mardi 15 juillet 2025
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Ligia Lewis décolonise les corps 

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A Plot _ A Scandal © Moritz Freudenberg

Ligia Lewis fulmine. Regard noir. Sa danse circulaire est un défi. Son pied frappe le sol. Les mots, elle les mâche, les crache. Elle toise le public et passe dans les rangs. A Plot / A Scandal, c’est une histoire de « vengeance », comme le proclame un néon rougeoyant dans la fumée. Vengeance contre l’appropriation des terres et des corps par les Européens, contre les « plots », comprendre les récits de légitimation coloniale : « c’est notre histoire, à vous et moi ».

Dans cette pièce, la chorégraphe se livre à une reconstitution sarcastique de scènes et scénarios de domination, pas toujours dans la dentelle mais pour un évident plaisir transgressif. Ici, en aristo dégénérée, elle engloutit des lambeaux de viande offerts par un laquais en livrée. Là, vautrée sur un tas de crânes, jambes écartées, elle dénonce les vies humaines sacrifiées aux plaisirs coloniaux. Slip baissé, pinceau blanc, ou bien air guitar à la main sur du Hendrix, secondée par son complice Corey Scott-Gilbert, Ligia Lewis confie la déconstruction historique aux bons soins d’un appétit de scandale.

Ça pique

Dans ce joyeux pêle-mêle, Ligia Lewis sera aussi un John Locke, philosophe emperruqué, anti-héros de cette satire et dont la tête finit au bout d’une pique. Le texte qui sous-tend la performance énumère la chronologie des révoltes caribéennes depuis 1521, Maria Olofa et Jose Aponte, les articles du Code Noir. Enfin, le souvenir de Lolon, l’arrière-grand-mère de Ligia Lewis, praticienne du vaudou dominicain, dont le souvenir incarne la danse d’une épaisseur soudaine.

Car si cette déconstruction burlesque et rageuse met le public face à la question des normes admises, elle est moins encline à construire des émotions variées. Au moment des saluts, quand un néon « réparer ? » vient remplacer celui de « vengeance », on se souvient alors que c’est aussi à cela que sert parfois la danse. 

ETIENNE LETERRIER

A Plot / A Scandal a été donné ces 22 et 23 septembre au Zef, scène nationale de Marseille, dans le cadre du festival actoral

Le foyer et le monde

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Begat Theater, Home Land © Philippe Laliard

La compagnie franco-américaine de Karin Holström est une des richesses internationales de notre région. Basée dans les Alpes-de-Haute-Provence, elle a créé la version américaine de Home/Land aux États-Unis en 2022, avant d’en préparer la version française, en résidence à La Passerelle à Gap, puis sur son territoire d’adoption depuis 30 ans, près de Gréoux-les-Bains. L’installation-parcours se déclinera à Marseille, à Cavaillon puis à Arles en avril (Museon Arlaten). Elle met en relation les espaces intime et public, la mémoire personnelle et celle des lieux. Elle donne à lire, et à entendre au casque, des récits personnels qui interrogent  la notion de foyer, de mémoires des lieux traversés, de ce qui reste et de ce qui s’efface. 

Les sessions durent une heure poétique, à 18h, 19h ou 20h, et croisent les mémoires du monde dans le Musée d’Histoire de Marseille et son Port Antique, sur une place publique de Cavaillon. La compagnie travaille aussi à recueillir les paroles qui alimentent une installation-spectacle en évolution constante, éphémère et universelle comme les replis de chaque mémoire.  

A.F.

Home/Land 
Du 27 au 30 septembre
Théâtre Joliette
Musée d’histoire de Marseille
theatrejoliette.fr
11 octobre
La Garance, Cavaillon
Place Maurice Bouchet
lagarance.com

C’est reparti pour l’Espace Julien 

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La Famille Maraboutage à l'Espace Julien © Renata Pires-Sola

C’est à une grande folie que l’Espace Julien invitait le public marseillais pour son « ouverture » ce 21 septembre. Celle de la Famille Maraboutage, collectif de DJ-danseurs·euses marseillais·e·s, dont le succès désormais international fait rayonner ce qu’il y a de plus beau à Marseille : la générosité jusqu’à l’outrance et la diversité du monde. Un message loin d’être anodin pour la Responsabilité des Rêves, comprendre l’alliance entre le Makeda, le Théâtre de l’Œuvre, la Mesón et Grand Bonheur, désormais à la tête de la salle du centre-ville de Marseille et porteuse d’un nouveau projet pour elle. 

L’Espace Julien fait peau neuve

« Je suis ravi du choix que nous avons fait ». Ce sont par ces mots que Jean-Marc Coppola, adjoint au maire de Marseille en charge de la Culture, avait adressé son soutien à la nouvelle équipe lors de la conférence de presse de présentation le 14 septembre dernier. Propriété de la ville, c’est suite à un appel d’offre lancé à l’été 2022 que le choix s’était porté sur Grand Bonheur. Une décision difficile, quand on sait que l’ancienne structure était en place depuis vingt ans, et que le président n’était autre qu’Éric di Meco, légende vivante de l’Olympique de Marseille. L’annonce de la décision avait d’ailleurs pris cinq mois de retard, Benoît Payan souhaitant communiquer en personne avec l’ex-footballeur, alors occupé par son autre casquette de consultant pendant la Coupe du monde de football au Qatar… nous avait-on expliqué. 

C’est donc en juillet, et non en janvier comme initialement prévu, que la Responsabilité des Rêves a pu prendre possession du lieu. Trois petits mois qui ont permis à l’équipe de redonner un coup de frais à l’Espace Julien. À l’intérieur, les coups de peinture laissent de nouveau apparaître le passé marchand du site. « Sur le cours Julien se tenait le marché au gros, c’était le ventre de Marseille. Et sur ce site, on y trouvait notamment des fruits et des légumes », renseigne Marion Bayol, nouvelle responsable communication et billetterie du lieu. Quant à la façade et la nouvelle devanture, elles attendront certainement Noël : « nous sommes en contact avec les architectes du bâtiment de France. Il y a des chartes à respecter, et nous devons passer en commission », explique-t-elle. 

Une programmation renforcée

Outre les travaux, c’est surtout la programmation artistique que la nouvelle équipe entend redynamiser. Un chiffre est d’ailleurs annoncé : 180. Soit le nombre de dates que l’Espace Julien souhaite accueillir dès 2024. Une ambition possible grâce au nouveau rôle qui va être donné au Café Julien. Revêtu d’un bleu électrique clinquant, cette petite salle (140 places debout) va revenir à ce qu’elle a jadis été : un terrain d’expression pour les artistes émergents locaux, le tout gratuitement. 

Pour animer les deux salles, c’est à un binôme que la Responsabilité des Rêves a confié la programmation. D’abord avec Xavier Decleire, connu pour être à la tête de La SAS Concerts, société de production au réseau bien fourni, et Marie Ketele, au long CV dans les musiques actuelles : elle est notamment passée par La Fleche d’Or à Paris, et a accompagné de nombreux jeunes artistes, comme Social Dance, Gami et Glitch… 

À l’horizon

Faute de temps, l’équipe n’est « pas encore arrivée à l’essence-même de ce [qu’elle] veut faire ici », tempère Marion Bayol. On pense notamment au volet « accompagnement d’artiste », au cœur du projet initial. « Je suis directeur de coopérative qui a fait toute sa carrière autour de la production d’artistes ; c’est toujours ce qui fait battre mon cœur »,expliquait à Zébuline Olivier Jacquet, directeur de Grand Bonheur, en février dernier. « Ce sera mis en place à l’automne » rassure Marion. Un point essentiel que l’Espace Julien souhaite partager avec ses premiers partenaires, que sont Le Makeda, le Théâtre de l’Œuvre et la Mesón. 

Une alliance et une volonté qui leur permettront un jour de viser la labellisation Smac, sésame pour toute scène de musique actuelle. Un sérieux défi pour une salle de centre-ville, tant les critères ne sont adaptés à cette situation, mais Marion Bayol reste optimiste : « On y arrivera si on est unis ». 

NICOLAS SANTUCCI

KinoVisions : quand le cinéma parle allemand 

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La salle des profs © Tandem film

Depuis huit ans, le festival KinoVisions s’implante dans le paysage vaste et fourni des temps forts marseillais consacrés à nos pays voisins, et souvent davantage axés sur la Méditerranée. Les terres du cinéma de langue allemande sont cependant assez vastes pour toucher à l’universel : en témoigne la très attendue avant-première de Perfect Days samedi 30 septembre. 

Ce dernier long-métrage en date de Wim Wenders, accueilli avec bienveillance à Cannes jusqu’à l’obtention par son acteur principal Koji Yakusho du prix d’interprétation masculine, nous emmène du côté de Tokyo, et plus précisément du quartier d’affaires de Shibuya. On y suit le quotidien d’Hirayama, homme de ménage prompt, comme l’était déjà l’ange des Ailes du désir, à scruter la poésie du quotidien jusque dans ses recoins les plus insoupçonnés. 

Du clinquant et du grinçant

En ouverture du festival, le 27 septembre, le public pourra découvrir le long-métrage choisi par l’Allemagne pour représenter le pays aux Oscars. Das Lehrerzimmer – La Salle des profs, dernier long-métrage du prolifique Ilker Çatak,est déjà ressorti couvert de prix à la Berlinale et aau Deutscher Filmpreis. Cette critique à peine voilée du système éducatif sous forme de récit policier promet de susciter les rires les plus grinçants. À ces deux temps forts rappelant la vitalité d’un cinéma sur différents genres et registres s’ajoutent des rendez-vous de rattrapage pour des films aux sorties très récentes mais souvent plus confidentielles : Alle reden übers Wetter, premier film d’Annika Pinske dans lequel s’illustre, entre autres, la très grande Sandra Hüller le 28 septembre. Mais aussi un autre premier film lorgnant du côté de la science-fiction, réalisé par Sophie Linnenbaum. Sans oublier le très romanesque Fabian ou le chemin de la décadence, réalisé par Dominik Graf et prenant pour acteur principal Tom Schilling, star de L’œuvre sans auteur. Et bien d’autres jolis moments !

SUZANNE CANESSA

KinoVisions
Du 27 septembre au 1er octobre 
Les Variétés et La Baleine, Marseille
kinovisions.blogspot.com

La théorie du ruissellement 

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© Marielle Agboton - Trek danse Partage des eaux - juin 2022

Sa carrure tanquée ne la prive pas d’une agilité certaine, faisant fièrement étinceler ses reflets moirés. À l’instar de sa cousine éloignée – la pernicieuse Pom’Potes – elle est assez flexible pour se contorsionner dans les poches et se retrouver dans tous les interstices des espaces urbains ou naturels. Elle, c’est la pochette du Capri-Sun, la boisson préférée des petits marseillais, que le Collectif des Gamarres a choisi comme fil directeur pour l’une des opérations phares de la prochaine Fête du Ruisseau : une grande marche ralliant Septèmes-les-Vallons aux Aygalades, samedi de 10 h à 16 h. Aux manettes, on retrouve notamment le collectif Safi et le Bureau des guides du GR 2013, instigateurs de ce « drôle de jeu de piste suivant la trace d’un déchet emblématique de nos quartiers : la pochette de Capri-Sun, pour comprendre le cours d’eau et rencontrer des initiatives riveraines. » Simultanément, à la Cité des arts de la rue, les réjouissances prennent le relai durant tout le week-end : déjeuner sur les berges, installations, balades sonores, écoute documentaire, atelier de costumes recyclés, Tarot de l’eau, cabinet de curiosités, jeu de pêche, machine à renaturer… Toutes les initiatives convergent vers une célébration de l’eau vive, « première étape vers l’acquisition d’un sens du soin et de la gratitude ».

Sonder le cours de l’eau  

Car en effet, depuis la réhabilitation de la fantasque cascade des Aygalades – située sur une parcelle de 2 000 m² en contrebas de la Cité des arts de la rue – il y a une poignée d’années par le chantier d’insertion des bien nommés « Cascadeurs », le ruisseau des Aygalades est célébré chaque année à l’automne. Les deux pieds dans la terre meuble, le visiteur, voisin ou curieux, est une nouvelle fois invité à investir le site pour y glaner, nettoyer, discuter, méandrer au marché producteur du dimanche, voire y danser aux côtés de la chorégraphe Mathilde Monfreux. Au-delà de ces initiatives croisées artistiques et citoyennes, il s’agit de sonder notre imaginaire et de remonter le cours de l’eau, de manière tour à tour littérale et symbolique, dans une quasi mise en abyme vertigineuse : « avant cela, elle était dans des tuyaux, et avant encore dans des conduites d’eau. Elle y est arrivée depuis une station de potabilisation à Sainte-Marthe, et avant encore depuis le canal de Marseille, connecté à un autre canal – le canal usinier EDF, connecté à un lac de stockage… ». Grand témoin de cette sarabande, Gaia, l’installation gonflable reproduisant une Terre géante du britannique Luke Jerram, trônera tout le week-end sur ses visiteurs, tel un totem bienveillant enjoignant de respecter son patrimoine naturel. 

JULIE BORDENAvE

La Fête du Ruisseau
30 septembre et 1er octobre 
Cité des arts de la rue, Marseille 
collectifdesgammares.com 

Alice Zeniter en pleine renaissance à Marseille

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Je suis une fille sans histoire © Simon Gosselin

Zébuline. Le public français vous connaît avant tout comme autrice de romans. Or, à regarder votre parcours de plus près, le théâtre a toujours fait partie de votre vie …

Alice Zeniter. Tout à fait ! C’est une remarque récurrente que j’entends – « Ah mais tu fais AUSSI du théâtre ? ». Alors que j’y ai consacré des milliers d’heures de ma vie [rires], davantage qu’à l’écriture de romans, en réalité. J’ai suivi le parcours que bien des gens de théâtre suivent, et qui n’est pas des plus spectaculaires, dans mes études théâtrales à l’Université puis à Normale Sup, et puis dans le monde de la mise en scène : stagiaire de l’assistant, assistante du dramaturge puis dramaturge, avant de monter ma propre compagnie et de lui faire jouer mes textes. Mais je pense que les mondes du théâtre et de la littérature sont beaucoup moins poreux que ce qu’on imagine. Et j’ai peut-être eu du mal à m’imposer réellement : il est plus facile de se sentir maîtresse de son œuvre lorsqu’on écrit dans son coin que lorsqu’on dirige une équipe. La peur de l’imposture n’est jamais très loin.

Votre seule en scène, Je suis une fille sans histoires, fera ses trois dernières dates à La Criée. Est-ce à dire que vous en aurez réellement fini avec ce spectacle, qui avait vu le jour au même moment que votre livre Toute une moitié du monde ?

Oui, malheureusement [rires] ! J’ai pris la décision difficile d’arrêter ce spectacle pour me consacrer à la suite. Je trouvais que c’était une belle manière de me présenter au public de La Criée, que Robin Renucci m’a proposé de rejoindre en tant qu’artiste associée. Je suis une fille sans histoire pose la question de l’acte de création, de la possibilité d’écrire, ou du moins d’essayer de raconter une histoire sans nos outils habituels. L’idée de mettre en lumière, de repérer des histoires minoritaires est au cœur de ce spectacle comme elle était au cœur de Toute une moitié du monde. Mais l’écrit m’a donné l’occasion de moins donner dans l’enthousiasme et le spectaculaire, et de montrer que ces récits minoritaires existaient déjà. Ce sont des récits qui ne sont pas familiers, qui sont en partie déroutants car ils ne se rattachent pas à la figure du héros ou ne sont jamais des actes ex nihilo. Et c’est également autour de cette question que mon spectacle Édène s’articule, et je suis très heureuse que Je suis une fille sans histoire lui laisse la place, et tout particulièrement dans le cadre du festival actoral. Comme si Marseille m’offrait une possibilité de renaissance, à quelques jours d’intervalle. Un moment de phénix [rires] !

Édène se présente comme une adaptation de Martin Eden, roman de Jack London qui a particulièrement compté pour vous. Comment vous y êtes-vous intéressée ? Par quel bout l’avez-vous pris ?

Il s’agit d’une adaptation évidemment très libre, portée par cinq comédiennes de l’Eracm alors que Martin Eden se pensait comme un récit masculin. Mais il nous parle aujourd’hui car il parle de la volonté et de la difficulté d’écrire quand on appartient à une classe sociale pauvre, ce qui ne constitue pas une pratique courante. Elles sont au fond si étranges, ces vocations qui naissent parfois malgré tout, ces envies de créer, de toucher au sublime. Surtout quand elles se heurtent à des conditions économiques et sociales certaines, car le monde de la littérature comme celui de la culture ne s’est pas complètement défait d’un certain classisme. Cela a quelque chose de poétique, ces heures que l’on vole à la nuit alors que personne ne nous attend ! Ce que c’est d’écrire seul, à 18 ans, d’accumuler des lettres de refus… Quand rien n’éclaire ces parcours rétrospectivement, on y voit de la bêtise. Combien d’heures gâchées, de surdité têtue à tous les gens autour qui nous intiment d’aller boire des coups, de trouver un vrai travail … J’ai voulu donner de la voix à cet entêtement-là.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA

Je suis une fille sans histoire 
Jusqu’au 29 septembre 
La Criée, Théâtre national de Marseille
Édène 
7 octobre
La Criée, dans le cadre du festival actoral

Conversion papale

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Vous avez bien lu. Zébuline va manquer à toute sa tradition d’athéisme convaincu, à sa conviction de neutralité laïque, à son scepticisme quant à l’œcuménisme monothéiste, à son esprit critique qui tempère, souvent, ses admirations. 

QU’EST-CE QU’Il EST BIEN CE PAPE ! 

Non mais, sans rire, quel beau discours au palais du Pharo ! Un pape qui s’affiche avec SOS Méditerranée, que l’extrême droite et une partie de la droite françaises accusent de trafic humain ; un pape qui rappelle que le message de son Christ est celui de l’accueil de tous les êtres humains nécessiteux ; un pape qui vient à Marseille, et non en France, parce qu’il sait que c’est en Méditerranée que se jouera le futur de l’Europe, qui dépendra de sa capacité d’ouverture… 

Alors, bien sûr, on peut déplorer le rapide, et convenu, refus de l’avortement. On peut s’étonner que ceux qui brandissent l’interdiction de l’abaya assistent sans sourciller, et officiellement, à la messe. On peut rappeler que l’église catholique est profondément sexiste, que les religieuses y ont une fonction subalterne et que l’égalité homme/femme, inscrite dans les lois de notre République, n’y est pas respectée. On peut souligner que l’histoire de l’Église catholique est autant celle des conquêtes coloniales et des guerres de religion, des procès en hérésie et des sorcières qu’on brûle, que celle de l’accueil et de la bienveillance. 

Mais justement, quelle victoire que ce pape là inscrive à nouveau l’Église catholique dans le progrès civilisationnel ! 

Quoique ? 

Pour certains catholiques progressistes, le discours de Marseille permet au pape de ne pas adresser ses reproches directement au gouvernement néo-fasciste italien, et de choisir le détour. Pour les mêmes catholiques progressistes, l’insistance du pape à venir à Marseille, et non en France, lui évite aussi d’affronter les problèmes systémiques de l’Église française, où les tendances fondamentalistes dominent, et où la fréquence hallucinante des actes de pédophilie du clergé n’a pas empêché qu’il s’érige en donneur de leçon, et fomente un violent mouvement de refus de la parentalité homosexuelle. 

Reste que le discours du pape François à Marseille cloue le bec à tous ceux qui  nient que nous sommes nés de la circulation des idées et des hommes, du mariage de Gyptis et Protis et de la main tendue à l’autre. Si, comme le dit Renaud Muselier, la Provence a des « racines chrétiennes », ce n’est pas par son histoire, largement antique et polythéiste, faite de défaites et d’annexion franque. C’est par sa tradition d’accueil des Maries venues de la mer, qu’elles soient saintes ou non, noires ou blanches, Suppliantes d’Eschyle ou passagères de l’Exodus.

AGNÈS FRESCHEL

Le Comœdia, en forme olympique ? 

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La chambre des merveilles © Frédérique Toulet

Tous les « genres » du spectacle vivant – théâtre, chant, musique, danse, humour, spectacles jeune public – sont accueillis au Comœdia. Tous tributaires de textes, qu’ils soient du répertoire, d’adaptations de best-sellers ou de romans jeunesse, textes contemporains, d’auteurs comédiens ou de stand-uppers. Sous l’intitulé « Littérature » sont donc présentés une série de spectacle, dont La fabuleuse histoire d’Edmond Rostand par L’ Agence de voyages imaginaires (30 septembre), où Philippe Car interprète une quarantaine de personnages ! Tempête dans un verre d’eau de la Cie Tac Tac (18 octobre), spectacle jeune public (à partir de 8 ans) de Marie Carrignon et Clément Montagnier, inspiré de La Tempête de Shakespeare. Ou bien encore l’adaptation par Jean-Philippe Daguerre du best-seller La Chambre des merveilles (12 janvier) de Julien Sandrel (320 000 exemplaires vendus en France, traduit dans vingt pays).

VIP

Quant aux « Personnes/Personnages », autre intitulé de la saison, qu’ils soient issus du répertoire, de romans, historiques ou du temps présent, ils sont pour beaucoup féminins : dans l’ordre d’apparition, nous aurons par exemple la fameuse Zize Dupanier dans Une Zize peut en cacher une autre (6 octobre) de Thierry Wilson et Didier Constant, Edith Piaf dans Piaf ! Le spectacle (7 octobre) de Nathalie Lermitte, considéré par les proches de la Môme comme « le plus bel hommage jamais produit sur la carrière d’Édith Piaf ». Un Récital, Portraits de femmes (22 décembre), en partenariat avec Génération Opéra, association qui a fait découvrir parmi d’autres Roberto Alagna et Nathalie Dessay. Ou bien encore le duo inattendu et intimiste Cathy Escoffier invite Siska (25 janvier) où l’univers pop-électro de Siska, ancienne membre du groupe Watcha Clan, vient flirter avec l’univers classico-jazz-rock de la pianiste Cathy Escoffier

Gros souper et banc de touche

Les notes provençales seront principalement apportées peu avant Noël par la Crèche vivante de Dansaire de Garlaban (9 décembre – gratuit) et par Le Gros Souper de L’ Estello Aubanenco, spectacle qui retrace les traditions de la veillée calendale, accompagnées de danses au son du galoubet et du tambourin. Côté sport, ce sera dans le cadre des « Olympiades culturelles » du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, deux pièces de théâtre (représentation gratuite sur réservation) : Je ne cours pas, je vole, nommée cinq fois aux Molières 2023, écrite par Élodie Menant, mise en scène de Johanna Bové où Laure Manaudou, Rafael Nadal ou Usain Bolt sont invités à raconter leurs parcours dans l’univers impitoyable du sport. Et Le Syndrome du banc de touche, de la Cie Le Grand Chelem de Léa Girardet, comédienne traversant une crise de légitimité artistique, qui décide de s’autotitulariser en s’inspirant du fameux entraîneur de l’équipe de France, qui a gagné la Coupe du Monde il y a 20 ans, Aimé Jacquet.

MARC VOIRY

Le Comœdia
Aubagne
04 42 18 19 88 
aubagne.fr

The Girl in The Fountain

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Marcello ! Marcelo ! A cette apostrophe, quiconque s’intéresse au cinéma verra aussitôt l’iconique Anita Ekberg, sculpturale, tournoyant dans les eaux jaillissantes de la Fontaine de Trevi, sa chevelure blonde de déesse nordique cascadant sur ses  épaules nues. Avec cette scène mythique de La Dolce Vita (1960), Federico Fellini fait entrer à jamais l’actrice suédoise dans l’Histoire du 7ème Art et … la tue. Sa carrière périclitera après cette apothéose. La Diva qui brilla aux U S A, formatée par les Studios pour concurrencer la Monroe, la femme libre qui incarna la folie et les débauches romaines d’Hollywood sur Tibre. Celle qui fut la Scandaleuse traquée nuit et jour par les paparazzi, la « bombe sexuelle » qui collectionna les amants célèbres et fit damner Agnelli, mourut sans le sou dans une maison de retraite près de Rome. Pour raconter ce destin unique, Antongiulio Panizzi propose à Monica Bellucci, une autre diva, célébrée pour sa beauté plastique, « de jouer Monica Bellucci devenant Anita Ekberg » Ce sera un docu-fiction intitulé The Girl in The Fountain, qui mettra en scène le travail de Monica pour se préparer au tournage du film sur la star suédoise. Non, pour célébrer deux femmes objets, précise le réalisateur, mais pour témoigner « de la violence terrible que la société peut exercer sur une star, notamment lorsque cette dernière est perçue comme un simple sex-symbol ». Pour montrer aussi l’évolution du regard du public sur les actrices et de leur propre regard sur leur métier. On ne confond plus comme dans les années 50, l’image (souvent dictée par le male gaze) et la personne. Quand Marilyn croit qu’elle est Marilyn, dit Monica Bellucci, elle est perdue.

Une rencontre en miroir

Le film crée la rencontre de deux actrices par le collage et la superposition d’archives. Extraits de films, interviewes, photos (sublimes). Noir et blanc et couleurs alternant dans un dialogue passé-présent. Des différences, des résonances : l’acharnement des photographes pour saisir l’image vendeuse. Les paparazzi des années 60 qui traquaient la Bardot à la Madrague et Anita dans sa chambre d’hôtel. Les drones actuels qui violent les périmètres privés par le ciel. La Brune aux yeux noirs se mue en Blonde aux yeux bleus : perruque, costumes et maquillage. Le trucage du cinéma et la vérité de l’émotion. Elle répète avec un coach, devant des vidéos en boucle, pour s’approprier l’inimitable gestuelle d’Anita. Peu à peu dans le fictif compte à rebours vers le début du tournage du film, Monica se rapproche d’Anita, découvre la femme forte et courageuse qu’elle a été, et son incroyable appétit de vivre. Elle se demande si elles auraient pu être amies, remet en cause les visions du réalisateur, désemparé par cette Monica-Anita. Jeux de miroirs qui nous renvoient une jolie réflexion sur la disparition des icônes au cinéma. Si Anita reste figée à jamais sous les traits de l’éblouissante Sylvia , Monica elle, veut pouvoir vieillir, échapper à la prison de sa beauté, et continuer de jouer. Le film, présenté au Festival Lumière de Lyon, sera projeté au Cézanne le vendredi 29 septembre à 20h 00 en présence de Monica Bellucci.

ELISE PADOVANI

Photo @ Party Films

Hugo, Clément, Matthieu et les AutreS

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Poisson Rouge est un film tissé par les amitiés. D’abord, celle entre les trois réalisateurs : Hugo Bachelet, Clément Vallos et Matthieu Yakoleff, copains de lycée, passionnés de ciné, fondateurs en 2012 de la Société Couac Productions. Puis, celle entre les quatre comédiens : Julie Gallibert, Guillaume Darnault, Fabien Strobel et Andy Pimor, membres de la troupe d’improvisation Les AutreS. Enfin, l’amitié entre le trio et le quartet précités et celle qui devient le sujet même du film.

Guillaume a 33 ans. Pourtant il est atteint d’une maladie neuro dégénérative irréversible qui lui fait perdre la mémoire. Sa vie sociale devenue impossible, il doit intégrer un centre médical spécialisé dont il sait qu’il ne ressortira plus. Pour son dernier weekend de « liberté », ses amis de toujours, Julie, Fabien et Andy l’entraînent pour une virée solaire, estivale et arrosée de grands crus – dont Guillaume est amateur, dans la campagne rennaise. Une tournée  joyeuse, jalonnée par des galères de voyage, des rencontres surprenantes, des moments de communion partagés, et les adieux successifs du jeune homme à ceux qui ont fait sa vie d’avant, pour le meilleur et le pire : son ex-amoureuse, son ex patron, sa grand-mère, son père défaillant et absent depuis la mort de la sœur de Guillaume. Régler ses comptes avant que tout ne s’efface. Boire, danser et rire au bord de l’abîme, entre un avenir impossible et un passé qui devient illisible. Dans ce road-movie breton, Julie, Fabien et Andy traînent aussi leurs propres problèmes – qu’ils n’oublieront pas eux !- Julie poursuivie par son travail en entreprise et un contrat de restructuration qu’elle doit signer, Fabien à la carrière médiocre de comédien, fragile et maladroit, répétant son texte pour un possible casting, Andy au volant de sa voiture rouge comme le poisson de Guillaume qui tourne dans son bocal. Andy, paniqué par une paternité imminente, fuyant sa femme et ses responsabilités. Mais leur ami malade passe avant tout : ils ne sont là que pour vivre avec lui et pour lui, ce dernier tour de piste, convoquant les souvenirs anciens dont se nourrissent les relations au long cours, en fabriquant de nouveaux qui disparaissent aussitôt pour Guillaume.

Film à petit budget, au scénario écrit sans dialogues, fondé sur l’improvisation des comédiens, ce joli film, sincère et émouvant, sort à l’occasion de la journée de la maladie d’Alzheimer.

ELISE PADOVANI

21 septembre : Journée Mondiale Alzheimer

sortie : 27 septembre

COUAC PRODUCTIONS