lundi 21 juillet 2025
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Phoenix : l’oiseau immortel s’est posé à Cannes

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Les Versaillais de Phoenix sur la scène de la terrasse du Palais des Festivals ©Palais des Festivals Cannes – Gilles Traverso

Il est de ces débuts de chansons qui ne peuvent jamais s’oublier… et les musiciens de Phoenix le savent lorsqu’ils font entendre à un public brûlant d’impatience les deux notes de piano du début de Lisztomania. Les lumières s’allument, le public aussi. Le show peut commencer.

C’est le premier « vrai » concert du groupe à Cannes, confie le chanteur Thomas Mars. Surprenant pour un groupe récompensé par des disques d’or et à la renommée nationale et internationale. La preuve en est que la terrasse du Palais des festivals est vite bondée et que le concert affiche complet. Un public venu en masse pour un concert qui tient ses promesses : le groupe passe par toute sa discographie depuis les années 2000 : du dernier album en date Alpha Zulu au moins joué Alphabetical, deuxième album studio auquel Phoenix rend hommage en interprétant en exclusivité Everything Is Everything.

Le show est à destination des fans, qui ne peuvent qu’ouvrir grand les oreilles et recevoir le son puissant et cru des guitares, de la batterie et de la voix si reconnaissable de Mars. S’ils ont été peu enclins à danser – malgré les nombreuses invitations de Zaho de Sagazan, l’artiste assurant la première partie – les fans avaient quand même fait leurs devoirs : toutes les chansons étaient maîtrisées sur le bout des doigts, au point où la foule a chanté la ligne de basse dès le début de la chanson Tonight, issue du dernier album.

Le niveau d’énergie a été placé très haut dès le début du concert, et n’est redescendue que pour mieux repartir. Apothéose : Thomas Mars descend dans le public pour finir debout au milieu de la terrasse, porté par un public aussi abasourdi que coopératif. Une conclusion digne d’une rockstar à la hauteur de la performance donnée par les Versaillais.

MATHIEU FRECHE

Phoenix a joué le 13 juillet dans le cadre de l’Été à Cannes, sur la terrasse du Palais des festivals.

« Caiti Blues », l’Amérique à contre-jour

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Sélectionné à l’ACID 2023, Caiti Blues, le premier long métrage de Justine Harbonnier explore, sur le fond politique du moment, le désenchantement et la renaissance de Caiti Lord, jeune compositrice-interprète

Madrid, Nouveau Mexique. Quelque 300 habitants. Un passé de ville minière, devenue fantôme dès 1959. Réinvestie par des communautés hippies dans les années 1970. Point de chute de stars dans la dèche. Loin de la modernité, en marge du rêve américain mais profondément américaine avec ses maisons en bois, son drapeau étoilé flottant au-dessus, sa rue unique de western, son bar restaurant, ses horizons désertiques et poudrés : un imaginaire dominant nourri par l’histoire du cinéma made in USA.

La mélancolie en note continue

Là vit Caiti Lord. La trentaine, toute en rondeur, tout en douceur, piercing au nez, sourire désarmant, un air d’enfance qui s’accroche. Caiti se raconte devant un micro, face aux canyons pelés et aux ciels dramatiques, cadrés par la fenêtre du studio de la radio locale KMRL, le format 4/3 rognant la superbe des attendus panoramiques. Caiti y officie, à côté de son boulot de serveuse au Mine Shaft Tavern. Sous-payée. Exploitée. Endettée par un prêt étudiant qu’elle ne finit pas de rembourser. New-yorkaise d’origine, elle a toujours aimé jouer, chanter. Elle a intégré une école d’art, vu ses rêves de lumière s’écrouler, s’est installée, très loin de la 5e Avenue, dans ce trou perdu où elle s’asphyxie : « je ne peux ni rester ni partir, il faut que je respire ». Ses espoirs passés et ce qu’il en reste, sa torpeur soulignée par l’hiver qui s’installe, sa mélancolie en note continue, cette respiration et ce chant qui s’entêtent… en un mot, le blues de toute une génération marquée par le 11 septembre et affrontant la folie Trump, se fait entendre ici à travers le « portrait en voix » de Caiti. Une belle voix mise en scène par des dispositifs multiples : confidences à l’antenne, paroles des chansons que la jeune femme compose et interprète, reprises des paroles écrites à l’encre bleue « spleen » sur des cartons, dialogues de comptoir dans les nuits alcoolisées, souvenirs VHS commentés des spectacles de la petite fille rieuse filmée par sa mère, puis de la jeune fille talentueuse que fut Caiti.

La caméra de la réalisatrice hors champ est à côté, derrière, avec. En sympathie, en empathie. Quelques regards caméra malicieux rappellent une complicité consentie avec celle qu’elle a rencontrée en 2013. « C’est le portrait d’une jeune femme qui pourrait être moi » dit la réalisatrice. Caiti s’éveille d’un engourdissement et construit son propre rêve loin de ceux préfabriqués par un système normé. Elle est comme l’écrit Julie Desportes, la « jeune fille triste… qui dit stop à cet optimisme cruel, et qui devient clairvoyante. »

Dans la première séquence une guérisseuse un peu sorcière lui enlève les scories qu’elle a intériorisées, la dernière finit sur la musique de Caiti qui aura le dernier mot.

ÉLISE PADOVANI

Caiti Blues, de Justine Harbonnier

En salles le 19 juillet

@Shellac

Lodève-toi et danse 

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Clan Cabane © Theo Lavanant

Chaque été, le festival Résurgence fait le pari réussi d’accueillir une myriade de spectacles inventifs et de qualité, entrant en résonance avec le cadre intimiste de Lodève. Ici, on se passe volontairement de têtes d’affiche pour infiltrer du spectacle – théâtre de rue, danse, cirque, concerts – dans tous ses interstices : terrasses de cafés, places, jardins, églises, cours d’école… Cette année, l’esprit du Sud se taille la part du lion, avec une programmation musicale aux accents méditerranéens : tarentelle du sud de l’italie avec Alberi Sonori, sonorités anciennes d’Éthiopie avec Ukandanz, polyphonies néo traditionnelles du groupe féminin Anouck ou encore répertoire de musiques catalanes, portugaises et arabes avec Grail’Oli. Partie émergée d’une saison culturelle menée à l’année sur le territoire Lodévois et Larzac, le festival fait aussi la part belle aux propositions in situ. Cette année, la Cie Caracol, douée pour le maniement des mots, présente Soif, le tarot des eaux, une proposition contextuelle tissant des récits de vie autour de savoirs liés à l’eau. Avec Impact d’une course, La horde dans les pavés pour sa part réveillera les vieilles pierres de cette cité de caractère, via une déambulation ludique et survoltée puisant dans le parkour, le cirque indiscipliné et la toy music…

Manie dansante 

La compagnie Anonima Teatro, quant à elle, testera des impromptus de sa nouvelle création L’homme et la voiture – insolite duo d’un homme promenant sa voiture télécommandée, tel un animal de compagnie doté d’intelligence artificielle – à l’issue d’une résidence menée avec une classe de l’ITEP à Lodève. Dans le reste de la programmation riche et hétéroclite, chacun trouvera matière à se réjouir : théâtre de matière et d’objets avec la compagnie Nanoua, magie burlesque avec Aristobulle, cirque à toutes les sauces – participatif avec le collectif Primavez,facétieusement sécuritaire avec la Compagnie Singulière, graphique à destination du jeune public avec la Cie Scom… Parmi les propositions insolites, on guettera Tsef Zon(e) de la Compagnie C’hoari, inspirée de l’énergie revigorante et transgénérationnelle du fest’noz breton ; Clan cabane de La contrebande, une éphémère zone d’amusement à défendre édifiée à base de trampoline et bastaings ; la représentation des différentes postures du bonheur avec Molar de Quim Bigas ; ou encore une digression autour de la vague mystérieuse de « manie dansante » qui frappa Strasbourg au XVIe siècle avec 1518 l’épidémie, par la Compagnie l’Etabli. On n’oubliera pas non plus le off du festival accueilli dans les bars, et les cinq guinguettes qui font pulser le coeur de ville le soir venu. La plupart des propositions sont gratuites, les autres plafonnées de 6 à 10 euros ! 

JULIE BORDENAVE

Résurgence
Du 20 au 23 juillet
Lodève
festival-resurgence.fr 

SOS Méditerranée à Avignon : « Les artistes sont nos porte-voix contre l’indifférence et l’habitude»

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Sophie Beau est la directrice de SOS Méditerranée © David Orme

Zébuline. La maison Jean Vilar organise avec vous une après-midi de projections et débats, qui se conclut par la lecture de La Pêche du jour d’Éric Fottorino par Jacques Weber. En quoi cette présence au Festival d’Avignon est-elle importante pour vous ?

Sophie Beau. Ce n’est pas la première fois que nous y venons, le Festival a organisé des débats déjà, une exposition en 2019. Nous sommes heureux que cela continue à l’invitation de la Maison Jean Vilar. Cela a un sens symbolique fort et la programmation de cette journée repose sur des oeuvres puissantes.

Le film de Hara Kaminara, qui sera projeté en sa présence, a été tourné à bord. Vous embarquez systématiquement des photographes pour documenter vos sauvetages…

Oui, mais ce n’est pas un film documentaire, c’est un projet très personnel, un questionnement sur le sens des images et son propre vécu à bord, qui est très intime puisqu’elle est tombée amoureuse d’un marin sauveteur, et que « Lettre à Nikola » est adressé à leur enfant. Elle y questionne la vie et la mort, sa grossesse. C’est un film bouleversant sur l’arrivée de ce petit garçon dans un monde où d’autres se noient. Il est rare que les artistes qui créent des oeuvres sur nos sauvetages soient présents à bord. C’est extrêmement précieux.

Pourquoi ce regard des artistes est-il si précieux pour vous ?

Les artistes, les écrivains, sont nos porte-voix contre l’indifférence et l’habitude. On en est à un stade où les naufrages, les morts, ne bouleversent plus autant. Une acceptation s’installe autour de ces naufrages inacceptables. On a tous la nausée de cette indifférence, mais on ne parvient pas à la combattre, à la médiatiser comme le font les artistes. Nous devons de la pudeur aux victimes, pour leur protection. Les artistes, par le biais de la fiction, des mots, des images, des musiques, peuvent combattre l’indifférence beaucoup mieux que nos communiqués de presse. Par rapport au public, par rapport aux politiques aussi. Et aux sponsors, qui s’engagent plus facilement sur un événement artistique que par un don direct à l’association. Le texte d’Éric Fottorino est un coup de poing, asséné à un endroit où on n’aurait jamais pensé à le porter.

Il sera lu par Jacques Weber, qui l’a créé au Rond Point dans une mise en scène de Jean-Michel Ribes. Est-ce une commande ?

Non, c’est Jacques Weber qui nous a contactés. Il a lu La Pêche du jour, il a été bouleversé et l’a monté. On ne peut pas rester indifférent à ce texte, qui va au bout de la nausée. Le pêcheur de migrants déclare « Le Yéménite c’est plus fin que la bonite ». Éric Fottorino m’a expliqué que cette phrase lui est venue une nuit, et qu’il a écrit le texte dans la foulée. Tout vient d’eux, tout est allé très vite, le partenariat s’est monté en un temps record.

Comme ces textes publiés par Gallimard sous l’impulsion de Jean-Marie Laclavetine. Cela nous a fait du bien de constater que notre indignation est partagée. Qu’elle est portée par ces 17 écrivains qui ont donné leur texte, pour que tous les bénéfices nous soient reversés, grâce à l’engagement de Gallimard. Nous sommes présents dans les festivals littéraires grâce à eux, comme lors de Oh Les Beaux Jours à Marseille. La Pêche du jour au Rond Point nous a permis d’être aussi à Paris, de rassembler une audience différente, des responsables politiques… À Avignon nous sommes au cœur de la vie théâtrale, c’est important aussi.

Marseille est votre port d’attache, le concert du 24 juin a rassemblé beaucoup de monde…

C’était exceptionnel. Il y avait plus de 8 000 personnes, pour un événement très populaire, un nouveau public pour nous, jeune, et très concerné, autour du rap. Et de Massalia Sound System aussi qui a rassemblé des plus vieux ! On avait l’impression d’être au bon endroit, à la maison. J’étais très émue, je le suis encore. Cela nous a redonné à tous de la force et de l’énergie.

Des recettes aussi.

Oui 110 000 euros. Tous les coûts directs et indirects ont été pris en charge par la Solimut, les mutuelles et la Ville de Marseille. L’intégralité des recettes de ce concert gigantesque nous est revenue.

Où en est votre situation financière, qui était alarmante en 2022 ?

Effectivement, nous avons frôlé la catastrophe, et poussé un cri d’alarme. Nous restons en déficit sur l’exercice, mais cela s’est un peu amélioré, en fin 2022 nous avons reçu de nombreux soutiens, et depuis l’engagement des artistes et des sponsors qui les suivent, nous permet d’envisager 2023 plus sereinement.

Les artistes se produisent gratuitement ?

Oui, les artistes, les écrivains. Quelquefois nous donnons des défraiements minimes qui couvrent leurs coûts, mais qui n’ont rien à voir avec leurs cachets habituels. Leur engagement est total. Et nous en avons besoin aujourd’hui, au-delà de ce que cela nous rapporte.

Pourquoi aujourd’hui plus qu’hier ?

Parce que les paroles qui surgissent dans les sphères politiques et médiatiques, cette haine de l’étranger, deviennent insoutenables. Ce n’est pas possible d’accepter que notre pays régresse à ce point. Il n’y a pas assez de paroles qui nous réveillent. À SOS Méditerranée nous devons rester pragmatiques et négocier avec ceux qui nous bloquent au port. Seuls les artistes peuvent s’indigner et dire que, pendant ce temps, en plein été, il y a des naufrages sur la route libyenne, et des centaines d’humains qui se noient.

Entretien réalisé par Agnès Freschel

SOS Méditerranée, les artistes s’engagent
19 juillet
Maison Jean Vilar, Avignon
maisonjeanvilar.org
Au programme
15h : Projections de vidéos et reportages sur les missions de SOS Méditerranée. 
17h : Lettre à Nikola, suivi d’un débat avec la réalisatrice Hara Kaminara. 
19h : Rencontre « Les artistes s’engagent » animée par Laure Adler, avec Jean-Baptiste del Amo, Ananda Devi et Éric Fottorino, Hara Kaminara, et Sophie Beau.
20h : La Pêche du Jour d’Éric Fottorino par Jacques Weber et Emmanuel Noblet.

À Aix, la danse prend l’air

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L’énergie des jeunes membres du Ballet Preljocaj Junior sur « Un Sacre des printemps » d’Arthur Perole. PHOTO JEAN-CLAUDE CARBONNE

L’idée, fort belle, était née en 2021, à l’heure des jauges à géométrie variable et du recours accru aux espaces extérieurs. Elle fait son retour cette année plus étoffée et plus alléchante encore. Ce temps fort pensé hors du Pavillon Noir permet au Ballet Preljocaj de prendre ses quartiers dans deux hauts lieux de la vie estivale aixoise : Théâtre de l’Archevêché et au parc Jourdan. Et ainsi toucher à la fois un public plus diversifié qu’à l’accoutumée, grâce, entre autres, à une tarification encore plus accessible de celle de la saison. Les premières parties de soirée sont ainsi données gratuitement ; et les secondes à des tarifs dépassant rarement les 20 euros.

On retrouvera le 21 juillet à 20 h au parc Jourdan les jeunes membres du Ballet Preljocaj Junior sous la direction avisée d’Arthur Perole, en ouverture de cette très belle programmation pilotée par Nicole Saïd, directrice historique du ballet. Créé dans une première version au Pavillon Noir en avril dernier, Un sacre, des printemps sera donné dans sa version augmentée, également découverte en juin dernier en conclusion de la présentation de saison. Cette lecture punk et inspirée s’approprie le chef-d’œuvre de Stravinsky et la chorégraphie fondatrice de Nijinsky pour raconter, avec force morphing, pantomime et autres gestes déconstruits, saccadés, outrés, le sacrifice de la jeunesse d’aujourd’hui, mais également la capacité de révolte de cette jeunesse – son désir, en somme de faire corps.

On voyage

La chorégraphe israélienne Sharon Eyal lui succèdera à 22 h avec sa pièce Soul Chain, interprétée par la compagnie allemande Tanzmainz. Il y sera une fois de plus question des liens entre l’individu et le collectif, sublimés par l’art de l’ensemble que Sharon Eyal maîtrise à la perfection. La musique électronique d’Ori Lichtik y accompagnera cette suite hallucinée de tableaux célébrant un amour défait de la quête de « romance ».

Le 24 juillet, la Sonate d’Ana Pérez permettra de découvrir un autre mode de communion entre danse et musique. Extraite de son Concerto en 37 ½, cette pièce fait dialoguer la danseuse au langage très marqué par le flamenco et le phasing avec la guitare de son complice José Sanchez. Un vent sévillan soufflera donc sur le parc Jourdan ! À 22h, c’est de nouveau l’héritage de Nijinsky que l’on célèbrera avec Igra, inspiré de sa pièce créée en 1913. Le collectif madrilène KOR’SIA, dirigé par Mattia Russo et Antonio de Rossa, n’emprunte cependant que le cadre incongru de la pièce originelle – un court de tennis – qu’il travaille à coup de couleurs vives et envolées électro et hip-hop.

Le 27 juillet, Kader Attou s’installera à son tour au parc Jourdan avec son Prélude vu en juin dernier à Châteauvallon. Sa compagnie Accrorap s’y attelle une fois de plus avec un casting certes beau, mais 100% masculin, à un hommage énamouré au hip-hop et à sa physicalité de chaque instant, sur une musique très lyrique signée Romain Dubois. À 22h, sa Symfonia Piesni Zalosnychn créée en 2010, et élaborée à partir de la très lyrique Symphonie des chants plaintifs d’Henryk Goreck, lui succèdera. Cette pièce pour dix danseurs et danseuses, qui se greffe sur une œuvre signant le retour du compositeur à la tonalité et au langage classique, s’inscrit également dans le désir de dire sans le décrire l’horreur de la Seconde Guerre mondiale. La danse explore et s’approprie les pas les plus expressionnistes issus du ballet, du tango ou de la danse contemporaine… Pour un résultat malheureusement toujours aussi intemporel.

Bouquet final

Le 29 juillet, la Salsa Viva s’emparera du parc pour y donner gratuitement, dès 20 h, un atelier de danse latina destiné à tous les publics : où le bachata et le merengue se tailleront également une place de choix ! Avant qu’Una Fiesta latina ne vienne y ajouter ce qu’il faut de mambo, pachanga et cha-cha-cha le temps d’un spectacle pensé par et pour la compagnie colombienne. Pour conclure la soirée, un grand bal salsa est également prévu !

Enfin, les 1er et 2 août seront dédiés à la dernière création d’Angelin Preljocaj, dans la cour du Théâtre de l’Archevêché où viendra de s’achever le festival d’art lyrique. Découvertes en juin dernier à La Criée dans une nouvelle distribution, les Mythologies inspirées de Roland Barthes et rythmées par la partition symphonique de l’ex-Daft Punk Thomas Bangalter.

Suzanne Canessa

« Un Air de danse » se tient du 21 juillet au 2 août dans divers lieux d’Aix-en-Provence.

Les ravages d’Alzheimer

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En incarnant tour à tour le rôle du mari et de la femme, le comédien marseillais Yuming Hey signe une performance remarquable. PHOTO CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

Le roman entremêle l’histoire d’Alzheimer, le médecin, des considérations statistiques, cliniques et scientifiques sur la maladie et son importance croissante dans nos vies, et le cas de monsieur T., atteint du syndrome, et de sa femme, qu’il a tenté d’éliminer lors d’une crise de démence.

Mathieu Touzé, sans éliminer cet entrelacs, se concentre sur le couple T., après un prologue où la vidéo projette le texte qui se déroule, tandis qu’une musicienne arpège quelques accords de guitare. Cela pose, un peu longuement, le contexte.

Douleur sensible

Puis Yuming Hey entre en scène. Et trois personnages avec lui. La narratrice avec sa voix aigüe et posée, Monsieur T. dépassé, révolté, paranoïaque, violent par moments, cherchant désespérément une issue qui n’existe pas. Et Madame T., qui sent qu’elle glisse dans l’oubli de celui qu’elle aime, ou qu’elle a aimé, qui ne la connaît plus, l’appelle du nom de sa première femme, et veut se débarrasser d’elle.

Toute la douleur des accompagnants est là, dans cette disparition de ce qu’ils furent pour l’autre, dans leur incapacité à le retenir, à le protéger. Yuming Hey, d’un geste du bras, d’une inclinaison légère de la tête, passe de l’une à l’autre, impériale et blessée en Madame, hors de ses gonds et perdu en Monsieur. La douleur de chacun·e devient sensible, celle de ne pouvoir s’échapper vers une Amérique et une femme qui n’existe plus, et celle de disparaitre pour son mari et d’être niée dans son être, tout en devant prendre soin de celui qui la hait.

Alternativement femme et homme, Yuming Hey semble capable de porter toutes les identités, toutes les douleurs, de son corps de danseur qui pose chaque geste, de sa voix transformiste qui n’a besoin de forcer aucun registre. On en garde l’impression étrange d’avoir vraiment vu tous ces personnages sans qu’un costume, un accessoire, un effet sonore vienne appuyer la transformation. Stupéfiant.

Agnès Freschel

« On n’est pas là pour disparaître » est jouée au Théâtre des Halles jusqu’au 26 juillet.

Œdipe, enquête et désirs criminels

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Œdipe et son enfance enfouie. PHOTO DR

La compagnie avignonnaise Fraction poursuit son travail sur les mythes humains antiques. Parmi eux, lequel nous concerne davantage que la saga thébaine et sa représentation des désirs intrafamiliaux ?  

Pour porter le mythe à son noir le plus profond, Jean-François Matignon mêle Sénèque, Pasolini aussi, retenant en particulier ses réflexions sur le pouvoir, et l’Œdipe roi de Sophocle, adapté par Didier Lamaison. Explorant les liens de filiation, ce dernier rappelle le crime initial de Laïos – qui viola le jeune fils de Pélops qui l’avait recueilli, le doute sur la responsabilité de Jocaste dans la mutilation et l’abandon de son fils, le genre féminin de la Sphinge dévoratrice. Le rapprochement de ces textes construit une terreur des origines abyssale !

Matignon aux manettes

Œdipe, qui a tué son père en légitime défense et pris sa mère pour femme sans la choisir, n’est pas conscient, et pourtant coupable. D’un accès de violence, et de l’ivresse du pouvoir. Les deux acteurs, dirigés d’une main de maître par Matignon, vont jusqu’au bout de leur quête, et se succèdent dans le rôle d’Œdipe après la révélation de l’inceste. L’un arrogant et fat, ressemble à un jeune Macron, l’autre meurtri et rauque, est un roi déchu.

Les deux comédiens, incarnent aussi Tiresias, Créon, Laïos, tandis que Jocaste reste elle-même, du désir à la jouissance et à la mort, sans qu’on comprenne exactement ce qui l’anime. Car ces questionnements sur le pouvoir, la violence et sur la responsabilité de la faute ancestrale et inconsciente, sont décrits depuis la conscience masculine d’Œdipe. L’horreur, l’empoignement, les cris et les luttes, s’incarnent aussi dans le décor qui ouvre des coffres, révèle des masques et des squelettes, se dépèce pour donner une cape de terre au roi resté nu. Jean-François Matignon, depuis les rangs du public, dirige encore la représentation, la rendant plus intime encore, comme un espace mental partagé. Celui de la sidération.

Agnès Freschel

« Œdipe/enquête » est joué jusqu’au 25 juillet au Théâtre Transversal.

Survivre à la Shoah

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Sur le magnifique texte de Jorge Semprun, « L’Écriture ou la vie » est donnée au Théâtre des Halles jusqu’au 26 juillet. PHOTO VINCENT BERENGER

Au Théâtre des Halles, plusieurs grands textes sont portés magnifiquement par de grands acteurs : La Question d’Henri Alleg par un Stanislas Nordey exceptionnel, On n’est pas là pour disparaître d’Olivia Rosenthal par Yuming Hey… La force littérale et littéraire de ces textes demande de grands acteurs, et de la simplicité. 

Jean-Baptiste Sastre est indéniablement un très bon comédien, mais la mise en scène qu’il propose pour L’Écriture ou la vie manque de maitrise, d’espace, et repose sur de fausses bonnes idées. Portant des gants blancs, affublé par moment d’un masque, Jean-Baptiste Sastre est entouré de Hiam Abbas qui ne fait presque rien, sinon chantonner assez mal le kaddish, et d’une autre, masquée également, qui ne fait rien du tout. À ses côtés encore Geza Rohrig, magnifique acteur hongrois, qui au bout d’une heure de silence entre enfin en jeu et incarne Henri, compagnon de camp de Semprun. Très expressif, il s’exprime hélas en hongrois et en yiddish, sans traduction, durant de longues minutes incompréhensibles.

Effets indélébiles

Reste que, en dehors de ce parti pris de mise en scène discutable, Jean-Baptiste Sastre lit très bien, un texte essentiel, et magnifique. L’Écriture ou la vie raconte le camp, la libération de Buchenwald, un déporté hongrois qui meurt dans ses bras, les monceaux de cadavres, le refus d’écrire, les années de silence.

Puis le suicide de Primo Levi, qui fait renaitre la nécessité de témoigner, mais surtout de ne plus se nier deux fois : comme victime de la Shoah, et comme écrivain. Car le récit, profondément philosophique, ne s’attarde pas sur l’inhumanité des bourreaux, mais sur leurs effets, indélébiles, sur les victimes. Les fantômes qui les traversent n’ont nul besoin d’être évoqués par des acteurs muets et masqués.

Agnès Freschel

« L’Écriture ou la vie » se joue jusqu’au 26 juillet au Théâtre des Halles.

Du Shakespeare version commedia dell’arte

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Tous les rôles de « La Tempête » sont joués par seulement six comédiens. PHOTO VIDALIE

Adapter des grands classiques dans un style débridé, c’est ce que fait de mieux le Théâtre du Kronope. Après Germinal, Le Bourgeois gentilhomme ou encore Le Dindon, la compagnie de Guy Simon s’attaque à La Tempête, la dernière pièce de William Shakespeare à La Fabrik’ (Avignon). Une adaptation haletante qui laisse place à l’imaginaire pour allier puissance du texte et des images.

Masques et coups bas

Un duc déchu, une histoire d’amour, la soif de pouvoir et finalement la réconciliation entre des ennemis jurés… Les ingrédients parfaits d’une bonne commedia dell’arte étaient déjà réunis dans la comédie de Shakespeare. Les interprètes du Kronope y ont ajouté avec brio leur marque, comme le jeu masqué, composante incontournable du genre théâtral italien. Les masques, aux traits caractéristiques, permettent de traduire la personnalité de ceux qui les portent. La cour de Naples est ainsi représentée par des visages bouffis et des costumes pompeux, tandis que le masque de Caliban, créature de la terre, permet d’amplifier sa difformité et sa monstruosité. Masques et costumes permettent aussi de différencier le monde réel, celui des protagonistes sur l’île, de celui des esprits et des forces mystiques.

Ajoutez à cela des gestes exagérés, du comique de répétition, des chants… et c’est clairement du genre burlesque italien que se teinte la mise en scène. Chaque détail est travaillé, des transitions entre les scènes jusqu’aux chants et au décor. Un grand huit d’acier permet à l’immense cape du duc déchu de se déployer, et aux autres personnages de s’y glisser pour se livrer à des acrobaties. C’est au moment des saluts que le spectateur découvre qu’ils ne sont que six sur scène. Six comédiens qui ne soufflent pas une seule minute tant ils interprètent une bonne vingtaine de rôles.

Rafael Benabdelmoumene

« La Tempête » se tient jusqu’au 25 juillet à 17h45 à La Fabrik’Théâtre.

À travers les voiles de l’esprit

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Seul sur scène, Guillaume Mika prête sa voix à tous les personnages. PHOTO GEOFFREY FAGES

Le roman de Robert Walser, qui prend la forme du journal de Jakob von Gunten, entrelace sans les démêler un récit d’apprentissage, des scènes oniriques, d’autres dont on ne sait quel statut elles ont. Écrit en 1909, à l’heure où Freud invente la psychanalyse, ce texte exhale une poésie étrange, clairement voisine d’un épisode psychotique. Le sens logique nous en échappe, et le fantastique n’est pas directement symbolique et signifiant, mais comme échappé d’un trouble de la personnalité.

Servilité volontaire

Pourquoi ce jeune noble veut-il devenir domestique ? Quel est donc vraiment cet « institut » qui n’enseigne rien et transforme les garçons en « zéros bien ronds » ? Qui est ce directeur qui flatte et frappe, admire et anéantit, comme un ogre attiré par un éphèbe soumis ? Et qui est sa sœur, gracieuse demoiselle triste qui entraine dans un univers féérique, mais meurt d’un amour inadressé ? Et Kraus, serviteur soumis aux allures de singe, est-il l’élève idéal ?

Toutes les interprétations de ce texte sur la servilité volontaire, sur le désir d’être dominé, sont possibles. Et Frédéric Garbe ne ferme aucune porte, laissant aller la folle rêverie. Dans un décor fait de voiles translucides où des mots illisibles s’écrivent, Guillaume Mika, seul en scène, prête sa voix à tous les personnages comme s’ils n’étaient issus que de son imaginaire Il est illuminé de joie et d’impatience, manipule des poupées de papier et de lumière, rendant la fiction à son statut de poème, comme écrit sous nos yeux. Le buste du directeur flotte comme l’ombre tutélaire  de Freud… La scénographie, la vidéo et l’univers sonore sont de véritables créations, subtiles et labiles.  Laissant intacts tous les doutes du texte, sans en forcer le sens.

Agnès Freschel

« L’institut Benjamenta », mis en scène par Frédéric Garbe de L’Autre Compagnie (Toulon) est joué au Théâtre Transversal jusqu’au 25 juillet.