mercredi 24 décembre 2025
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Quand Chaplin joue Chopin

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Société Marseillaise Des Amis De Chopin, François Chaplin © PierreGondard

La salle Musicatreize est recueillie tandis que François Chaplin, pianiste à la carrière internationale, interprète sur un piano à queue Steinway and Sons les 4 impromptus op 90 de Franz Schubert. Dans l’Allegro molto moderato, il semble s’adresser au ciel dans une incantation. La mélodie voyage entre majeur et mineur dans une litanie poignante. Chaplin, ponctue, suggère, retient avec une élégance que les compositeurs qu’il affectionne auraient salué. Schubert est un confident confie à son public le pianiste aux faux airs de Jean-Louis Trintignant jeune. Il remercie les organisateurs pour « l’acoustique exceptionnelle » de la salle.

Le récital était organisé par la Société Marseillaise des amis des Chopin (Smac). Fondée il y a deux ans, elle s’est donnée comme mission de faire entendre de grands pianistes et les talents de demain. « Il n’y avait pas à Marseille de saison dédiée au piano. Ce n’était pas imaginable » explique sa responsable Agnès Viotollo.

Maître Barbizet
Les soirées de la Smac se déroulent en deux temps : à 18h30, un avant-concert en entrée libre permet de faire découvrir de jeunes artistes prometteurs suivi d’un concert avec de grands interprètes. La société a aussi créé le concours international Pierre Barbizet à l’initiative de Yann Barbizet, fils de l’immense pianiste et directeur illustre du conservatoire qui porte son nom.

Chaplin enchaîne avec Chopin dans un programme de Trois Valses op 34 et 4 Mazurkas op 24, l’occasion d’expliquer que si les deux danses sont à trois temps, l’accent est sur le premier temps pour la valse et sur le second pour la mazurka : « Lorsque j’ai joué pour la première fois en Pologne et que j’ai vu des jeunes filles danser, j’ai compris l’importance de cette impulsion ».

Chaplin a le Chopin gai. Il sourit avec tendresse quand il l’interprète et même dans le Nocturne op posthume en ut dièse mineur qui fait frémir la salle. Et puis ce sera la Barcarolle op 60 œuvre ultime avec ses Forte finaux magistraux que Chopin joua en concert quelques jours avant sa mort. Chaplin dédie son bis, l’Allemande de Jean-Philippe Rameau au « Maître Barbizet, homme d’exception qui [l]’a tant inspiré ».

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Concert donné par François Chaplin le 11 avril, 
à la salle Musicatreize, Marseille.

La flamme, les jeux et l’art

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Gérald Darmanin avait annoncé l’annulation des festivals d’été pour pouvoir concentrer les drones et les effectifs de la sécurité publique sur les Jeux olympiques. Les opérateurs culturels, résilients, ont négocié, raccourci ou reporté leurs festivals de quelques semaines. Très peu ont annulé, mais à quel prix ? Les spectacles vont se chevaucher en juin, le Festival d’Avignon, fréquenté par de nombreux enseignants, va commencer avant les vacances scolaires. Le In affiche d’ores et déjà des réservations record, mais qu’en sera-t-il du Off, des compagnies fragiles, de l’effervescence ? Comment ceux qui aiment à passer d’Aix en Juin au Festival de Marseille, des photos arlésiennes aux scènes avignonnaises, du jazz de la côte aux classiques du Lubéron, des actuelles du Zik Zak aux mondes des Suds, vont-ils organiser leur été ? 

La culture et le sport sont cousins, voisins, jumeaux, et le spectacle olympique grec comprenait des compétitions de poésie, d’art et d’élocution. Associer l’Art et le Sport était pour Pierre de Coubertin, fondateur des J.O. modernes, d’une évidente nécessité. Mais aujourd’hui ces deux façons complémentaires d’accomplir les possibles du corps et de l’esprit, de l’individu et du groupe, et de se dépasser pour sublimer le monde, ont pris des voies différentes. Il est sans doute temps, pour le monde du sport comme pour celui des arts, de tenter une réconciliation, sans pour autant se réclamer d’un Olympisme grec excluant les femmes et sacrifiant aux Dieux. Et moins encore d’un Coubertin raciste, sexiste et pronazi pour qui Culture et Sport avançaient d’un même pas martial vers l’épure blanche débarrassée des métèques.  

Médias et sens critique
Critiquer l’omniprésence et la domination du spectacle sportif est, pour un journal culturel, un parti pris osé. Ceux qui s’y risquent sont traités d’élitistes incapables de comprendre ce qui fait l’identité d’un peuple. La censure est sans nuance, la discussion impossible. A peine peut-on mettre en doute l’opportunité du mécénat de Coca-Cola®, fabricant d’obésité et champion du monde de la pollution plastique mais sponsor des J.O. depuis 1928. Il n’est pas de bon ton de dire que la Seine aurait pu être dépolluée et la marina de Marseille construite à la simple attention des habitants et des touristes. 

Pourtant, la compétition sportive, bien que plus inclusive, souffre encore de domination masculine validiste. Les Jeux Paralympiques restent peu médiatisés, les épreuves féminines secondaires, les LGBTQI+ largement discriminés dans les clubs et les insultes racistes fréquentes dans les tribunes. Ces nuances de brun sont combattues par des  associations militantes et des collectivités qui mettent la pratique sportive au cœur de  leurs politiques, mais les Olympiades Culturelles feront-elles les Unes de nos journaux autant que les médaillés masculins ? 

Journaliste sportif.ve est devenu un métier, qui s’enseigne dans les écoles supérieures, se recrute dans les télés, les radios et la presse quotidienne et spécialisée. Le spectacle sportif a droit régulièrement aux Unes locales et nationales, alors que les plus grands festivals ne les décrochent que sporadiquement, et que le journalisme culturel ne s’enseigne plus.

Sollicités par les Villes et l’Etat pour animer les J.O. , les artistes ont conçu des spectacles participatifs et travaillé la beauté du geste sportif. Inclusifs, citoyens, ils accompagneront la liesse et la flamme, construisant un contrepoint non compétitif, et parfois ironique et critique. Un moyen, peut-être, de réconcilier arts et sports, par l’ouverture populaire et participative pour les uns, et la tolérance de la critique pour les autres.

AGNES FRESCHEL

Au pays des fantômes

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Chaque année, le Festival du film arabe propose un focus sur un cinéaste. Pour cette 11e  édition, c’est un focus sur la Palestine, « des images pour exister, des images pour résister, » a précisé Solange Poulet, présidente d’Aflam, associé pour cette programmation de 5 films à Ciné Palestine qui tiendra sa 3e  édition marseillaise du 30 mai au 2 juin

Parmi ces 5 films, le 3e long métrage de Muayad Alayan, co écrit avec son frère Rami Alayan , A house in Jerusalem. Un film inspiré par l’histoire familiale  « Notre père et notre mère sont tous deux issus de familles devenues réfugiées en 1948 . Ils ont tous deux été contraints de quitter leurs maisons, leurs entreprises et leurs terres agricoles à Jérusalem. Mais ils faisaient partie des chanceux qui ont dû s’installer au sein de la Palestine historique et n’ont pas eu à s’expatrier dans d’autres pays pendant la guerre. » 

Michael (Johnny Harris) et sa fille Rebecca (Miley Locke) arrivent en taxi dans une belle demeure ancienne, celle du grand-père, décédé,  à Jérusalem. Michael voudrait  que sa fille commence là une nouvelle vie : sa mère est morte dans un accident de voiture en Angleterre, un an auparavant et la jeune Rebecca qui était dans le véhicule  n’arrive pas à faire son deuil, culpabilisant de n’avoir pu la sauver.

C’est par les yeux de cette jeune fille que l’on découvre ce que cache cette maison. Solitaire et repliée sur elle-même, mais curieuse et déterminée, elle explore les jardins envahis par la végétation et  tombe sur un vieux puits dans lequel elle repêche une poupée abandonnée  depuis des années. C’est la poupée d’ d’une mystérieuse fillette, Rasha (Sheherazade Makhoul Farrell), toujours trempée et d’une pâleur mortelle qui dit attendre le retour de ses parents, contraints de fuir « les hommes armés ». Seule Rebecca voit ce fantôme qui va devenir son amie.  

« Nos parents vivaient essentiellement avec des fantômes d’eux-mêmes ». précisent Muayad et son frère qui entendaient les histoires de leur père sur le passé. Les deux fillettes vont se soutenir et la jeune Rebecca cherche ce qui se cache derrière tout cela. Une des séquences les plus émouvantes est la visite à une vieille dame, Mme Mansour (Souad Faress), qui fabrique des poupées aux robes brodées à Bethleem, dans le camp d’Aïda. Les images du  directeur de la photo Sébastian bock avec qui Muayad Alayan avait déjà travaille pour son film précédent, The Reports On Sarah And Saleem,  sont soignées aussi bien pour les scènes dans la grande maison que dans le jardin des fantômes. La jeune Miley Locke qui interprète Rebecca est tour à tour, désespérée, pleine d’énergie et de force. Elle porte  ce film qui explore à la fois le travail de deuil intime et celui, collectif d’un peuple qui n’en finit pas de souffrir et de résister.

ANNIE GAVA 

A House in Jérusalem a été projeté le 16 avril au Cinéma les Variétés, Marseille, dans le cadre du Festival Aflam

La 11e édition  se poursuit jusqu’au 20 avril

Une histoire à la trame minimale 

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Soit sept jeunes réunis par Damien Manivel pour tourner un long métrage sur la côte bretonne. Une histoire à la trame minimale : Rosa, 18 ans, va partir à Montréal poursuivre ses études. C’est la fin de l’été et ses amis ont décidé de passer leur dernière nuit ensemble sur une plage, au pied du grand rocher, « l’île », leur royaume.  Commencent alors les répétitions, la construction des personnages avec le cinéaste. Les jeunes acteurs vont devenir Rosa, son frère Youn et ses amis, Olga, Danoh, Céleste, Ninon et Jules. Quand il apprend que le tournage est annulé, pour des raisons financières, Damien Manivel est très déçu. Quelques mois plus tard, à la demande de son producteur, il s’empare des rushes et décide d’en faire un film. Et c’est une très bonne idée ! À la place d’une fiction linéaire, on a un film en train de se faire. Scènes tournées alternent avec répétitions en studio ; les gestes et mouvements sont de plus en plus maitrisés, presque chorégraphiés ; les mots et les regards plus affirmés, plus intenses. Pour les spectateurs, le temps semble toujours recommencer et nous revivons cette soirée qui marque pour les personnages la fin de l’adolescence et pour les comédiens la fin d’un tournage, la fin d’une première fois. Pour le cinéaste, peut-être l’impression que tout est toujours possible ?

Annie Gava

L‘Ile de Damien Manivel sort en salles le 17 avril

Du chœur à l’image

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© DR

Ce 6 avril à La Criée, les spectateurs se pressent dans un brouhaha bon enfant. On sent l’excitation et le trac chez les élèves, la fierté chez les parents. Pour cette soirée les étudiants avaient carte blanche. Ils s’en sont donnés à cœur joie. Le spectacle a débuté avec un ciné-concert en partenariat avec le festival Music & Cinema Marseille. Créées par des élèves de la Satis, les compositions musicales originales qui illustrent les films sont interprétées par Osamu and co, orchestre qui rassemble des étudiants et des membres du personnel de l’université et du Conservatoire Pierre Barbizet. Sur scène l’ensemble est mené avec assurance par deux élèves en direction d’orchestre. Raphael Gillet accompagne a primavera siempre Vuelve film d’animation plein de poésie. Les pizzicatos au violon et violoncelle simulent le bruit des pas, les percussions bruitent, les envolées lyriques du piano soulignent les « séquences émotions ». Suivent le court métrage Awesome et surtout Félix, Camille et les autres, remake moderne de Cyrano de Bergerac entièrement conçu par les étudiants. À la réalisation, Pierre Jeandroz,à la musique Ulysse Lejeune,à la direction d’orchestre Mila Bellier. L’équipe et les acteurs présents dans la salle, sont ovationnés.

Richesse et diversité
Rémi Adjiman, directeur de la Satis est heureux : « Nous sommes l’unique formation à proposer le parcours “métiers de la musique pour l’image”. La Satis était un département universitaire, elle est devenue la quatrième école publique de cinéma en France. Son rayonnement ne cesse de grandir ». La deuxième partie de soirée a permis d’apprécier la diversité des réalisations nées des enseignements : fiction sonore avec Fox Trot, récit photographique, avec Amour plastique, fiction pellicule avec Dernier soir ou l’excellent documentaire Curry, ketchup de Lilian Allessandri et Maxime Delfosse racontant avec sensibilité et humour la vie des habitués gouailleurs d’une baraque à frite d’une banlieue bruxelloise.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

La soirée Satis s’est déroulée le samedi 6 avril 
à La Criée, théâtre national de Marseille.

« La machine à écrire… », réparer les objets et les âmes

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Deux hommes affairés à réparer une machine à écrire dont le ruban a sauté. Un autre qui les observe, inquiet, expliquant qu’il s’en sert tous les jours. A-t-il plein de textes en retard ? Oui car il écrit deux poèmes par jour. On a l’impression de le connaitre. On l’a vu dans le premier volet du triptyque consacré au Pôle psychiatrique Paris Centre de Nicolas Philibert, Sur l’Adamant. (https://journalzebuline.fr/sur-l-adamant-un-doc-en-or/).  

On est chez Patrice avec ses 8000 poèmes classés dans des chemises colorées. Les deux réparateurs à qui la machine résiste, ce sont des membres de l’Orchestre, un petit groupe de soignants bricoleurs qui se rendent chez les patients pour les aider, pour accomplir quelques menus travaux et surtout parler avec ceux qui ont tendance à se renfermer, se replier sur eux-mêmes. Ce sont ces visites auxquelles nous assistons dans ce troisième volet, La machine à écrire et autres sources de tracas. Quatre séquences filmées avec beaucoup de bienveillance, comme à son habitude, par Nicolas Philibert. On est ensuite chez Muriel, allongée sur son lit. Elle n’a pas de contact avec les voisins. Elle attend que Walid et Jérôme viennent lui réparer son lecteur de DVD en panne depuis plusieurs semaines. Le silence lui fait peur et écouter Janis Joplin la rassure. Elle offre des chocolats à ses visiteurs : « Toi, t’es pas gentil » dit-elle à Nicolas, qui n’en veut pas ! Elle leur montre des photos d’elle jeune, trouve que Jérôme a de beaux yeux. Un moment où sa grande solitude a été rompue.

La troisième séquence nous fait découvrir Yvan, musicien, qui ne sort plus parce que sa CB a été avalée et Gaël qui voudrait bien pouvoir retravailler mais qui ne le peut pas. Enfin, c’est dans un appartement envahi par les objets, livres, disques, tableaux que nous nous rendons. Souvenirs de vie de Frédéric, sexagénaire à la chevelure blanche. Plans aussi resserrés que l’espace où cet homme, très cultivé, vit depuis des années. Il nous raconte l’histoire de Jean Cocteau dont il a un livre rare, évoque son BTS Art appliqués qu’il est fier d’avoir raté. Lorsqu’on lui propose de trier ses 33 tours, il nous les montre avec exaltation, chante  « Sous quelle étoile suis-je né ? » de  Polnareff dont il adore les riffs de guitare. Il faudrait arriver à récupérer de l’espace, l’encourage sa soignante, Céline, à qui il est fier de montrer ses toiles, celles d’avant, en noir, blanc et rouge et les toutes dernières inspirées par les « décors à la Prévert ».

Grâce à la caméra de Nicolas Philibert,  nous avons l’impression de connaitre un peu mieux cet homme, après ce moment passé dans son « oasis » : « Je fais des films pour aller à la rencontre d’un groupe, d’un collectif, d’un lieu, pour essayer de comprendre ce qu’on pourrait avoir en commun […] Je suis très souvent profondément touché par les personnes qu’on rencontre, dans ces lieux-là. Elles nous renvoient, elles me renvoient à moi-même. Je pense que ces personnes peuvent nous renvoyer à nos propres fragilités. Les spectateurs, c’est comme si je les prenais par la main en disant : “Venez, il y a des personnes drôlement intéressantes à rencontrer, allons-y, venez ! ”

Alors, n’hésitez pas ! Allez voir La machine à écrire et autres sources de tracas qui sera en salle le 17 avril

ANNIE GAVA

La machine à écrire et autres sources de tracas, de Nicolas Philibert En salles le 17 avril

Numéro Zéro : Le 04 fête le cinéma

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Malgré son nom, Numéro Zéro, c’est déjà la 7e édition de ce festival organisé par l’association La Miroiterie et le cinéma Le Bourguet qui se tiendra du 17 au 21 avril à Forcalquier et Saint-Étienne-les-Orgues. Cinq jours de projections et d’écoutes, documentaires et créations radiophoniques, rencontres, échanges et ateliers.

En ouverture, le 17avril à 20h30, le réalisateur Sergio Guataquira Sarmiento présentera Adieu sauvage, Magritte du meilleur documentaire. Descendant d’une communauté autochtone colombienne, il part à la rencontre des Cacuas pour parler de leurs sentiments, de leurs amours, de leur solitude. Le lendemain, dans Coconut head generation, Alain Kassanda raconte l’aventure d’un ciné-club à l’université d’Ibadan, la plus ancienne du Nigeria : cette salle de cinéma se transforme peu à peu en lieu de rassemblement et de discussion qui nourrira aussi la révolte d’étudiants dans la rue. Samedi, ce sera Transfariana, en présence de son réalisateur, Joris Lachaise et des membres de l’équipe du film, en partenariat avec Otra Tierra : à la Picota, prison de Haute-sécurité au sud de Bogotá, le mariage d’un guérillero des Farc avec une ex-prostituée transgenre condamnée à la réclusion à perpétuité provoque d’abord le scandale, puis une transformation des mentalités : Farc et LGBTQI même combat ?

Il y aura aussi des courts métrages comme l’émouvant Vibrations from Gaza de Rehab Nazzal ou le réjouissant Et si le soleil plongeait dans l’océan des nues de Wissam Charaf  Sand oublier une découverte : les courts de Pierre Gurgand, cinéaste disparu en 2003 : Opéra Trigo, une ode aux moissonneurs d’Estrémadure, Ciel d’eau, un film de cinéma direct dans les marais du Poitou et Préambule, histoire d’un mariage traditionnel en route vers le temps présent.

Numéro Zéro propose aussi des créations sonores comme Violeta et Nora de Chloé Despax et Anaïs Carton ou Des mots comme des oiseaux de Pauline Fougère et Louise Girard. Quant à Charles-Henri Despeignes (Cie Les bruits du réel), en résidence de création, il crée un espace public radiophonique grâce à la Citizen Band, la cibi des routiers, ouvert à toutes et tous !

Et pour terminer ce beau programme, deux films : Federico Rossin, historien du cinéma présentera De cierta manera (1974), le premier long dirigé par une cinéaste femme à Cuba, Sara Gómez. Il sera suivi par Les Murs de Bergame, un témoignage tourné au cœur de l’épicentre de la pandémie du Covid en Europe en présence de son réalisateur, Stefano Savona.

ANNIE GAVA

Numéro Zéro
Du 17 au 21 avril
Forcalquier et Saint-Étienne-les-Orgues

Une danse afro-colombienne engagée 

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© X-DR

Mêler passé et présent dans un but commun pour dénoncer les anciennes pratiques esclavagistes et la discrimination ethnique qui perdure de nos jours en Colombie. Voila comment Rafael Palacios présente La ciudad de los otros, spectacle écrit en 2010 suite à la célébration du 159e anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans son pays. Pour autant, le chorégraphe nourrit son spectacle des conditions de vie des descendants africains dans l’actuelle Colombie dont il fait lui-même partie. 

Danse vitale 

Sur scène, les danseurs interviennent en tant que musiciens, et témoignent de cette merveilleuse culture afro-colombienne. Une musique comme un hymne à la diversité, réunissant les sonorités afro-cubaine, brésilienne, africaine, colombienne… Issus des minorités et souvent marginalisés dans leurs pays, les danseurs animent leurs singularités, les mettent en mouvement, se montrant tantôt isolé ou jugé. Sans tomber dans une danse contemporaine occidentale abstraite, le chorégraphe allie expression et émotion, et explicite avec fluidité l’histoire qu’il souhaite communiquer. Par sa scénographie, le collectif sankofa danzafro se bat face à l’adversité des villes parfois hostiles. Cette danse vitale devient un espace de mémoire, de création, mais surtout d’un combat fraternel en faveur d’une identité multiculturelle. Cette mixité des danses et des identités, appuyée d’une musique rythmée, fait de La ciudad de los otros un spectacle puissant. 

GABRIELLE SOLLIER

La ciudad de los otros a été donné les 5 et 6 avril au Pavillon Noir, Aix-en-Provence. 

Art lyrique et politique

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Tosca © Studio Delestrade

On oublie souvent que le grand opéra italien doit son succès à ses positionnements politiques populaires, aux révolutionnaires Guillaume Tell et Figaro de Rossini, au nationalisme républicain de Verdi, aux révoltes incessantes de Puccini face aux pouvoirs tyranniques, colonial, militaire ou policier. 

Chant d’amour et de liberté, Tosca est un brûlot qui représente, comme tous les opéras de Puccini, le désir féminin, le refus d’une sexualité contrainte, la joie sublime de l’amour partagé. À quelques heures de son exécution, le peintre républicain Cavaradossi allume les étoiles, glorifie la sensualité de Tosca, et proclame qu’il n’a jamais autant aimé la vie. À quelques centaines de mètres ,la pieuse Tosca exécute d’un coup de poignard assuré le tyran qui voulait la violer.

La musique de Puccini dans Tosca, plus encore que dans ses autres opéras, tisse un fil dramatique continu entre l’orchestre et les voix, qui se posent au-dessus de la masse instrumentale et des leitmotive : comme dans un opéra wagnérien, mais avec une grâce toute italienne, l’orchestre fait chanter les thèmes de chacun et annonce les changements de leurs états d’âme, au fil de la progression dramatique.

Exécution

L’intelligence de Jean-Claude Berutti est de mettre sa mise en scène au service de l’œuvre. Non pour disparaître, mais pour faire entendre la musique, et souligner, lorsqu’il le faut, le contexte historique et symbolique. L’enjeu de ce premier opéra du XXe siècle (créé le 14 janvier 1900 !), c’est le pouvoir dans la récente capitale italienne, qui se décide entre l’Église sant’Andrea, le Palais Farnese et le Château Saint Ange, c’est à dire entre la religion, le pouvoir et la prison. Sans autre décor que des projections d’images réelles, et mouvantes, de ces lieux, la mise en scène promène les personnages dans une église devenue un lieu d’art et d’amour, un palais où le tyran Scarpia pratique la torture et le viol, une prison qui entend le chant doux d’un berger, d’un amour puis, soudain la mort violente.

Dans des costumes et des éléments de décor simples, les solistes, le chœur et la maîtrise de l’opéra peuvent faire face aux exploits vocaux que la partition exige. Le Te deum qui couronne le premier acte et la cantate du deuxième tissent des superpositions complexes, et les duos, acrobatiques, n’offrent que peu de repos aux trois solistes principaux entre leurs morceaux de bravoure. 

L’horrible Scarpia, abuseur sans scrupule qui jouit de son pouvoir, est interprété avec une froide barbarie par André Heyboer, aux basses profondes et aux aigus faciles, dans une tessiture égale et puissante. Si Sébastien Guèze (Cavaradossi) est un peu inégal dans le recondita armonia qui ouvre comme un terrible mur d’escalade le premier acte, il est ensuite passionné dans ses duos, et sublime dans sa prison et le célèbre E Lucevan le stelle. Quant au rôle-titre, qui ne quitte presque jamais la scène au long des deux heures trente d’un opéra harassant, il est tenu par Barbara Haveman, dont la voix sûre sait incarner les élans tendres, les frayeurs jalouses, le baiser de mort, le rêve bucolique, l’horreur. Son Vissi d’arti, très attendu, a fait vibrer le public d’émotion.  

L’Orchestre national Avignon Provence, dirigé par Federico Santi, sait accompagner leurs élans  et impulser les siens dans les nombreux moments où l’orchestre prend la voix. Une production ambitieuse, dont on regrette une fois de plus qu’elle ne tourne pas sur les autres plateaux régionaux, et nationaux, qui pourraient la recevoir dans une économie raisonnée.

AGNÈS FRESCHEL

Tosca a été créé à l’Opéra d’Avignon les 5, 7 et 9 avril

Dans les dernières notes du Festival de Pâques 

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Elisabeth Leonskaja, piano. Grand Théâtre de Provence. 03/04/2024. Aix-en-Provence. Photo Caroline Doutre / Festival de Pâques

Création

Le Quatuor Psophos (Mathilde Borsarello Herrmann, Bleuenn Le Maître, violons, Cecile Grassi, alto, Guillaume Martigné, violoncelle) suite à leur résidence et des concerts hors-les-murs à Chaillol, offrait le Quatuor n°11, Quartetto Serioso in Omaggio a Beethoven de Nicolas Bacri, compositeur avec lequel l’ensemble travaille depuis quinze ans et dont il a enregistré sept œuvres. Composé sur une commande du Festival de Pâques 2020, ce quatuor qui comprenait à l’origine deux mouvements s’est enrichi d’un troisième. La sévérité annoncée par le qualificatif « serioso » n’est pas sans influer sur la tonalité de la pièce qui, cependant, marie subtilement matière sculptée dans son épaisseur sonore, et notes filées jusqu’à une insaisissable transcendance. Une écriture de l’intime se dessine ici, vibrante, grave, avec de superbes unissons qui sont autant de strates palimpsestes d’une âme. Les voix des cordes se tissent en émerveillements nouveaux animés d’une tension dramatique exigeante, urgente. 

Revisiter les classiques

Que ce soit par l’entremise d’une soliste ou la vertu d’un grand ensemble, les « classiques » étaient habités par un parfum de jouvence : éblouissement de l’interprétation de la pianiste Elisabeth Leonskaja dans deux sonates de Schubert, puissante, nuancée, avec un sens aigu des contrastes, un phrasé époustouflant, une présence hypnotique. L’élégance du jeu, la fermeté des lignes, la fidélité à la partition, se doublent d’une liberté enivrante, accordant un regard neuf à la lecture des œuvres. Lorsque l’on évoque la profondeur de son jeu, l’interprète sourit, « la musique est profonde »… L’ensemble Pygmalion sous la houlette de Raphaël Pichon, souverain de maîtrise, subjuguait ensuite par l’équilibre de l’orchestre et du chœur, la netteté des pupitres, la finesse des instrumentistes, la beauté des voix des solistes. On retiendra sans nul doute le temps suspendu de l’Agnus Dei où dialoguent une flûte aérienne et le haute-contre William Shelton.

Un final chambriste

Renaud Capuçon choisissait de clore le festival par une carte blanche intime avec deux pièces schubertiennes, chacune contenant un « tube », mais dont l’intégralité est trop souvent négligée : le Trio en mi bémol majeur pour piano et cordes n° 2 dont le deuxième mouvement est l’un des thèmes de Barry Lyndon de Kubrick et le Quintette en la majeur D667, La Truite, au quatrième mouvement dangereusement célèbre. Le chatoiement du piano de Mao Fujita donna la réplique au violoniste virtuose et ses comparses, Paul Zientara (alto), Julia Hagen (violoncelle) et Lorraine Campet (contrebasse). 

Une édition réussie

Le Festival de Pâques côtoie les sommets et place Aix-en-Provence au firmament des plus grandes villes musicales actuelles. « Plus de 30 000 spectateurs, 9000 personnes à bénéficier de concerts gratuits dans la région, 38 concerts et des centaines de manifestations, le festival a bien grandi », s’est félicité Dominique Bluzet, directeur des Théâtres, en conclusion de la manifestation. 

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts donnés les 3, 4 et 7 avril, à Aix-en-Provence