aix-en-Provence. La symbolique du terme, réponse à deux années sous le boisseau de la pandémie, s’attachait aussi au lieu qui accueillait le somptueux Orchestre de Paris dirigé avec élan et précision par Esa-Pekka Salonen : le Stadium de Vitrolles, bâtiment construit sur les plans de l’architecte Rudy Ricciotti (qui écrivit à son sujet : « ce monolithe noir et poétique ») et destiné à recevoir concerts et manifestations sportives – malheureusement fermé quatre ans après son inauguration en 1994 par la mairie Front National nouvellement élue (1998). L’énorme cube noir posé sur le rouge d’une ancienne décharge de bauxite a été, depuis cette date, saccagé et habité par le monde interlope de la nuit. Des travaux de rénovation ont rendu le site accessible, tout en lui laissant les stigmates de ses années d’abandon. Le titre « résurrection » scellait ici l’union entre une œuvre, une fin de période de restrictions et la renaissance d’un lieu culturel. Bref, entre la revanche des forces démocratiques et la symbolique de la monumentale symphonie, il était aisé d’emplir d’élan et d’enthousiasme les foules. 

Paroxysme sonore

La qualité de l’orchestre, de son chef, des chœurs (Chœur de l’Orchestre de Paris et Jeune Chœur de Paris), des deux solistes, la soprano Golda Schultz et l’alto Marianne Crebassa  s’accordent à l’ampleur de l’œuvre. On ferme les yeux et on se laisse transporter par les vagues sonores. Se dessinent avec force les fresques des premier et dernier mouvements, les éclats tourmentés d’une âme, lumières contrastées, violemment portées par les ombres. Le ländler qui débute le second mouvement apaise l’impétuosité des origines, se pare d’un sublime contre-chant de violoncelles. Les timbales du troisième mouvement dessinent l’entrée de la mélodie des cordes et des vents, opposant légèreté et tragédie. La contralto que Mahler souhaitait entendre chanter « comme un enfant au paradis », soutenue par les cuivres, épouse le chant populaire Urlicht, « O Röschen rot » (Ô petite rose rouge). Le Dies Irae du dernier mouvement souligne la fragilité de l’existence humaine, déchainements des cuivres, chœurs emportés, récitatifs ciselés, martèlements percussifs… la résurrection promise est amenée par un paroxysme sculpté dans la masse sonore. Le temps s’efface…

Résurrection de Gustav Mahler – direction musicale Esa-Pekka Salonen – mise en scène Romeo Castellucci – Festival d’Aix-en-Provence 2022 © Monika Rittershaus

Une pluie rédemptrice, on ne sait, inonde alors le plateau couvert d’une terre aride, apportant à la touffeur de l’été une fraîcheur bienvenue. Pourquoi les yeux fermés ? Un cheval blanc a d’abord arpenté la scène, image de liberté, de pureté, sans doute, mais sa propriétaire fait une découverte macabre, appelle les secours. Une équipe d’experts vêtus de combinaisons blanches (on se croirait dans E.T.) extrait du sol, durant tout le spectacle, une ribambelle de cadavres, adultes, enfants, bébés, corps déposés sur des sacs mortuaires dans lesquels ils seront ensuite transportés dans les fourgonnettes des légistes. Le bruissement de leur activité (qui trouve un écho dans celui de la pluie finale) se superpose à celui de la symphonie. Il y aura même un tractopelle pour peaufiner le travail ! Les corps découverts et emportés, une femme continuera à s’acharner sur le sol, cherchant encore un possible oubli… Le caractère régulier et attentif des personnages jure avec la luxuriance de la musique. De résurrection il n’y a guère, de transcendance non plus.

Certes, appeler un grand metteur en scène comme Romeo Castellucci pour l’ouverture du festival était un pari réussi (le public s’est précipité en masse pour assister à l’événement), mais on peut se demander pourquoi une telle exubérance morbide et même, en amont, pourquoi avoir voulu à tout prix construire une mise en scène pour une symphonie, la musique est suffisamment éloquente à elle seule pour emplir les imaginaires. Avec ce dispositif, les violons et le chef d’orchestre étaient invisibles. Le plaisir de voir diriger une telle œuvre a manqué, terriblement. 

MARYVONNE COLOMBANI

Résurrection a été donné du 4 au 13 juillet au Stadium de Vitrolles dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence

Idolunaire

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Le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence réunit la fine fleur de l’opéra. C’est ainsi que les meilleurs chanteurs et les meilleurs metteurs en scène s’y retrouvent pour apporter aux pièces du programme une vision qui fait « honneur à ces œuvres », selon les propres termes de Pierre Audi, directeur de cette prestigieuse institution. L’excellent metteur en scène Satoshi Miyagi imaginait pour évoquer l’univers d’Idomeneo, re di Creta, premier opéra de Mozart, un dialogue entre la Grèce antique et son Japon natal, si bien qu’Elettra (Nicole Chevalier) se voit affublée d’un ample kimono de cérémonie, et que les souvenirs de la deuxième guerre mondiale viennent peupler l’imaginaire scénique et transforment les soldats grecs en troufions de 1945. De hauts paravents mobiles tendus de tissus de chantier blancs (qui, selon les éclairages, nous convient dans un immeuble en construction ou dans un lieu empli de motifs floraux brillants) mus par une plèbe anonyme, écrasée par l’esclavage, orchestrent l’espace. Parfois liés ensemble, ils deviennent des piédestaux sur lesquels sont juchés (afin de souligner une symbolique supérieure sans aucun doute) les personnages vêtus de blanc, plus ou moins à l’aise avec le vertige de cette géniale trouvaille qui pouvait nous faire penser au roi et à la reine de la Lune dans Les Aventures du baron de Münchausen de Terry Gilliam. 

Avis de tempête

Le sublime a un prix c’est bien connu. Les hauteurs figent, on le sait aussi, ce qui permettait d’accentuer le caractère hiératique des événements, tragédie royale oblige : le roi de Crète, Idoménée (Michael Spyres), revient, vainqueur de la guerre de Troie, affronte une tempête et promet à Neptune à qui Alexandros Stavrakakis prête sa voix (drame grec, mais noms latins, ne chipotons pas !) de lui offrir en sacrifice le premier être qu’il rencontrera en arrivant à bon port. Manque de chance, à l’instar de Jephté qui s’était aussi livré à une telle promesse inconsidérée et qui dut sacrifier sa propre fille (cf. l’Oratorio de Campra), Idoménée croise en premier son fils bien aimé, Idamante (Anna Stéphany). Ce dernier est tombé amoureux d’Ilia (Sabine Devieilhe), princesse troyenne, habillée d’une robe blanche telle Grâce de Monaco à une cérémonie des Césars, sans oublier – le souci du détail prime ici – les longs gants blancs de bal. Sans peur aucune du ridicule, une séquence de danse de soldats feuillus vient animer le sol où, seule parmi les grands rôles, Électre a le droit de poser les pieds, emportée par la démonstration des passions qui l’animent. 

Idomeneo, Re di Creta de Wolfgang Amadeus Mozart – direction musicale Raphaël Pichon – mise en scène Satoshi Miyagi – Festival d’Aix-en-Provence 2022 © Jean-Louis Fernandez

L’Ensemble Pygmalion mené par Raphaël Pichon, dont la finesse n’avait pas mérité tout cela s’évertue à soutenir la maestria du propos scénique tandis que l’on se plaît à fermer les yeux pour entendre le très beau chœur dans ses lamentations, que les magnifiques chanteurs auraient pu reprendre sans distanciation aucune. Ultime pointe de la représentation du 6 juillet, le décor final constitué de longues bandes de tissus extraites du devant de la scène et étirées par-dessus le tout (une panière prémonitoire de se voiler la face) connaissait un raté, symbolique sans nul doute, avec un tissu qui s’obstina à rester dans son compartiment, pétrifié de honte et laissa ses camarades s’exposer sans lui à l’admiration générale. De l’inouï, du hors norme on vous l’avait promis !

MARYVONNE COLOMBANI

Idomeneo, re di Creta a été donné du 6 au 22 juillet, au théâtre de l’Archevêché, dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

Que des fadas à Martigues

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©SOvOX

Les Fadas du Monde ont pris le relais en 2019 du Festival de Martigues, qui se déroulait au cœur de l’été, et qui proposait aussi toute l’année des moments de partage et de rencontres, d’étonnement et de découvertes, construits avec les habitant·e·s de la ville. Cette année, les Fadas proposent trois mois d’une programmation ancrée autour de six valeurs : la mondialité, l’hospitalité, les égalités, la biodiversité, la liberté, et la paix. Au programme : ateliers, cinéma, concerts, sports, jeux et e-sports, théâtre, danse, arts de rue, cafés-découvertes, résidence d’artiste, visites.

Des concerts

Il y en a pour tous les goûts, du punk rock à la musique de chambre, en passant par les musiques du monde et le hip-hop. Par exemple celui de La Perla (11 juillet – Cour de l’île), trio de chanteuses-percussionnistes colombiennes, à l’attitude rock, catapulté sur les scènes internationales par l’intermédiaire de leur chanson Bruja retenu par Netflix pour l’une de ses séries. Ou bien encore SOvOX (25 juillet – Cour de l’île), à l’énergie rock garage bien taillée, un trio masculin mené par un batteur-chanteur, feu-follet pogotant derrière ses fûts. Et aussi du 60’s greek revival, avec Deli Teli, (8 août – Cour de l’île) bongo, bouzouki et orgue farfisa, un combo greco-marseillais qui reprend, à leur façon rock, les tubes oubliés du laïko, la pop grecque des années 60. Dansant !

De l’art

À noter, celui du plasticien Laurent Valera, qui présente l’évolution de son installation monumentale Mémoire exposée aux Archives de Bordeaux Métropole en 2019 en une forme hybride croisant arts visuels et danse. Elle s’appelle désormais Souffles#1, et est conçue avec la chorégraphe Christine Hassid (10 juillet – plage de Ferrières). Et, dans le cadre du projet collaboratif Plastigo, l’artiste transmédia Souad Mani (9 juillet – théâtre de verdure de la base de voile de Tholon) propose de découvrir le résultat de son travail : une œuvre réalisée à partir de captations vidéos prises la nuit ou au soleil couchant aux abords du site et autour de l’étang de Berre. Le fruit d’un travail entrepris en 2021 avec l’aide de plusieurs artistes et de l’association Par ce passage, infranchi.

Et des visites

Parmi ces dernières, celle du « calen » : une pêche très locale, qui a vu le jour au XIXe siècle, le terme désignant à la fois le lieu (le chenal de Caronte, qui relie l’étang de Berre à la Méditerranée, au cœur de la ville) et le filet, tendu entre les deux berges du canal. Pour attraper en particulier muges ou mulets femelles et leurs œufs afin d’obtenir la fameuse poutargue (tous les vendredis de juillet). Autre visite alléchante : des balades en voilier ou en zodiac, avec le service Art, Histoire et Archéologie de la Ville (du 25 au 29 juillet – sur réservation – jauge limitée) pour découvrir l’étang de Berre et Martigues depuis l’eau – visite commentée sur différentes thématiques : archéologie, cartographie, environnement, art, urbanisme…

MARC VOIRY

Fadas du Monde
Jusqu’au 31 août
Divers lieux, Martigues
fadasdumonde.fr

Être une femme libre dans une société patriarcale, et ailleurs aussi ?

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Réinventer le langage pour parler des femmes, c’est un peu le sujet de la création mondiale Woman at Point Zero portée par quatre artistes, la compositrice Bushra El-Turk, la metteuse en scène Laila Soliman, l’écrivaine Stacy Hardy et la réalisatrice Aida Elkashef. Cet opéra de chambre inspiré du roman éponyme de Nawal El Saadawi (publié en 1975) narre l’entretien en temps réel d’une prisonnière de la prison Qanatir, Ferdaous (la note d’intention rappelle que ce nom signifie « paradis » en arabe), et de l’autrice qui cherche à comprendre les motivations de cette femme qui a assassiné son souteneur en légitime défense et se refuse à toute révision de son procès alors qu’elle est condamnée à mort. La soprano et compositrice syrienne, Dima Orsho, incarne la prisonnière, désabusée, provocatrice, qui trouve dans son enfermement une liberté dont elle n’a jamais disposé au-dehors, exploitée, soumise à la domination masculine depuis son plus jeune âge. Jusqu’à la prostitution qu’elle a tenté de vivre indépendante, mais bien vite en proie aux souteneurs de toute espèce. C’est dans la prison qu’elle se sent enfin libre, choisissant la peine capitale, dernier lieu d’un libre arbitre qui n’a jamais été le sien. La voix passe du récitatif au ton de la conversation juste modulée, avant de s’emparer, superbement lyrique de l’or brut d’une mélodie. Elle pousse son interlocutrice dans ses derniers retranchements, ses réponses sont conditionnées à ce que l’autre lui livre, rétablissant une égalité dans l’échange qui, interrogatoire au départ, se mue en réel dialogue. Sama, la superbe mezzo-soprano Carla Nahadi Babelegoto, enquête, cherche à comprendre dans une démarche qui tient de l’ethnologie et de l’étude sociale, se voit peu à peu bousculée dans son rôle, doit s’ouvrir elle aussi, partager son vécu. 

L’action est actualisée

Woman at Point Zero de Bushra El-Turk – création mondiale – direction musicale Kanako Abe – mise en scène Laila Soliman – Festival d’Aix-en-Provence 2022 © Jean-Louis Fernandez

Ainsi le Printemps arabe est mentionné, mettant en évidence combien il fut difficile aux femmes d’être sur la place Tahir. Les « révolutionnaires » l’étant bien peu dans leur rapport à leurs homologues féminines et les prenant davantage comme proies, consentantes ou non que comme véritables partenaires de réflexion et de révolte. L’action prend aussi une dimension universelle grâce à la multiplicité des langages qui la servent. L’Ensemble Zar au complet sur scène, offre l’écrin d’un chœur aux deux solistes et convoque des instruments classiques de diverses origines. Daegeum, grande flûte traversière en bambou d’origine coréenne (Hyelim Kim), duduk, kaval, cromorne, fujara, flûte à bec (par Milos Milivojevic), sho, nom japonais de l’orgue à bouche chinois (Chatori Shimizu), kamânche, vièle à pique (Faraz Eshghi Sahraei), violoncelle (Hanna Kölbel). Cet instrumentarium puise dans les traditions musicales de l’Europe, de l’Asie, du Moyen-Orient, renoue avec le rôle du chœur tragique des pièces antiques dans son commentaire, ses réactions. Kanako Abe dirige avec finesse cet objet musical qui oscille entre théâtre, oratorio, performance, tenant elle-même presque un rôle de coryphée (déjà son entrée en martelant le sol de ses pas évoquent les sonorités de l’univers carcéral dans lequel l’action se déroule). Des vidéos (Bissane Al Charif et Julia König) viennent compléter le tout, projetées sur le mur de gaze du fond de scène, images de femmes voilées de blanc, extraits documentaires, visages, regards qui ancrent au cœur du réel cette tragédie à portée universelle dans une mise en scène minimaliste qui sait dessiner en épure les lignes de force du texte, symbolisant l’emprisonnement par des fils tendus apparaissant par intermittence, brillants sous les effets lumineux qui ourlent les ombres où se meuvent les personnages. Une pointe d’humour vient souligner la gravité du sujet. Une sororité responsable face aux violences faites aux femmes serait sans doute l’un des piliers d’une résistance qui semble encore bien impuissante à l’échelle de notre planète…

MARYVONNE COLOMBANI

La création mondiale de Woman at Point Zero a été donnée les 10 et 11 juillet, au Pavillon Noir, dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

Racine populaire ?

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Andromaque, Tréteaux de France, juillet 2021, m.e.s. Robin Renucci Phoenix : Patrick Palmero Pyrrhus: Sylvain Méallet

Scénographie : Samuel Poncet 
Costumes : Jean-Bernard Scotto 
Assistant à la mise en scène : Thomas Fitterer
Production : Tréteaux de France – Centre dramatique national Représentation du 15 juillet 2021, Draveil, Le Port aux cerises

Après ses mises en scène de Bérénice et Britannicus, et avant de créer Phèdre en mars 2023 à La Criée, Robin Renucci poursuit son exploration de la tragédie racinienne. Sa mise en scène d’Andromaque repose sur un dispositif scénographique extrêmement simple : des bancs, un gong pour marquer la fin des actes, et le texte nu, porté par des acteurs qui disent merveilleusement les alexandrins classiques. Ils montent sur le ring pour combattre, et cette allégorie de la boxe sonne juste : les coups sont portés par les mots, les dos qui se tournent, les regards, les menaces qui sont autant d’uppercuts assénés à celles et ceux qui n’aiment pas.
Car la tragédie de Racine ne raconte que cela : Oreste aime Hermione qui aime Pyrrhus qui aime Andromaque qui aime Hector, qui est mort. Si l’on ajoute au début de cette chaîne amoureuse Pylade qui se comporte en amoureux d’Oreste, et Astyanax fils d’Andromaque qui voit en lui le portrait de son père Hector, la tragédie est nouée : chez Racine il n’y a pas d’issue, on aime sans faiblir, sans se laisser convaincre, absolument. La séduction se raconte, la passion s’énonce, mais l’amour n’est jamais vécu, tout comme la mort : tout se déroule hors champ, par bienséance. Avant, entre les actes, ailleurs.
Que s’est-il donc passé avant ? Pyrrhus, porté par son ubris, sa démesure, son orgueil, a massacré les Troyens vaincus, passant les enfants, les femmes et les vieillards par le fil de son épée. C’est Hermione délaissée qui rappelle cette cruauté qui a effaré jusqu’aux Grecs victorieux.

Une actualité en question

La tragédie de Racine raconte donc combien il est difficile de se relever de la cruauté de la guerre. Question qui demeure d’une telle actualité qu’elle ne peut que résonner avec notre présent. Mais faire entendre le texte, sa prosodie, laisser monter sa violence, cadrer les regards et les gestes au millimètre, suffit-il à construire un point de vue, une interprétation ? Marilyne Fontaine (Hermione) marque indéniablement les esprits avec sa voix grave, sa façon différente de rythmer ses tirades, sa colère et sa douleur qui donnent une force toute contemporaine à chacune de ses répliques. Mais que nous dit-elle, que nous disent-ils, toutes et tous ? 

Andromaque, depuis sa création devant la cour de Louis XIV, n’a connu qu’un long et constant succès. Pourtant ce roi tout puissant refuse qu’Andromaque, sa prisonnière, son butin, lui dise non : il veut la faire venir dans sa couche. Il a tué son mari, détruit sa ville, et menace de tuer son fils si elle ne cède pas. Or Sylvain Méallet interprète le violeur comme un amoureux transi qui ne songe qu’à la sauver, à l’élever à la dignité de reine, à adopter ce fils dont il a tué le père. 

Faut-il continuer à monter Andromaque, avec ses serviteurs serviles, ses violeurs et ses assassins par « amour » ? Certainement. Mais doit-on, pour respecter le texte, ne pas interroger son sens, et les rapports de domination qui le sous-tendent, avec un regard contemporain ? Les rapports maître/valet, le mariage forcé par la menace, le meurtre passionnel, peuvent-ils apparaître sur scène, aujourd’hui, sans signe de réprobation, ou du moins de distance ? 

SARAH LYNCH

Andromaque a été joué du 7 au 17 juillet, au théâtre du Chêne Noir, à Avignon, dans le cadre du festival Off.

Vitrolles, capitale du jazz

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Le domaine de Fontblanche recevait un florilège inspiré de musiciens de jazz. Le projet The Fuse du claviériste Tony Paeleman déclinait ses effets électroniques sur la petite scène de l’espace du Moulin. Accompagné du bassiste Julien Herné et du batteur Stéphane Huchard, le compositeur joue avec les résonances, parfois une main seule sur le piano se plaît à se fondre dans le frémissement du chant des cigales. Voici le morceau Afterglow, qui évoque les dernières lueurs du jour enserrées dans l’éternel retour des ostinatos. Hypnotiques, piano et batterie tournoient dans l’air du soir. Les notes d’un clavier se détachent sur de larges nappes sonores, les grands arbres rêvent, ourlés des notes cristallines. Les instruments dialoguent, s’écoutent, ici, un solo de basse ouvre le morceau, construit une solide charpente sur laquelle s’appuient des chromatismes aériens, là, le son se chaloupe et rejoint des tonalités funk. The Fuse, pièce éponyme du spectacle, s’ouvre sur d’amples accords d’orgue, plaqués et enchaînés. Les ruptures à l’intérieur des morceaux tissent des fragments oniriques d’où jaillissent des rythmes affirmés qui flirtent avec l’électro. Un cocktail qui groove diablement bien ! Mais, vite, un ultime bis intense avant de partir vers la grande scène des Platanes où se produit le saxophoniste Jan Garbarek et son trio, Trilok Gurtu (percussions), Rainer Brüninghaus (piano) et Yuri Daniel (basse). 

Tellurique

Légende du jazz – une de plus tant le festival vitrollais sait inviter et convaincre les plus grands ! – le saxophoniste norvégien qui a fait partie du quartet Européen de Keith Jarrett et sait aujourd’hui conjuguer cet univers à celui de Coltrane, de la musique indienne (représentée ici par Trilok Gurtu) et de la musique norvégienne. Les univers dialoguent mais aussi se déploient dans leur spécificité : chaque musicien aura ses moments solistes tandis que ses complices s’éclipsent, laissant toute liberté à l’interprète. S’étirent alors amples mélodies, rythmes ébouriffants, improvisations d’une inventivité sans limites. Le pianiste abandonne les effets du clavier numérique pour la souplesse classique du Steinway, ses puissants graves, son espièglerie sensible jusque dans ce qui pourrait être perçu comme de l’emphase. Le percussionniste reprend les rythmes de la musique indienne à la voix puis délaisse les instruments pour les objets les plus loufoques : un seau empli d’eau métamorphose les vibrations d’une pièce métallique, les tempi s’accélèrent prennent une tournure tellurique alors que le saxophone s’empare d’une flûte indienne, nous entraîne dans un voyage autour du monde. Les traditions se confondent, l’univers très « classique » de ces géants du jazz transportent le public conscient de la chance de pouvoir les écouter (seulement deux dates en France dont celle de Vitrolles).

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts donnés le 3 juillet dans le cadre du Charlie Jazz Festival, à Vitrolles.

Guitare Lambesc : une 22e édition d’anthologie

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Charles et Annie Balduzzi ont porté à bout de bras cette manifestation avec l’association AGUIRA dont Charles est le président. Bénévoles ainsi que toute leur équipe efficace et dévouée, ils ont su insuffler un esprit, une convivialité, une bienveillance qui ont donné un caractère unique à cette fête de la guitare. « Vingt-deux ans de service, ça suffit », souriait Charles Balduzzi en ouverture des concerts. Repreneurs du flambeau à vos marques ! 

Si la page se tourne, c’est avec panache. La grande guitariste Valérie Duchâteau, directrice artistique du festival, avait concocté une fois encore une programmation de haute volée, particulièrement homogène dans l’excellence. Les univers de la guitare se croisaient avec une fine intelligence sur la scène du parc Bertoglio, convoquant une phalange d’artistes virtuoses.

Des duos

La guitare se faisait romantique sous les doigts du Duo Odelia (Marie Sans et Alice Letort). La précision du jeu, l’art des nuances, l’élégante finesse de l’interprétation, la subtilité des transcriptions (faites maison), servaient avec brio les œuvres de Fernando Sor, Rameau (un Rappel des oiseaux mémorable), Chopin, Giuliani… Les compositrices avaient une place de choix avec Fanny Mendelssohn ou Élisabeth Jacquet de La Guerre – première femme de France à avoir composé un opéra-ballet – novatrice dans la cantate – claveciniste de génie sous les règnes de Louis XIV et Louis XV – mais décidément moins connue que son cousin, François Couperin dont Les Barricades mystérieuses trouvèrent une nouvelle âme dessinée par les deux guitares. Les jeunes femmes ironisent : « Fanny Mendelssohn écrivit souvent sous le nom de son frère qui était très vexé de voir que ces œuvres signées de lui mais dues à sa sœur rencontraient davantage de succès en concert ! ». Chopin aurait dit « il n’est rien de plus beau qu’une guitare sauf peut-être deux », le duo Odelia ne le fait pas mentir !

Autre duo, celui composé par Valérie Duchâteau et Antoine Tatich séduisait par ses « improvisibles » mêlant partitions écrites et improvisations. Le dialogue s’orchestrait autour de compositions de Marcel Dadi, cet « ami qui nous a fait nous rencontrer », rappelle Valérie Duchâteau, « et grâce à qui nous avons trouvé un moyen de survivre durant cette période avec ses musiques toujours très positives même lorsqu’elles sont tristes », poursuit-elle. Winter Waltz, suit Blueberry, on révise les théories du picking (poum tchack, poum tchack), du super picking (poum tchack poum poum tchack…), l’art du triolet magnifié par l’accordéoniste Yvette Horner, le « son de rêve » du romantique Nous trois (« sans doute écrit à la naissance de son premier gamin », précise Antoine Tatich), auquel répond « l’hymne de Marcel Dadi », La Marcellaise, ponctuée de « traits de génie ». Le jazz et le blues s’immiscent dans les mélodies, les cigales accompagnent avec enthousiasme la subtile vivacité des deux complices. Les accords de l’un tentent de surprendre le fil de l’autre qui répond avec espièglerie puis relance la discussion par une note inattendue sur laquelle un sourire musical se noue…

Des solos

Le jeu fluide au point de faire oublier la virtuosité de Thibault Cauvin nous faisait arpenter le monde, nous conduisant de ville en ville. Berlin, Oulan-Bator, Calcutta, Istanbul, conjuguant à la magie des lieux le ton du conte : se profilent les foules animées, la douceur du soir condensée dans un râga, les chevauchées fantastiques de Gengis Khan sur ses chevaux de feu, les rencontres improbables d’un berger dans les coins reculés de montagnes inaccessibles… Le jeune artiste globe-trotteur, multi-primé lors de dizaines de concours internationaux désaccorde sa guitare tout en jouant, la transforme en sitar et nous voici en Inde. Resserre les cordes et l’on s’évade au Japon, au Brésil, aux côtés des compositeurs les plus variés, Tom Jobim, Stéphane Grappelli, Yuquijiro Yocoh, Mathias Duplessy, Carlo Domeniconi, Philippe et Jordan Cauvin (respectivement père et frère de Thibault). « J’adore jouer dehors, c’est poétique dehors », explique-t-il, et, avec une pointe de rire dans la voix, « j’adore m’accorder, je pourrais faire tout un concert en ne faisant que ça ! ». Et l’écouter régler sa guitare est déjà un moment privilégié ! Les légendes familiales se tissent : l’enfant Thibault demande un jour à son père de lui composer le morceau le plus difficile du monde. Cette musique devient l’hymne familial !

Tout aussi solaire, Samuelito, Breton né en Normandie et jouant du flamenco d’où le surnom donné par les flamenquistes espagnols au jeune Samuel Rouesnel, « Samuelito » qui reste son nom de scène, aborde en vastes improvisations un répertoire qu’il a fait sien. Retraçant dix ans de compositions, il nous initie aux arcanes des divers styles du flamenco, bulería, Alegría, Soleá… « Le plus important, c’est le lien humain, c’est ce que racontent ces mélodies ». Depuis l’Inde, la musique voyage, se nourrit des lieux traversés, affine ses modes, enrichit ses harmonies. Si les origines bretonnes sont malicieusement évoquées dans Nubes, le jazz manouche décline ses virtuoses volutes inspirées de Django Reinhardt sous la plume d’Antoine Boyer (qui a remporté avec Samuelito le 4e European Guitar Award à Dresde en 2017). 

Tous ensemble

Enfin, le concert de clôture réunissait tous les intervenants, ce qui permettait une séance de rattrapage lorsque l’on avait raté l’une des soirées dont la découverte de la subtile et très classique guitariste Raphaella Smits qui nous conduisait en Amérique du Sud. L’ensemble Guitares & Co (quatorze jeunes guitaristes menés passionnément par Frédérick Maggio) flirtait avec le jazz et les traditions sud-américaines, ménageant une surprise pour « les Corses de la salle » et un très bel arrangement du Dio vi salvi Regina accompagnant Antoine Tatich et l’une des guitaristes en duo vocal. L’ensemble des musiciens reprenait en tutti le célébrissime choro Tico-Tico. Entre temps on aura partagé, écouté les guitares des luthiers présents (Marc Boluda, Renaud Galabert, Vincent Engelbrecht), savouré l’exposition de tableaux d’Annie Balduzzi qui a ramené de ses voyages des scènes sensibles et poétiques. Que de magie !

MARYVONNE COLOMBANI

Le Festival International de Guitare de Lambesc s’est tenu du 5 au 9 juillet, au parc Bertoglio, à Lambesc