lundi 25 novembre 2024
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 226

La Mixture : bouillant de cultures

0
© Audrey Viste

« Pendant ce temps-là… » Cette formule tant utilisée pourrait parfaitement s’appliquer à l’action menée par le pôle culturel Bouillon Cube. Depuis 2006, niché sur le plateau du Causse de la Selle, il fédère trente structures socio-culturelles qui animent un bassin de vie de quatre communes. Les sept cents habitants de la garrigue héraultaise participent ainsi à une relocalisation de l’économie, « à la recherche d’un mode de vie résilient mêlant ruralité au défi du monde d’aujourd’hui ». Mutualisation et échanges sont au cœur de cette réflexion active. L’hyper localisation pourrait faire penser à un travail de fourmi (ou de colibri ?). Oui, et c’est l’essence même de cette démarche, qui vise à partir du territoire pour mieux penser le monde. Au cœur du projet : le pôle de création régionale en milieu rural qui accueille treize compagnies en résidence.

Servi sur un plateau

Cet été, La Mixture propose chaque vendredi de juillet et août des soirées qui touchent à tout. Un sound system organisé en partenariat avec trois radios associatives (au Mas de Riri, où le camping est offert). L’UFOrchestra débarque avec ses sonorités quasi extraterrestres, présent également, le groove électro balkanique de Bül Bül. Du théâtre (Rosemonde, entre performance et clownerie, puis Il faut aimer…, une création collective par un groupe d’ados), et une balade contée (Cie Ça fait des bulles). Les Philosophes Barbares en déambulation avec marionnettes où tout craque, jusqu’à ce qu’un CRS en burn out aille se reposer dans une ZAD ! Beaucoup, beaucoup d’événements encore (Lúcia de Carvalho) et ça se conclut par In Aioli We Trust, grande soirée de partage où la langue occitane est l’invitée d’honneur, avec de la chanson, du stand up (Balelo), du rap (Digeo et MacSinge) et du groove tropical (Raffut).

ANNA ZISMAN

La Mixture
Jusqu'au 26 août
Lieu-dit La Grange, Causse de la Selle
04 67 71 35 42 bouilloncube.fr

À Oppède-le-Vieux, les nouveaux talents de la musique classique se rélèvent

0
© Les Concerts au coucher de soleil

Près de Cavaillon, sur les hauteurs d’un piton rocheux, le village médiéval d’Oppède-le-Vieux accueille depuis 2017 un festival lyrique à l’initiative du chef Cyril Diederich : Les Concerts au coucher de soleil. L’ancien directeur artistique des orchestres de Montpellier et de Mulhouse rassemble chaque année des nouveaux talents repérés au Conservatoire de Paris (CNSM) ou dans les concours d’opéra nationaux.

Mozart y tient une place centrale, dans la programmation comme dans l’esprit du festival : ainsi, après Don Giovanni l’année dernière, la production phare sera une version concertante en plein-air de Così fan tutte, qui est donnée les 22, 23 et 24 août place de la Croix, au cœur du village. Parmi les interprètes du chef-d’œuvre de l’opera buffa de Mozart et Da Ponte, on retrouve notamment le baryton Gilen Goicoechea (Guglielmo), finaliste des Voix Nouvelles et bien connu des publics marseillais et niçois. Sur scène également la soprano vauclusienne Lyriel Benameur (Fiordiligi), le ténor Kiup Lee (Ferrando) de l’Académie de l’Opéra de Paris, la soprano Anara Khassenova (Despina) et le baryton-basse Adrien Fournaison (Don Alfonso) de l’académie Philippe Jaroussky. Enfin, la lauréate du concours Gordes, la mezzo Camille Bordet (Dorabella) va aussi faire entendre sa voix.

Récital

Le 26 août, la collégiale Notre-Dame Dalidon du village accueille un récital lyrique de grands airs du répertoire, se déroulant chronologiquement des lignes baroques aux vocalises sensuelles de Bizet, entonnés par la mezzo-soprano Éléonore Gagey et le ténor Yeong Taek Seo. Spécificité du concert chaque année, il commence à l’intérieur de l’église avant de s’achever sur son parvis face au couchant en contrebas, pour deux expériences acoustiques bien distinctes. Un écrin décidément unique pour un festival (littéralement) perché !

SUZANNE CANESSA

Les Concerts au coucher de soleil
Du 22 au 26 août
Divers lieux, Oppède-le-Vieux
lesconcertsaucoucherdesoleil.com

Jazz à Ramatuelle : quand Zorro s’invite chez Fanfan la Tulipe

0
Francesco Bearzatti Quartet © Elisa Caldana

Impatient, Jazz à Ramatuelle a décidé cette année de lancer les festivités dès le mois de juillet. Le 21, en préambule à cette 36e édition, il accueille le génial et fantasque pianiste Chilly Gonzales : un festival à lui tout seul. Une première date en France pour lui et son quartet avant de tourner en Europe et dans le reste du monde. Puis il va falloir patienter jusqu’au mardi 16 août pour l’ouverture avec Big in Jazz Collective, ensemble de huit musiciens, sorte de all stars band afro-caribéen qui s’empare de standards de biguine pour une relecture contemporaine et innovante. Le mercredi 17 août, place à Étienne MBappé et son projet Nec+, trio du bassiste aux mains gantées de soie noire, musicien entre autres de Salif Keita et de Jacques Higelin : une musique métissée, aux sonorités jazz, et à la technicité mélodieuse. Il est suivi sur la scène du théâtre de verdure par le quartet de Francesco Bearzatti. Saxophoniste et clarinettiste italien, il a décidé de s’atteler à la biographie musicale de Zorro, le justicier masqué, qui combat le pouvoir et se bat aux côtés du peuple !

De la verdure et un festin

Le jeudi 18 août, Émile Parisien, saxophoniste alto et soprano au jazz créatif et inspiré, est présent avec son nouveau sextet franco-américain, créé à l’occasion de l’album Louise, hommage à l’artiste Louise Bourgeois. Vendredi 19 août le « power trio acoustique » du pianiste Gauthier Toux ouvre la soirée, mélangeant mélodies simples, inspirations pop, hip-hop ou rythmes organiques. Il est suivi de Cecil L. Recchia, chanteuse à la fois pétillante et nonchalante, qui, pour son troisième album, propose une relecture d’une sélection de morceaux qui ont fait les grandes années du mythique label Blue Note, demeurés jusqu’à présent instrumentaux. Enfin, en clôture, le samedi 20 août, les légendaires Lionel et Stéphane Belmondo en version quintet ont la soirée et le théâtre de verdure pour eux tout seul.

MARC VOIRY

Jazz à Ramatuelle
Du 16 au 20 août
Théâtre de verdure, Ramatuelle
04 94 79 10 29 jazzaramatuelle.com

Entrecasteaux sort des sentiers battus

0
Despeyroux Violaine © Foppe Schut


Le Festival de musique de chambre d’Entrecasteaux fête cette année son quarantième anniversaire et reste fidèle à son principe fondateur : explorer des pages injustement méconnues du répertoire chambriste, tout en célébrant la musique d’aujourd’hui.
Le 16 août, le pianiste David Saudubray accompagne ainsi la violoniste Olivia Hughes, la jeune altiste Violaine Despeyroux et le violoncelliste Christophe Morin sur le Quatuor opus 478 de Mozart.

Le 17 août voit ces artistes rejoints à Cotignac par le violon de Sébastien Surel sur un programme lyrique : les Airs pour soprano et cordes de Vivaldi ou encore la sublime Chanson perpétuelle d’Ernest Chausson. Le 19 août, c’est à Tourtour que le public va pouvoir entendre entre autres la guitare de Jérémy Jouve sur des œuvres de Boccherini et de Webern, ainsi qu’un quatuor à cordes du compositeur contemporain Bechara El Khoury.

La jeune compositrice et violoniste Élise Bertrand interprète deux de ses œuvres le 20 août à Salernes avec Jérémy Jouve et Alain Meunier. Ce dernier s’attelle avec Christophe Morin à d’insolites duos pour deux violoncelles d’Offenbach, avant que le concert ne s’achève sur un chef-d’œuvre de Dvorak, le Terzetto pour deux violons et alto.

Pontevès accueille le 22 août le jeune bassoniste Esteban Wiart et le hautboïste Jérôme Guichard, qui interprètent avec David Saudubray le Trio de Poulenc ; la prometteuse altiste Léa Hennino se joint à Élise Bertrand sur le Duo n°1 de Mozart, tandis que le baryténor Marc Mauillon entonne des mélodies de Poulenc accompagné d’Anne Le Bozec.

Enfin, le festival s’achève le 24 août à Entrecasteaux avec ces mêmes artistes sur la Sonate pour piano et violon d’Élise Bertrand, le Trio en la mineur de Ravel, la Sonate pour basson et piano de Saint-Saëns et deux rhapsodies pour alto, hautbois et piano de Charles Martin Loeffler. Un programme aussi ambitieux qu’alléchant !

SUZANNE CANESSA

Festival de musique de chambre d’Entrecasteaux
Du 16 au 24 août
Divers lieux dans le Haut-Var
festivaldentrecasteaux.fr

Du jazz haut perché à Coaraze

0
©X-DR

Déjà classé parmi les Plus Beaux villages de France labellisé Village en Poésie et Òc per l’occitan, Coaraze célèbre la quatorzième édition de Coartjazz. Un événement fondé parallèlement à l’Académie de jazz de Coaraze par Jean-Marie Deray et Magali Barnoin.

Créant une véritable vie musicale dans le village, le festival s’appuie des stages de jazz instrumental et vocal menés par des grands noms du jazz durant cinq journées. Cette édition accueille la chanteuse musicienne Cyrille Aimée qui mêle ses compositions et ses sources d’inspiration à celles du guitariste et compositeur Michael Valeanu depuis leur rencontre en 2010. On retrouve le pianiste Olivier Hutman qui a démarré par le piano classique, a écrit une thèse portant sur les musiques urbaines du Ghana sous la direction de Jean Rouch, puis s’est consacré au jazz après la découverte d’Oscar Peterson.

Des cours et des concerts

Sur scène également le saxophoniste, compositeur et enseignant Alex Terrier, le bassiste et contrebassiste Clovis Nicolas, presque de la région puisqu’à la suite de ses études de philosophie à l’Université d’Aix-en-Provence, il a suivi son cursus musical au CNRR de Marseille. Le percussionniste argentin Minino Garay, spécialiste non seulement des répertoires du jazz mais aussi des musiques du monde, le batteur américain Greg Hutchinson (il a joué avec les formations les plus prestigieuses) sont eux aussi présents.

Les classes instrumentales du matin sont complétées par les cours d’ensemble de l’après-midi. Et le public dans tout ça piaffez-vous ! Le public est particulièrement choyé avec des jam sessions où se déploient les qualités d’improvisation de tous les participants, des concerts au jardin Piovano dont un final éblouissant avec tous les artistes invités. Ajoutez restauration sur place et animations diverses qui participent de la fête. Que de raisons pour faire l’effort des hauteurs !

MARYVONNE COLOMBANI

Coartjazz
Du 16 au 20 août
Jardin Piovano, Coaraze
coartjazz.com

À Gréoux, le jazz fait son jeu

0
The Big Marteen's © X-DR

Précédé depuis deux éditions par une série de diners jazz dans les restaurants gryséliens  – ambiance brésilienne cette année avec Andréa Caparros et Émile Mélenchon, et jazz du monde avec Duo Tãal – le Gréoux Jazz Festival débute le 14 septembre. Pour commencer, un spectacle de danse avec des quadruples champions du monde de boogie-woogie, William et Maéva, accompagnés par l’orchestre montpelliérain The Big Marteen’s. Place ensuite le 16 septembre au quintet de Julien Brunetaud, pianiste autodidacte, qui a été accompagnateur de Chuck Berry, et qui vit désormais à Marseille, ville qui a inspiré son cinquième album Feels Like Home, enregistré avec le contrebassiste Sam Favreau et le batteur Cedrick Bec. Ils sont rejoints sur scène par Vincent Strazzieri au saxophone et Romain Morello au trombone.

Louis 8tet

Jazz manouche ensuite avec le Django AllStars, où l’on trouve trois solistes de haut vol : le guitariste Samson Schmitt, le violoniste Pierre Blanchard (adoubé par Stéphane Grappelli, embauché par Thomas Dutronc) et l’accordéoniste Ludovic Beier. La rythmique est assurée par Antonio Licusati, contrebassiste et Philippe Cuillerier, guitariste. Le lendemain, place à la Satchmocracy, projet du trompettiste arrangeur, compositeur et chanteur Jérôme Etcheberry. Un « Joyeux hommage à Louis Armstrong » relecture et arrangements swinguant et dynamiques, en octet, sur des compositions et interprétations légendaires du roi Louis. C’est le Olivier Franc Quintet qui clôture cette huitième édition du festival, pour un « Sidney Bechet à jamais » : le saxophoniste joue les « tubes » incontournables de Sidney Bechet, entrés dans la légende, pépites méconnues et grands standards, que le jazzman aimait jouer dans les rues d’Antibes, de Paris et d’ailleurs.

MARC VOIRY

Gréoux Jazz Festival
Du 14 au 18 septembre
Centre de Congrès l’Étoile, Gréoux-les-Bains 
greouxjazzfestival.com

Un été en cire et en terre au MO.CO.

0
Berlinde de Bruyckere, Tre Arcangeli © Mirjam Devriendt

Pour Piller | Ekphrasis l’Hôtel des collections a repris son nom d’hôtel Montcalm désormais dédié aux expositions monographiques. L’artiste belge Berlinde De Bruyckere investit la totalité du white cube de ses sculptures en cire, bois, tissus et peaux animales. Le parcours est saisissant. Il y a là des chevaux, des corps, des troncs d’arbres ; tous tronqués, hybrides, comme arrêtés dans le processus de transformation qui les condamnait à disparaitre. Ce ne sont pas des natures mortes, ce sont des formes ressuscitées ; avec toute la douleur qui les habitent encore, survivante. Les mélanges de substances et de corps posent l’œuvre de la plasticienne entre expérience quasi médicale et tentative d’offrir un ultime souffle de vie aux âmes qu’elle exhume. Créés spécialement pour l’exposition, les Trois Archanges occupent le centre d’une des grandes salles. Trois princesses Peau d’Âne ployant sous le poids de leur parure animale, puissantes autant que misérables. Les pieds de cire sont en demi pointe, les genoux bleuis. Le reste du corps disparait sous la sombre pelisse. Lugubre ? Oui. Comme le sont ces chevaux réassemblés, sanglés, morts. Ou ces harnais habités d’une présence, muées en gigantesques vulves tuméfiées. Les arbres sont des sacrifiés, eux aussi : foudroyés, broyés.

Et pourtant, une sensation de complétude s’installe. La conscience d’être au bon endroit, là où les turpitudes du monde sont pensées et transcendées. La prose poétique de Antjie Krog, auteure Sud-Africaine, ponctue les séries de la sculptrice : « serions-nous devenues meilleures en nous contentant de nous contempler épanouies ? » Peut-être que oui, finalement, les anges pourront à nouveau s’envoler et regarder la Terre tourner, encore un peu.

Contre-nature, du grotesque flamboyant

« Contre Nature », Anne Wenzel Silent Landscape © Nicolas Brasseur

Contre-nature convoque aussi l’alchimie, celle de la terre et du feu ; en un ensemble de quelque deux-cents céramiques présentées à La Panacée dont la scénographie signée Mr. & Mr. est remarquable. Claire Lindner illumine la première salle de ses créatures tortueuses pleines de couleurs, toutes très récentes et inspirées par le mouvement des nuages. Aussi séduisantes que des bonbons, inquiétantes comme des champignons vénéneux, ses pièces sont habitées d’un flux dont les méandres trouvent un écho au plus profond des tripes. Anne Wenzel a couvert d’arbres peints à l’encre noire la salle qui abrite son Silent Landscape (2006), installation monumentale. Des sapins, sur un plateau de six mètres de long, forêt décimée, tragique témoignage d’une nature qui souffre. Miroir discret, quelques centimètres d’eau font se multiplier les reflets et les questions. Et les quinze masques (Sans titre, 2020) de Sylvie Auvray, flamboyantes gueules cassées, donnent au grès la puissance et la magie d’une boule de cristal.

ANNA ZISMAN

Piller | Ekphrasis, Berlinde de Bruyckere
Jusqu’au 2 octobre
MO.CO., Montpellier
moco.art
Contre-nature, une épreuve du feu
Jusqu’au 4 septembre
MO.CO. Panacée, Montpellier

Éric Bourret, artiste 100 bornes

0
© Eric Bourret - TERRES - Musee de Lodeve

Lors du vernissage de son exposition, Éric Bourret revenait tout juste de 30 jours passés à arpenter les flancs de l’Himalaya. Photographe sur pieds, il est un artiste marcheur ; un usager du paysage avec appareil. Il n’y a pas de hiérarchie entre les termes, ils fonctionnent de pair. S’il entre dans l’environnement, à la façon d’un éternel explorateur de matières et de sensations, c’est pour en extraire des prises de vue qui puissent justement transcrire son propre mouvement parmi les éléments qu’il traverse. Chaque pas est une découverte d’un hyper présent ; plus qu’une image qui cadrerait sa vision du paysage, son regard extrait un morceau de temps, qu’il restitue dans toute son épaisseur.

Éric Bourret développe en effet un dispositif qui rapproche ses photographies de la quête menée par le mouvement impressionniste. Il offre une durée supplémentaire à l’infime espace-temps imposé par le regard photographique : déclenchant, en direct, six à neuf prises de vue sur le même négatif, la nature bruisse dans le cadre. « J’assume l’idée du transitoire et de l’aléatoire » ; et l’œuvre du photographe respire un air qui nous parvient chargé d’une émotion tellement vivante qu’elle nous accroche, jusqu’à nous envelopper dans un ample récit.

Vision panoramique

Au musée de Lodève, l’histoire se déroule sur des centaines de millions d’années. Des empreintes de dinosaures côtoient des traces de pluie datant d’avant même leur existence. L’échelle du temps donne le vertige, et les séries photographiques de l’artiste, invité à parcourir ce territoire si riche en vestiges préhistoriques, contribuent à brouiller et enrichir le regard sur ce qu’est ce paysage. Les séries Salagou et Grands Causses déclinent la technique de surimpression, donnant au lac des allures de surface minérale, et aux troncs d’arbres un mouvement qui évoque le flux de l’eau. Les matières changent de nature, les couleurs en viennent à disparaitre, et l’immuable fait place à une impermanence déstabilisante autant qu’inspirante. L’eau devient fossile, et le bois, fluide. Larzac découle d’une autre approche. Cinquante-deux photos disposées en quatre lignes fouillent les taillis. Ce n’est plus le tremblement des éléments qui provoque le mouvement, mais la multitude. Telle une mosaïque, l’installation (signalons la qualité de l’accrochage, effectué par l’artiste et la directrice Ivonne Papin-Drastik) propose une vision panoramique de l’avancée de Bourret dans l’aridité du paysage. La chromatique, entre mousses et feuilles mortes, est presque sonore, on entend les pas du photographe qui se heurtent aux épines, les cailloux qui raclent les semelles. Et si les plans sont souvent très rapprochés, voire étouffants, c’est pour mieux faire respirer la puissance narrative des sujets ainsi juxtaposés, presque abstraits, et tellement suggestifs.

ANNA ZISMAN

Terres, d'Éric Bourret
Jusqu’au 28 août
Musée de Lodève
04 67 88 86 10 museedelodeve.fr

Glenn Ligon : les mots pour le peindre

0
Double America, néon et peinture © Farzad Owrang

Les stores autour du hall du deuxième étage du Carré d’Art sont relevés. Le bâtiment va fêter ses trente ans l’année prochaine, et la monographie consacrée à Glenn Ligon est en quelque sorte, aussi, un hommage à son architecture, l’une des créations phare de Norman Foster. Son directeur Jean-Marc Prévost a choisi de laisser la série de néons peints « America » jouer sur les reflets des parois de verre, magnifiant l’espace en l’émancipant de sa fonction de white cube. Déclinaison des sept lettres en capitales lumineuses, détourées en noir ou blanc – ou points rouges pour l’installation présentée à l’entrée. À lire en miroir, (Ruckenfigur, 2009) comme si nous étions derrière le néon. Le Newyorkais, né en 1960, dit s’être inspiré du célèbre tableau Le Voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar David Friedrich. Ainsi, AMERICA (plus de 3 mètres de haut) se découvre comme si ce mot, avec toute l’histoire et les symboles qu’il porte, se tournait pour contempler… le mur. Et nous serions là, spectateurs de ce destin clinquant et lumineux, qui va droit dans l’impasse. Double America (2012) se reflète lui-même, blanc sur noir, fragile Narcisse, et le dernier (Untitled, 2008) clignote, désuète enseigne, disque rayé, adoré, trop entendu.

Force sourde

Glenn Ligon joue avec les mots depuis ses débuts. Emprunter ceux des autres, les sortir de leur contexte, les contraindre à exprimer autre chose ou souligner le sens sous-jacent qu’ils diffusent : dans ses toiles couvertes de lettres où l’encre dégouline des contours des pochoirs qu’il utilise, où la peinture donne du relief, où le traitement sérigraphique crée une troisième dimension, c’est une réflexion sur la place du Noir, du déclassé, de l’homosexuel qui est à l’œuvre. Le titre de l’exposition, Post-Noir évoque sa volonté de se situer en dehors de ce qui enfermé, en particulier le fait même justement d’être noir. Noir, il l’est, homosexuel aussi, et l’une des figures qui le nourrissent est l’écrivain James Baldwin. Le Carré d’Art présente la dernière pièce de sa série Stranger, qui reproduit l’intégralité de l’essai publié en 1953, Stranger in the village. Sur près de vingt mètres de long et trois mètres de hauteur, ce texte, issu de l’expérience de l’écrivain qui s’était retrouvé seul noir dans un village suisse où jamais aucun n’était passé, claque sur la rétine. Vibrants, les caractères (au pochoir, toujours, partiellement recouverts de poussière de charbon) apparaissent ou se fondent sur la toile. Une vague qui submerge, lisible autant qu’illisible, d’une force sourde. Elle est éclatante dans toiles de la série Coloring : l’artiste a donné à des écoliers des illustrations de figures « typiques » afrocentrées des années 60-70, qui les ont coloriées. Agrandies, réinterprétées sans se départir de la liberté du geste enfantin, les images sont chargées d’une joyeuse subversion qui balaie la médiocrité des messages d’origine.

ANNA ZISMAN

Post-Noir, Glenn Ligon 
Jusqu’au 20 novembre
Carré d’art, Nîmes
carreartmusee.com

Terre en vue à la Villa Datris

0
Michel Gouéry, Frère Javel 2010. Céramique émaillée-Collection FRAC Auvergne. Vue de l'exposition Toucher Terre ©Bertrand Hugues

Happée par l’œuvre de Jean-Baptiste Bernadet, une voix émue surgit de derrière notre dos : « C’est magnifique, hein ? ». Danièle Kapel-Marcovici, fondatrice et présidente de la Fondation Villa Datris, s’émerveille et partage. Cette générosité si sincère donne à chacune des expositions annuelles qu’elle présente une saveur bien particulière. On entre autant dans l’univers des artistes et des thématiques choisi·e·s que dans la sensibilité toujours très fraiche de cette entrepreneuse passionnée de sculpture contemporaine.

Untitled, (Sign, 2019), donc. Un disque d’un mètre de diamètre, pierre de lave émaillée aux couleurs irisées, aux pleins et creux qui pourraient être la carte d’un monde sans lieux. Un organisme en mutation, quelque chose qui pulse, se développerait dans un ralenti que l’œil chercherait à attraper. C’est bien cet effet très archaïque, provoqué par la matière terre et l’élément feu, qui est convoqué dans Toucher terre. Art ancestral dont les artistes se sont saisis à pleines mains, courant atemporel qui semble pourtant réunir cet été les aspirations des curateurs, tant les expositions mettent la glaise cuite à l’honneur en 2022.

Urgence

LINDNER Claire, The Fall © photo Bertrand Hugues

À la Villa Datris, cent trente-cinq pièces sont présentées, en six thématiques (matière en mutation, fragile, vivante…), provenant de la collection de la Fondation ou prêtées. Pas de hiérarchie entre les cent trois artistes ; Caroline Achaintre, Picasso, Léger, Johan Creten, Théo Mercier, Penone, Barthélémy Toguo côtoient des noms moins connus, et les œuvres dialoguent parfaitement entre elles. On retrouve avec bonheur le très pertinent Antoine Renard – vu récemment au Crac de Sète – et son interprétation en impression 3D de La Petite Danseuse de quatorze ans de Degas (Impressions, après Degas, 2020). Les couches produites par l’imprimante (céramique, émail), les accrocs, la couleur de la terre (dégradé d’ocres), transforment le modèle en une sorte de momie parfumée – l’artiste utilise des fragrances dans nombre de ses travaux. La fillette a perdu son tutu et sa natte. C’est un corps, un fantôme (de l’histoire de l’art) qui continue de questionner.

Autre corps, tout en veines aux couleurs chatoyantes, Frère Javel (2010) de Michel Gouéry. Incroyable de technicité, c’est un écorché contemporain, homme creux devenu concrétions, revenu d’une Atlantide oubliée.

Parmi toutes les œuvres présentées, les deux pièces de Rodolphe Huguet portent la plus grande charge politique. Pièges à rêves (2018) est un morceau de grillage où des empreintes de doigts (en terre cuite) s’agrippent ; percutant. Sans titre (WARchitecture, 2017-18), une valise éventrée ceinte de tuiles fondues, maison de fortune, porte toute l’urgence de notre monde qui s’enflamme.

ANNA ZISMAN

Toucher terre 
Jusqu’au 1er novembre
Fondation Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue
04 90 95 23 70 fondationvilladatris.com