Dès l’entrée dans la salle, le spectateur est accueilli par un décor étrange, moulages d’oiseau, de cheval, de têtes énormes en carton-pâte, campés sur les sièges de l’auditoire, tandis que le plateau semble être un album désordonné où se jouxtent des formes de meringue, de bonbons en gelée, de silhouettes de personnages cinématographiques et d’une bouche géante ouverte sur ses dents, surmontée de narines qui couleront vert à la fin de la pièce, on pourrait se penser au milieu des pages de Fluide Glacial. Une dame au double-menton tremblotant (Sophie Lenoir) arrive sur scène, attend en vain son rendez-vous, un monsieur dont la figure est entachée des mêmes attributs. Ce dernier (Stéphane Roger) arrivera trop tard, réitérant le thème de la non-rencontre et du théâtre de l’absurde. Le texte, divisé en quatre parties aux titres à rallonge calligraphiés sur de larges ardoises noires, débarque sous forme de jeu au cours duquel une présentatrice déchaînée invite le public à deviner le dernier mot de citations célèbres, alors que son comparse se campe derrière une table de mixage qui amplifie les effets. Il est impossible, voire inutile de chercher une logique dans ce bric-à-brac dément. Les protagonistes endossent des rôles sans relation entre eux, semblent parfois jouer leur propre personnage, font une démonstration improbable de marionnettes, mettent en scène un canard péteur, peignent les jambes de l’une, montrent les fesses de l’autre, s’emparent de tout pour une performance effrénée, démontent les clichés, ignorent les frontières. C’est énorme, déroutant, fantasque, iconoclaste, et puise dans l’essence du rire la force de faire un pied de nez gigantesque à tous les modèles du « prêt à penser ». Salutaire et revigorant !
MARYVONNE COLOMBANI
La meringue du souterrain a été donné les 7 et 8 décembre au Théâtre du Bois de l’Aune, Aix-en-Provence.