mercredi 24 décembre 2025
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L’Algérie à l’honneur au Cratère 

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Ferraj © X-DR

Porté par le chorégraphe David Djilali Wampach et son association Achles, le projet rime avec pluridisciplinarité et inventivité. Le lancement de la semaine se fera avec l’inauguration du « salon algérien », mis en place par l’association musicale Melting Pop et destiné à l’accueil convivial des visiteurs du Cratère. Les deux premiers jours du temps fort seront exclusivement dédiés à la danse, en solo d’abord dans Juste au-dessus du silence, où l’interprète Yasmine Youcef délivrera une chorégraphie intimiste. Puis en duo dans Algeria Alegria, où David Wampach et sa comparse Dalia Khatir danseront la joie algérienne, teintée de la mystériosité propre aux rituels dansés du pays. Les concerts ont aussi leur place dans la programmation, qu’il s’agisse d’un orchestre traditionnel à cheval entre musiques d’Andalousie et d’Algérie (le 15 mai), ou d’un groupe de rock aux influences jazz-funk et blues du désert (le 18). Et pour celleux qui voudraient goûter à tous les genres, deux soirées cabaret déjantées sont prévues, tant traditionnelles que modernes, avec danse, chant et performances (les 16 et 17). Les deux repas de couscous qui se tiendront au Cratère et à la Berline (les 16 et 17) témoignent aussi de l’importance de la cuisine dans la représentation de la culture algérienne. 

Focale sur le film documentaire 

La journée du 18 marque la fin du temps fort qui se conclut par la projection de deux films au Cinéplanet d’Alès. Le premier, Nnuba, est un moyen-métrage de la réalisatrice et photographe Sonia At Qasi-Kessi qui vit et travaille en Haute-Kabylie. Ce film est né d’un atelier de création du film documentaire organisé par le Collectif Cinéma et Mémoire et Kaïna Cinéma, sous la direction de la militante algérienne pour les droits des femmes Habiba Djahinne. Nnuba transmet donc la mémoire d’une ancienne organisation sociale d’entraide féminine dont le rôle est de s’occuper du bétail du village. Quant au deuxième film, il s’agit d’un documentaire long-métrage du réalisateur algérien Hassen Ferhani. 143 rue du désert (la tôlière du désert) raconte l’histoire d’une femme qui accueille en plein désert, en échange d’un simple café, différentes personnes dans le besoin. Une ode à l’entraide et à la fraternité, comme l’ensemble de ce temps fort Algérie. 

RENAUD GUISSANI

Temps fort Algérie, 
du 13 au 18 mai 
Le Cratère, Alès

OCCITANIE : BAM ! Sète et Thau ont 20 ans !

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Les « Douches » de Jean-Michel Othoniel sur la PLce Victor Hugo © X-DR

L’archipel de Thau et la ville de Sète offrent une variété de paysages et d’environnements propres à susciter l’intérêt des artistes. La liste des artistes du territoire est longue et prestigieuse -Combas, Othoniel, Di Rosa,  Pétrovitch, Fantozzi…- et c’est assez naturellement que Robert Commeinhes,  maire de Sète et président de l’agglopôle, a élaboré cette « opération artistique et urbanistique » qui vise à « faire naître des regards nouveaux sur les paysages si diversifiés de notre agglomération entre mer et étang, garrigues et vignobles, villes et villages. »

Mais attention, le but n’est pas de « produire davantage de tourisme ». « Nous ne voulons pas créer des dégradations environnementales, mais mettre en valeur les projets d’aménagement ou de réhabilitation de chaque commune », précise Christophe Durand, vice-président délégué à la culture. Si ces BAM étaient initialement conçues pour s’insérer dans le projet de capitale culturelle européenne, elles ont une ambition autonome, et un budget propre de 2 millions d’euros répartis sur quatre exercices, pour 20 commandes publiques qui verront le jour d’ici 3 ans. 

Tout Thau

Les premières seront installées durant les prochaines semaines : la grande sculpture de bronze Dans mes mains de Françoise Pétrovitch, destinée au pont de la gare de Sète, ou les cinq pièces d’André Cervera qui racontent, comme dans une BD colorée retrouvant une ligne claire d’acier, l’histoire de Poussan où le peintre sétois vit et travaille désormais. 

Les œuvres d’Hervé di Rosa, Victoria Klotz, Richard di Rosa leur succèderont d’ici la fin 2024, puis celles d’Elisa Fantozzi, Robert Combas,  Agnès Rossé, Céleste Boursier-Mougenot… au rythme de six par an, afin de prévoir au terme du projet quatre parcours aux vocations différentes : un autour des étangs, avec une prédominance des abris et un rapport affirmé à la vie animale, un sur les versants de Thau et son patrimoine historique, un autre sur les rivages de Thau, ses huîtres, ses garrigues et ses parcs populaires, et un à Sète, plus urbain.

« L’œuvre est adaptée à chaque site patrimonial ou naturel et trace le lien sensible du vivant. Je n’ai pas conçu mon travail comme pour une exposition, explique Salvador Garcia, commissaire du BAM, mais comme l’association d’un artiste avec un aménagement naturel ou urbain. Souvent avec des artistes, hommes et femmes, qui y vivent, et des maires qui prennent à cœur le projet, qui défendent l’idée d’investir dans des œuvres qui ne font pas l’unanimité, puisqu’une œuvre d’art contemporain n’y parvient jamais. »

Femme de Françoise Pétrovitch © X-DR

Huit à Sète

La capitale de l’agglo, outre le bronze de Françoise Pétrovitch, accueillera les totems d’acier de la marseillaise Chourouk Hriech, pour une promenade entre terre et mer, vide et plein ; une sculpture imposante d’oiseau de mer face aux embruns du site Saint Pierre de Johan Creten, une fontaine à Bears vert et rouge de Fabrice Hyber, sur la place Aristide Briand et son projet controversé de parking souterrain. La salle polyvalente Brassens, fermée pour vétusté depuis 2019, y sera entièrement reconstruite, pour offrir ses 1100m² aux associations de la ville, et offrir à tous une fresque de Robert Combas, qu’il veut « très colorée, qui tienne avec le temps, soit entièrement visible de l’extérieur et parle de Brassens »

Plusieurs œuvres des artistes de ces BAM ont pris d’ores et déjà pris leur place dans l’espace public sétois : le pont des Arts de Jean Denant, au trajet courbe, voiles d’inox et empreintes de filets de pêche, ouvre désormais un des accès à la ville et les plaques en émail de Francois Lugori déclinent sur les murs du parking Victor Hugo leur vision colorée de la création du monde. 

Sur la place au-dessus la Fontaine des fleurs mouvantes sublime le rouge et bleu de Sète, comme des coquelicots flottant sur la mer, offrant aux enfants la possibilité de la fraîcheur et, le soir, la majesté des jets d’eaux illuminés : Jean Michel Othoniel, d’ici fin 2025, restaurera également le Pavillon des bains de la place, en l’ornant de fresques au sol, aux murs sans doute. Un projet qui bénéficie d’une commande d’État.

AGNÈS FRESCHEL

La caserne  miraculeuse… 

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Face à la faillite du projet urbain « Quartiers Libres », piloté par la Métropole d’Aix-Marseille Provence, depuis 2010, les associations ont repris le flambeau et se sont réunies pour une présentation le 11 avril 2024 à CinéFabrique. Les partenaires, qui ont travaillé ensemble à l’écriture du projet, comptent la Fondation Abbé Pierre, Yes We Camp, JUST, Artagon, Parallèle, AN02/CH03 et CinéFabrique. Ces acteurs, qui interviennent dans des champs complémentaires, sociaux et culturels, apportent une haute valeur ajoutée, technique et participative, au 3e arrondissement de Marseille. 

Un arrondissement qui constitue le quartier le plus pauvre en France (Hors Dom-Tom). et qui continue de s’appauvrir considérablement. Une réalité socio-économique qui repose sur une histoire de peuplement.

Désindustrialisation

La Belle de Mai porte l’histoire de vagues migratoires et ouvrières structurelles du peuplement de Marseille, reposant sur la notoriété emblématique de grandes entreprises comme la Manufacture des Tabacs, les usines de raffinement de sucre (Sucres Saint-Charles 1830) et de fabrication d’allumettes : le déclin industriel a laissé d’immenses friches industrielles, doublées de friches militaires. 

Si certaines ont su se convertir en friche culturelle telle que la Friche de la Belle de Mai, d’autres bâtiments restent en partie inoccupés, alors même que les besoins d’espaces de vie sociale, de développement économique et de mise à l’abri manquent cruellement à Marseille. C’est dans une dynamique d’urbanisme d’amorçage que Nicolas Détrie, directeur de Yes we camp imagine le développement d’un nouveau tiers lieu au service des habitants et des institutions. 

Renouveau de l’action collective !

Éric Semerdjian, conseiller municipal en charge de l’innovation sociale et la coproduction de l’action publique, s’appuie sur le bilan de Coco Velten pour soutenir l’initiative. L’expérience de la Porte d’Aix a fait ses preuves depuis 2019, et a laissé la place au projet de pérennisation portée par la ville, alliant mixité sociale et mixité d’usages sur 4000 m2 de logement social, d’hébergement d’urgence, et d’actions sociales et culturelles. Eric Semerdjian attend désormais que les autres collectivités, l’État et les entreprises suivent.     

Pour Francis Vernède de la Fondation Abbé Pierre, il s’agit de valoriser l’implication de la société civile en répondant aux besoins d’hébergement d’urgence. Plus de justice sociale, d’insertion professionnelle, soutien aux pratiques artistiques émergentes et de contribution des habitants, tous.tes s’engagent à veiller à la défense et la promotion des actions en faveur des habitants du 3e et du développement de leur territoire. 

La question de la dimension éphémère du projet est évoquée pour indiquer l’urgence et la nécessité de projets durables dans un contexte économique où tous les indicateurs sont au rouge.  Il y a urgence à élaborer au plus vite, dans la perspective de pérenniser.

Samia Chabani

« La France, tu l’aimes mais tu la quittes ! »

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Après avoir longtemps traité du déni des discriminations en France, dans ses recherches et notamment sa publication A l’épreuve des discriminations, Julien Talpin, directeur de recherche au CNRS et spécialiste du racisme et des quartiers populaires revient sur la question, avec la nouvelle enquête sur la diaspora française musulmane, « La France, tu l’aimes mais tu la quittes », aux côtés Alice Picard, chercheuse et d’Olivier Esteves, spécialiste de l’immigration du monde anglophone. 

Publiée au Seuil, les parcours de re-expatriation de Mourad, Samira, Sandrine, Vincent… sont édifiants. Nés en France, diplômés de l’enseignement supérieur, , stigmatisés pour leur religion, leurs noms ou leurs origines, tous.tes ont subi en France une discrimination sur le marché de l’emploi, et se sont installés à Londres, Dubaï, Casablanca, Montréal ou Bruxelles, pour une meilleure prise en compte de leurs compétences. 

Anywhere without discrimination

Sont-ils simplement emblématiques des nouveaux profils des « anywhere », qui sont en mesure de travailler de n’importe où avec un ordinateur connecté, contrairement aux « somewhere », ancrés dans leur terroir, ou représentent-ils également un malaise lié au rejet de l’enracinement durable de musulmans en France ?

Les « deux clans » décrits par David Goodhart, illustrent  l’une des formes de la nouvelle fracture mondiale avec un clivage fondé sur la mobilité comme compétence et aptitude professionnelle : il s’agit bien là d’une partition gagnants versus perdants de la mondialisation. Ainsi en s’exilant, ces Français de culture ou de confession musulmane, trouvent à l’étranger l’ascension sociale qui leur était refusée en France. 

Des polémiques remettent en cause la méthode, la durée ou l’échantillon quantitatif de plus de 1000 personnes. Pourtant cette enquête sociologique confirme pourtant ce que les enquêtes Trajectoires et origines (Brinbaum et Primon, 2013 ; Meurs, 2017) menées sous la direction de Patrick Simon, illustrent de longue date . : il y a de fortes inégalités sont objectivement observées dans l’éducation, l’accès à l’emploi ou les niveaux de revenus, au détriment des minorités visibles d’origine maghrébine, subsaharienne ou turque notamment.

 Exception française

En interrogeant les élites minoritaires, l’étude détaille leurs formations, comment elles sont assignées à un islam réel ou supposé, les raisons de leur départ, le choix des destinations, l’expérience de l’installation et de la vie à l’étranger, le regard qu’elles portent sur la France, leurs perspectives de retour… Mais ce n’est pas seulement une fuite des cerveaux que l’ouvrage documente : se révèlent en creux les effets délétères de l’islamophobie qui, vus d’ailleurs, semblent bel et bien constituer une exception française.

SAMIA CHABANI

Flamme poétique

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Nadine Agostini © Antoine Gallardo

Au fil des ans ou des eaux de l’Argens qui mènent de Barjols à la côte toulonnaise, le festival des Eauditives s’est affirmé comme le temps fort poétique du printemps. Y est rendu visible le travail effectué par les membres de la Zone d’Intérêt Poétique (ZIP) de Barjols auprès des scolaires, depuis l’école primaire au lycée grâce aux restitutions de leurs ateliers

Cette année sont à l’œuvre le poète performeur, et fondateur de la revue Freeing our body, Yoann Sarrat, du poète et performeur Dominique Massaut, de la plasticienne et auteure Nicole Benkemoun, le peintre et plasticien Guy Ibanez, la poétesse et comédienne Laurence Vielle et des poètes, plasticiens, performeurs, éditeurs (éditions Plaine Page) et fondateurs des Eauditives, Claudie Lenzi et Éric Blanco. Comme tous les ans, sous la houlette de leurs professeurs, les étudiant.e.s de l’Ecole Supérieure Art et Design proposeront leur déambulation  poétique avec les Furoshiki, une  technique de pliage et nouage de tissu  détournée pour envelopper des créations plastiques construites autour des textes des auteurs en présence. Ils s’adonneront aussi aux performances baptisées Poessonies, mot qui unit poésie, son et eau.

Dominique Massaut © John Sellekaers

Subtils éclairages

S’orchestrent des rencontres d’auteurs, Yoann Sarrat, Nadine Agostini, Frédérique Guétat-Liviani pour son livre 4 de chiffre et Sarah Keryna qui évoquera son nouvel opus Ligne directe, paru cette année aux éditions Plaine Page. 

Conférence, lectures, performances, vernissages d’expositions précèdent le dernier évènement de la manifestation : une journée consacrée aux écritures sourdes, qui s’achèvera par une table ronde sur le thème des Générations créatrices avec quatre femmes, Chantal Liennel, Emmanuelle Laborit, Zohra Abdelgheffar et Marine Comte. Ici, selon Éric Blanco, « mieux qu’une seule flamme spectaculaire et médiatisée, plusieurs lumières de poche ou bougies de proximité, relient et croisent les différences, connectent les œuvres, les textes et les idées ». 

MARYVONNE COLOMBANI

Les Eauditives
Du 14 mai au 1e juin
Barjols, Châteauvert, Toulon, Brignoles, La Garde, Saint-Raphaël

Citadelle de Marseille : quand le présent s’empare de l’Histoire 

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©Citadelle de Marseille - Jean-Charles Verchère

Zébuline. Qu’est ce qui vous a donné envie de diriger ce projet ?

Mathilde Rubinstein. Beaucoup de choses. C’est une chance inouïe de travailler sur un site patrimonial de cette envergure, avec une dimension mémorielle aussi forte. La dimension d’économie sociale et solidaire  m’a également paru essentielle : je travaille dans la culture depuis très longtemps et je me préoccupe de la diversification du public. Travailler dans une structure d’ESS, et construire directement avec un public empêché, c’était un vrai défi. 

Vous avez été directrice adjointe des Théâtres puis coordinatrice générale de Manifesta. Qu’est ce qui différencie le projet de la Citadelle des différentes missions que vous avez menées jusqu’à présent ?

Jusqu’alors j’ai travaillé dans la création, dans le domaine du patrimoine on n’est pas dans la même dynamique professionnelle, en terme de logique de production. Ici, on développe un projet culturel en co-construction, que ce soit avec les publics ou les acteurs artistiques.  J’assume la direction artistique mais je la partage autant que possible. Ce n’est pas un projet que l’on peut diriger seule : la dimension du site dépasse l’individualité. Le patrimoine c’est un bien commun à protéger, il faut donc travailler avec le commun. 

Quand vous parlez aux Marseillais, comment perçoivent-ils ce lieu ?

Ce que je sais, c’est que les Marseillais le voient comme un site patrimonial qui leur a été interdit, et qu’ils peuvent redécouvrir. C’est aussi pour eux l’occasion de réentendre l’histoire de Marseille, le développement de cette ville et de son rapport avec le pouvoir central et la Méditerranée. Cela répond à une attente et des questionnements des Marseillais. J’espère que l’on incarne aussi un lieu de création, de vie, de culture, ouvert sur la ville.

Mathilde Rubinstein © Citadelle de Marseille

Justement, comment assure-t-on l’accueil du public, dans un lieu qui a été conçu pour le repousser ? 

Les contraintes que nous avons dû surmonter sont celles de sa mise en sécurité, sa mise aux normes. Évidemment, dans un fort du XVIIe siècle, rien n’était prévu pour l’électricité également : on a dû construire toute l’infrastructure sur ce site de cinq hectares, je vous laisse imaginer l’investissement colossal que cela représente… Aujourd’hui ce que l’on a du mal à aborder de manière satisfaisante c’est l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite : on est sur un éperon rocher avec des pentes à 8%, un monument historique avec des calades au sol très inconfortables pour rouler dessus. Nous avons poussé au maximum ce que l’on pouvait faire (accessibilité des toilettes, de l’accueil), mais nous espérons avoir des mécènes pour trouver d’autres solutions, comme des petites voiturettes pour assurer une accessibilité convenable à ces personnes. 

La Citadelle a déjà accueilli des spectacles ces derniers mois, en partenariat avec La Criée ou le Festival de Marseille. Quels retours avez-vous eu des artistes et des opérateurs culturels ?

Ces programmations sont nées d’un désir et d’un engagement partagés, y compris financier. Ce n’est pas simple de programmer ici, on n’est pas dans une salle classique, où tout l’équipement est sur place. Mais on a eu des retours excellents, parce que le site est inspirant, et pour les artistes ce n’est pas rien de créer, de jouer ici. Je pense à Aina Alegre pour l’ouverture du Festival de Marseille en 2023, ou aux Trois Mousquetaires qui ont trouvé ici un décor parfait. Ce sont des projets qui rencontrent nos valeurs, en terme d’ouverture au public, de qualité, et de transmission…

Vous avez dessiné une belle programmation estivale, la Citadelle a-t-elle vocation à accueillir des événements en hiver aussi ?

Oui, mais ce sera pour la saison 2025/26. On est encore très contraints par le fait d’être essentiellement un établissement de plein air. On travaille à aménager des espaces en intérieur pour pouvoir répondre à cela, mais nos plus grandes salles font 50 m2, c’est un peu notre talon d’Achille. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

Succès public pour le week-end d’ouverture 

5, 4, 3, 2, 1… Les membres de l’équipe fébriles ont entamé le compte à rebours. Il est midi tapante ce samedi 4 mai quand ils donnent le top pour activer les lourdes portes en fer qui s’ouvrent dans un grincement. Derrière la grille, des dizaines de personnes se pressent. Marseillais, mais aussi touristes veulent être les premiers à fouler le sol en pierre du fort Saint-Nicolas. Ils seront 9 100 dans le week-end à découvrir le monument fermé au public depuis… 360 ans. 

Ce lieu exceptionnel a été confié par la ville à l’association La Citadelle de Marseille.Il s’agit d’abord d’un projet social en partenariat avec l’association Acta Vista qui pilote la restauration du fort et encadre un chantier d’insertion qui a déjà formé aux métiers du patrimoine quatre cents personnes éloignées de l’emploi. C’est aussi un tiers lieu culturel qui accueillera en résidence des artistes, plasticiens, photographes, écrivains… du monde entier. L’accès aux jardins, 1,5 hectare face à la mer, est gratuit. L’occasion d’y découvrir l’exposition à ciel ouvert de Franck Pourcel sur le football masculin et féminin, un parcours sonore, « l’île aux chiens » qui plonge dans les mystères d’un épisode méconnu de la vie du fort : son occupation par des centaines d’animaux sous l’égide du service de santé et vétérinaire des armées de 1978 à 2011. 

La Citadelle accueillera aussi des concerts : La Valentina, MachinE, Perlla et Abstraxion ont enflammé le fort pour sa soirée d’ouverture, des collaborations avec des festivals entre autres Le Bon Air, Oh les beaux jours, Explore et le Conservatoire Pierre Barbizet dont les élèves et professeurs donneront un grand concert pour la fête de la musique. Une guinguette pour se restaurer et des activités payantes sont aussi proposées aux Marseillais : visites guidées, ateliers pour enfants – actuellement le jeu de piste la grande évasion (8-12 ans) – ainsi que des visites scolaires.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Ouverture les week-ends en mai et du mercredi au dimanche tout l’été de 12 à 22 heures.

L’Amérique latine sur la Canebière

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Tierra Quebra de Nina Marin © X-DR

Depuis Marseille et le cinéma des Variétés, cap sur le Brésil, Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Cuba, Mexique, Pérou… Mais cette année, la focale sera mise sur l’Argentine, dont le cinéma, pourtant riche et reconnu internationalement, est mis en danger par l’ultralibéralisme trumpien du président Javier Milei en croisade contre ce qu’il appelle le marxisme culturel. Du 11 au 18 mai, le festival des Rencontres du Cinéma Sud Américain placent trois longs métrages argentins sur les huit en compétition pour le Colibri d’or, et cinq courts métrages sur les dix sélectionnés.  

Ouverture à Buenos Aires avec le féministe et antilibéral Unicornio de Natural Arpajou qui nous emmène dans le quartier Constitución à la suite de quatre femmes qui vivent l’amour de façons très différentes et que l’amitié et l’entraide sauveront. Clôture dans la même ville, côté université avec El Profesor de Maria Alché (qui sera là pour débattre avec le public) et Benjamin Naishat :une« comédie dépressive » où un prof de philosophie brigue le poste de son mentor décédé et se voit concurrencé par plus jeune et plus brillant que lui.  

Des femmes par des femmes

Plus nombreux dans le programme des courts, les réalisateurs sont quasi absents de la sélection compétitive des longs-métrages (un seul co-réalisateur). Ces réalisatrices nous parlent de la violence sociale et politique de leur pays. Comme la Colombienne Nina Marin –invitée elle aussi –, dans Tierra Quebrá, filmé en noir et blanc, entre tragédie et réalisme magique. Ou l’Argentine María Victoria Menis avec Miranda de Viernes a lunes dont l’héroïne épouse le combat de ses élèves contre l’impunité machiste. Portraits de femmes par des femmes. Celui d’Emilia, première institutrice du village amazonien d’Islandia brossé par la Péruvienne Ina Mayyushin – présente aux Variétés. Ou de la Bertha de Porto Principe de María Emilia de Azevedo, en butte à l’hostilité de son fils parce qu’elle se lie d’amitié avec le migrant haïtien qu’elle a accueilli dans sa ferme isolée. Projection suivie d’un débat animé par Les Philosophes publics.

Il sera question aussi de maladie et de mort comme révélatrices avant tout de la valeur de la vie. C’est le documentaire Memoria Infinita de la Chilienne Maite Alberdi sur Augusto Góngora, célèbre journaliste, chroniqueur des crimes du régime Pinochet, atteint par la maladie d’Alzheimer et sur Paulina Urrutia sa compagne, actrice et femme politique, unis par leur amour et cette lutte contre la déchéance annoncée. C’est le tendre requiem de Totem de Lila Avilés (sélectionné pour représenter le Mexique aux Oscars)où on pénètre par le regard d’une fillette de 7 ans, un microcosme familial dans lequel se prépare la fête d’anniversaire (et d’adieu) de son père mourant.

La cérémonie de remise des Prix (meilleur long-métrage, meilleur court, meilleur acteur et actrice, Prix spécial du jury, Prix du public et Prix du jury jeune) aura lieu avant la projection de AM-PM de Alejandro Gil (hors compétition) qui se déroule dans un immeuble de 12 étages et « nous plonge dans une mosaïque de vies et d’émotions ». Une synthèse en somme de la philosophie de ce festival solidaire.

ÉLISE PADOVANI

Rencontres du Cinéma Sud Américain 
Du 11 au 18 mai
Les Variétés, Marseille
cinesudaspas.org

Jeux olympiques : la mystification

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© Tnk1Prdz

Zébuline. La flamme olympique est arrivée le 8 mai à Marseille, quelle est son histoire ?
Aymeric Mantoux.
La flamme, emblème des Jeux est née à Olympie. Mais son parcours sous forme de relais est l’idée de Carl Diem chargé par Hitler d’organiser les Jeux de Berlin en 1936. À son initiative, la torche fabriquée par les usines d’armement Krupp est allumée dans le sanctuaire de Zeus, en Grèce, avant d’être acheminée à pied jusqu’à Berlin. Ce n’est ni une invention de Pierre de Coubertin, ni du Comité international olympique (CIO). On a choisi par la suite de conserver ce cérémonial… de propagande nazie.

Dans votre livre vous démontez le mythe du baron Pierre de Coubertin.
J’ai écrit ce livre car j’avais du mal à comprendre le décalage entre les activités très lucratives du CIO et l’humanisme affiché par ses membres se référant sans cesse aux valeurs de cet aristocrate de la fin du XIXe siècle. Les Jeux olympiques modernes favoriseraient la paix dans le monde, les rapprochements entre les peuples, le sport amateur. La « communauté des anneaux » a fait du baron Pierre de Coubertin un héros de l’olympisme, un demi-dieu. Or, le mythe ressemble plutôt à une mystification.

« C’était un opportuniste, un des premiers lobbyistes moderne »

Aymeric Mantoux © X-DR

C’est-à-dire ?
Par exemple, il n’a jamais inventé les Jeux modernes. Beaucoup avait eu l’idée avant lui. Il a surfé sur une idée qui était dans l’air du temps. Les devises olympiques qu’on lui prête « Citius, Altius, Fortius » ou « l’important est de participer » ne sont pas non plus de lui.
C’était un opportuniste, un des premiers lobbyistes moderne. Il s’est battu vingt ans contre vents et marées pour imposer son projet de « néo-Olympiades ». Avec ses « coubertinades » il vante à Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique, les bienfaits du sport pour les enfants, au nationaliste Maurras, la nécessité de revitaliser la France, aux hommes de gauche la faculté d’étendre la paix dans le monde. Il ira jusqu’à prôner des idées marxistes espérant que le prolétariat puisse participer « tenacement, mais calmement, à sa propre élévation ». Il fut anti dreyfusard puis… dreyfusard. Le baron de Coubertin avait indéniablement des qualités : la diplomatie, la ténacité, le machiavélisme même qu’il a utilisé pour réaliser son grand œuvre mais l’humanisme, sûrement pas.

Il a même collaboré avec le régime nazi.
Tout à fait. Après la Première Guerre mondiale, les Allemands sont exclus des jeux mais sous couvert d’apolitisme Coubertin milite pour les réintégrer. Hitler y est peu favorable, souhaitant organiser des jeux aryens, puis se laisse convaincre. Il y voit un moyen de montrer au monde la supériorité de la race allemande. Coubertin a fait campagne pour les Jeux de Berlin. Intellectuel, introduit dans les milieux les plus influents du monde, il ne pouvait ignorer ce qui se passait outre-Rhin : les arrestations, les pogroms. Mein Kampf avait déjà été diffusé à des millions d’exemplaires. Les dirigeants du CIO, y compris Coubertin, se sont inclinés plus bas que terre devant le régime hitlérien. Les Jeux de Berlin signent la fin des valeurs de l’olympisme à considérer qu’elles aient existé.

Vous lui reprochez aussi sa misogynie
Beaucoup d’hommes soutenaient l’entrée des femmes aux JO. Pour lui, c’était inconcevable. Des années de rencontres avec des femmes athlètes ou militantes ne convaincront pas le baron. Il avait une conception martiale, élitiste du sport. Il faudra attendre son départ à la tête du CIO pour qu’elles puissent y participer.

« La seule raison d’être des Jeux olympiques est l’argent »

Et son racisme.
Conçus par des Blancs pour des Blancs, les Jeux olympiques ont été créés pour les pays « civilisés ». En 1904, Coubertin accepte que soient organisées les « Journées anthropologiques », des compétitions réservées aux représentants des « tribus sauvages » pour éviter de les intégrer dans ses Jeux. S’il a été en avance pour concrétiser les Jeux olympiques modernes, il était en retard sur tout le reste.

Que pensez-vous des J.O. contemporains ?

Je ne suis pas contre les jeux, j’ai d’ailleurs travaillé au service communication des J.O. de Paris. Mais je refuse que l’on nous berne avec un discours s’appuyant sur une biographie tronquée. À ces niveaux de compétition, le sport amateur n’existe plus. La seule raison d’être des Jeux olympiques est l’argent. Ils rapportent des milliards d’euros au CIO qui est devenu une multinationale commercialisant à prix d’or ses droits de retransmission télé, ses emblèmes et ses anneaux olympiques, à Visa ou Coca-Cola. C’est une énorme machine à cash dont on peut se demander ce qui en est fait.

Et des Jeux qui nous attendent ?
Ils sont là, autant les célébrer. Mais on nous avait promis des Jeux pour tous, inclusifs. Force est de constater qu’au prix des places, elles sont réservées à des « happy few ». J’aurais mieux compris qu’au nom de l’olympisme on construise 24 stades de baskets dans les quartiers sensibles. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNE-MARIE THOMAZEAU 

Pierre de Coubertin : l’homme qui n’inventa pas les Jeux Olympiques 
Éditions du faubourg.
Sortie le 15 mai

Horde au numérique 

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(LA)HORDE / Ballet national de Marseille _ AgeOfContent

Internet, les jeux vidéos et les réseaux sociaux sont-ils des endroits privilégiés d’expression de soi et du monde ? ou au contraire sont-ils en partie responsables du développement de la violence  ? Ce sont ces possibilités qu’explore la nouvelle pièce chorégraphique du collectif (LA)HORDE avec le Ballet National de Marseille, Age of Content, qui été présenté du 2 au 4 mai au Grand Théâtre de Provence.

Et de violence il est question dès le premier tableau. Sur scène, une voiture sans carrosserie, télécommandée, se meut et cabre tandis que les danseur.euses, qui arrivent les un.es après les autres, cherchent à monter dessus, à s’y maintenir, et se battent pour y parvenir. Tous.tes sont vêtus du même ensemble de jogging vert clair, capuche sur la tête et visage dissimulé derrière une sorte de masque en nylon. Iels sont ainsi anonymisé.e.s et les différences sexuées complètement gommées. A l’inverse, pour le reste des tableaux, chacun.e porte une tenue ultra-personnalisée. De même, la chorégraphie alterne entre des mouvements exécutés simultanément par toustes, reprenant selon les tableaux les mouvements de personnages de jeux vidéos ou des danses virales sur les réseaux, et des solos. Ces contrastes permettent d’explorer la question de l’identité sur internet de manière intelligible et subtile.

Art sexualisé

La sexualisation des corps est omniprésente, et certains passages sont explicitement sexuels – comment pourrait-il en être autrement dans un spectacle interrogeant l’impact d’internet sur nos corps ? Les interprètes reproduisent avec grâce certaines pratiques, qu’elles soient sensuelles, provocatrices ou dégradantes. Si la répétition de ces passages flirtent avec la caricature, ils ne tombent pas dans la pornographie grâce à la qualité de la proposition artistique : c’est peut-être dans ces moments que la technique des danseur.euses se déploie le plus pleinement, avec de très beaux portés d’une grande légèreté. 

Sans transiger sur l’esthétique, (LA)HORDE propose ici une plongée dans un univers numérique à la fois perturbant et exaltant. 

CHLOE MACAIRE 

À venir 
Du 25 au 27 juin 
La Criée, théâtre national de Marseille dans le cadre du Festival de Marseille
Petit pour tous
Du 2 au 5 mai avait lieu dans ses locaux une vente d’une partie des fonds de costumes du Ballet National de Marseille, datant pour certains de la direction de Roland Petit, son fondateur, il y a une cinquantaine d’années, ou de Frédéric Flamand, plus récemment. Les costumes extravagants y ont côtoyé des vêtements beaucoup plus portables -à condition d’avoir un corps très ciselé- à des prix très bas (pantalons à cinq euros, chemises à quatre…). La vente a rencontré un franc succès, et ses bénéfices, dont le montant n’a pas été communiqué, seront reversés à des artistes et des structures de la région, qui n’ont pas encore été sélectionnées. C.M.

Danse d’équipe 

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Ballet Jogging. Le ZEF © Yohanne Lamoulère - Tendance Floue

Dans le cadre de l’Olympiade culturelle, destinée à soutenir des créations travaillant les liens entre les arts et la pratique sportive, le chorégraphe Pierre Rigal a développé son projet de Ballet Jogging, qui sera présenté ce vendredi 10 mai par le ZEF au stade Pierre Delort à Marseille. Près de 200 amateur.ices de course à pied, accompagné.e.s de quelques professionnel.les, courent de concert dans une chorégraphie inspirée par les murmurations des oiseaux. Un projet qui semble bien mieux incarner les valeurs d’inclusivité et de concorde qu’entendent promouvoir les J.O., que les J.O. eux-mêmes. 

Sport co(régraphique) 

L’envergure impressionnante du Ballet Jogging a attisé la curiosité de nombre de marseillais.es qui se sont porté.es volontaires. « Ça m’intriguait qu’on puisse créer une performance sportive avec autant de monde » explique l’une d’entre elle, Nathalie, passionnée de course et de trail et très amatrice de danse « c’était le combo parfait pour moi, je n’en revenais pas que ça puisse exister ». 

Si toutes les participantes interrogées disent leur affection pour la course et la danse, elles mettent surtout en avant l’aspect collectif de ce projet qui a été « déterminant » dans leur choix d’y prendre part, notamment pour certain.es participant.es récemment arrivé.es à Marseille. « Tout a été fait pour qu’on aille les uns vers les autres dès le début » décrit Isabelle. Toutes mettent en avant l’écoute et l’attention du chorégraphe, des professionnel.les qui l’accompagnent et des équipes du Zef. « C’est beau de rencontrer des gens autour d’un enthousiasme partagé et de participer à un évènement culturel » s’enthousiasme Léa, trentenaire fraîchement débarquée dans la cité phocéenne, « on vit des moments forts tous ensemble ».

La force de ce collectif est aussi sa mixité à la fois de genre, d’âge et de niveau sportif. « Il y a des gens comme moi qui courent un dimanche sur huit et des personnes beaucoup plus sportives, et tout le monde a sa place » se réjouit Léa. Si les participant.es ne sont pas « force de décision », Pierre Rigal est cependant « très attentif au ressenti des coureurs » et s’y adapte, selon Isabelle. La chorégraphie a donc évolué au fur et à mesure des week-end d’entraînements.

Une expérience si enrichissante que nos trois participantes en oublieraient presque la représentation de vendredi : pour Léa, « ce sera une fois de plus où on le fait tous ensemble ». Nathalie ajoute « cela m’impressionne un peu, mais je sais qu’on pourra compter les uns sur les autres ».

CHLOE MACAIRE 

Ballet Jogging 
10 mai
Stade Pierre Delort, Marseille 
Programmé par le Zef, scène nationale, dans le cadre de l’Olympiade culturelle