mardi 22 avril 2025
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Jean-Pierre Raffaelli, serviteur amoureux du théâtre

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Jean-Pierre Raffaelli © X-DR

La disparition de Jean-Pierre Raffaelli qui vécut toute sa vie au service du théâtre à Marseille a bouleversé le grand nombre de comédien·ne·s qu’il a formé·e·s. Marseillais, il avait commencé à travailler avec Marcel Maréchal et animé l’Ecole de la Criée jusqu’en 1995. Puis il avait été nommé professeur au Conservatoire où il finit sa carrière. Sa passion l’a conduit à participer à la création des enseignements théâtre en lycée avec Jean Pierre Berthier, au lycée Marseilleveyre, une des deux premières classes théâtre en France. Parallèlement il a aussi été très actif auprès des troupes de théâtre amateur, animant stages et conférences, enseignant la dramaturgie à l’université d’Aix-Marseille.

De nombreux enseignant·e·s se sont aussi formé·e·s à son contact et repartaient, nourri·e·s, retrouver leurs élèves et réaliser des projets de création. L’une d’entre elles, Anne-Marie Bonnabel a animé pendant vingt ans les classes théâtre du lycée Marseilleveyre avec sa collaboration. Sa voix frémit et ses yeux brillent quand elle évoque « son appétit incroyable de culture, son immense érudition, son exigence d’artiste… Plusieurs générations d’anciens élèves l’ont accompagné le 21 septembre dernier au cimetière de Cucuron pour rendre hommage à celui qui fut à un moment de leur formation et de leur vie, un maître. »

Parmi les nombreux·ses comédien·ne·s passé·e·s par ses cours du Conservatoire, on pense – dans le désordre, et on ne peut les nommer tous – à Hélène Milano, Carole Errante, Alexis Moati, Marc Menahem, Carlos Martins, Guillaume Fafiotte… Certain·e·s sont resté·e·s dans la région, d’autres ont essaimé. Aucun·e ne l’oubliera.

CHRIS BOURGUE

Plexus Rouge accueille l’Ukraine

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Cross, Tchina Ndjidda © Aurore Klein

Bras armé du réseau européen RedPlexus, le festival Plexus Rouge se propose depuis plus de dix ans de transgresser les codes au cœur des villes en faisant la part belle à la performance. Après une première action conjointe menée à Paris en 2014, à l’époque de la révolution Maïdan à Kiev, c’est à nouveau vers l’association ukrainienne Q Rators que le festival marseillais s’est tourné pour lancer une invitation à cinq artistes sur le sol français. « L’idée était de leur proposer une résidence de deux mois à la Friche et dans le quartier de la Belle de Mai, de les mettre en contact avec des associations et d’autres artistes, d’organiser des workshops et de présenter leur travail dans le Plexus Rouge », explique Christine Bouvier, directrice artistique du festival.

Elargir l’horizon
Articulés autour du trauma de guerre, de l’exil forcé ou de la résilience, les résultats seront visibles en deux temps forts : le 21 octobre, rendez-vous de 18h30 à 22h30 Place des Horizons, au sein de la Friche, pour y découvrir une installation participative du groupe Radio Surrealism, une action performative chuchotée de Valentina Petrova, une digression autour de tutos de défense par Lera Polianskova, une expérience ludique à tendance érotique d’Alina Kopytsa… Le lendemain, le festival s’associe aux dix ans de l’association En Chantier pour organiser des ateliers participatifs dès 15h30, suivi d’un banquet dès 19 heures. En fil rouge, le danseur camerounais Tchina Ndjidda présentera son solo Cross, retraçant un parcours de migrant clandestin : « son engagement et son positionnement résonnent avec le vécu et l’engagement des artistes ukrainien·e·s et sa présence élargit l’horizon », commente Christine Bouvier. En amont du festival, la projection du film Vous qui gardez un cœur qui bat d’Antoine Chaudagne et Sylvain Verdet, a lieu le mercredi 19 octobre au Gyptis à 19 heures, suivie d’une rencontre avec les artistes programmés les jours suivants.

JULIE BORDENAVE

Plexus rouge spécial Ukraine
21 et 22 octobre
Friche Belle de Mai et place Cadenat, Marseille 
redplexus.org 

Bagouet intemporel

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Necesito © Ferrante Ferranti

Courant sur à peine une quinzaine d’années, l’œuvre chorégraphique de Dominique Bagouet a révolutionné la création contemporaine française. Trente ans après sa mort, si la pertinence du chorégraphe est vivace, son répertoire n’est que trop rarement réinterprété. Grâce au travail de transmission portée par Rita Cioffi, l’une des danseuses du projet initial, Necesito, pièce pour Grenade, œuvre ultime de Bagouet, a été remontée. Créée en 1991 puis remaniée en 1992, la pièce renaît dans sa version intégrale, reconstituée jusqu’à la bande son, la mise en lumière et au décor d’origine, grâce aux archives contenues dans les « Carnets Bagouet ».

C’est aux jeunes danseurs·ses de l’Ensemble chorégraphique du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris qu’a été confiée la réincarnation de la pièce. Neuf interprètes épatants, totalement investi·e·s dans cette rêverie chorégraphique, inspirée par les souvenirs d’enfance d’un voyage en Espagne. Les trois garçons et six filles de la compagnie pré-professionnelle redonnent vie avec élégance aux mouvements imaginés par le fondateur du festival Montpellier Danse, emporté par le sida à 41 ans. Une écriture subtile et légère, dans laquelle la fluidité du geste et sa dimension figurative nous plongent dans l’imagerie populaire liée à l’histoire espagnole. De l’époque arabo-andalouse à la Reconquista, de la dictature franquiste à la Movida, de la gestuelle flamenca à la culture tauromachique en passant par les fontaines des jardins de l’Alhambra et les Ramblas de Barcelone, Necesito compose un tableau où chaque personnage évolue, porté par une soif de liberté qui défie les aléas de l’histoire. Quitte à l’enjoliver pour nous enchanter.

LUDOVIC TOMAS

Necesito, pièce pour Grenade a été donnée le 7 octobre à Klap – Maison pour la danse, à Marseille.


Image d’archive :

« Necesito » par la compagnie Bagouet en 1991 © photo Marc Ginot

Une encre noire se jette dans la rade 

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Potochkine © X-DR

Il n’était pas évident d’imaginer un grand festival de musiques actuelles en plein mois d’octobre à Toulon. Il aurait été plus facile de l’organiser en été, quand les touristes sont légion dans le Var, pour s’assurer de salles bien garnies. Mais exit le soleil et place à l’ombre. Car le choix de la facilité n’est pas dans l’ADN de Tandem, la scène de musiques actuelles du Var qui fête ses vingt à l’occasion de ce nouveau Rade Side. Du 7 au 15 octobre, le festival accueille une programmation à l’énergie rock, teintée d’électro, où les couleurs sombres vont illuminer les scènes toulonnaises. En guise d’ouverture, la micro-brasserie Bière de la Rade accueille le groupe lyonnais Fontanarosa, le 7 octobre. Ils viennent de sortir Are You There ? sur l’excellent label Howlin Banana Records, et prouvent à leur manière que le très ressassé indie rock a encore quelques belles heures devant lui. 

20 ans ça se fête
Après cette mise en bouche, six jours de disettes ne seront pas de trop pour engloutir le plat de résistance. Du 13 au 15 octobre, onze groupes et artistes défilent dans la rade. À commencer par Virages, le duo composé d’Alex Da Silva Maïa et Marc Perrot, qui unissent leurs talents respectifs pour la musique et l’écriture. Le même soir, les vétérans locaux des Cryptones et le duo énergique de Potochkine, une fusion glaçante de la pop et de l’EBM.Le même vent froid souffle le lendemain, avec les non moins intéressants Terrenoire et Rouquine.

Pour célébrer son anniversaire, Tandem se paye le Zénith, le 15 octobre. Avec en tête d’affiche Jeanne Added, qui a sorti son dernier album By Your Side – le bien nommé – pas plus tard que le 28 septembre. Un opus où son électro-pop plane brillamment entre les airs chaud et froid. À ses côtés, la percussive Lucie Antunes et Social Dance, les nouveaux venus qui mettront un peu de soleil dans le ciel automnal toulonnais.

NICOLAS SANTUCCI

Rade Side
Du 7 au 15 octobre
Divers lieux, Toulon
radeside.com

Fiesta des Suds, la trentaine épanouie

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BCUC © Jean de Peña

On pourra toujours préférer les sinuosités éthylo-festives du Dock des Suds à la platitude d’un parking de supermarché du J4. On pourra toujours regretter que Bashung, Cesária Évora ou Paco de Lucía soient morts. Ou que l’époque où le festival se rapprochait d’un marathon est révolue. On pourra toujours dire « c’était mieux avant » et se lamenter pour le reste de notre vie. Il n’y a qu’une chose qui compte pourtant : la Fiesta des Suds est toujours là. Et elle fait ce qu’elle peut avec ce qu’elle a. Que ce soit en termes de lieu ou de subventions. Pour célébrer les trente ans de l’événement, le nouveau programmateur Frédéric André a construit une affiche brillamment équilibrée, peut-être la plus judicieuse et cohérente depuis plusieurs années. Même la présence de l’hypermédiatisée Juliette Armanet, en ouverture des trois soirées, prenait sens. Non pas par l’originalité de ses compositions – beaucoup cherchent encore à comprendre les raisons d’un tel succès – mais par le basculement récent et inattendu de l’interprète dans la catégorie des artistes populaires, capable d’offrir un show fédérateur et efficace. Ce soir-là, on aura facilement préféré Kutu. La rencontre improbable entre le violoniste jazz Théo Ceccaldi et les chanteuses éthio-rock Hewan G/ Wold et Haleluya T/Tsadik fait éclore un son des plus hybrides, sorte de tribal punk incandescent, bourré d’influences et boosté par les baguettes rageuses de Cyril Atef

Afrique plurielle
Présente tout au long de cette Fiesta, l’Afrique dans sa pluralité musicale délivre chaque soir un antidote à la morosité et à l’abattement. D’abord sous le signe de la transmission entre les générations d’artiste, avec les Angolais Bonga et Pongo, têtes de pont d’esthétiques illustrant la vitalité musicale de leurs terres d’origine. Puis les deux monuments Youssou N’Dour et Oumou Sangaré alignent les arguments scéniques autant que vocaux et instrumentaux justifiant leur carrière internationale. Mais la locomotive de cette panoplie africaine est sans conteste BCUC. La formation sud-africaine mêle rage incantatoire, procession percussive et groove explosif. Une performance qui dope les plus résistants et épuise celleux qui n’y sont pas préparé·e·s. À côté, la fanfare funk hip-hop de la fratrie de l’Hypnotic Brass Ensemble ressemblait presque à une formation pour berceuses. 

Oumou Sangaré © Jean de Peña

Galaxie marseillaise
Pendant ces trois soirées de fête musicale, la galaxie artistique marseillaise brillera de mille feux. Des talents en pleine ascension, des valeurs sûres en constante bonification ou des têtes d’affiche à l’aura internationale. De Social Dance aux Groove Sessions de la bande à Chinese Man, de Temenik Electric à David Walters, de Deli Teli à Docile, de Zar Electrik au Watcha Soundclash. Sans oublier les ambianceurs du Mobylette Sound System. Rien ne pouvait mieux faire scintiller les trente bougies d’un événement qui n’a eu de cesse d’accompagner l’émulation d’une scène qu’on ne peut plus seulement qualifier de locale.

LUDOVIC TOMAS

La Fiesta des Suds s’est déroulée les 6, 7 et 8 octobre au J4, à Marseille

Trio gagnant

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Cinq dans tes yeux, son premier roman très remarqué, – paru en 2020, il est en cours d’adaptation cinématographique-, évoquait le Marseille des années 1980-90, et particulièrement le Panier, son quartier d’enfance. Deux ans plus tard, c’est Dakar, sa « deuxième ville de cœur », qu’Hadrien Bels a choisie comme décor de Tibi la Blanche. Et plus précisément la banlieue de la capitale sénégalaise, tout près de Thiaroye, une succession de quartiers en pleine mutation. Hadrien Bels se plaît à décrire les grandes villes, leur effervescence, leur énergie magnétique. Il excelle aussi à capter la vitalité de la jeunesse. Ce deuxième roman, enlevé, tonique et d’une grande tendresse, met en scène trois adolescents, trois amis d’enfance. Ils viennent de passer le bac et attendent les résultats. Tibilé, dite « Tibi la Blanche », « pas parce qu’elle parlait mieux français que les autres, même toute petite. Mais parce qu’elle résiste depuis toujours à ce qu’on lui demande. » Tibi donc ne songe qu’à partir poursuivre ses études en France ; pour être libre enfin de faire ce que bon lui semble, loin de l’autorité paternelle. Mais pour cela, il faut qu’elle ait une mention. Rigobert, dit Neurone, la « tête » du trio, compte sur la mention « très bien ». Quant à Issa, le moins scolaire des trois, il croit fort aux vertus du Bic marabouté qu’il a utilisé pendant les épreuves. Grâce au « mara », peut-être passera-t-il de justesse et pourra-t-il réaliser son rêve, devenir styliste. Bels suit les trois jeunes pendant ces quelques jours d’attente chargés d’adrénaline. Et l’on embarque à sa suite dans leur histoire, leurs familles, si différentes. Une langue savoureuse, au plus près de celle des personnages. Un sens aigu du détail, de la formule qui fait mouche, telle cette hôtesse d’accueil, avec sa  « bouche à tchippage professionnel ». Et un bel hommage à la jeunesse sénégalaise, si vivante, si vibrante… malgré tout ce qu’il reste à faire.

FRED ROBERT

L’auteur est invité à la manifestation Automne en Librairies, du 12 au 15 octobre à Marseille et dans la région.

Tibi la Blanche d’Hadrien Bels 
L'iconoclaste, 20€

Le long des golfes clairs

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Anke DOBERAUER, Les baigneurs et treize pellets, 2009, Huile et pigments UV sur toile 300 x 620 cm (20 x 25 cm), Collection de l’artiste

Dès l’entrée, on est accueilli par une multitude de corps en maillot, une scène de bain de mer monumentale de trois mètres de haut par six de large. La plupart sont des enfants, aux bouées transparentes et fluos, une composition bariolée, surpeuplée, métissée et ludique, de Anke Doberauer. Bien plus petits, d’autres corps semblent flotter, qu’ils soient sur le sable ou dans l’eau. Dans les photographies de Wilbe, dans les peintures à l’huile aux fonds blancs éclatants de Benjamin Chasselon, ou dans le bleu transparent de la calanque de Sormiou, de Julien Boullay. Sous des lumières grises, les plages de Jean-Jacques Surian accueillent dans Naissance de Vénus et Ces gens sur mon plongeoir des corps féminins nus, s’assumant avec impudeur, liberté et érotisme. Chez Yann Letestu, sur fond de cartes marines, des corps sont à l’arrêt sur la Corniche : trois jeunes gens semblant mesurer, assis sur un rebord, le vertige du saut ; un passant, près d’un passage piéton, se détourne, absorbé par l’horizon. Tandis qu’au vallon des Auffes (Jean-Benoît Zimmermann) ou sur la plage de la Fausse Monnaie (Wilbe), les corps en villégiature s’inscrivent dans des espaces rêveurs. 

Marc Chostakoff, Horizon 40, Carry-le-Rouet, Tirage encre pigmentaire sur papier BFK Rives 100 x 70 cm, Collection de l’artiste

Paysages solitaires
Le calcaire des calanques, les masses rocheuses des îles marseillaises inspirent également les peintres et photographes présents. Tout comme des bords de mer déserts ou les horizons où eau et ciel se rejoignent. Parmi les paysages, les acryliques de Marie-Laure Sasso-Ladouce, avec sa Maïre bleue ou sa Route des Goudes, paysages lunaires, épurés, aux contrastes brutaux, aux coups de pinceaux apparents, semblant brosser le ciel, modeler les rochers. Dans Riou, montagne urbaine d’Olivier Monge, l’immensité du paysage se révèle doucement et précisément, sur une mer lisse et métallique. L’écrin de la calanque de Figuerolles est photographié délicatement par Bernard Plossu, à dix ans de distance. Alfons Alt, dans des tons bleus et sépia, et dans une sorte d’agitation de vapeur et d’écume, tente de saisir une vague, ou un Château d’If, tempétueux. Dans Horizon 40, Carry de Marc Chostakoff, la mer est le bout d’une falaise, donnant sur le vide, et se fissurant. Finalement, une exposition très marseillaise, qui se termine sur une note de dénonciation écologiste : trois sculptures de Nicolas Rubinstein, représentant deux poissons mi-animal, mi-boîte de conserve, et un troisième mort, submergé de sacs de plastiques bleus. 

MARC VOIRY

Vues sur mer
Regards de Provence, Marseille
04 96 17 40 40
museeregardsdeprovence.com

Le baroque en héritage

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Difficile de deviner, à l’oreille nue, que le dernier disque enregistré par Fabio Biondi ne comporte que des œuvres de Félix Mendelssohn – du moins jusqu’à ce que retentisse le très beau Largo et Allegro. Le célèbre compositeur romantique allemand ne s’est certes jamais aventuré du côté de la démesure wagnérienne. Et le violoniste et chef italien, à la tête son ensemble Europa Galante, s’est imposé en déjà quatre décennies comme une référence mondiale dans le répertoire baroque. Mais tout de même : difficile de nier que le spectre de Bach et de Vivaldi plane avec insistance sur les pages explorées. Les opus choisis sont certes des œuvres de jeunesse : l’Allegro de la Sinfonia MWV N°2 regorge d’entrées fuguées que n’aurait pas reniées le Cantor de Leipzig et ce, malgré le siècle qui le sépare de Félix Mendelssohn. Bien que le Largo qui lui succède semble hésiter entre le contrepoint foisonnant à la Bach et les marches harmoniques redoutablement efficaces d’un Mozart. On demeurera ainsi soufflés par la virtuosité des nombreuses Fuga enregistrées par l’ensemble, ainsi que par le Concerto pour violon n°2 sur lesquels s’illustrent les musiciens. On y saisit, dans le phrasé inimitable de Biondi, tout ce qui rapproche le scherzo cher à ce romantisme-là des codas prisées par Vivaldi. 

Car tout n’est pas à imputer, dans cette proximité troublante, à la seule partition : le Salve Regina entonnée par la soprano Monica Piccinini, éloigné de toute friture belcantiste, de tout vibrato verdien, se distingue dans son interprétation même des lectures habituelles de ce répertoire. On sait à quel point le maître du baroque était vénéré par le jeune romantique hambourgeois, et à quel point ce dernier œuvra pour faire connaître son œuvre alors poliment oubliée. Mais rares furent les musiciens à en démontrer aussi brillamment la parenté.

SUZANNE CANESSA

Mendelssohn, Fabio Biondi & Europa Galante
Naïve Records 12,20€

Lumières sur la ville  

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Metropolis de Fritz Lang est projetté en ciné-concert le 10 octobre avec l'Orchestre de Chambre d'Hôte

Le festival Image de ville a vingt ans. Contre vents et marées budgétaires et sanitaires, ce festival de cinéma, tourné vers l’architecture et l’homo urbanus, a tenu bon. Au fil des éditions, il nous a offert, des rencontres marquantes avec des Pritzker d’architecture, des musiciens, des géographes et surtout de talentueux réalisateurs.
Du 10 au 23 octobre, à Aix-en-Provence, Marseille et Port-de-Bouc, Image de ville décline sa programmation autour de quatre thématiques : « l’esprit de la ville », « génies des lieux », « terrestre » et « hospitalité(s) ». Ouverture classique et monumentale au conservatoire Darius Milhaud avec la reprise de Metropolis de Fritz Lang, un ciné-concert proposé par l’Orchestre de Chambre d’Hôte. Hommage à Éric Rohmer dont « l’héritage » est interrogé par Élise Girard à Aix et Emmanuel Mouret à Marseille, puis le rapport à la ville, analysé par Françoise Etchegaray autrice de Conte des mille et un Rohmer

Des dialogues
Dans le souci de promouvoir le travail des cinéastes, on découvre trois films en chantier, et comme toujours les jeunes bénéficient d’une programmation spécifique. Remue-méninges assuré grâce aux débats, master-class, tables rondes… Et deux dialogues entre cinéma et architecture. D’abord entre le réalisateur allemand Daniel kötter et l’architecte togolais Sénamé koffi Agbodjinou. Puis, accompagné par Michel Frodon, l’échange entre le cinéaste portugais Pedro Costa et l’architecte Christophe Hutin.

Dans le foisonnement des événements, notons la conférence de Pascale Lapalud sur les violences faites aux femmes dans l’espace public. La réflexion sur la salle de cinéma dont les confinements nous ont rappelé l’importance avec un débat à l’amphithéâtre de la Manufacture et à la bibliothèque Méjanes. L’exposition sur les cinémas désaffectés de Stephan Zaubitzer, l’hommage à Jean-Louis Comolli. Également une projection de Bonne Maman et Le Corbusier pour les soixante-dix ans de « la maison du fada » et, aux Variétés, une rencontre-projection proposée par Raphaël Nieuwjaer, consacrée à la ville dans les séries mythiques The Wire et We Own This City de David Simon. Tant de rendez-vous qui pourraient bien faire affirmer au festival Image de ville : J’ai 20 ans et, n’en déplaise à Nizan, c’est un très bel âge !  

ÉLISE PADOVANI

Image de ville
Du 10 au 23 octobre
Divers lieux, Bouches-du-Rhône
imagedeville.org

actoral et le magma des identités

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L'aventure invisible, Marcus Lindeen © Bea Borgers

Marcus Lindeen aura marqué la 22e édition d’actoral. Avec La trilogie des identités, le metteur en scène suédois, issu du cinéma documentaire, s’immisce dans les histoires troublantes et véridiques d’individus existants, retransposées à partir de témoignages qu’il a lui-même collectés. Par un dispositif scénique circulaire ou quadri-frontal de petite jauge, il installe une intimité déstabilisante entre les acteurs·rices et le public. Les un·e·s et les autres étant assis·e·s côte à côte, dans une sorte de thérapie de groupe. Dans Wild Minds d’abord, les cinq interprètes confient leurs rêves compulsifs. Tour à tour, ou dans un échange d’un naturel déconcertant, ils et elles racontent comment les personnages de leur vie fictive – celle qui prend forme dans leurs rêves éveillés – envahissent leur quotidien. Prisonniers d’une imagination incontrôlable et jouissive qu’ils n’osent pour la plupart divulguer à leur entourage, ces rêveurs de l’extrême nous confrontent à nos propres rêveries, enfouies et qui ne demandent qu’à s’émanciper. Orlando et Mikael, deuxième volet de la trilogie, nous met en présence de deux personnes transgenres qui ont fait le choix de retransitionner vers leur genre de naissance.

Trans romance
La vidéo performée de Samira Elagoz, Seek Bromance, nous immerge quatre heures durant dans l’intimité créative de sa relation refondatrice avec Cade Moga. Un cinéma réalité poético-trash où la fusion-répulsion à outrance des deux artistes performers amants et en transition de genres, réuni·e·s par le confinement, crée un huis clos à l’érotisme punk captivant. L.T.

Des parcours dont on parle peu et qui questionnent la complexité de la décision de ces hommes devenus femmes, avant de se résoudre au genre dans lequel la société les a assignés. Samia Ferguene et Jó Bernardo, les deux protagonistes, dégagent une sensibilité communicative, dans ce dialogue intime et sans détour. S’iels partagent une expérience commune, leur vécu comme leurs motivations révèlent de nombreuses différences, affirmant que chaque parcours transidentitaire est singulier. Qu’il ne relève d’aucun déterminisme. Que l’identité de genre peut se vivre de manière évolutive. Et qu’il n’y a aucune raison de la figer. L’aventure invisible est sans doute le chapitre le plus fascinant du triptyque pour l’aspect extra-ordinaire des récits croisés. Ici, Marcus Lindeen imagine une conversation triangulaire entre une neuroanatomiste renommée ayant subi un accident vasculaire cérébral qui lui a fait perdre totalement la mémoire (Claron McFadden), le seul homme au monde à avoir reçu deux greffes totales du visage car atteint de la maladie dégénérative de Recklinghausen – aussi appelée « syndrome d’Elephant Man » – (Tom Menanteau) et un·e cinéaste queer non binaire pris·e de passion pour la photographe lesbienne un temps liée au mouvement surréaliste, Claude Cahun (Franky Gogo). Au-delà des vies hors du commun, c’est la force intérieure et la détermination des trois personnalités à surmonter leurs épreuves, ou simplement à mener à bien leur objectif, qui conquiert le spectateur. Mais aussi comment ces trois jusqu’au-boutistes de la vie tombent en admiration les un·e·s des autres. Et de parvenir à nous faire croire qu’en chacun de nous sommeille un héros.
LUDOVIC TOMAS

Wild Minds a été joué du 9 au 11 septembre au Mucem ; Orlando et Mikael et L'Aventure invisible les 28 et 29 septembre à La Criée, à Marseille.
Spectacles présentés dans le cadre du festival actoral.