mercredi 24 décembre 2025
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Sacrifice pascal 

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La Semaine Sainte, d’Andrei Cohn © Shellac

Troisième long-métrage du réalisateur roumain Andrei Cohn, sélectionné à la 74e Berlinale dans la section Forum, Semaine Sainte est la libre adaptation d’une nouvelle de Ion Luca Caragiale: Le Cierge de Pâques

Dans une douce campagne, un homme attaché on ne sait pourquoi et qu’on conduit on ne sait où, tire sa longe pour agresser une femme enceinte. Tout est déjà en latence dans cette ouverture : un monde accueillant, nourricier, beau, une communauté apparemment liée par des lois communes et l’irruption de la violence, portée sur cette femme, qui reste seule avec son mari, tandis que les paysans sortent du cadre, sans un geste de solidarité. On est au début du XXe siècle dans un village roumain. Avant la shoah et le bolchévisme. L’agressée est juive, épouse de Leiba, l’aubergiste.

Ce sont les derniers Juifs de ce village chrétien où se prépare la Semaine Sainte. Les autres ont sans doute eu de bonnes raisons de partir mais Leiba (Doru Bem) s’accroche, même s’il vend moins bien son vin, que clients et voisins deviennent hostiles. À l’auberge, les buveurs philosophent. Entre deux verres on évoque Darwin, l’évolution qui doit bien s’accompagner d’une « involution », mais aussi les théories racistes du criminologue Cesare Lombroso. L’idée – qui fera son chemin – que certains hommes valent moins que d’autres, est bien dans l’air du temps. Il suffit d’un rien pour que, légitimée, la haine n’explose. Ce rien, c’est l’altercation entre Leiba et Gheorghe (Ciprian Chiriches), son jeune employé chrétien qu’il renvoie après lui avoir refusé un congé pour la célébration pascale. En retour, Gheorghe le menace de le clouer à sa porte avec femme et enfant la nuit de Pâques. Paroles en l’air ? Ou véritable danger ? 

La mécanique du Mal

Dès lors toutes les rancœurs accumulées à l’encontre du Leiba vont se solidariser, et sa paranoïa décupler. La mécanique du mal est lancée sans que quiconque ne puisse l’arrêter, la peur menant à la folie et la folie au meurtre. L’angoisse se glisse dans tous les plans d’une singulière beauté. On tremble pour Eli, le fils de Leiba chaque fois qu’il disparaît dans les bois, on a peur pour le bébé à naître et pour sa mère. Les espaces extérieurs saturés de lumière, le fleuve idyllique, les chemins bucoliques, ce décor « primitif et brut » comme le qualifie le réalisateur, attend les méfaits humains. Leiba, bon père, bon mari, n’est toutefois pas idéalisé. C’est un commerçant un peu buté – bien moins fûté que sa femme –, et qui, malgré son statut social de patron, n’est pas protégé par la loi rangée du côté de la meute coalisée. Acculé, il sera « incapable de distinguer les menaces réelles et imaginaires » précise le réalisateur. Gheorghe est tout aussi buté mais sans doute inoffensif. L’ambiguïté sera maintenue. « Certains auront peut-être du mal à trouver comment s’approprier cette histoire mais j’espère éveiller des doutes auxquels je ne peux cependant pas offrir de réponses. » ajoute Andrei Cohen. La dernière séquence de son film, terrible dans ce qu’elle suggère, s’associe à l’agneau sacrifié et nous renvoie, à travers l’actualité, à d’autres images moins suggérées et non fictives, insoutenables.

ÉLISE PADOVANI

La Semaine Sainte, d’Andrei Cohn
Sorti le 10 avril
Le film a obtenu le Prix Giuseppe Becce

Et si quelque chose changeait…

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Pour un premier roman, Donatien Leroy ne manque pas de culot. N’entreprend-il-pas de nous décrire par le menu sept journées de la vie d’un homme ordinaire, marié, un fils, un chien et des poissons dans un bocal ! Cela s’accompagne d’une particularité qu’il convient de souligner : chacun des sept chapitres commence par une lettre minuscule et il n’y a aucun point. Sans que les lectrices et lecteurs en soient gênés. La lecture est fluide et s’écoule de virgule en virgule. On se prend au jeu. On repère la répétition des habitudes décrites avec précision, du réveil du matin au coucher du soir. Ainsi, lundi, premier jour, commence : « le réveil tonne, le même réveil, la même grimace […], le même lit, la même odeur […], ”tu as bien dormi ?”, “Oui, et toi ?”, la même question, la même réponse, la caresse au chien ». Tous ces détails reviendront au cours du récit, dans le même ordre, sans variante. Et ça marche. Le déroulement des journées se répète, précision d’horloge. Cela en dit long sur notre monde : horaires de bureau, journal télévisé, courses au supermarché, rapport sexuel occasionnels…

Spectateur de sa propre vie
Mais quelque chose s’est passé, madame le sent, monsieur ne le dit pas tout de suite. Son père est décédé. Madame s’occupera de tout, car madame est parfaite et sait ce qu’il faut faire. Cet événement met un grain de sable dans l’engrenage. Quelques souvenirs reviennent. Des beignes et des billes. Ça se résume à ça, une vie ? Mais aussi des parties de pêche à la rivière avec le père. Monsieur réfléchit au sens de la vie, de l’éducation qu’il a ressentie comme un dressage. On nait loup et on finit chien, se dit-il. Constat amer. Pour monsieur l’enterrement est un mauvais moment à  passer, un moment sans émotion. Cependant il retournera à la rivière de son enfance.

CHRIS BOURGUE

Sisyphe, de Donatien Leroy
Inculte - 23 €

Mozaïc célèbre ses dix ans

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Compagnie Antipodes © Hugo Gueniffey

Situé à Toulon, Mozaïc est un pôle d’accompagnement des structures artistiques et culturelles régionales. Autrement dit : une association varoise qui, depuis 2014, soutient des structures artistiques et culturelles, adhérentes de l’association, dans le développement de leurs projets. Dans des champs artistiques et culturels nombreux : arts numériques, bibliothèque, cirque, danse, marionnettes, musique studio d’animation, théâtre. À l’occasion de sa décennie d’activités, Mozaïc a décidé de faire la fête à travers quatre jours de programmation à Châteauvallon, scène nationale d’Ollioules du 25 au 28 avril (ouverte au public du 26 au 28, la première journée étant réservée aux professionnels), avec les compagnies locales qu’elle accompagne au quotidien.

Au menu
Un gros gâteau à déguster pendant les trois jours ouverts au public, fait de théâtre, de danse, de cirque, de musique, et de performances. Le vendredi 26, ce sera du cirque avec Passages de la Compagnie Ar à 18 h à l’Altiplano, de la musique et du dessin avec Amiral Sirius

de la Cie Des Trous dans la Tête à 19 h aux Studios du Baou, et à 21h30 du théâtre avec Les pieds tanqués par Artscénicum Théâtre au théâtre couvert. Le samedi 27 débutera en danse avec The world is finally quiet de la Compagnie Antipodes à 15h30 à l’Altiplano, continuera en musique et en théâtre avec Connaissez-vous ? du Collectif Animale à 17h  aux Studios du Baou, où l’on pourra également voir à partir de 19h un ensemble de petites formes autour du spectacle Il faudra que ça continue de la Compagnie Vertiges. La journée se conclura en musique avec le Guinguette Hot Club à partir de 21 h au théâtre couvert. Enfin le dimanche 28, à partir de 14h30, déambulation artistique : une balade de 3 heures pour découvrir des performances au gré des chemins de Châteauvallon. Par petits groupes guidés, à la rencontre de six propositions artistiques d’une quinzaine de minutes chacune, signées Collectif Ô 77, Cie Grand Bal, Cie Kokerboom, Le Volatil, Kaïros Théâtre, et la Compagnie Souricière.

MARC VOIRY

Mozaïc fête ses 10 ans
Du 25 au 28 avril
Châteauvallon, scène nationale d’Ollioules
asso-mozaic.fr

Marseille groove au féminin

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LES FEMMES S'EN MÊLENT 2024 - EESAH YASUKE et MAICEE © X-DR

Les scènes de musiques actuelles sont trop souvent le mauvais élève de la parité. Les Femmes s’en Mêlent s’est donné pour mission de visibiliser les artistes femmes, pour que les programmateurs ne puissent plus se dédouaner en disant « mais on n’en a pas trouvé ! ». Créé en 1997 à Paris, le festival voulait à l’origine « apporter une réponse à leur sous-représentation dans la plupart des festivals (principalement estivaux) ». On lui doit la mise en lumière d’artistes de grand talent, comme Jeanne Added, La Grande Sophie ou Christine & The Queens. Désormais, la structure entend aussi favoriser l’accès des femmes aux moyens de production artistique, et leur mise en réseau pour qu’elles puissent peser plus dans les négociations. Elle s’appuie sur un dispositif d’actions, Les Femmes s’engagent, qui propose ateliers, conférences, rencontres, projections et débats.

Une prog’ solide

Trois dates printanières sont prévues à Marseille. Le 18 avril, Jil Caplan sera accueillie… dans un cinéma, L’Artplexe sur la Canebière. Un beau lieu, propre à recevoir la chanteuse qui défendra son dernier album, Sur les cendres danser, avec sa complice, compositrice et musicienne accomplie, Émilie Marsh. Le 26 avril, c’est au Makeda que résonneront les voix de deux jeunes femmes, Maëlle et Alice. Dans un registre similaire, empreint des tourments affectifs de leur génération, elles se succéderont sur la scène de la rue Ferrari, la première avec, notamment, des airs de Fil rouge,  la seconde avec ceux de Photographie, deux albums sortis en 2023. Le lendemain, des artistes aux prestations plus rageuses attireront les marseillaises prêtes à ne pas s’en laisser compter par le patriarcat. Eesah Yasuke vient du rap et cela s’entend : elle a obtenu un prix au Printemps de Bourges 2022, récompensant une vraie personnalité dans cet univers musical souvent très formaté. Quant à Maïcee, son flow rapide et ses thèmes crus devraient séduire le public du Makeda.

GAËLLE CLOAREC

Les Femmes s’en mêlent
Les 18, 26 et 27 avril
Cinéma Artplex et Makeda, Marseille

Une surveillante dans le péril geôle  

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BORGO © Petit Film & France 3 cinema

Borgo, c’est une ville de Haute-Corse, et un centre pénitentiaire qui porte son nom, où selon un contrôleur général, la détention a « un caractère humain ». C’est là que Melissa (Hafsia Herzi) est nommée en tant que matonne. Avec elle, nous découvrons l’Unité 2 où sont regroupés les détenus corses. Cellules ouvertes dont certaines ont vue sur mer, centre sportifs et de loisirs. Pas le Club Med mais bien loin de la prison de Fleury-Mérogis où elle travaillait. Les prisonniers peuvent se procurer tout ce qu’ils veulent, sauf les armes. Ils sont bien sûr affiliés à des clans mais sont protégés le temps de leur peine, par un accord de paix tacite. En contact permanent avec leurs réseaux, ils savent tout ce qui se passe dehors. À Borgo, dit-on, « ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens ».

Melissa, 32 ans, y prend ses marques, retrouve Saveriu (Louis Memmi), un jeune détenu qu’elle a rencontré sur le continent. Ferme, expérimentée, la langue bien pendue, elle s’impose et sait gagner le respect des prisonniers qui la surnomment Ibiza en référence à la chanson de Julien Clerc.

À l’extérieur, l’intégration est plus difficile. Dans la cité où elle réside avec ses deux enfants, son mari Djibril (Moussa Mansaly) d’origine africaine est en butte au racisme ambiant et ne trouve pas de travail. À Borgo, même si elle est une « française d’origine maghrébine » et  une « étrangère », on l’aime bien la matonne Melissa. Alors, bien qu’elle n’en ait jamais parlé, on « arrange » ses problèmes « à la corse ». Puis, toute aide obligeant celui qui en bénéficie, on lui demande des services. Et la mécanique s’enclenche, compromettant la jeune femme dans la guerre mafieuse de l’Île de Beauté. 

Si cette guerre est bien présente dès le début du film, avec un règlement de compte qui fait deux victimes, deux ex-détenus abattus en plein jour à l’aéroport, s’il y a bien une enquête menée par un commissaire las (Michel Fau) qui ne poursuit l’affaire que parce que ses supérieurs insistent, Borgo n’est pas pour autant un film policier. 

Île flottante

Le réalisateur déjoue les attentes, brouille la temporalité et les genres. C’est le récit d’une intégration ratée, d’un couple qui bat de l’aile et veut prendre un nouveau départ, et surtout le portrait d’une femme appréhendée sous des angles divers qui n’épuisent ni sa complexité, ni son mystère. Surveillante aguerrie parmi les hommes, épouse et mère parfois dépassée, championne de tir, et, plus Ibiza que Mélissa sur le dancing floor des paillottes. Dans ce rôle Hafsia Herzi est impressionnante. Autour d’elle, des non-professionnels corses et des comédiens connus – entre autres Florence Loiret-Caille en directrice de prison qui veut bien prendre en compte l’exception corse jusqu’à un certain point ! Casting parfait signé Julie Allione.

S’inspirant librement d’un fait divers – le double assassinat de Poretta en 2017 –, Stéphane Demoustier nous livre ici un film loin des cartes postales, déjà au cœur de polémiques alors que le procès des protagonistes est imminent.

ÉLISE PADOVANI

Borgo, de Stéphane Demoustier
Sorti le 17 avril

À la rencontre du monde

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Un jeune chaman © AuroraFilms

Il est rare de voir des films venus de Mongolie. En 2023 à Cannes, pour la première fois était sélectionné à Un Certain Regard un film mongol : Si seulement je pouvais hiberner, de la cinéaste et scénariste Zoljargal Purevdash [lire notre article sur journalzebuline.fr]. Et cette même année, au Festival international du film de Venise, dans la catégorie Orizzonti, Tergel Bold-Erdene a reçu le prix du meilleur acteur pour son rôle dans le film Un jeune chaman (Ser Ser Salhi) de la réalisatrice Lkhagvadulam Purev-Ochir. Deux films qui suivent le parcours d’adolescents.

Un chaman, nommé « Esprit-grand-père », costume à franges et coiffe avec yeux incrustés couvrant le visage, danse, et tape sur un tambour, dans une petite cabane au cœur du quartier des yourtes d’Oulan-Bator. D’une voix gutturale, il réconforte et conseille un voisin, appelé « grand -père voisin », inquiet pour son fils qui ne va pas bien. Le rituel achevé, quand il quitte sa tenue, ce n’est pas un adulte qu’on découvre, mais un jeune garçon, Zé, 17 ans. Lycéen studieux : c’est un des meilleurs élèves de sa classe. Frère attentionné : il soutient sa sœur qui doit gérer une grossesse non désirée, lui jouant de la guimbarde le soir. Fils docile : quand sa mère lui demande d’aider une voisine en apportant un soutien spirituel à sa fille pour une opération cardiaque, il accepte.

Ze rencontre
Le rituel chamanique se fait malgré la résistance de la jeune Maralaa (Nomin-Erdene Ariunbyamba) qui n’y croit pas du tout et le traite d’escroc. Mais comme lui répond grand-père voisin à une question sur l’amour, « chaque chose arrive à son juste moment ! » Zé regarde le profil de la jeune fille sur les réseaux sociaux, constate qu’elle apprécie les bonbons « Haribo » et va lui en apporter à l’hôpital. Son premier visiteur : elle confie avoir très peu d’amis de par son caractère bien trempé. Peu à peu, les deux adolescents se rapprochent. Longues discussions sur la vie, balades dans les rues de la ville ou les centres commerciaux, teinture des cheveux ensemble, danses dans les boites de nuit, premiers baisers. Le lycéen sérieux devient rebelle…le chaman ne ressent plus rien.

Tergel Bold-Erdene joue avec délicatesse cet adolescent qui apprend la vie, visage grave où s’ébauchent sourires, où s’inscrivent doute, tristesse et révolte parfois. Visage que la caméra du directeur de la photographie Vasco Viana approche comme un paysage. Dans Un jeune chaman, Lkhagvadulam Purev-Ochir nous donne à voir un pays partagé entre tradition et mondialisation. À coté des yourtes et petites maisons traditionnelles, un long panoramique nous fait découvrir les gratte-ciels de la jungle urbaine et les panaches de fumées toxiques. Que doit être le jeune chaman ? Un guide spirituel ou un futur patron comme le lui rappelle une professeure excessivement sévère, méprisante, odieuse et quand enfin les élèves se révoltent, on ne peut que s’en réjouir.

ANNIE GAVA

Un jeune chaman, de Lkhagvadulam Purev-Ochir
En salles le 24 avril

Fêter Madalena

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Madalena © Olivier Delsalle

Les chants s’élèvent au fond de l’église Saint-Pierre-Saint-Paul puis se rapprochent. A pas lents, la procession des vingt-deux femmes rejoint le chœur. Les choristes portent des robes bleues et vertes, des chaussures dorées, des écharpes à paillettes et de grandes boucles d’oreille colorées. Les maquillages sont flamboyants, les bouches rouge-sang.  Célébrer Marie Madeleine se devait d’être une fête ! Avec Madalena, c’est une ode à la vie que la Compagnie du Lamparo a offert au public dans le cadre des Printemps sacrés du Festival de Vives Voix.

Un cantique interdit
Manu Théron chanteur, compositeur, chef de chœurs et directeur artistique de la Compagnie du Lamparo aime faire vivre la culture occitane. Pour Madalena il a exhumé des archives un cantique en occitan populaire du XIIe  siècle, La Cantilène de Sancta Maria qui témoigne de la dévotion du peuple marseillais à Marie-Madeleine qui, selon la légende, aurait débarqué en Provence pour y diffuser la foi chrétienne. Le chant sera interdit en 1712 par un clergé jugeant impudique cette louange pleine d’allégresse. Disposant du texte mais pas de la partition, perdue, Manu Théron a composé une musique polyphonique.

Sur scène la ferveur est théâtrale, sauvage. Les voix accompagnées de percussions halètent, gémissent et semblent mener à la transe. Les interprètes, habituées de la polyphonie occitane, ont chacune leur moment de solo exprimant avec leur personnalité et leur tessiture leur dévotion à la sainte, soutenue par un chœur qui s’enfièvre. La direction de Théron est vibrante, animale. Il accompagne, encourage, exalte cette frénésie qui semble s’emparer du chœur. La ferveur est théâtrale, charnelle, plus proche des rites païens que religieux. Certaines jouent du tambourin, d’autres agitent des baguettes. Toutes les mains sont levées vers le ciel, incantatoires. Lors du bis, la salle elle aussi est debout, et salue avec les choristes la puissance féminine. 

Anne-Marie Thomazeau

Concert donné le 12 avril
à l’Église St Pierre St Paul

Istrati, intégralement

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La vie de Panaït Istrati est un roman, et Golo en a fait un roman graphique de près de 500 pages. Œuvre monumentale à l’encre de chine, foisonnante de monstres et de détails, à l’image de l’œuvre de l’écrivain roumain : fuyant Bucarest pour s’installer à Nice, dédiant Les Chardons du Baragan aux « onze mille assassinés par le gouvernement roumain » en 1907, jonglant entre ses langues, le roumain de sa mère, le grec de son père, le français dans lequel il écrit avec la force d’invention des pirates. Censurée en Roumanie jusqu’à la chute de Ceausescu après l’avoir été en France par les nazis, l’œuvre romanesque d’Istrati, toujours cosmopolite et politique, été la première à dénoncer le stalinisme, ce qui lui a valu quelques revers auprès du PCF qui le soutenait. Une œuvre qui mérite largement qu’on s’y penche à nouveau, ce que le roman graphique de Golo incite fortement à faire !

A.F.

Rencontre avec Golo
17 avril
Librairie Les Arcenaulx, Marseille

Départ pour l’Amérique du Sud !

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Blondi de Dolores Fonzi © Gran Via Productions

Au lendemain du concert festif et enfiévré de Cumbia Chicharra, et de la présentation de la belle exposition Art visionnaire d’Amazonie présentée par Jean-Michel Gassend, le festival ouvrait sa programmation en présence du consul d’Espagne à Marseille par la projection du film argentin de Dolores Fonzi, Blondi. Cette comédie dramatique sortie en 2023, remarquée au festival Biarritz Amérique latine et au Festival de San Sebastian 2023, n’est jamais passée en salle en France. Pourtant, quelle verve, quel humour, quel bonheur de la légèreté ! La comédienne, prix de la meilleure actrice dans plusieurs festivals, passe à la mise en scène dans ce premier long-métrage qui tient du roman d’apprentissage et du road-movie. L’initiation n’est pas seulement vécue par Mirko (Toto Ravito), le fils de Bondi, mais aussi par sa mère (Dolores Fonzi) qui l’a eu adolescente, et l’élève seule, développant avec lui une relation fusionnelle. Les péripéties du film sont des prétextes à l’éclosion de personnages aussi détonants que savoureux et attachants sur une B.O. qui diffuse entre autres pépites des morceaux de Lou Reed et de Blondie (sic !). La caméra sait capter avec finesse les variations des émotions, et multiplie des plans qui détournent avec humour les clichés du septième art, route déserte et marche arrière d’une voiture, hôtel perdu dirigé par un être énigmatique aux apparitions ironiquement inquiétantes, éveils au petit matin, défi réalisé bien après avoir été abandonné, rencontre avec un dealer cultivant un mystère qui n’en est pas un, anniversaire raté et gâteau pas cuit… la liste est sans fin, dynamisée par un scénario généreux et malicieux. Bonheur cinématographique partagé avec la complicité des élèves du lycée Janetti et de leur professeur.

MARYVONNE COLOMBANI

Hispanorama
13 au 19 avril
Cinéma de la Croisée des Arts,
Saint-Maximin-la-Sainte-Baume
Blondi a été projeté le 13 avril.

Hip-Hop Society : le son de la veine

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DILOME © X-DR

Donner de la visibilité à l’effervescence des cultures hip-hop à Marseille, créer des liens, des ponts, entre ses acteurs·ices, entre les villes, entre les disciplines. Voilà une nouvelle fois la jolie promesse de Hip Hop Society, le rendez-vous désormais bien installé dans le printemps marseillais, qui célèbre cette année sa septième édition. Du 22 avril au 4 mai, le temps fort propose un vaste programme : de la musique live bien sûr, mais aussi une exposition très attendue, des sorties de résidence, une jam, une carte blanche… tour d’horizon.

C’est, c’est, c’est un Atlanta
Ce sera le principal temps fort de cette nouvelle édition. Hip-Hop Society présente l’exposition Marstlanta signée DJ Djel (voir notre entretien à propos du Fonky Festival de Mars). Un projet né en 2023, suite à la résidence de l’artiste marseillais dans cette ville – reconnue aujourd’hui comme étant culturellement la plus dynamique des Etats-Unis –  avec la Villa Albertine, ce programme qui invite des artistes français outre-Atlantique. Avec l’idée de « créer un pont entre Marseille et Atlanta par et pour la culture hip-hop », Djel présente un projet de création sonore, enrichi de prises de son en extérieur, enregistrements musicaux, interviews… des photographies et des vidéos. On y découvre les étranges similitudes entre les deux villes séparées de quelques 7 000 kilomètres : l’une et l’autre vivent aujourd’hui « des transformations sociologiques et urbaines en accéléré ». Deux villes qui traînent pourtant des réputations de « villes sales », et où le rap a joué un rôle prépondérant dans la revitalisation culturelle dans les années 1990. 

Ancienne et nouvelle générations
La suite du programme nous ramène dans nos contrées méditerranéennes. Comme avec la restitution de résidence qui a vue Imhotep (IAM) et le rappeur libanais El Rass travailler ensemble pendant plusieurs mois entre Marseille et Tripoli. Une création sonore à découvrir le 4 mai à La Friche La Belle de Mai. La jeune et très prometteuse rappeuse marseillaise Dilome sera aussi au cœur de la programmation : on l’a d’abord vue sur la scène du Fonky Festival de Mars, un événement partenaire dont elle a été l’une des têtes d’affiche, elle proposera aussi deux journées de coaching les 22 avril et 3 mai. L’occasion, peut-être, de découvrir comment « la rappeuse de La Plaine » s’inspire pour l’écriture de ses textes tranchants. On la verra enfin le soir du 3 mai pour un showcase en compagnie de Buu Wallace, autre artiste émergent de la scène rap locale.

On n’oubliera pas non plus d’aller faire un tour au Théâtre de l’Œuvre le 2 mai, pour la Jam Jazz & Rap co-organisée avec le Marseille Jazz des Cinq Continents. Merveilleuse idée d’assembler ces deux styles à l’archéologie musicale commune, qui ont tous deux gardés au cœur de leur pratique l’art de l’improvisation.  

NICOLAS SANTUCCI

Hip-Hop Society
Du 22 avril au 4 mai
Divers lieux, Marseille