mercredi 2 octobre 2024
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Mísia : lorsque le noir et le blanc deviennent des couleurs

Sur invitation du Chantier de Correns, la star du fado Mísia était sur la scène de La Croisée des Arts

Événement à La Croisée des Arts de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume ! La grande chanteuse portugaise de Fado, Mísia, renouait avec l’art des tournées internationales en commençant par répondre à l’invitation du Chantier, Centre de création des Musiques du Monde de Correns. 

Frank Tenaille, directeur artistique de cette structure unique en France, présentait en apéritif au concert la carrière foisonnante de cette artiste hors normes qui a permis au Portugal de se réconcilier avec cet art de la saudade, ce spleen indéfinissable que l’on peut rapprocher du blues, avec ses racines populaires (au moment de la Révolution des œillets, on accusa cette forme musicale de faire partie des « 3F », « fado, Fatima et football », aliénant le peuple).

Présenté en deux mouvements, le spectacle (et ce concert en fut vraiment un, avec une protagoniste racontant des histoires, mettant en scène les récits, les émotions, les situations, l’intime comme l’universel) offrait un premier temps en « noir et blanc ». Dans la lignée de Piaf et Barbara, dont Mísia, gainée de noir, adopte certaines attitudes et intonations. « Bien sûr, sourit-elle, mutine, le fado n’est pas olé-olé, ce n’est pas une danse comme le flamenco ou le tango, nous on attend le destin sans bouger et cela demande beaucoup de courage. Nous devons aller au fond de notre cœur. » Ce cœur, « il est peut-être au fond de la mer » avec la grande Amalia Rodriguez à laquelle l’interprète décerne un vibrant hommage, accompagnée par Fabrizio Romano au piano, Bernardo Couto à la guitare portugaise et João Filipe à la viola de fado, « mes hommes » dit-elle à l’instar de Barbara…

 La voix, émouvante jusque dans ses fêlures et ses élans mélodiques à l’élégance pure, s’empare des textes que les poètes les plus marquants de leur génération ont écrit pour elle. L’émotion devient matière sonore, fluide, envoûtante. Mais le rire affleure partout. Le micro se refuse à rester fixe et manque lui tomber sur le visage, Mísia rit et voit des échos de Louis de Funès ou de Peter Sellers dans la situation.

La deuxième partie, sous les auspices d’Almodovar, s’ouvre sur une chanson de Violeta Parra qui chantait si magnifiquement Gracias a la vida, Que he sacado con quererte. Mísia qui s’est vêtue d’or évoque sa famille, une mère danseuse classique espagnole et une grand-mère « frivole ». Une artiste de music-hall qui a élevé sa petite-fille et l’a encouragée, contre l’avis de ses parents, à se lancer dans le monde de la musique et du spectacle.

Ces anecdotes se trouvent dans le tout nouveau livre de la chanteuse, Animal sentimental (pas encore traduit en français). « Toutes les chansons que l’on peut écouter sur mon disque [éponyme du livre, ndlr] sont connectées avec chaque chapitre. C’est être un animal sentimental qui m’a sauvée dans tous les moments de ma vie et m’a donné la foi de continuer. » On se laisse séduire, Fernando Pessoa et sa dame de chagrin, le chachacha des années cinquante qui tombe amoureux du fado… Mísia chante, danse, mime, joue, conte. Un espace de liberté infini s’ouvre, la vie se fait chant, ou l’inverse, on ne sait plus si ce n’est que c’est sublimement beau.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 25 novembre à La Croisée des Arts de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume.

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