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« Shahada » ou comment se débarrasser de soi-même

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Les deux acteurs sur scène, à Avignon.

Dans la lumière de la salle encore éclairée, Fida Mohissen s’avance, le regard fixé sur les spectateurs. Il semble hésiter, comme agité d’une sorte de fièvre intérieure. On est en tension, en attente. « Ça ne va pas être facile » nous dit-il. Il a quelque chose à nous dire, à partager. Puis il se lance, bafouillant presque, d’une voix douce et posée. Peu à peu il va dérouler les souvenirs de son enfance au Liban, la lecture des livres de la bibliothèque de son père, ses études au lycée de Damas. Puis il évoque une phrase de Houllebecq : « La religion la plus con, c’est l’Islam » qui avait fait alors exploser sa colère, lui qui était encore croyant et fervent. Cette ineptie de l’écrivain sera cependant le déclic d’une prise de conscience ; il mettra 25 ans à se défaire des contraintes de la religion, des règles familiales, de l’enfermement des corps.

Violence et lumière

Le metteur en scène, François Cervantes, a accompagné la démarche de Fida et la version définitive de son texte, Shahada, qui veut dire être présent, témoin. Il fait dialoguer le Fida d’aujourd’hui avec le jeune homme qu’il était, interprété par Rami Rkad, syrien lui aussi. Celui-ci surgit de l’ombre. Chacun sur une chaise, ils dialoguent. Le jeune homme évoque des événements du passé. L’adulte en est troublé, car il a oublié des pans entiers de son enfance et de son adolescence. Oublié aussi l’enrôlement militaire, la tentation de l’extrémisme, l’endoctrinement. Un passage retrace la découpe de pastèques par un soldat, préfiguration des massacres humains, violence aveugle à l’état pur, qui terrorise Fida.

C’est son engagement dans le théâtre grâce au service culturel français qui lui ouvre de nouvelles portes, lui faisant peu à peu entrevoir la lumière et la voie de la liberté. Parti à la Sorbonne et au Cours Florent à Paris, il est invité à Avignon : une nouvelle vie commence, happée par la culture occidentale. Quand il entend les témoignages des survivants du 11 septembre 2001, il s’écrie : « Le dieu qui a commandé ça n’est pas mon Dieu. » Enfin il découvre l’amour charnel, l’éternité sur terre, et l’amour. Il a « chuté » mais se relève plus fort, enfin vraiment vivant. Lui qui avait « le corps imbibé de Dieu » s’en détache peu à peu et va de la cécité à la lumière.

Le dialogue entre les deux Fida est joué avec une grande sensibilité, une émotion à fleur de peau qui gagne le public. Parfois leurs deux voix se chevauchent, l’adulte retrouve les mots de l’adolescent. Leurs voix s’élèvent alors en harmonie. Une question existentielle le taraude : « Est-il possible que je me débarrasse de moi-même ? »

Chris Bourgue

« Shahada » est donné jusqu’au 11 novembre au Théâtre Joliette

« Viril(e·s) », à la recherche de l’identité

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Sur scène, les comédien·nes proposent une composition vivante et dynamique. PHOTO CAPTERNESTPASTROMPER

S’il est un spectacle franc et décapant, c’est bien Viril(e·s) ! Il explose, bouscule les certitudes, emballe les spectateurs. Imaginez cinq jeunes femmes, dont l’une est jouée par un homme portant perruque longue, qui s’interrogent sur ce qu’elles sont, femmes féminines ou viriles, et se posent des questions sur leur place dans la société. En toile de fond une immense peinture représente un corps masculin, de dos, exécuté par Docteur Bergman d’après une œuvre de David, artiste néo-classique. Cette présence massive, écrasante, imposera tout le long du spectacle le diktat de la masculinité.

Cru et sans tabou

Dès l’entrée dans la salle, une fille portant la capuche de l’uniforme garçon fume une cigarette, cache ses yeux sous le rabat. Une musique éclate, la fille se lève et danse furieusement façon hip-hop. Une autre la remplace qui nous parle de son premier amour pour une fille. La première revient, s’accroupit ; quatre autres l’interpellent : « Gros, t’es une meuf ? T’es quoi ? ». Altercation. Et ça continue. Elles mélangent leurs souvenirs d’enfance, les difficultés de leur présent. Enfant, Sofia faisait sa voix plus grave pour qu’on la prenne pour un garçon, Capucine parle du rôle dominant de sa mère, Mégane s’inquiète de ne pas remplir toutes les cases de la féminité, Justine se plaint du rôle prédateur des garçons, Garance sollicite les spectateurs : L’homme est-il Tarzan ou Prince charmant ? Comment être soi, une femme simplement ? Le langage est cru, sans tabou ; ça rit, ça gueule, ça chante, ça saute. Ça vit ! Marie Mahé a écrit le texte à partir de différents témoignages et assure la mise en scène. L’espace est libre, seulement occupé de quelques chaises d’écolier. Le spectacle se déroule à un rythme endiablé qui ne manque pas de laisser passer l’émotion de ces revendications. On en ressort dynamisé.

Chris Bourgue

« Viril(e.s) » se joue au 11·Avignon jusqu’au 26 juillet.

Ce spectacle a reçu le Prix Théâtre 13 2023.

Des notes de jazz sur le toit d’Aubagne

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Le concert a été donné sur la place Saint-Sauveur et sa très belle vue sur les collines autour d’Aubagne. PHOTO B.L.

Dans le cadre splendide de la place Saint-Sauveur à Aubagne, Place en Musique proposait une nouvelle date avec la formation jazz du Rose Mary Quartet ce jeudi 20 juillet. Un rendez-vous auquel le public a répondu présent en nombre, satisfait de pouvoir apprécier une petite brise de fin de journée, en musique.

Moment intime

Dès le départ, le violon et les deux guitares se partageaient le thème avec frénésie. Des morceaux plus calmes et posés sont interprétés en milieu de concert avec notamment Sunny Road, où le chanteur, préférant laisser sa contrebasse sur le côté, s’amusait à installer avec sa voix grave une ambiance bien plus détendue, en parfaite harmonie avec les dernières chaleurs de la journée. Vient ensuite un duo entre le violoniste et l’un des deux guitaristes, un moment plus intime marqué par une mélodie vibrante du violon et des accords mélancoliques du guitariste. Enfin, au gré des improvisations, on se plaît à reconnaître certains classiques du jazz, comme When The Saints Go Marching In ou des standards du répertoire français tels C’est si bon ou La vie en rose.Les spectateurs, conquis par ce concert, ont demandét un bis que les quatre musiciens ont accepté de faire avec entrain. Les cloches de l’église concluaient ce concert sur les dernières notes de ce rappel.

Baptiste Ledon

« Place en Musique » se tient jusqu’au 31 août, dans divers lieux d’Aubagne.

Jouez jeunesse !

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L’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée avec Duncan Ward à la baguette. PHOTO VINCENT BEAUME

C’était un moment attendu du Festival d’Aix-en-Provence. Le concert de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (OJM), cette formation qui réunit de jeunes musiciens talentueux de la région Paca et du bassin méditerranéen, offrait un programme qui permettait d’appréhender la richesse de la palette de cet ensemble. Le froissement d’un bâton de pluie ouvrait la partition de Betsy Jolas, A Little Summer Suite, en six brefs mouvements enchaînés tels une série de tableautins ciselés. Les étapes du voyage proposé par Escales de Jacques Ibert donnaient les couleurs de ce concert, passant de Rome à Tunis et Valencia. Les écheveaux des motifs servis par un orchestre aux pupitres parfaitement équilibrés, tissèrent une fresque somptueuse, pailletée de nuances avant la plongée harmonique de la Création de l’OJM – Medinea, par cinq musiciens compositeurs (sous le regard bienveillant de Fabrizio Cassol, directeur musical de la session) dont les voix et les instruments livraient des airs soutenus ostinato par l’orchestre en une approche musicale sans partition. Instants uniques et bouleversants que prolongea la superbe prestation de la violoncelliste soliste Camille Thomas qui offrit un bis en hommage à l’Ukraine et pour la paix, dans le Concerto pour violoncelle n° 1 en la mineur de Saint-Saëns après les Variations on an Egyptian Folktune de Gamal Abdel-Rahim, une fantastique rêverie filmique digne d’un péplum en technicolor. La Valse de Maurice Ravel acheva de subjuguer un public debout.

Maryvonne Colombani

Concert donné le 23 juillet au Grand Théâtre de Provence dans le cadre du Festival d’Aix-en-Provence.

« Lune jaune » : lumière et face cachée

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Lee (Thibaud Pasquier) et Leïla ( Marion Bajot) paumés dans un road movie en forêt. PHOTO V. TALLON

Leïla, électrique, écrit dans un cahier d’écolier, ce qui a son importance car on ne saura pas vraiment si son histoire est vécue ou inventée. Elle parle de Lee, à ses côtés, comme d’une célébrité. Lui se la joue vedette, chewing-gum et casquette, campé fermement sur ses jambes. Il parle de sa mère murée dans le chagrin depuis le départ du père, de ses envies de fric de son projet de vie : devenir « maquereau » !

Quant à Leïla, murée dans le silence, un de ses plaisirs consiste à prendre des revues au supermarché, à les lire dans les toilettes, puis à se scarifier.. Il l’appelle « la silencieuse ». Ils se rencontrent, il la drague, elle hésite mais est séduite. Les événements se précipitent : Lee poignarde l’amant (Titouan Huitric) de sa mère, et entraîne Leïla dans les forêts. Enfin elle se sent « vivante » et on est séduit par le jeu plein de subtilité de la comédienne.

Entre récit et jeu

L’auteur écossais David Graig plonge ses personnages paumés dans un road movie suicidaire. Lee pense pouvoir retrouver son père sur la foi d’une carte postale envoyée à sa mère. Désormais l’aventure devient granguignolesque. Les deux ados sont sauvés par un garde-chasse qui se révélera être le père (Cédric Marchal)… Ou pas. Aucune certitude pour le spectateur. L’alternance des scènes dramatique et de narration crée une distance entre l’action et la réflexion sur l’action, comme dans une autobiographie aux deux niveaux de fiction. Leïla elle-même croit-elle à cette aventure dans une contrée sauvage, croit-elle à ce personnage du père ?

Olivier Barrere propose une lecture intéressante en superposant plusieurs possibles narratifs, tandis que la musique live de Nico Morcillo participe à la création d’une atmosphère étrange et parfois irréelle. Une aventure hors du temps au goût de cendre.

Chris Bourgue

« Lune jaune » d’Olivier Barrere se joue jusqu’au 26 juillet à L’Entrepôt, Avignon.

Art in-situ, dans la montagne

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cabane du berger © X-DR

Pour la 14e année, l’art contemporain s’offre aux randonneurs dans une des plus belles vallées du monde, à Crévoux, au dessus du lac d’Embrun. Ce sont plus de 30 000 visiteurs qui y passent chaque année : la randonnée est facile, avec 290 m de dénivelé, et deux ou trois heures de marche si on prend son temps.

Et on peut le prendre, en famille ! Les œuvres sont ludiques, on peut les toucher, y entrer souvent, s’y fondre, empoigner des rames, écouter les sons produits par le vent. Regarder, surtout, comment elles s’inscrivent dans la nature, accrochées aux arbres, plantées dans la terre, en symbiose ou en contrepoint, comme les poissons de la forêt ou la carcasse de voiture. 

Souvent monumentales, elles impressionnent, même face aux sommets qui les entourent, et changent le regard que le randonneur porte sur la vallée, le transformant en visiteur d’un musée à ciel ouvert. Car les œuvres entrent en résonnance avec les paysages, avec le torrent et les pierres au début du parcours, avec la forêt et les sommets quand on approche de la Cascade du Razi. 

Dans le respect de la nature

Les matériaux sont évidemment naturels : beaucoup de bois, de diverses essences, des branchages tressés, du plexi pour laisser passer les regard, des fibres de coton, des couleurs naturelles, et pas de branchement électrique… L’appel à projet publié tous les ans est précis sur ce point, le respect de la nature essentiel. 

Ainsi depuis 2015 le parcours s’enrichit, exposant cinq ou six nouvelles œuvres chaque année, commandées aux artistes qui répondent à l’appel à projet, et viennent créer en résidence durant quinze jours. Aujourd’hui, ce sont quarante œuvres qui habitent la montagne, grâce au soutien du Cnap (Centre national des arts plastiques) et malgré une baisse de subvention préjudiciable du Département des Hautes-Alpes. Entretenu durant les années de la pandémie, et même si certaines pièces ont naturellement disparu – elles doivent résister trois ans minimum –, le parcours est aujourd’hui plus beau que jamais.

Et on peut y passer la nuit ! Trois « cabanes d’artistes» accueillent les visiteurs, sur réservation : la Cabane du Berger, refuge au toit transparent, pour les couples, la Cabane cube, plus vaste et miroitante, pour les familles, et la Cabane tronc, qui installe ses habitants dans un vaste tube de mélèze… 

Organisé par Fées Divers, la Parcours des fées finance les artistes qui reçoivent 4500 euros pour leur œuvre, offre au public un parcours pédagogique de découverte de l’art contemporain, soutient le tourisme dans l’Embrunais, et invite à réfléchir à la nature vivante, et à ses créations. Qui dit mieux ?

Le droit d’entrée sur le sentier est de 2 euros, 1 euro pour les enfants. Pour héberger et rémunérer les artistes, éditer le petit guide, et entretenir le parcours.

AGNÈS FRESCHEL

Parcours des fées
Crévoux
Jusqu’en septembre
parcours-des-fees.fr

La Roque d’Anthéron : un piano et un coussin de violons

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Yip Wing-sie à la direction du Hong Kong Sinfonietta. PHOTO VALENTINE CHAUVIN

Au Festival international de piano de La Roque d’Anthéron, dans le cadre des soirées dédiées à l’intégrale des concertos pour piano de Beethoven, le n° 4 en sol majeur opus 58 était au programme de ce samedi 22 juillet. Toute frêle dans sa robe d’eau tranquille, la pianiste Anne Queffélec habitait l’œuvre avec une élégante simplicité. Les violons disposés inhabituellement de part et d’autre du piano offraient un écrin souple et très intéressant à l’instrument concertant. Soulignant par leur velouté la clarté fluide du jeu de l’interprète, émouvante dans les phrasés descendants réitérés, tels des questions sans réponse.

Faire parler le silence

La grâce de l’instrumentiste réside non seulement dans une technique parfaite, mais aussi, surtout, dans la capacité à nourrir la partition d’une culture fine. Une dentelle aérienne se dessine ici, avec une manière inimitable de faire parler les silences. Le piano engage un réel dialogue avec l’orchestre, espace de paix peuplé des fragrances stridulantes de la nuit de La Roque.

La Symphonie n°7 en la majeur permettait d’apprécier davantage encore la qualité du Hong Kong Sinfonietta, et la direction précise et nuancée de sa cheffe, Yip Wing-sie. Cette pièce publiée en mai 1816 fut considérée par Richard Wagner comme « l’apothéose de la danse […], réalisation la plus bénie du mouvement du corps presque idéalement concentré dans le son. » Sans doute, la disposition des violons nuisait-elle à l’émotion tragique du deuxième mouvement, lui enlevant de sa gravité, mais l’enthousiasme final avec un tempo fort accéléré conquit le public.

Maryvonne Colombani

Concert donné le 22 juillet, dans le cadre du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron.

Quand la solidarité devient un délit

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De gauche à droite : Thibault Patain, David Bescond, Nolwenn Le Doth et Ana Pabst. PHOTO KEVIN BUY

Grand Pays, c’est le combat de simples citoyens qui ne peuvent plus vivre en fermant les yeux. Ils habitent à la frontière franco-italienne et voient passer devant leur porte les migrants qui traversent les montagnes à pied pour venir demander l’asile en France. Parmi eux, de nombreux mineurs isolés en détresse que la police se contente de refouler dans des conditions indignes. Pour retrouver la fierté de leur pays, ils s’organisent en collectif malgré leurs différences idéologiques. Une ode à la solidarité et à l’entraide.

Le collectif Le Bleu d’Armand et ses quatre comédiens se sont inspiré des procès de Cédric Herrou, agriculteur de la vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes qui a aidé pendant plusieurs années des migrants à passer la frontière. Comme Cédric Herrou, Suzanne, Xavier et Cataleya ne sont pas militants, ils le deviennent malgré eux, par humanité. Grand Pays commence d’ailleurs par leur procès, et leurs condamnations pour avoir aidé des migrants ou simplement pour s’être érigé contre l’injuste.

Où est le réel ?

La pièce ouvre le débat. La fraternité est-elle simplement un slogan apposé sur le fronton des bâtiments publics ou une vraie valeur de la France ? Eux vont saisir le Conseil Constitutionnel. De quoi mettre en scène avec drôlerie la rigidité du droit et l’écriture froide et impersonnelle du « Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Ils personnifient le texte pour montrer son absurdité et surtout son inadéquation avec la réalité.

La fraternité est finalement reconnue comme valeur constitutionnelle par les « sages ». Une reconnaissance qui a vraiment eu lieu en 2018. Ensuite, la fiction reprend sa place. L’État présente des excuses publiques (!) et réquisitionne de magnifiques villas de la Côte d’Azur pour loger les migrants. Une fin ironique et utopique, mais qui offre une vision d’espoir, dans un présent assez désespérant. Croire au futur ?

Rafael Benabdelmoumene

« Grand Pays » se joue au Théâtre des Carmes jusqu’au 26 juillet.

À Salagon, de la poésie rurale

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Expo Duy Anh Nhan Duc ©JMDAgruma

Le musée de Salagon est avant tout un musée ethnologique de territoire, dédié au patrimoine de la Haute-Provence. Son fonds, constitué de quelques 10 000 objets de la vie quotidienne rurale, offre un champ d’étude et de témoignage exceptionnel qu’il met en valeur par de nombreuses expositions.  

Le champ des possibles



Expo Duy Anh Nhan Đức ©JMDAgruma

L’église du prieuré accueille les installations du plasticien du végétal, Duy Anh Nhan Duc, artiste vietnamien né en 1983 à Ho Chi Minh-Ville et vivant à Paris. « Les créations que j’imagine, explique l’artiste, mettent en lumière des végétaux que nous connaissons tous, mais que parfois nous ne regardons plus ». Il cueille pissenlits, salsifis, chardons, blé, trèfle, seigle, chardons, allium, muscari, carottes, plantain, scabieuses, et crée des œuvres poétiques à partir de ces matières. La fragilité de l’instant, l’équilibre fugace des plantes, trouvent ici une expression sensible. La nature devient objet de contemplation au cœur de ces assemblages délicats. Le Champ des possibles, titre de l’une des œuvres est aussi celui de l’exposition, il présente une architecture étonnante formée des cypsèles des fleurs de pissenlit, sur une vaste étendue de fruits séchés. Le parloir des Souhaits invite à la méditation : une cabane/serre contient des milliers de graines prêtes à s’envoler dès que le vent actionné par une manivelle s’élève, nous incitant à nous rappeler les vœux de l’enfance.  

Olivers et jouets

L’arbre méditerranéen par excellence est l’objet d’une autre exposition, L’olivier, notre arbre. Arbre nourricier, arbre de paix, il habite les imaginaires. Sa force symbolique se retrouve dans une multitude de représentations. Son bois est employé pour des usages décoratifs et utilitaires. Son fruit est source alimentaire. Le parcours de l’exposition conçue en partenariat avec Avignon Université dans le cadre du programme européen Olive4ALL, conduit une réflexion sur les relations qu’entretiennent les sociétés méditerranéennes et cet arbre. 

Une autre exposition, Jouets retrouvés, met en valeur une partie méconnue du fonds du musée de Salagon. La définition du sujet ouvre des pans de réflexion : qu’est-ce qu’un jouet ? Certes, il sert à amuser un enfant, mais il dessine pour lui une image particulière du monde et le prépare à y participer, construisant une image mentale de son imaginaire et de la société dans laquelle il prendra place. C’est ainsi que le jouet permet de dessiner un panorama d’une époque et de son univers. Ceux de la première moitié du XXe évoquent avec éloquence un monde en pleine mutation. On voit la tôle remplacer le bois, le celluloïd apparaît (les poupons en cette matière commencent à être commercialisés en 1910), puis le plastique qui révolutionne dès les années 1950 l’univers du jouet, le démocratisant mais sexuant davantage encore ses destinataires, les préparant à une vie adulte compartimentée et normée.

MARYVONNE COLOMBANI

Le champ des possibles
Jusqu’au 30 novembre
Jouets retrouvés
Jusqu’au 15 décembre 2024
Musée de Salagon
04 92 75 70 50
musee-de-salagon.com

Attention poètes

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Voix vives 2022©️Gilles Hutchinson

L’édition 2022 du festival Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée avait attiré plus de 72 000 spectateurs à Sète. Du 21 au 29 juillet, Maïté Valles-Bled, fondatrice de la manifestation, y invite soixante-dix poètes, représentants d’une culture méditerranéenne dans toute sa diversité. De l’Algérie à Israël, du Portugal ou de l’Espagne au Liban en passant par la Palestine, la Syrie et bien évidemment la France. Ils font entendre la multiplicité de leurs voix. Pendant neuf jours et plus de 600 rendez-vous, la poésie investit les rues, les places, les jardins, le port, sur des bateaux… Avec des lectures, des lectures musicales, des ateliers d’écritures ainsi que des rencontres en langue des signes. Mais aussi toute une programmation jeunesse et de nombreux spectacles gratuits où la poésie se fait musique, chant, conte ou théâtre. De quoi donner à entendre pour tous les publics. Sans oublier un grand Marché du livre de la poésie, regroupant 110 éditeurs sur la place Léon Blum. Il sera possible d’y trouver une anthologie du festival, avec des textes des poètes invités, éditée en partenariat avec les éditions Bruno Doucey. Surtout ne pas rater le temps fort du festival au Théâtre de la Mer (et seul événement payant), le 27 juillet : le spectacle de Catherine Ringer, inoubliable voix des Rita Mitsouko. Accompagnée par le pianiste et compositeur Grégoire Hetzel, elle reprend les mots de la poète Alice Mendelson, 97 ans, laquelle a publié récemment L’Érotisme de vivre, son premier recueil de textes écrits entre 1947 et nos jours. Une ode à la vie, sensuelle et voluptueusement poétique. 

ALICE ROLLAND

Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée
Du 21 au 29 juillet 
Divers lieux, Sète
sete.voixvivesmediterranee.com