mercredi 2 octobre 2024
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Courir pour vivre

Avec Jusqu’au Prodige, Fanny Wallendorf signe un récit aussi court que haletant sur la fuite d’une jeune femme dans la forêt du Vercors pendant les derniers mois de la Seconde Guerre mondiale

La jeune Thérèse court dans la forêt. Elle se répète les paroles de son frère, apprises par cœur, lui indiquant l’itinéraire à suivre. Elle court sans se retourner, pour mettre le plus de distance possible avec celui qui va sûrement la poursuivre, comme il poursuit toujours ses proies, ses « trophées », les animaux sauvages qu’il capture et séquestre. Quand Thérèse était arrivée à la ferme, le Chasseur avait pensé pouvoir en faire la nourrisseuse des bêtes. Cela l’a probablement sauvée. S’acquittant bien de sa tâche, elle a été nourrie. Maltraitée mais vivante, avec vrillé au cœur, le souvenir de son frère, Jean, perdu dans la cohue de l’Exode. Il avait eu le temps de lui donner rendez-vous à Valchevrière, dans le Vercors, après la guerre. C’est l’espoir de le retrouver qui lui donne courage et énergie. Elle court donc, elle a enfin réussi à s’enfuir dans la nuit, un croûton de pain dans la poche. Cette course lui rappelle celle de l’Exode, quatre ans plus tôt, où elle a pu monter dans un wagon à bestiaux alors que la cohue des fuyards la séparait de Jean. 

Orpheline sans frère
Tout au long de son court récit, Fanny Wallendorf alterne les deux temporalités : celle de la séparation et celle de la fuite, celle de l’anéantissement et celle de l’espoir. En juin 1944, le débarquement en Normandie vient de commencer, cela a donné a donné à Thérèse l’élan pour s’évader. Elle court vers son frère maquisard. Elle arrive sur le plateau. Puis c’est Valchevrière. L’image de son frère se fait plus violente. Mais au lieu de la bergerie, des animaux, de la vie, c’est l’absence, « la coulée noire de la guerre », qu’elle trouve. Il ne reste rien. Orpheline sans frère. Dans cette désolation, Thérèse fait la rencontre de ce qu’elle croit d’abord être un loup. Il s’agit en fait d’un magnifique renard noir que l’on ne voit que très rarement et peut-être uniquement en imagination. Cette apparition la sort de sa torpeur, la sauve. Elle va pouvoir descendre dans la vallée, trouver la ville où elle devait s’installer avec Jean…

Le récit émeut. Proche des contes de l’enfance avec cet ogre-chasseur cruel et la nature protectrice et amie, il montre la prise de conscience de la noirceur et de la mort mais aussi la force vitale qui redonne le souffle.

CHRIS BOURGUE

Jusqu’au Prodige, de Fanny Wallendorf
Finitude - 14,50 €
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