samedi 26 juillet 2025
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Les Suds, à Arles, boussole du monde

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© Florent Gardin / Arles Photographie.

Zébuline. Transmission, hybridation, création et appropriation. Ce sont les quatre termes que vous associez pour définir ce que sont les musiques du monde perçues et défendues par Les Suds, à Arles.

Stéphane Krasniewski. J’ai ressenti le besoin de réaffirmer notre vision des musiques du monde. Ce sont des musiques que l’on peine parfois à définir alors qu’elles sont à l’origine de toutes les autres. On peut avoir du mal à les entendre alors qu’elles sont écoutées partout. Et ces quatre valeurs sont celles sur quoi on fonde notre action. Ces musiques se transmettent pour diverses raisons. Cette année, on accueille beaucoup d’artistes qui illustrent de belle manière cette notion de transmission, aussi bien dans l’espace que dans le temps : de Perrate (10 juillet) à Maya Kamaty (le 14) en passant par la famille Chemirani (le 13). Ce sont des porteurs de mémoire car leurs musiques puisent leur inspiration dans un patrimoine et se transforment. On en arrive à l’hybridation. Il y a des projets qui se métissent sans rien perdre de leur force et de leur particularité. Ils nous racontent le monde d’aujourd’hui en faisant référence à une histoire, une culture. Je citerai les chants kurdes de Meral Polat Trio (14 juillet) ou le dialogue fécond entre Ballaké Cissoko, Segal, Peirani et Parisien (le 12 avec Les Égarés). Avec ces exemples se pose le questionnement d’actualité sur l’appropriation culturelle c’est-à-dire la légitimité des artistes à s’approprier un langage qui n’est pas le leur. Or j’ai le sentiment que les musiques du monde ne sont finalement que ça. Tinariwen (11 juillet), dans leur dernier projet, intègre des éléments de country dont le banjo qui est un descendant du guembri. Les musiques du monde sont des aller-retours incessants. Les questions légitimes d’appropriation, qu’il faut traiter, ne doivent pas nous enfermer ni être un frein à la créativité. Si on fige tout, cela peut devenir très dangereux.
Enfin, la programmation présente plusieurs créations. Celle de Serge Teyssot-Gay et Thibault Brunet (10 juillet), dont on est à l’origine, sur les stigmates, les cicatrices d’un événement comme les effondrements de la rue d’Aubagne, à Marseille. Celle des Chemirani ou encore la rencontre entre Rokia Koné et Raül Refree (le 12).

Cette 28e édition est particulièrement audacieuse car elle fait le pari de se passer de têtes d’affiche, telles que Bernard Lavilliers, Gaël Faye, Ibrahim Maalouf ou -M- pour citer celles programmées ces dernières années. On avait pourtant cru comprendre qu’elles étaient indispensables à l’équilibre et au succès du festival. Pourquoi ce choix ?

Je ne dis pas qu’on ne fera plus appel à elles. On a eu l’envie et la volonté cette année de s’inscrire à contre-courant de la course à la tête d’affiche qui finit par alimenter une machine semble devenir un  peu folle. On est face à une inflation assez forte des coûts de production des festivals – technique, assurance, restauration, hébergement… – mais aussi des cachets des têtes d’affiche. En se posant la question de notre responsabilité dans cette inflation, on a décidé de ne pas l’alimenter. Cette édition a donc l’ambition de prouver que l’identité du festival est suffisamment forte pour que le public puisse nous suivre sans nécessairement la présence de noms « grand public ». La Nuit Cumbia, par exemple, ne propose que des artistes inconnus en France ! C’est un pari, il n’est pas gagné, mais on est plutôt optimiste.

Il apparaît également un souci d’équilibre plus marqué entre les continents ou du moins les régions du monde et donc les grands courants musicaux auxquelles on peut les identifier…
On n’a pas une liste de cases à cocher mais on est vigilants. On essaie de respecter des grands équilibres pour être le plus, si ce n’est exhaustif, en tous cas le plus représentatif de la musique qui se fait aujourd’hui à travers le monde et de notre société. C’est donc, notamment, une édition paritaire. On n’en fait pas critères, mais quand on construit la programmation des Suds, tous ces questionnements sont sous-jacents. On sait intuitivement ce qui manque et on essaie de le corriger par la programmation. Si par exemple les artistes venus du Mali sont légèrement sur-représentés cette année, c’est non seulement parce que c’est un pays important sur le plan de la diffusion des musiques d’Afrique subsahariennes mais aussi l’occasion de remettre la lumière sur un pays en grande souffrance.

Comme régulièrement, un Moment précieux, ces concerts plus intimistes, est déplacé au théâtre antique pour le 14 juillet. Cette année, il s’agit du Trio SR9 (14 juillet) dont c’est l’unique date de l’été. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

C’est une proposition du label No Format ! sur laquelle j’ai craqué. La plupart des morceaux sont des titres connus internationalement, qui prennent une dimension incroyable. Ce projet, fin et intelligent, nous permet de comprendre pourquoi ils sont devenus des tubes. Il y a quelque chose dans la construction des morceaux qui, dépouillés de tous les oripeaux de la production, recentrés sur leur essence, ont une force incroyable. C’est aussi dû à l’interprétation des chanteuses et chanteurs invités sur le disque et qu’on retrouvera pour la plupart sur scène. Le spectacle n’a existé qu’une fois, à Paris, et n’avait initialement pas vocation à perdurer. La deuxième fois est chez nous et la troisième à L’Olympia en octobre. Seront présents à Arles, autour du Trio SR9, La Chica, Sandra NKaké, Malik Djoudi, Camille, Barbara Pravi et Flèche Love.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Les Suds, à Arles
Du 10 au 16 juillet
Divers lieux, Arles
suds-arles.com

Les femmes peignent

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Wook-kyung Choi dans son studio-1971©Estate of Wook-Kyung Choi et Kukje Gallery

L’expressionisme abstrait serait un mouvement américain, et ses grands en seraient Jackson Pollock, Mark Rothko et Robert Motherwell ? Si les encyclopédies et catalogues d’expositions citent aussi Lee Krasner parmi une la trentaine d’artistes hommes (blancs) du mouvement né à New York juste après la guerre, elle paraît bien seule…

L’exposition de 85 œuvres de peintres et chorégraphes des années 1940 à 1970 a pour but de mettre au jour les « ignorées », comme les nommait Anne Eden Gibson, dans son essai paru en 1998 Abstract expressionism, Other Politics, où elle souligne la place des femmes mais aussi des noirs comme Norman Lewis.

L’exposition Action, Geste, Peinture – Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale, 1940-1970 prolonge cette démarche de visibilisation des femmes à l’échelle du monde, en montrant qu’il y avait des peintres abstraites bien au-delà de New York et des États-Unis. Comme Bertina Lopes, aka Mama Be, Mozambicaine exilée en Italie, ou la Coréenne Wook-kyung Choi. Ou comme les 72 peintres ou plasticiennes exposées, et mises en regard avec les performances de treize chorégraphes, Martha Graham et Trisha Brown, mais aussi Yvonne Rainer ou Yayoi Kusama. Car les gestes des peintres de l’expressionisme abstrait sont profondément inspirés par ceux des pionnières de la danse contemporaine, qui elles-mêmes sont marquées par les studios et les mouvements des sculpteurs et peintres de l’époque.

Et van Gogh ?

L’exposition, inaugurée à la Whitechapel Galleryde Londres en février, ira après Arles au Künsthalle de Bielenfeld. Conçue et produite par les trois musées, elle prend cependant à Arles un relief particulier, en entrant également en dialogue avec cinq tableaux de van Gogh, une série intitulée « Sols fertiles ». La terre, la neige, la végétation, y prennent l’essentiel du cadre, et ligne d’horizon disparaît pour concentrer le regard sur les sols.

Van Gogh précurseur de l’expressionisme gestuel ? Ces cinq tableaux figuratifs s’attachent davantage au geste et à la matière vivante, et à la vibration des couleurs, qu’à une représentation impressionniste du réel…

AGNÈS FRESCHEL

Vincent van Gogh : Sols fertiles
Cinq peintures de Paris, Arles et Saint-Rémy-de-Provence
Du 3 juin au 22 octobre
Fondation Van Gogh, Arles
fondation-vincentvangogh-arles.org

Visites commentées tous les jours à 11h30 et 15h
Action, geste, peinture : femmes dans l'abstraction, une histoire mondiale (1940-1970)

Rencontres d’Arles : de la photographie consciente

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Fazla Rabbi Fatiq ©DR

Membre depuis l’année dernière du Collectif des festivals éco-responsables et solidaires (COFEES), les Rencontres d’Arles insistent fortement cette année sur sa dimension « engagée, solidaire et responsable », annonçant s’engager désormais plus concrètement dans une démarche RSO (responsabilité sociale des organisations). Une édition où, du 3 juillet au 24 septembre, vont résonner les grands débats du moment, autour de l’environnement, du genre, des luttes des minorités… à travers des expositions déployées en six séquences thématiques : De films en images, Mises en scènes, Revisiter, Géographies du regard, Réminiscences, Émergences. Le tout va traverser comme de bonne habitude tous les genres de la photographie (documentaire, plasticienne, vernaculaire, …) et rendre hommage à de grandes figures de la photographie, tout en valorisant la création contemporaine.

Il fait chaud

La question du réchauffement climatique, qui met particulièrement sous pression Arles et la Camargue, a poussé les Rencontres à sonder leur environnement proche, tout en s’interrogeant sur la respirabilité de ses lieux d’exposition. À Ground Control, ancienne halle industrielle de la SNCF, on y trouvera donc dans une « scénographie métallique réutilisable et démontable qui laisse circuler l’air » l’exposition Soleil Gris d’Éric Tabuchi et Nelly Monnier, saisissant les constructions les plus banales de France, de la ferme aux HLM en passant par les PMU ou les stations-services, sous un ciel gris : une tonalité de ciel qui risque de disparaître du paysage bientôt… Dans Ici près, au Monoprix, Mathieu Asselin, Tanja Engelberts et Sheng-Wen Lo vont présenter trois projets traitant des nuisances variées qui menacent l’équilibre écologique d’Arles et de ses environs, s’attachant à l’industrie, aux transports, à la vie animale et au réseau de distribution d’eau. Dans Insolare présentée au cloître Saint-Trophime, Eva Nielsen procède à une mise en image de la sédimentation des paysages solaires et liquides de la Camargue, qu’elle est allée observer sur le vaste îlot triangulaire formé par le golfe du Lion et la bifurcation du Rhône aux portes d’Arles. Et dans Les Enfants du fleuve, présenté au jardin d’Été, Yohanne Lamoulère s’intéresse au Rhône, qu’elle a remonté à contre-courant sur une embarcation fabriqué en matériaux de récup, de son delta jusqu’à son glacier.

Têtes d’affiche

Parmi les grandes figures de la photographie présentes à Arles cette année trois sont américaines : Gregory Crewdson, dont l’exposition à la Mécanique Générale réunit la trilogie, Cathedral of the Pines, An Eclipse of Moths et Eveningside : des photographies de facture cinématographique, spectaculaires, dix ans d’Amérique, entre 2012 et 2022, « un monde happé par une brutalité lente ». Le palais de l’Archevêché accueillera lui une rétrospective Saul Leiter, peintre et photographe, qui a exploré pendant 60 ans le tumulte de New York, paradigme de la modernité. Et au Parc des ateliers, ce sera Diane Airbus, 450 tirages (!) présentés sous la forme d’une installation immersive : Constellation. D’autres pointures, cinéastes, seront présentes par l’intermédiaire de leurs photographies ou de leurs « scrapbooks » mêlant photos, journal intime, dessins, timbres, cartes postales, coupures de presse, etc. Les photographies, ce seront celles de la Pointe Courte, quartier populaire de l’étang de Thau, réalisés par Agnès Varda, avant d’y ancrer son premier film tourné en 1954 (cloître Saint-Trophime). Et les polaroïds de Wim Wenders, pris lors de la préparation de L’Ami américain, film noir sorti en 1977 (Espace Van Gogh) qui contribuera fortement à sa reconnaissance. Quant aux scrapbooks, ils seront signés Derek Jarman, Jim Jarmusch, Stanley Kubrick et Chris Marker (Espace Van Gogh).

Cryptoportiques

À noter : les rencontres ouvrent un nouveau lieu d’exposition, les cryptoportiques, galeries souterraines vieilles de plus de 2 000 ans, qui formaient le soubassement de l’ancien forum de la ville romaine. Ils vont accueillir l’exposition de Juliette Agnel La main de l’enfant réalisées dans les grottes préhistoriques d’Arcy-sur-Cure, réflexion en images sur le temps, les traces, la lumière et l’obscurité.

MARC VOIRY

Rencontres d’Arles
Du 3 juillet au 24 septembre
Divers Lieux, Arles et alentours
rencontres-arles.com

Toute une Semaine à co-vivre

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La Beluga ©DR

Des ateliers pour apprendre à fabriquer ses cosmétiques ou à reconnaître le goût de l’eau, à réparer ses objets cassés et son vélo ; un marché local, avec Amap, vrac et maraichage ; des forums pour parler sècheresse ou alimentation durable, pour co-construire et éco-rénover ; une super guinguette et des jeux de société… La Semaine Convivència est un véritable carrefour de la nécessaire transition pour une planète vivable, et des alternatives à une consommation délétère.

Puis, dès 19h30, la scène accueille des découvertes, avant les concerts du soir.

Le 8 juillet, en ouverture, une création de Meryem Koufi. La chanteuse subtile que l’on avait découverte dans son flamenco poétique et féministe retrouve aujourd’hui le répertoire algérien et arabo-andalou, accompagnée au mandoluth par Hakim Hamadouche. Pour un hommage aux grandes voix féminines…

Le 9 juillet La Beluga, non pas la baleine mais l’étincelle en occitan. Le trio distille la rencontre, entre poésie persane ou trobairitz féministes, instruments médiévaux et ordinateurs, musique trad et rythmiques multiples.

Le 10 juillet le chaâbi pop de Jawhar ! Il chante de sa voix chaude, en arabe, sa Tunisie, sur des rythmiques lancinantes, avec une nostalgie émouvante.

Le 11 juillet, c’est tout le sud italien, des Pouilles à Naples et la Sicile, la Sardaigne, que le duo féminin Nannani traversera. Il suffit d’un accordéon, et d’une chanteuse à la voix rauque qui sait vibrer et monter, et toute la tragédie des femmes que l’on dit fortes est là.

La semaine se conclura le 12 juillet avec la fougue des Fatum Fatras. Quatre garçons et une fille qui aiment les chapeaux, les Balkans, l’esprit fanfare mais au cordeau, le klezmer, le rebetiko et les mélismes. Et vous fait danser ou pleurer, dans un esprit intemporel !

A.F.

Semaine Convivència
Du 8 au 12 juillet
Boulodrome Daillan, Arles
convivenciaarles.wixsite.com
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Moun Fou crédit Franck Petricenko

La ville est à nous toute

Entre mer et étang, usine et nature, ville et campagne, ciel et sable, tradition et créativité, Martigues est un joyau paradoxal, une « Venise provençale », un ici qui fait penser à des ailleurs et inspire les artistes. La ville qui a vu naître Felix Ziem ou Clara Luciani,qui a inspiré Dufyou Derain, est le décor parfait de La Cuisine au beurre et Titane, et aussi du sublime Toni de Jean Renoir…

Aimée des artistes en tant que ville populaire, Martigues construit patiemment une politique culturelle nouvelle et ambitieuse. En investissant massivement dans son conservatoire, sa médiathèque, son cinéma municipal, sa scène nationale, son musée Ziem, pour que chacun ait accès aux arts. En développant ses studios de cinéma qui sont aujourd’hui reconnus par tous comme un pôle d’excellence. En soutenant de façon très volontariste les artistes et opérateurs culturels du territoire, qu’ils soient centres nationaux ou groupe local de hip-hop. Et en affichant une politique estivale proposée gratuitement aux habitant·e·s : Fadas du Monde.

Le nom de la manifestation, qui n’est pas un festival et pas non plus seulement une programmation estivale, en dit bien l’esprit : un brin de folie, une connotation locale, et l’affirmation que la Provence n’est pas une identité rancie mais une porte ouverte à tous les vents du monde. Avec cependant cette année, en dehors du village, un gros problème d’absence de femmes dans les choix artistiques opérés par les centres sociaux, les associations partenaires et les services de la ville.

Au programme, masculin

Des rendez-vous réguliers auront lieu du 30 juin au 30 août. Tous gratuits. Mais (presque) tous aussi seront des rendez-vous avec des hommes. Ciné Fada se déplace dans tous les quartiers de Martigues pour seize projections en plein air. Un choix de programmation, opéré avec les centres sociaux et l’association Passeur d’images, franchement problématique. On est content de retrouver Si on chantait de Fabrice Maruca, West Side Story de Spielberg voire Les Minions ou Problemos de Éric Judor (film politico-parodique merveilleusement raté), mais il n’est plus possible aujourd’hui de proposer une programmation de seize réalisateurs sans réalisatrices. Les centres sociaux veulent ils faire entendre aux jeunes martégales que la réalisation n’appartient qu’à leurs frères ? Après la Palme d’Or de Titane, c’est un peu paradoxal ! Malheureusement les rendez-vous musicaux du Quartiers pop, qui tournera dans les quartiers, seront eux aussi tous masculins. Très chouettes et festifs, marseillais (ou ciotadens), mais masculins. Le dernier CD de Papet J est formidable, comme les systèmes mobiles des DJ de Mobylette Sound System ou du très ingénieux Walkabout Sound System, mais il est temps de montrer aux filles des quartiers qu’elles peuvent être DJ… Comment faire si elles n’en voient pas l’exemple ?

D’autant qu’elles n’en verront pas non plus dans les expositions. Pas dans Felix Ziem et la Méditerranée, pas non plus dans l’hommage photographique au 7e Art : les deux photographes invités sont Bernard Plossu et Stéphan Zaubitzer, eux aussi deux immenses artistes qui ne sont en rien responsables de la non mixité de la programmation, et qu’il faut aller voir ! Le travail de Zaubitzer sur les salles de cinéma du monde, plus ou moins désaffectées, est d’une nostalgie douce et amère ; et que le regard de Plossu, sa Cinégraphie, résonne effectivement comme un documentaire intérieur du monde.

La troisième édition de Sambouk, qui accueille durant 1 mois (du 8 juillet au 6 août) des artistes du monde arabe et du Moyen Orient, a retenu cette année Nadhem Bchini, cinéaste d’animation tunisien, Sid Ahmed Meddah, marionnettiste algérien. Ce sont eux qui proposeront aux enfants, petites filles et petits garçons, des ateliers, des discussions sur leur travail, des présentations de leurs œuvres.

Au programme (un peu) mixte

Les spectacles et concerts sont eux aussi très majoritairement masculins, mais avec quelques belles exceptions féminines, voire féministes. Le rock Oai Star marseillais, le reggae tout aussi marseillais de Joe Corbeau, le flamenco du martégal Éric Fernandez, ne jouent qu’entre hommes, mais Social dance est un trio pop mixte (marseillais lui aussi) et Czesare une auteure-compositrice-interprète montante très prometteuse, pourra, enfin, servir d’exemple aux jeunes filles… D’autant que l’excellent quatuor féminin occitan La Mal Coiffée lui succèdera, pour défendre les trobaïritz anciennes et nouvelles !

Quant à Rivages amers, un spectacle de danse et de mapping conçu conjointement par Enlight (quatre hommes vidéastes qui ont conçu le mapping) et Regard d’Orphée (sept danseurs dont deux danseuses), il propose un très beau regard sur la vie ouvrière, ses gestes, ses décors, à l’usine et aussi vers la mer… sans oublier qu’il y a aussi des ouvrières (merci pour elles) à l’heure où la secrétaire générale de la CGT est enfin une femme !

AGNÈS FRESCHEL

Fadas du Monde
Du 30 juin au 30 août
Divers lieux, Martigues
fadasdumonde.fr
Au Village sans prétention
Le Village, qui prend place au Théâtre de Verdure, au Jardin et à la Plage de Ferrières, est conçu, construit et programmé par les habitant·e·s, qui y travaillent depuis février en collaboration avec les services de la ville et les 8 Pillards de Marseille, qui sont surtout des Pillardes et n’ont pas oublié les femmes.
La programmation au Village est en cours de construction… mais on sait déjà qu’elle ouvrira avec Medusa, groupe féminin de cumbia marseillaise, qui déménage ! Elles seront suivies par Mouss et Hakim, nos deux frangins de Toulouse, motivés comme jamais, qui jouent aux Darons de la Garonne en reprenant Nougaro.
Après, place à Bobba Ash, rappeur marseillais des soirées Tue l’amour, puis au collectif de rap émergent La Frappe, créé par Marsatac. Ça va faire du bruit ! Et il y aura aussi KT Gorique, preuve vivante que les filles savent rapper et slamer, et sacrément bien !
La fête au Village se conclura par un grand bal afro antillais avec Difé Kako. Entretemps, ne pas rater Mon Fou, un spectacle déambulation de Rara Woulib, qui se construit avec les récits des « sans voix » de la société, les exclus du débat, dans chaque ville où la compagnie, riche de sa diversité, fait escale. Longuement, pour donner corps et puissance, chaque fois, à ceux, et celles, que la société ne sait pas voir. 
A.F.

Le Village
Du 24 juillet au 6 août
Anse de Ferrières, Martigues

Aix-en-Provence, capitale de l’opéra

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Theatre-de-lArcheveche-Festival-dAix-en-Provence-2022-©-Vincent-Beaume

Depuis 75 ans, le Festival d’Aix-en-Provence reçoit des artistes aussi fameux que reconnus, que ce soit sur scène, en fosse ou à la mise en scène.  L’opéra de Quat’sous de Brecht et Weill ouvrira les festivités, dans sa version d’origine avec dix multi-instrumentistes autour de Maxime Pascal. Thomas Ostermeier dirigera des acteurs de la Comédie-Française, avec notamment Elsa Lepoivre, Christian Hecq et Benjamin Lavernhe. Tradition oblige, Aix-en-Provence célèbrera Mozart avec Cosi fan tutte dirigé par Thomas Hengelbrock et mis en scène sous forme d’un jeu de rôle de couples par Dmitri Tcherniakov, ce qui devrait évoquer des souvenirs aux spectateurs de son Carmen de 2017.

La création mondiale du Festival au Jeu de Paume sera très attendue. Picture a day like this est signée George Benjamin et Martin Crimp, figures majeures de l’opéra contemporain, de retour à Aix onze ans après Written on skin. Sir George dirigera son œuvre et un casting vocal autour de l’incontournable mezzo Marianne Crebassa, sur une mise en scène de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma.

Casting stellaire

Autre sir, Simon Rattle dirigera au Grand Théâtre de Provence (GTP) le prestigieux London Symphony Orchestra sur Wozzeck de Berg, revu et corrigé par Simon McBurney avec Christian Gerhaher dans le rôle-titre. Philip Venables verra lui la création européenne au Pavillon Noir de son dernier opus, The Faggots & Their Friends Between Revolutions, utopie-fantaisie queer adaptée de Larry Mitchell, co-créée et mise en scène par l’audacieux Ted Huffman.

Le Festival créera également l’événement avec trois opéras en version concertante au GTP réunissant des castings stellaires. L’immense vedette lyrique Jonas Kaufmann sera Otello, et fera face au Iago de Ludovic Tézier et à la Desdémone de Maria Agresta ; le public retrouvera en fosse Michele Mariotti et les Chœurs et Orchestre du Teatro San Carlo de Naples. Lucia di Lammermoor sera donné dans une rare version française avec la soprano Lisette Oropesa, née pour le rôle-titre qu’elle a chanté à la Scala, à Salzbourg et au Met, et ici en excellente compagnie (Florian Sempey qu’on ne présente plus, le ténor belcantiste montant Pene Pati, Nicolas Courjal, le chef Daniele Rustioni et son Orchestre de Lyon…). L’immense Anita Rachvelishvili et le ténor John Osborn porteront eux Le Prophète, grand-opéra de Meyerbeer trop négligé par le répertoire qui sera dirigé par Mark Elder.

Le Festival programmera en sus des opéras une quinzaine de concerts quatre étoiles : un récital de mélodies de l’incroyable Pretty Yende à l’Hôtel Maynier d’Oppède, la Missa Solemnis de Beethoven au GTP par l’Orchestre Balthasar Neumann, deux concerts symphoniques du London Symphony Orchestra avec la 7e de Mahler ou le concerto n°3 de Rachmaninov par Kirill Gerstein et dirigé par Susanna Mälkki… Une pluie de chefs-d’œuvre en perspective !

PAUL CANESSA

Festival d’Aix-en-Provence
Du 4 au 24 juillet
Divers lieux, Aix-en-Provence
festival-aix.com

Mon royaume pour une mandoline !

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ACADEMIE DE MANDOLINE ET GUITARE DE MARSEILLE

Pour sa troisième édition, le rendez-vous du plectre déjà devenu incontournable s’invitera à Marseille du 5 au 14 juillet. Et preuve du développement du festival, il s’ouvrira au Conservatoire le 5 juillet à 21 h par un grand concert « Mission Mandoline ». Un clin d’œil à Lalo Schifrin, célèbre compositeur de la B.O. de Mission Impossible et sollicité avec l’entrain d’un agent secret par Vincent Beer-Demander, grande figure de la mandoline française et directeur du festival, pour composer un concerto pour son instrument. Dans le programme de la soirée, on retrouvera Schifrin mais aussi Vladimir Cosma, Régis Campo et Nicolas Mazmanian, qui ont tous écrit pour Beer-Demander. À ses côtés, le public admirera la claveciniste Riho Ishikawa et l’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Benjamin Lévy.

Jeunesse et sommité

La cour du palais Carli recevra aussi le soliste Hamilton De Holanda le 10 juillet pour l’autre grand événement du festival, qui sera rediffusé par France Musique en septembre. Sommité mondiale de la mandoline, l’artiste brésilien sera accompagné de son compère Ricardo Sandoval et d’un orchestre de cent instruments à cordes pincées dirigé par Vincent Beer-Demander. Il interprètera la Suite Retratos de Radamès Gnattali et la Saudade da Selva Brasileira de Villa-Lobos, et créera sur sa bandolim brésilienne ses Caprices pour mandoline solo et orchestre et son Concertinho Colibri.

Comme les années précédentes, le festival mettra l’accent sur la formation et la jeunesse, avec notamment le ciné-concert gratuit des « minots » de l’Académie de Mandoline le 8 juillet, un grand concours international les 10 et 11 juillet, ou les concerts à travers la ville du jeune Quatuor à Plectre Phocéen. La Compagnie VBD célèbrera le 6 juillet à la Maison du Chant la chanson française avec le ténor Rémi Beer-Demander et la soprano Pascale Sicaud. Le Musée d’Histoire de Marseille verra le Quintette à plectres de France évoquer le vin en musique le 7 juillet, et le mandoliniste Tony Coullet partager son éclectisme le 9 juillet, de la harpe de Manon Opavska au rappeur Dooz Kawa. Le musée Granet à Aix-en-Provence accueillera le 14 Sinfonia Napoletana, une création sentant bon le baroque campanien avec Vincent Beer-Demander, Jean-Marc Aymes au clavecin, la soprano Raphaële Kennedy et le Quatuor Jardin Musical. Une clôture d’exception pour un festival célébrant chaque année un répertoire en devenir – sur lequel on espère retrouver, l’an prochain des compositrices !

PAUL CANESSA

Mandol’in Marseille Festival
Du 5 au 14 juillet
Divers lieux, Marseille
mandolinmarseillefestival.com

Extérieur nuit

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COLLEGE AUGUSTE RENOIR © Guillaume BARBERO CDST

Il se balade dans quelque 25 lieux marseillais. Le festival Ciné Plein-Air va de nouveau occuper cet été certains des plus beaux sites de la Ville. Dès la tombée des jours, les toiles se déploieront sous les étoiles. 35 films, 35 projections : des comédies, des drames, de l’animation, des blockbusters, des films du répertoire à découvrir ou à retrouver comme de vieux amis. Une programmation riche et variée qui donne à voir et à entendre avec de nombreux films musicaux. Des temps très forts jalonneront ces nuits d’été.  

Ainsi, le 18 juillet, le Théâtre Silvain accueillera Dorothy Gale alias Judy Garland, l’épouvantail sans cerveau, l’homme de fer blanc sans cœur et le lion sans courage dans un des films les plus célèbres de l’histoire du cinéma (classé au Registre International Mémoire du Monde) : Le Magicien d’Oz de Victor Fleming. Le 25 juillet, aux Archives départementales, on pourra savourer un autre grand classique qui n’a pas pris une ride,  toujours hilarant, inventif, et incisif : Les Temps Modernes de Charlie Chaplin (1936). Le 29 juillet, au Mucem, Robert Guédiguian présentera Les Neiges du Kilimandjaro (2011), un de ses meilleurs films, qui réunit à l’écran, entre drame et comédie, une fois de plus, Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride.  

Plaine de l’Ouest

Le 14 août, sur la place Jean Jaurès, plaines de l’Ouest et western spaghetti ! Terence Hill et Henri Fonda crèveront l’écran dans Mon nom est personne de Tonino Valerii et Sergio Leone. Les 25 et 26 août, de la musique avant toute chose au somptueux jardin du Pharo –John Morris et Léonard Berstein, compositeurs respectifs de Dirty Dancing (1987) et de West Side Story (version Steven Spielberg en 2021). Dans le premier, Jennifer Grey et Patrick Swayze réunis par Emile Ardolino, réchaufferont nos nuits déjà brûlantes, pour une danse ultra sensuelle. Dans le second, les Jets et les Sharks désunis n’en finiront pas de se battre et le poignant hymne à l’amour pour Maria de retentir.

Notons que cette édition revient le 19 juillet à son berceau : la place du Refuge – de nouveau ouverte au public après de longs travaux, où le premier Ciné Plein-Air a débuté avec sa programmation modeste de cinq longs métrages. On y projettera Comme un aimant (2000) réalisé par Akhenaton et Kamel Saleh, qui se déroule dans ce même quartier populaire du Panier, et propose une B.O. mythique !

Voir sur grand écran, en extérieur nuit, tous ces beaux films – madeleines pour les uns, découvertes pour les autres, cadeaux pour tous –, est un moment de plaisir à ne pas bouder.

ÉLISE PADOVANI

Ciné Plein-Air
Du 28 juin au 22 septembre
Divers lieux, Marseille
seances-speciales.fr

Les continents du jazz se retrouvent à Marseille

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Morcheeba

Pour cette nouvelle édition de Marseille Jazz des cinq continents, l’organisation nous a réservé quelques nouveautés. Le plus souvent des bonnes surprises certes, mais aussi des mauvaises. On est par exemple attristé par la fin des concerts conviviaux qui se tenaient sur la terrasse de la villa Gaby, surplombant la corniche et toute la rade de Marseille. Ces soirées, en amont de l’ouverture, mettaient en avant les musiciens talentueux de la scène locale. Autre chagrin, il n’y a plus que trois soirées au lieu des cinq traditionnelles programmées dans les jardins du palais Longchamp. Dur. Renseignements pris auprès du festival, les concerts de la villa Gaby disparaissent suite à la volonté de l’organisation de réduire les concerts hors les murs, qui sont nombreux avant et après les dates officielles du festival (le Parcours métropolitain compte seize dates et seize lieux entre le 1er juin et le 25 novembre) engendrant une surcharge de travail pour les équipes du festival. Quant aux deux soirées qui disparaissent de la programmation des jardins du palais Longchamp, c’est la conséquence directe d’une « baisse substantielle de subvention » de la part de la Ville de Marseille…

On sourit !

Par contre, deux nouvelles nettement plus souriantes : renouant avec le principe d’une date par édition dans un nouveau lieu, principe interrompu l’année dernière, le Marseille Jazz des cinq continents fera son ouverture au Théâtre de la Sucrière, l’amphithéâtre de 1200 places du parc François Billoux (15e arrondissement), le samedi 8 juillet, avec deux créations : la première est le fruit de la rencontre inédite de quatre jeunes musiciennes en pleine ascension : d’un côté la pianiste et chanteuse Clélya Abraham et la batteuse Ananda Brandão, étoiles montantes du jazz hexagonal et fines connaisseuses des musiques caribéennes ; de l’autre, la saxophoniste Sintia Piccin et la bassiste et chanteuse Ana Karina Sebastião, figures de l’inépuisable vivier de la musica popular brasileira. Concert d’ouverture qui sera suivi par la création de Kay, Lettre à un poète disparu, de Lamine Diagne, musicien et conteur, accompagné de ses musiciens, et du cinéaste Matthieu Verdeil, spectacle autour de la présence du poète jamaïcain Claude McKay à Marseille au milieu des années 1920, du temps de l’arrivée du jazz dans la ville.

Autre nouveauté réjouissante : l’invention d’un jazz club éphémère au Conservatoire Pierre Barbizet : ouvert du 24 au 27 juillet de 22 h à 2 h, d’où son nom : le JazzClub 222. Un hommage à Pierre Barbizet, illustre directeur du Conservatoire de Marseille, qui créait à Marseille il y a soixante ans exactement, dans son Conservatoire, la première classe de jazz de France. Il y aura, le 24, le trompettiste new-yorkais Michael Leonhart, le 25, Ishkero, groupe phare de la nouvelle scène française, le 26, ElliAViR, groupe lauréat du tremplin ReZZo de Jazz à Vienne 2022, et le 27, un Grand bal jazz autour de l’actuel directeur du Conservatoire, Raphaël Imbert, entouré d’un combo pétillant et joyeux. À noter qu’il est fort probable, vu la densité des artistes de jazz présents à Marseille à cette période, qu’il y ait quelques (très) belles surprises supplémentaires…

Et aussi

L’ADN du jazz, peut-être encore plus que dans toutes les autres musiques, est sa diversité. Elle est célébrée à chaque édition depuis sa création par le festival, et la programmation 2023 ne fera pas exception ! De la Vieille Charité (du 11 au 13/07), à l’abbaye Saint-Victor (le 16), au Mucem (le 19), au Théâtre Silvain (du 20 au 22) jusqu’aux jardins du palais Longchamp (du 25 au 27). Que ce soit avec la présence des très connus Brad Mehldau (le 13), Dianne Reeves (le 20), Chilly Gonzales (le 21), Marcus Miller (le 22), Gilberto Gil (le 25), Morcheeba et Selah Sue (le 27). Ou avec Dhafer Youssef (le 11) compositeur, maître du oud et vocaliste envoûtant, qui fait dialoguer l’influence du soufisme et le jazz, la musique indienne et les instruments électriques. L’éclosion de Samara Joy (le 25) chanteuse auréolée de deux Grammy Awards cette année : « Best Vocal Jazz Album » et « Best New Artist » ! Les mots d’Oxmo Puccino, qui dialoguera avec les lignes mélodiques du pianiste Yaron Herman (le 12). Ou encore la fusion orient-occident de Sarab, la sagesse du percussionniste Kahil El’Zabar (le 19), la fraîcheur et l’humour d’Emile Londonien, accordant culture clubbing et tradition du trio jazz, les ponts jetés vers le dub-step et les sonorités de la diaspora africaine, de la cumbia au calypso, par la saxophoniste et compositrice britannique Nubya Garcia, ou bien le voyage intime proposé par l’immense joueur de kora Ballaké Sissoko (le 16). Une infinité de mondes, pour tout le monde.

MARC VOIRY

Marseille Jazz des 5 continents
Du 11 au 27 juillet
Divers lieux, Marseille
marseillejazz.com

Danse d’envol et de mots à Châteauvallon

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Le musée des contradictions © DR

C’est un véritable retour aux sources pour Châteauvallon qui accueille, du 22 juin au 26 juillet, rien de moins que le Nederlands Dans Theater, Antoine Le Ménestrel, la Compagnie Accrorap et le Ballet de l’opéra national du Rhin ! Quatre propositions singulières comme autant de figures représentatives de l’art chorégraphique contemporain. Basé à La Haye, le Nederlands Dans Theater fondé en 1959 par Benjamin Harkarvy, Rudi van Dantzig et Hans Van Manen n’a cessé de se renouveler et de cheminer hors des sentiers battus pour s’imposer comme l’une des plus brillantes compagnies dans le monde. Pour preuve le diptyque The Big Crying chorégraphié par Marco Goecke et Bedtime Story par Nadav Zelner qui offrent aux interprètes un champ d’expression et de recherche gestuelle immense. Tout de noir vêtus pour mettre à nu le chagrin lié au deuil dans The Big Crying, opus très personnel de Marco Groecke, les danseurs déploient « une spectaculaire énergie au service d’une esthétique du désespoir » tandis que Bedtime Story les plongent dans un univers à la lisière du fantastique quand, au réveil, le rêve et le réel n’ont pas encore divorcé…

Avec le danseur-traçeur Antoine Le Menestrel, la poétique de la danse s’exprime au corps à corps avec la pierre des façades qu’il arpente à la fois majestueusement et humblement, pour dessiner d’émouvantes Lignes de vie. Récemment installé à la Friche la Belle de Mai à Marseille, Kader Attou convie des danseurs hip-hop du territoire à investir son propre univers le temps d’un Prélude « tout-terrain » propice à faire émerger un hip-hop renouvelé et métissé. Une belle entrée en matière pour sceller son implantation régionale.

Régulièrement invités par Châteauvallon-Liberté scène nationale avec leur Compagnie Des petits champs, les metteurs en scène Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro (on se souvient de Yerma, Noces de sang, Andando Lorca 1936 ou encore Monsieur de Pouceaugnac) créent l’événement à double titre. Parce qu’ils s’allient au chorégraphe Bruno Bouché, directeur du CCN – Ballet de l’opéra national du Rhin depuis 2016, et se réapproprient le film magistral On achève bien les chevaux réalisé par Sydney Pollack sur l’histoire de couples en quête d’espoirs lors de la terrible crise sociale et économique de 1929 aux Etats-Unis. Gageons qu’ils n’entrainent pas littéralement les 32 danseurs du ballet et les huit comédiens à danser et jouer jusqu’à l’épuisement… total ! Une adaptation qui sans doute fera date car elle offre à la vue de tous la vulnérabilité de l’artiste et son engagement profond.

Pauses théâtrales et poétiques

Si le Festival d’été version 2022 a proposé pas moins de seize rendez-vous, toutes disciplines confondues, l’édition 2023 n’en compte plus que sept. Une restriction peut-être due à la présence au long cours de Bartabas (six représentations) avec son dernier ballet équestre Mozart – Requiem qui réunit pour l’occasion l’Académie équestre nationale du domaine de Versailles dont il assume l’encadrement depuis 2003, l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Toulon dirigés par Nicolas Krüger. En 2019 déjà, Bartabas et son théâtre équestre Zingaro avaient fait les beaux jours de la scène nationale en investissant la plage du Mourillon à Toulon avec Ex Anima, un hommage au cheval en forme de rituel. Aujourd’hui, il s’inspire du rôle des chevaux dans les rites funéraires pour créer « une majestueuse offrande à Mozart – au risque de troubler les puristes » plus habitués aux versions « traditionnelles » du Requiem que celles additionnées de musique amplifiée.

Les lectures musicales résonnent particulièrement dans l’environnement boisé de Châteauvallon plus propice encore à l’écoute et à la proximité avec le verbe. Cet été, le comédien Alain Fromager – complice de Charles Berling dans la pièce Art de Yasmina Reza en 2017 – et le tambourinaire Daniel Leloux font entendre le langage déconstruit et recomposé du texte Héros-Limite du poète français d’origine roumaine Ghérasim Luca. Dans cette profération, « il y a place pour la relaxation, le rire, le foudroiement. Place également pour le désir, l’amour et la passion qui, passionnément, ne ment pas ». En prolongement de ce temps suspendu, le Collectif Ildi ! (Sophie Cattani et Antoine Openheim) fait sien Le Musée des contradictions d’Antoine Wauters, prix Goncourt de la nouvelle en 2022. Un recueil politique et poétique composé de douze discours qui permettent à l’auteur d’interroger notre monde, et au collectif de faire résonner au cœur de la forêt le « souffle ample et volubile » du texte.  Une belle manière de clôturer le festival sous les murmurations du vent et des mots.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Festival d’été de Châteauvallon
Du 22 juin au 26 juillet
Châteauvallon, scène nationale d’Ollioules
chateauvallon-liberte.fr