mercredi 2 octobre 2024
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Celle qui a dit non

Dans Primadonna, Marta Savina met en lumière l’histoire de Franca Viola, première italienne à s’être opposée à la pratique du mariage dit « réparateur »

Il y a des actes de courage individuel qui infléchissent l’Histoire, changent la donne, ouvrent la voie. Des actes révolutionnaires sans révolution : un refus soudain de se plier à une loi injuste, une tradition oppressive, une violence ou un oubli. C’est le « non » de Rosa Parks dans l’Alabama raciste des années 1950. C’est aussi celui de Franca Viola, la première Italienne à s’opposer, en 1965, à la pratique séculaire du mariage « réparateur », refusant d’épouser son ravisseur et violeur et le traînant, malgré les pressions sociales, devant les juges.

« Pour la première fois non seulement une jeune fille en Sicile a préféré être “déshonorée” plutôt qu’accepter la violence d’un homme, mais surtout, un père, au lieu de résoudre la question en épaulant un fusil et en se vengeant avec ses propres mains, a cru dans la force de la loi et dans celle de l’État. » écrivait La Stampa. La loi qui exonérait le violeur s’il lavait le déshonneur de sa victime en la prenant pour femme, sera abrogée en 1981. Cette histoire hante Marta Savina. En 2017, elle en fait le sujet de son court métrage Viola. En 2022, celui de son premier long, Primadonna.

Casting parfait pour ce film primé au Festival de Rome. Franca Viola devient Lia Crimi, toujours interprétée par Claudia Gusmano au visage de madonne. Lia naturellement anti-conformiste, préfère travailler aux champs avec son père que rester à la maison avec sa mère et son petit frère pour apprendre à être femme au foyer. Dario Aita est l’antipathique et archétypal Lorenzo Musicò, fils du parrain du coin, arrogant, sûr de son impunité, flanqué de sa bande de voyous. Pour lui, il y a les femmes qui restent au lit comme sa maîtresse et celles qu’on épouse comme Lia – qui a quelquefois flirté avec lui, tout en restant chaste. Fabrizio Ferracane incarne avec subtilité, le père, accablé par l’oppression de « ceux qui ne perdent jamais » et fier que sa fille les brave. Sans oublier, Francesco Colella, avocat mis sur la touche qui finira par défendre Lia.

Au grand jour
La réalisatrice reconstitue l’affaire en trois temps dans une mise en scène sobre, linéaire, un peu illustrative. D’abord une contextualisation plus stylisée que documentaire : juxtaposition de scènes, succession de gestes simples. Dans des paysages beaux à couper le souffle où tout semble immuable, se dessine un monde rural archaïque, patriarcal, sous la coupe de la mafia locale et d’un clergé complice dominant ses « brebis » à coups de processions et de sermons. Puis le basculement du rapt et du viol. Le séisme familial et intime. Les conséquences du choix de Lia : mise au ban du groupe, stigmatisation, menaces, exactions. Et enfin le procès.

Si Primadonna n’apporte pas de grandes surprises en termes d’écriture cinématographique, ni de scénario, n’évitant pas toujours l’aspect édifiant, on retiendra de fort jolies scènes. Comme cette baignade nocturne de toute la famille Crimi qui, ostracisée par la collectivité, n’a plus droit au grand jour. Un grand jour que film a le mérite de faire sur le cas Franca Viola, une femme qui a dit non.

ÉLISE PADOVANI

Primadonna, de Marta Savina 
En salles le 17 janvier
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