Après 40 ans d’achats, la collection du Frac Sud comprend aujourd’hui plus de 1400 œuvres, signées par plus de 650 artistes, réunies dans des réserves au sein même du bâtiment marseillais. Qu’il ne s’agit évidemment pas de laisser s’ endormir. De nombreux projets sont inventés tout au long de l’année, pour diffuser et valoriser cette collection, faisant intervenir des partenaires divers, dans toute la région. Cette diffusion et valorisation de la collection se fait aussi au sein des espaces d’exposition du bâtiment à Marseille, avec, jusqu’au 24 mars, l’exposition Apophénie.
Troubles de la perception
On apprend à cette occasion que le terme d’« apophénie » signifie en psychiatrie « altération de la perception, qui conduit un individu à attribuer un sens particulier à des événements banals, en établissant des rapports non motivés entre les choses ». L’exposition a été conçue pour le plateau « expérimentations » du Frac par neuf étudiant.e.s du master Art et Scénographie du Pavillon Bosio ( Monaco) et du master Sciences et Techniques de l’exposition (Paris 1), accompagné·es par leurs enseignants. Autre précision : « Cette exposition invite à un décentrage du regard afin de considérer pleinement les merveilles données à voir par l’impermanence ».
On rencontre la première impermanence dès le palier : apparition et disparition de volutes savonneuses sur une vitrine en verre, voluptueuses, chorégraphiques, réalisées par le Laveur de carreau, filmé par Anna Malagrida. D’autres vidéos, où se produisent des phénomènes aux limites du formel et de l’informel, nous attendent, au sein de ce plateau transformé en patio par les jeunes commissaires. Des paysages de putréfactions colorées, filmées en macro de Michel Blazy, formes bizarres qui émergent, liquides épais qui s’écoulent, mouches, asticots et araignées en goguette. « La danse infernale de la goutte d’eau » dans Caléfaction de Rémi Bragard. Un touillage glougloutant de bébés grenouilles flottant dans les limbes de Frogs de Martin Walde. Une sculpture, au sol et au centre, un tissu de sable froissé, réalisé par Linda Sanchez, alliance émouvante d’ordinaire et de précieux. Sur deux poteaux verticaux, deux photographies en noir et blanc de lacs d’altitude effacés, paysages de montagnes aux accents lunaires d’Isabelle Giovacchini, qui semblent dialoguer avec Intrusion image spectrale de Berdaguer et Péjus, tout autant qu’avec les morceaux de polystyrène colorés, tramés d’impact divers, spongieux, de Dominique de Beir. Une vitrine posée sur un socle noir vertical, Bloom (Age of Uncertainty) de Bianca Bondi, associe, entre archéologie et alchimie, des pierres semi-précieuses, des objets en métal, des éléments organiques stabilisés par des solutions chimiques ou cristallisés dans le sel. Bref, entre attraction et répulsion, ordinaire et précieux, vie et mort, immobilité et mouvement, tout est en place pour que les visiteurs puissent laisser libre cours à de belles apophénies.
MARC VOIRY
Jusqu’au 24 mars Frac Sud - Cité de l’art contemporain, Marseille