mercredi 2 octobre 2024
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L’Adolescence de l’art

Philippe Jaroussky et l’OONMO brillent sur un programme dédié aux œuvres de jeunesse de Mozart

On comprend aisément ce qui a pu séduire Philippe Jaroussky dans les œuvres de jeunesse de Mozart (voir notre entretien ici), dont on pourrait arguer qu’elles constituent un premier style. Composés entre quatorze et seize ans, les ouvertures d’opera seria, symphonies, arias et airs dits de concert conservent tout d’abord des liens avec la musique baroque, répertoire de prédilection du contre-ténor puis de ses expériences de chef d’orchestre. Le goût du contraste frappe notamment, souligné ici par un choix de changements de tempi et de nuances fort à propos y compris au sein même des ouvertures, là où d’autres auraient surjoué le raffinement et adouci jusqu’au mielleux les finitions et effets de transition. Le choix d’une nomenclature réduite à son strict minimum est également tout à l’honneur du chef comme de l’orchestre : les pupitres sont réduits à leur plus simple appareil, et chaque solo de la violoniste supersoliste – impressionnante Dorota Anderszewska – ou de son homologue des seconds violons – Ludovic Nicot – résonne dans sa confondante simplicité. 

Une direction minutieuse

Les vents, et tout particulièrement les cuivres, se révèlent particulièrement exposés : les cors de Sylvain Carboni et Jacques Descamps, les hautbois et bassons de Coline Prouvoust, Tiphaine Vigneron, Blandine Delangle et Arthur Antunes assurent avec grâce et musicalité une partition particulièrement difficile. Soutenus, malgré une évidente et payante prise de risque, par la direction toujours minutieuse de Jaroussky, les musiciens s’adaptent également à la présence au clavecin de Yoko Nakamura. C’est ici l’entente et la vigueur concertante des musiciens qui est explorée, notamment sur le genre tombé depuis en désuétude des airs de concerts où la voix de l’épatante Marie Lys s’érige face à eux. À la manière d’un concerto grosso, les airs de concert la placent en complice et imitatrice avisée de leurs impulsions ; jusqu’à ce que cette grande cantatrice en devenir s’épanouisse sur des parties a capella brillantes. Très fournie dans ses graves, la soprano se teinte de colorature lorsqu’elle s’élance jusqu’au contre-mi bémol sans difficulté apparente. La Donna Anna qu’elle donne à découvrir en bis laisse rêveur : sans doute l’entendrons-nous développer ce rôle par la suite – peut-être à nouveau sous la direction de Philippe Jaroussky ? 

SUZANNE CANESSA

Le concert Mozart, l’enfant prodige a été donné les 27 et 28 octobre à l’Opéra Comédie, Montpellier
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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