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Des Voix Animées nous envoûtent

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Les Voix Animées, Alter ad alterum ©Alexandre Minard

Entre pierres et mer des Voix Animées s’orchestre entre les rives toulonnaises et la minéralité des voûtes de l’église du Thoronet qui savent si bien mêler leurs vibrations à celles des harmoniques des voix, devenant personnages à part entière.

Après avoir abordé la musique de la renaissance à la cour des Gonzague et le subtilement érotique Cantique des cantiques du roi Salomon qui, dit-on, séduisit de ses mots la belle et sage reine de Saba. Les Voix Animées nous convient à un voyage italien où émergent les villes de Rome, Venise, Milan, Florence, Mantoue, Ferrare, Naples au détour de compositions de musique vocale sacrée de la Renaissance. L’Italie alors est terre d’accueil et d’inspiration pour les artistes soutenus par la cour pontificale et par de grandes familles, les Sforza, les Gonzague, les Médicis, les d’Este. Tous les plus grands musiciens de cette époque vinrent dans la botte parfaire leur formation et aussi leur réputation. Deux compositeurs majeurs du Cinquecento seront à l’honneur, Giovanni Pierluigi da Palestrina et Giaches de Wert. Grâce à leur influence, le « stile antico » de la Renaissance commença sa mue en un « stile nuovo » qui cherchera à s’approcher au plus près de l’expression humaine, répondant à une esthétique humaniste développée par les philosophes, les savants et les poètes qui mettaient en avant l’individu. L’art des Voix Animées nous emporte chaque fois au cœur d’une bulle poétique, immersion éblouie dans le tissage précis et délicat des compositions.

MARYVONNE COLOMBANI

Entre pierres et mer des Voix Animées
Le 23 septembre à 20h30
Église Sainte-Marie, Le Thoronet
Le 24 septembre à 20h30
Notre-Dame-de-la-Seds, Toulon
06 51 63 51 65 lesvoixanimees.com

Mus’iterranée fait son tour du monde

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Elements de Bamboo Orchestra©Agence Artistik

Courageusement, l’équipe du beau festival Mus’iterranée poursuit son travail de passation, offrant un voyage musical autour de notre planète, du 24 septembre au 8 octobre. Cette année se place sous le signe de la fête grâce à la Fanfare Mudanza et ses seize musiciens. Ils construisent un univers où se croisent funk, jazz, musique latine et rock dans une ambiance follement drôle, multipliant les reprises que l’on s’amuse à deviner entre deux pas de danse (24 septembre à la Bastide Granet). Le 25 s’installe au conservatoire Darius Milhaud Elements, un spectacle imaginé par l’agence Artistik. Conjuguant la danse (magnifiquement chorégraphiée par Sinath Ouk) et la musique du Bamboo Orchestra de Makoto Yabuki, dans une exploration des cinq éléments décrits par la tradition bouddhiste, (les godai de la culture japonaise) : terre, eau, feu, vent et vide. L’ensemble percussif né sous le signe du bambou est beau en soi puis fascine par la variété et l’énergie de ses compositions : une musique qui s’écoute aussi avec les yeux.

Une Manufacture made in world

Le fado de Carina Salvado oscille entre espoir et saudade à la salle Pezet du Tholonet. Filons du Portugal à la Russie, ses balalaïkas et le souffle tzigane des musiciens de Tchayok qui présentent leur nouvel album Tchifir (1er octobre à la Bastide Granet. Pour ceux qui pourraient grimacer, sachez que l’ensemble de la recette sera versée à une association de soutien à l’Ukraine). La Manufacture se met à l’heure du flamenco en invitant la compagnie Abiyelar (6 octobre), composée des familles Deleria et Santiago. Musique héritage, transmise oralement depuis des générations, le flamenco a été reconnu en 2010 comme représentatif du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.

Le même lieu accueille le célébrississime (oui, il faut au moins un « issime » de plus !) groupe de reggae ska né dans le Panier marseillais en 1997 : Raspigaous (7 octobre), dont les refrains seront sans aucun doute repris en chœur, que ce soit « sers le jaune » ou « contrôle d’identité ». Si le groupe raffole de la Mauvaise herbe (leur album sorti en 2005), ils apportent le souffle roboratif de leur Nouvel R (2019). Un « chaud time » à ne pas manquer. On traverse l’Atlantique pour le dernier concert qui nous plonge dans le bain de la salsa : Los Soneros del Caribe (8 octobre) renouent avec les musiques du Buena Vista Social Club mais aussi celles d’Ismael Rivera, Ibrahim Ferrer, Flia Valera Miranda et se livrent à leur propre inspiration pour des compositions nouvelles tout aussi prenantes. L’amphithéâtre de la Manufacture va danser !

MARYVONNE COLOMBANI

Mus’itérranée
Du 24 septembre au 8 octobre
Divers lieux, Aix-en-Provence
04 42 38 81 33 musiterranee.com

Gombo Wax : le textile en étendard

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Sérigraphie de Gombo Wax

L’ambition de l’exposition Museum : Regard Afropéen est double : plastique, forte d’une maîtrise consommée du tissu wax et d’une identité graphique forte, l’exposition portée par Gombo Wax se veut également remodelage d’une histoire collective. Joyeux, mais toujours vif, le regard du jeune artiste transforme avec technicité des personnalités noires en icônes pop : Toussaint Louverture, Felwine Sarr, mais également l’héroïne Ourika ou encore Virgil Abloh… Le travail sérigraphique pointu et inspiré se fait ici célébration d’un patrimoine à reconstruire, sous la bannière de l’afropéanisme. Le concept, forgé par Johny Pitts et théorisé par Léonora Miano, n’a jamais semblé aussi actuel et pertinent. Il fait l’objet d’un débat organisé à la galerie le 22 septembre à 18h30 : « Imaginer un musée de la rencontre ». Il réunira Gombo Wax, mais aussi l’artiste militant Seumboy Vrainom et la chercheuse Ariane Leblanc, sous la modération de la journaliste touche-à-tout Alephandra Siassia. Le débat sera enregistré pour le podcast Intersexion.

SUZANNE CANESSA

Museum : Regard Afropéen
Jusqu’au 6 octobre
Galerie Solarium, 40 boulevard de la Liberté, Marseille
solariummarseille.fr

Avec Lumio, Saint-Victor embrasse la Méditerranée

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Lumio © Armand Luciani

A Filetta et les deux membres du Cri du Caire, le saxophoniste Peter Corser et le poète improvisateur Abdullah Miniawy, se sont rencontrés au festival international Les Rencontres de Chants Polyphoniques de Calvi. De ce coudoiement est né un spectacle, Lumio, que la Cité de la musique de Marseille présente hors les murs, à l’abbaye Saint-Victor. Repoussant l’étroitesse des limites géographiques qu’instaurent les petits esprits, A Filetta (Jean-Claude Acquaviva, auteur-compositeur, siconda, François Aragni bassu, Jean-Do Bianco bassu, Petr’Antò Casta siconda, Paul Giansily terza, Maxime Vuillamier bassu) qui, nourri de la force de ses racines corses, se plaît à aborder les territoires les plus variés, mêlant la chorégraphie des voix et des corps, comme avec Mohamed Cherkaoui par exemple. Passant de manifestations internationales à l’abri de petites églises qui épousent les harmoniques, la formation emblématique de l’île méditerranéenne unit ici la subtilité de ses polyphonies aux poésies et aux chants inspirés de l’Orient soufi des auteurs du sublime Purple Feathers.
Avec son titre de lumière, Lumio se livre à une exploration intime des sonorités, des mélodies, des textes, des phrasés des deux rives de la Méditerranée, la réinvente dans un esprit de vibrante liberté. La tradition, loin d’être un carcan, devient ici vecteur de création, de rencontre de l’autre, de l’écoute, offre un monde poétique où l’on a envie de vivre.
A Filetta cite dans sa présentation l’aphorisme de René Char : « les plus pures récoltes sont semées dans un sol qui n’existe pas ; elles éliminent la gratitude et ne doivent qu’au printemps ». Quel symbole !

MARYVONNE COLOMBANI

Lumio
Le 24 septembre à 21 heures
Abbaye Saint-Victor, Marseille
04 91 39 28 28 citemusique-marseille.com

La lutte par le rire… et les biceps

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Biceps © L'Auguste Théâtre

Guerres, restrictions, pandémies, nouvelles alarmantes du climat… on ne peut pas dire que le temps soit à la légèreté. Est-il un défi que les artistes ne relèveraient pas ? Claire Massabo reprend à son compte l’adage de la politesse du rire au cœur des pires situations et fonde BICEPS, acronyme de Brigade d’Intervention Clownesque et Poétique, y ajoutant un s majuscule, car notre monde est pluriel et que le muscle sollicité pour l’affronter s’est décidé multiple même au singulier. « Ô rage, ô désespoir », sans doute, mais sans humour, ce serait vraiment indécent ! Les quatre comédiennes, musiciennes, chanteuses que sont Cécile Defaÿ, Sofy Jordan, Marianne Suner et Sophie Szoniecky, dûment mandatées par L’Auguste Théâtre se livreront à des interventions drolatiques et impromptues mêlant chansons, saynètes aux chutes inattendues, provoquant avec sourire le public, lui susurrant poèmes et mélodies. Passeront à la moulinette de leur verve le quotidien, le travail, les études, l’amour qui apprivoise les rimes les plus excessives mais aussi la douceur colorée de l’automne, du chant des oiseaux, la calme fraîcheur des sous-bois…
Bref, la magie évocatoire du théâtre à portée de tous !

MARYVONNE COLOMBANI

BICEPS
Le 22 septembre à 11 heures 45, 13 heures 15 et 14 heures 15
Parvis du bâtiment Egger, campus Schuman, Aix-en-Provence
Le 3 octobre
Lancement de saison du théâtre Antoine Vitez, Aix-en-Provence
04 42 92 27 68 lausgustetheatre.fr

La Baleine offrait en avant-première « Les Aventures de Gigi la Loi »

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Les Aventures de Gigi la Loi, d'Alessandro Comodin © Shellac distribution

Dans Les Aventures de Gigi la Loi, Alessandro Comodin brosse avec tendresse, drôlerie et virtuosité, le portrait de son oncle Pier Luigi Mecchia, dit Gigi.
Des « aventures », dans le petit village paisible du Frioul où officie Gigi, policier des champs, il n’y en a guère. Ni bruit ni fureur sur ces routes désertes bordées d’herbes folles. Peu de problèmes graves entre ces villageois qui se connaissent tous. La police est par nature de proximité et ne règle guère que des querelles de voisinage. Il y a bien une voie ferrée et quelques suicides sous le train, de vagues enquêtes sur de vagues homicides, des zinzins à amener parfois à l’hôpital psychiatrique, mais tout cela, définitivement hors champ, ne génèrera aucune péripétie.

Suspect imaginaire

Quant à « la loi », épithète homérique accolée à Gigi, elle lui est donnée par des collègues policiers taquins, Gigi aimant bien ce qui est interdit. Refuser de couper les arbres de son terrain qui menacent de tomber chez les voisins. Aller au-delà du périmètre de ses patrouilles. Suivre, sans en avoir mission, des individus qui lui paraissent louches. Désobéir au chef surnommé le Faisan qu’on ne verra jamais. Draguer via la radio de son véhicule de fonction, Paola, la policière du standard à la belle voix, qu’on ne verra pas davantage, titillant délicieusement notre imagination et celle de Gigi. Car, dans ce surprenant documentaire malicieusement scénarisé, le hors champ sonore et visuel soutient sans cesse, mieux que ne le ferait un thriller, l’intérêt du spectateur, introduisant dans un réel prosaïque et répétitif, une subtile étrangeté. Incroyable séquence nocturne de préambule dans un jardin-jungle où Gigi vu de trois quart dos, en un plan séquence de huit minutes, s’adresse à un interlocuteur invisible face à ses arbres chéris. Plan presque surréaliste où, alors que Gigi fait les cent pas dans la rue vide, guettant un suspect imaginaire, arrive vers nous un cycliste qu’on peut croire dangereux mais qui s’avère femme, vieille et inoffensive.

Mêmes itinéraires, même paysage qui défile à la fenêtre-chauffeur ou qu’on découvre en caméra embarquée à travers le pare-brise, même bruit métallique quand le véhicule passe sur le pont qui enjambe la rivière, mêmes conversations banales avec les collègues : le réalisateur nous fait partager la routine professionnelle de Gigi, presque toujours en uniforme. On ne connaîtra pas sa vie privée. Le quinquagénaire à la bonne bouille, cheveux clairsemés et sourire d’enfant, chante des chansons populaires – d’amour, bien sûr : il n’a rien d’un héros et sa fragilité toute humaine, dans cette Italie rurale, loin de la trépidante urbanité, le rend bougrement attachant !

ÉLISE PADOVANI

Les Aventures de Gigi la Loi, d’Alessandro Comodin
En salle le 26 octobre 2022

Le film, distribué par Shellac, a obtenu le Prix spécial du jury à Locarno.

Friche de l’Escalette : des objets à réaction poétique

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Friche de l'Escalette © Élise Padovani

Transformer le plomb en or

Depuis 2016, La Friche de l’Escalette, en partenariat avec la Galerie54/Eric Touchaleaume, s’ouvre l’été et tous les week-ends de septembre et octobre au public. Une exposition de sculptures et d’installations « sélectionnées pour leur sensibilité relationnelle avec l’architecture, la nature ou le site ». Certaines vont demeurer et constituer au fil des années, un parcours permanent.

Dans cette ancienne usine de plomb, nichée à l’orée du parc national des Calanques, s’affirme la volonté de conserver la dimension poétique du lieu, de ne pas reconstruire, de respecter les prétentions fougueuses de la végétation, d’entretenir une certaine philosophie du cabanon, sous les figures tutélaires du Corbusier et de Prouvé. Nomadisme, écologie, impact symbolique… à l’horizon se profile un concours international, ouvert aux artistes, architectes, designers, sur le thème de la cabane. Chaque exposition est une étape dans ce processus alchimique, qui symboliquement change le plomb ancien en or nouveau.

Un itinéraire sensible

Sculpture de Marjolaine Dégremond © Élise Padovani

Planté face à l’entrée du site, sur la large dalle au milieu des pavillons Prouvé, L’œil du chat  ou Le guetteur de Marjolaine Dégremont accueille les visiteurs : vous n’êtes pas seuls…
L’été de la forêt de François Stahly, est la première œuvre proposée par la médiation, au début d’un passage escarpé et caillouteux presque sportif. Cet ensemble de totems en bois brûlé – une provocation, une prémonition ? – initie le parcours en pleine pinède. Les coiffes de plomb (on ne parlera pas de chape), bienvenues et logiques sur le site – c’est ce qu’on y fabriquait –, protègent l’œuvre des infiltrations.
L’exposition déroule les oxymores. Les provocations s’enchaînent dès le début du parcours : après les totems que le public local peut interpréter comme des squelettes dé-branchés de pins incendiés, une cabane perchée mais enfouie de Marjolaine Dégremont se déploie vers le ciel ouvert d’une fosse aussi blanche qu’elle, sans parvenir à s’envoler, pour le plus grand plaisir des visiteurs.
Plus loin, émergeant de la pinède pommelée, des alignements de monolithes maçonnés de l’ancien complexe industriel ne soutiennent plus rien. Il faut en franchir plusieurs avant de découvrir un origami de tôles Corten sous les briques et les pierres d’une enfilade de voûtes : La Gardienne de Pierre Tual. On retrouve d’autres œuvres de cet artiste, accrochées sur une immense paroi qui fend les vagues moutonnées du paysage. Partout dans le parcours paysagé entre ruines et végétation, l’impression domine que l’installation des œuvres est plus envisagée comme un rapport de forces qu’une simple exposition au meilleur endroit, sous la meilleure lumière, pour la découverte et la lecture des œuvres : c’est une dispute plus qu’un dialogue.

Paroi ondulante

Accroché sur une autre vertigineuse et intraduisible paroi de pierre, un fragile et discret triangle de plomb, signé Vincent Scali, de la série des Fragments, aux pointes disparues, arrachées : la suspension est définitive et l’œuvre se découvre entre les ombres portées des pins qui ont gagné la bataille de la lumière.

Les formes molles de Baptiste & Jaïna © Élise Padovani


Dans un espace muséal clos d’imposantes parois de pierres, plusieurs œuvres sont exposées. Celles des jeunes complices artistes-designers, Baptiste & Jaïna, qui travaillent la terre dans toutes ses couleurs et toutes ses phases de cuisson pour obtenir des formes molles mais des objets durs et mystérieux, dont certains ne refusent pas d’être « fonctionnels » tels un cintre-patère (Dorsale), un Tabouret assise tracteur… Résultat, la matière brute, patiemment poncée, offre une surface dont la douceur appelle la caresse. Brancusi n’est pas loin. Comme partout sur le site, mais avec plus de raffinement et de nuance, la démarche s’exprime ici par le conflit : le mou des formes et le dur mais parfois doux et lisse du toucher. Les tabourets en grès dialoguent avec la paroi ondulante et filtrante d’Héloïse Bariol, composée de claustras de terre cuite qui donnent son nom à l’œuvre (Claustra, exposition permanente).
Dans la même enveloppe de maçonnerie, les cabanes de Marjolaine Dégremont, de plâtres et de buis, sont fragiles, aléatoires, impensées, rêveuses. Quelques blocs de béton blessé déjà là, peints en blancs, structurent autant l’espace que les cabanes flottantes. Comme celle découverte plus tôt en plongée dans le parcours, les cabanes, ici en contre-plongée, semblent vouloir s’échapper. Leurs puissantes racines de buis obtiennent cependant le gain du rapport de forces (encore !), les rattachant impitoyablement au sol, empêchant leur envol ou leur dissolution. Des jardins minuscules se sont installés sans autorisation au pied des cabanes, un contrepoint vert, involontaire et bienvenu à la brique du site redéployée en cairns nains et au blanc neutralisant des cabanes. D’autres œuvres de François Stahly, Guy Bareff, Gérard Traquandi (exposition permanente) toutes aussi puissantes, minérales ou métalliques, côtoient les pièces récemment installées.
Dans le pavillon « Prouvé 6×9 », La bête endormie de Lilian Daubisse laisse peu de place au visiteur. Les milliers de brins de cartons tissés qui la hérissent s’étalent sur une composition de tables à hauteur d’auscultation.
Le parcours s’achève avec la visite d’un autre pavillon Prouvé, dit « Bungalow du Cameroun », savante recherche sur la lumière, la ventilation, le confort. Ce pavillon est la recomposition d’un prototype de 1958, assez largement modifié (adapté ?) et augmenté de modules internes et de mobilier de Jean Prouvé, Charlotte Perriand, Pierre Jeanneret.

MAURICE ET ÉLISE PADOVANI

La Friche de l’Escalette, Marseille
Expositions ouvertes les week-ends de septembre et d’octobre
friche-escalette.com

À La Criée, tout est bon chez Petibon

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Patricia Petibon©DR

Voix sublime et artiste mondialement acclamée, aussi à l’aise dans le répertoire lyrique que dans la mélodie, la pop ou le jazz, la grande Patricia Petibon n’est aujourd’hui plus à présenter. D’autant plus que la colorature hors norme a trouvé en Susan Manoff une parfaite complice dans le répertoire de la Mélodie et de ses différentes déclinaisons. La pianiste éclectique a imaginé avec Patricia Petibon un récital fougueux, romantique et moderne. S’y croisent les mélodies de Satie, Poulenc ou Reynaldo Hahn, les airs d’Offenbach, et les pages plus exotiques de Gershwin, Villa-Lobos ou Granados… Mais également le répertoire américain avec Leonard Berstein, Gershwin ou encore Aaron Copland, ou les pistes noires, contemporaines en diable, de Thierry Escaich ou Nicolas Bacri. De quoi voyager en excellente compagnie !

SUZANNE CANESSA

Patricia Petitbon et Susan Manoff
Le 17 septembre
Théâtre La Criée, Marseille
en partenariat avec Marseille Concerts

Robin Renucci : « J’espère vous surprendre »

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Robin Renucci © Jean-Christophe Bardot

Par ses rôles au cinéma et à la télévision, Robin Renucci est connu du grand public. Son parcours d’homme de théâtre populaire, viscéralement attaché à la mission de service public, l’est un peu moins. Rencontre avec un directeur déterminé à sortir La Criée de ses murs.

Zébuline. Avec cette nouvelle Mise à feu, vous lancez une saison que vous n’avez pas construite. Comment un nouveau directeur vit cette période pendant laquelle il est quasiment spectateur du travail de sa prédécesseure ?
Robin Renucci. C’est surtout un travail de transmission, de tuilage avec une pensée et des actes artistiques d’une direction envers une autre, avec beaucoup d’élégance de la part de Macha [Makeïeff, ndlr]. Je regarde l’ensemble des activités avec un projet qui va apporter des éléments nouveaux, transformer des choses. C’est surtout le moment des échanges très étroits avec les équipes. Et il y a beaucoup de désirs communs. C’est comme un nouveau jeu qui commence pour une équipe.

Vous avez tout de même apporté votre touche dans le programme de cette journée…
Il y a deux ou trois éléments pour que nous commencions à converser ensemble avec le public et qui permettent de nommer et de cerner mieux la pensée. Je donne par exemple une lecture d’extraits de Changer la vie, un livre de Jean Guéhenno, un homme qui a travaillé à changer la vie des autres en changeant sa propre vie. Il a lutté contre le déterminisme en tant que jeune garçon vivant dans un milieu pauvre breton et est devenu l’un des fondateurs des politiques culturelles. Cette envie de transformer le monde et d’entraîner d’autres à chercher la transformation, c’est pour cela que je fais ce travail. Aborder le public de cette manière est déjà un signe d’un rapport très direct entre nous, entre et à travers les œuvres. Je suis quelqu’un de direct et c’est la relation avec le public qui compte.

À quels chantiers vous êtes-vous attelé depuis votre arrivée à la tête de La Criée le 1er juillet dernier ?
C’était très important pour moi d’arriver seul. J’ai appris à connaître la ville, j’ai réalisé un travail de fond. Les deux ou trois mois qui ont précédé ma nomination ont été propédeutiques. Comme tous les candidats, j’ai rencontré les équipes. Après ma nomination, d’avril à juin, j’ai pris le temps de mieux les connaître, les comprendre et les apprécier. On arrive au mois de juillet dans la continuité d’une recherche et d’une préparation qui m’ont permis de donner un cap, de préciser le projet et d’avancer. Autant à l’endroit de la production – la monstration d’œuvres – que de la pratique artistique – les ateliers de formation et de transmission. Le troisième endroit est la pensée : comment travailler sur des rencontres autour de la pensée, des liens existant déjà notamment avec les Rencontres d’Averroès. Les journées sont courtes !

Votre nomination, fortement soutenue par la Ville de Marseille et particulièrement par l’adjoint à la culture, a pu surprendre. Pourquoi selon vous ?
Ah ben je ne sais pas. C’est vous qui me le dîtes. Une surprise, c’est toujours un peu un mystère. Pour moi, c’était une évidence, pas une surprise. La Criée était vraiment mon objectif. Ce pour quoi je me suis préparé. Et je pense que je suis la bonne personne. J’ai eu au contraire le sentiment qu’une grande affection m’était prodiguée. Particulièrement par les élu·e·s de la mairie de Marseille qui m’ont désiré. Et même les gens de la rue. J’ai l’impression qu’ils sont rassurés plutôt que surpris. Ce que je peux entendre derrière votre question, c’est que, pour certains, il faut faire la place aux jeunes, aux femmes, etc. Ce pour quoi je me suis toujours battu. Il n’y a pas de transmission s’il n’y a pas d’expérience. Et j’espère vous surprendre.

Quel cheminement a conduit à votre candidature ?
C’est un chemin de vie, pas un tremplin. Pour moi, c’est l’accomplissement, l’aboutissement de toute une réflexion que j’ai menée pendant des décennies avec le public. C’est la suite de mon histoire qui est d’une cohérence absolue et qui a commencé en tant que jeune apprenti comédien, à Valréas, dans la Drôme, où j’ai appris le théâtre auprès de femmes et hommes issus des milieux de la décentralisation : Jean Dasté, Hubert Ginioux, René Jauneau… À 16 ans, je joue sur le port de Marseille. Je ne le savais pas à l’époque mais j’étais programmé pour une famille théâtrale. Celle de Charles Dullin, de Louis Jouvet. Ce n’est pas la famille du vedettariat, dans laquelle je suis entré à un autre moment. Cela m’amène à l’École d’art dramatique à Paris puis au Conservatoire. La décennie suivante, entre 25 et 35 ans, je deviens plutôt un acteur qui joue beaucoup au cinéma, au rythme de trois ou quatre films par an. Mais qui est désireux de ne pas perdre les étriers qu’est le théâtre, où je retourne par la Cour d’honneur à Avignon à trois reprises, avec Vitez et Chéreau. J’ai quitté volontairement le milieu du cinéma pour dire « attention, je n’oublie pas mes origines ». Une fois bien assis, je crée les Rencontres internationales de théâtre en Corse et cela fait vingt-cinq ans que cela dure. Fort de toutes ces aventures, je prends la suite de Marcel Maréchal aux Tréteaux de France, en 2011. Lorsque je les quitte le 30 juin 2021, je me pose d’abord la question d’arrêter ou de continuer puis je choisis de poursuivre ce projet, à Marseille, qui est le fondement et le droit fil de mon parcours, à savoir conjuguer création, transmission, formation et éducation populaire. Dans le désordre et l’absence de repères dans lesquels nous sommes, La Criée est un lieu phare de ce théâtre populaire. Je le mesure avec une grande responsabilité, un grand honneur et une grande modestie.

Votre parcours est marqué par un fort attachement au répertoire classique, au théâtre de texte. Dans quel état d’esprit vous situez-vous en termes d’orientation artistique, en tant que nouveau directeur d’un Centre national d’art dramatique ?
Les mémoires, les langages, les imaginaires sont le trépied du théâtre. C’est vrai que j’aime la belle langue parce que c’est le premier outil de l’affirmation de soi. Mais mon esthétique n’est en aucun cas univoque. L’acteur populaire que je suis et l’homme de théâtre que je suis devenu en ne variant pas de mon axe m’amène à la responsabilité de service public. Je n’arrive pas en conquérant mais avec une soif très forte de diriger un mouvement, depuis Marseille, de la continuité du théâtre populaire et de la décentralisation. Mon projet est de placer la création en premier. En ne perdant pas de l’esprit la question de la transmission, de penser le théâtre d’où nous venons. Et de permettre à ceux qui peut-être sont dans un déterminisme, destinés à être sur un chemin, de toucher cette piste d’envol qu’est l’art et la culture. Le public qui a été renouvelé demande aujourd’hui à continuer d’être élargi, par la transversalité. Il faut donner une impulsion supplémentaire pour pousser, dans les dix ans qui viennent, La Criée vers un axe beaucoup plus fort avec les publics. Et dans une ville de près de 900 000 habitants, il y a de quoi faire. Je voudrais aussi tourner l’axe un peu plus vers la Méditerranée plutôt que vers l’Europe du Nord. Parce que le monde va se transformer dans les dix ans ou le quart de siècle à venir et Marseille est la ville du dynamisme.

Sous la direction de Macha Makeïeff, la relation aux compagnies régionales aurait mérité d’être un peu plus poussée…
Il y a dans mon projet une part importante de responsabilité de partage de cet outil. J’essaie de changer le paradigme qui consiste à dire que notre métier est d’accueillir voire de convoquer des publics dans des murs, au risque que ce soit les mêmes qui profitent d’une plus grande diffusion, d’une grande variété de spectacles. La Criée ce n’est pas que dans les murs de La Criée. Il n’y a que deux salles, aucune dédiée aux répétitions… J’en profite au passage pour dire avec insistance qu’il nous faut des lieux pour répéter hors les murs, sinon je réduis ceux consacrés à la création et à la diffusion. Avec certaines compagnies, il serait plus intéressant d’être ensemble partout plutôt que de viser l’objectif de les faire jouer en salle. D’ailleurs elles n’ont pas toutes forcément envie de jouer sur le grand plateau. Nous sommes en train de mettre en place plus d’activités qui vont à la rencontre des publics. Le geste d’hospitalité inversée, être reçu par les gens, est une belle façon de les rencontrer. De quel droit dirait-on à ceux qui ne viennent pas : « vous ne savez pas que ça vous manque ? ». Pour les compagnies locales, je vois des choses qui se passent et qu’il faut renforcer, par un soutien. J’établis en ce moment avec chacune d’entre elles des rendez-vous pour voir de quelle manière les accompagner.

On vous croise dans un certain nombre d’événements et de représentations depuis votre nomination. Allez-vous poursuivre les nombreux partenariats avec les festivals et structures accueillis par La Criée ?
Il y en a dix-sept. Le partage et la solidarité font partie de mon ADN. La liberté aussi ! Je ne peux pas arriver en constatant que, chaque année, le calendrier est déjà organisé sans que j’y ai mis ma patte. J’ai envie de rebattre les cartes avec les partenaires et de retisser ensemble du temps et de l’espace. La Criée a la grande responsabilité d’être un grand théâtre de centre-ville mais j’aimerais un peu en avoir les cartes. On va décider ensemble des dates et des œuvres qui nous permettent de dialoguer sur des choses qui nous sont propres. Tout ça, je vais l’inventer. Nous avons la chance que plusieurs directions aient récemment changé avec Marie Didier au Festival de Marseille, Raphaël Imbert au Conservatoire, Alban Corbier-Labasse à la Friche, bientôt à Lieux Publics… C’est rare dans une même ville alors créons des choses au lieu de rester dans des habitudes.
De la même manière que je souhaite programmer les spectacles plus longtemps, pour permettre un bouche-à-oreille, créer un public, plutôt que de balayer deux représentations et de provoquer une sorte de frénésie.

Vous êtes également connu pour votre engagement en faveur de l’éducation populaire, de la culture pour tous. De quelle manière ces principes vont-ils irriguer votre direction ?
L’éducation populaire est une éducation tout au long de la vie. Ma lanterne, c’est que chaque enfant de Marseille, dès la maternelle, ait droit à ce tremplin sensible de l’éducation artistique et culturelle. On travaille même avant la naissance, dans les maternités, pour faire passer le message aux parents que si leur enfant touche à l’art, il aura plus de chance qu’un autre. Là encore, la formation, initiale et continue, se conjugue à la création. Un artiste ne déboule pas comme ça dans un établissement. Avant cela, il y a des enseignants qui parlent des œuvres. Au quotidien, c’est aussi faire en sorte qu’un théâtre jeune public existe et aille dans les quartiers, pour former de nouveaux publics et créer de l’émancipation. Il faut savoir refuser la démesure, faire petit c’est très bien aussi.
Sans être dans le registre du sauveur, on a une mission de service public. L’éducation populaire est un levier, pas une finalité.

A quoi pouvons-nous nous attendre à la prochaine saison ?
Je réfléchis déjà à la création du premier spectacle que je mettrai en scène en octobre-novembre 2023. Je souhaite que ce soit un projet de théâtre populaire, issu de cette terre, donc plutôt d’un auteur méditerranéen. Et s’il est du passé, il faudra qu’il fasse l’objet d’une adaptation contemporaine par un auteur de Marseille et avec des actrices et acteurs locaux, autour d’une histoire qui résonne de manière locale.
Dans mon projet de direction, je m’appuie sur des forces locales dont François Cervantes que j’admire. J’aimerais, même si elle ne le sait pas encore, que Catherine Germain [actrice fétiche de François Cervantes, ndlr], qui est une merveilleuse comédienne, joue également ici. Tout comme des compagnies locales. Je travaille aussi avec plusieurs collectifs, avec Simon Abkarian, avec Louise Vignaud. Ça c’est pour les œuvres. Pour la pratique : Alexis Moati. Et pour la pensée : Barbara Cassin, Alice Zeniter, Cynthia Fleury, Roland Gori, Grégoire Ingold.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Mise à feu !
17 septembre
à partir de 11 heures 
La Criée, Marseille
(entrée libre sauf concert de 20h30)
04 91 54 70 54
theatre-lacriee.com

« C’est pas du luxe ! », un festival qui n’a pas de prix

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"Joie !" au théâtre du balcon lors du festival C'est pas du luxe 2021 à Avignon.

Porté par La Garance, scène nationale de Cavaillon, l’association Le Village et la Fondation Abbé Pierre, le festival C’est pas du luxe ! revient cette année du 23 au 25 septembre, dans les rues et lieux culturels d’Avignon. La manifestation est unique en son genre : elle fédère personnes en grande précarité sociale et économique – en partant du constat qu’elles n’ont souvent que peu ou pas accès à une pratique artistique, alors qu’il s’agit d’un besoin humain fondamental –, opérateurs culturels et artistes – qui gagnent à être en prise avec les réalités de notre société. L’équipe de C’est pas du luxe ! croit « en la fertilité du croisement des mondes » et se mobilise pour mettre en lumière auprès du grand public les projets artistiques qui en résultent, dans leur diversité et leur intensité.

Une intensité particulièrement marquée dans les temps de partage, si réparateurs après les fractures de la période covid. Ainsi du grand bal orchestré par Denis Plassard à La FabricA, le samedi 24 septembre. Pas besoin de savoir danser pour participer : le chorégraphe embarque tout le monde, c’est drôle, c’est beau, ça défoule, ça fait du bien. De même que cet opéra de trottoir célébrant la sororité, Obstinées, qui se tient place des Corps-Saints le samedi après-midi : la Kie Faire Ailleurs a accompagné pour le concevoir des femmes de différentes cultures, âges et milieux sociaux. Pour elles, la solidarité féminine n’est pas un vain mot : hors de question de se laisser moquer par les phallocrates ! Guettez aussi les Souffleurs de patience, qui circulent durant tout le festival pour glisser des poèmes à l’oreille des spectateurs. Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes, voilà qui n’a pas de prix.

Beaucoup d’émotion aussi du côté des arts visuels. La Collection Lambert accueille par exemple Notre musée, une « collection sentimentale » constituée par des commissaires d’expositions peu habitués des cimaises, réunis via les structures sociales qui les accompagnent. Avec l’artiste Mohamed El Khatib et la photographe Yohanne Lamoulère, ils ont mis en dialogue les œuvres du fonds et des objets intimes, le tout pour un résultat « à faire battre le coeur ». Le Cloître Saint-Louis accueille quant à lui un jardin artistique, Les ombres juste avant les forêts, installation propice à la contemplation préparée par des personnes sans-abri, avec la Cie Grandeur Nature.

GAËLLE CLOAREC

C'est pas du luxe !
Du 23 au 25 septembre
Divers lieux, Avignon
cestpasduluxe.fr