mardi 22 avril 2025
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Frac : un nouveau nom et une nouvelle vision 

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Le bâtiment de 5 400m2 orné de 1700 panneaux de verre a été dessiné par l'architecte japonais Kengo Kuma © Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur/JC Lett

Zébuline. Pourquoi fêter les dix ans du bâtiment sachant que le Frac existe depuis 1983, d’abord dans le quartier du Panier et aujourd’hui à la Joliette ? Quels sont les enjeux ?

Caroline Pozmentier-Sportich. L’année 2023 marque les quarante ans d’une politique culturelle souhaitée plus décentralisée. Elle permet de faire un bilan et de se projeter sur le Frac de demain. Force est de constater aujourd’hui que le Frac, qui a œuvré à structurer le monde de l’art contemporain sur ses territoires, a besoin de plus de visibilité et de notoriété au niveau local ou national alors même que c’est un modèle envié dans le monde entier. Il correspond à notre ambition de rayonnement culturel avec des enjeux de démocratisation culturelle puisque ses missions d’éducation et de sensibilisation à l’art contemporain font partie de son ADN. Fêter ses quarante ans, c’est relever encore plus sa responsabilité sociale et sociétale. Nous voyons combien l’art contemporain interroge, bouscule, et doit permettre toujours plus de dialogue, de vision et de transversalité. Nous avons également une responsabilité patrimoniale qui est la collection (1600 œuvres). Il y a dix ans on était sur des Frac de deuxième génération, avec la création du bâtiment par Kengo Kuma, mais une fois qu’on a créé un fonds, constitué une collection et bâti un lieu avec un geste architectural fort, il faut penser aux dix ans à venir. Il est important aujourd’hui de s’inscrire dans une dynamique nationale.

Le changement de nom correspond-il à une ambition généralisée ou à une initiative régionale ?

Muriel Enjalran. On constate au niveau national que l’acronyme, quarante ans après, est encore mal connu. Se pose aussi la question de l’identification du bâtiment au cœur de Marseille. On propose cette nouvelle appellation « Frac Sud – Cité de l’art contemporain » pour répondre à ce double objectif : rendre nos missions plus compréhensibles par le public et mieux l’ancrer dans la ville et son quartier. Cela permettra peut-être à d’autres Frac de changer de nom, voire d’abandonner l’acronyme bien que ce soit un label. On anticipe effectivement une réflexion plus générale.

« 40 ans après, l’acronyme est encore mal connu »

Cela implique-t-il de nouveaux projets artistiques qui ne faisaient pas partie de ses missions premières ?

M.E. L’idée est de mettre en lumière notre ADN et les particularismes de nos missions à travers des projets qui vont faire comprendre au public à quel endroit on agit. L’année va se découper en trois séquences. La première se déroulera dans nos murs,avec les expositions d’un artiste d’envergure internationale (Hamish Fulton) et de deux jeunes artistes diplômés de la Villa Arson (Liv Jourdan et Mathis Pettenati) dont ce sera la première exposition dans un lieu institutionnel. Nous valoriserons sous un angle original et ludique notre collection qui est encore mal connue car elle se donne à voir de manière fragmentaire sur notre territoire. Elle sera réunie dans un ensemble qui racontera une histoire au public, c’est le projet Solaris. Cette année anniversaire se déploie également hors les murs avec l’Olympiade culturelle, à la fois dans les établissement scolaires avec des projets atour de la collection et des interventions d’artistes, et dans des centres d’entraînement labellisés olympiques pour des résidences insolites. Le premier projet se déroulera entre le Cap d’Ail, Istres et Beaulieu-sur-Mer en compagnie de Camille Holz qui suivra les jeunes pendant le tournoi de tennis Open Junior et exposera ses œuvres au Musée national du sport à Nice. L’idée est de faire société avec le sport qui participe de la construction d’une culture commune et de la cohésion du tissu social.

À ce propos, le projet de biennale de la culture à La Joliette réapparait, de quoi s’agit-il ?

C .P-S. Tout l’intérêt de ce projet est de faire rayonner le Frac en tant que porteur et fédérateur du territoire. Il correspond à l’évolution du quartier, à ce besoin de perméabilité des habitants avec son environnement économique et culturel. On sait bien qu’aujourd’hui certaines villes sont identifiées sur leur travail autour de l’art contemporain et de l’espace public, qu’elles ont réussi leur transformation et le dialogue dans les quartiers grâce au rassemblement autour de l’œuvre et de l’artiste. 

Une réflexion avait déjà eu lieu sur le rassemblement de tous les acteurs de La Joliette…

C .P-S. Il y a eu le J5 au moment de 2013, mais l’initiative s’est un peu essoufflée par manque de fédération transversale de toutes les communautés du quartier. Le message est que l’on ne construit pas une biennale comme on les connaît, type Manifesta, on est ici dans une dimension de co-construction, de programmation partagée avec le voisinage, de réappropriation de l’art contemporain par chacun. L’art contemporain est souvent présenté comme réservé à une élite éloignée du quotidien, là, ça part du terrain, de tous ceux qui font vivre le quartier.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Week-end d’ouverture
Pour célébrer son double anniversaire, le Frac ouvrait ses portes gratuitement le 25 mars. Deux expositions sont à découvrir : A Walking Artist d’Hamish Fulton et Solaris, une installation issue d’œuvres de sa collection. Nous reviendrons plus en détail sur ces expositions. 
fracsud.org

Mariage à la grecque

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Johan Papaconstantino © X-DR

Il a grandi à La Rose, venait faire ses courses au Merlan mais n’avait encore jamais mis les pieds au Zef. Le 15 mars dernier, dans le cadre du festival Avec Le Temps, il y lançait sa tournée, à guichets fermés. Rencontre avec Johan Papaconstantino, l’artiste marseillais dont tout le monde parle.


Zébuline. La pochette de votre premier album, Premier degré, est un plan serré sur le ventre bien rond de votre conjointe enceinte de votre premier enfant. Pourquoi cette image assez intime ?
Johan Papaconstantino.
Je savais déjà que je voulais appeler l’album Premier degré avant d’avoir l’image. Je trouve que cela résonne bien avec cette photo et donne un sens de lecture que je n’avais pas vu au départ : la parentalité, la responsabilité. « Premier degré » est aussi une manière drôle de parler de choses sérieuses, d’amener le sujet avec un peu de légèreté. Enfin, « sérieuses »… ce sont la plupart du temps des histoires d’amour. Et j’aime bien penser que l’amour et les émotions sont des choses au premier degré. 

Et vous, êtes-vous un artiste à prendre au premier degré ?
Ce n’est pas à moi de choisir. J’essaye de faire de la musique le plus honnêtement possible, avec le plus d’authenticité possible. Ce qui n’empêche pas d’être drôle ou léger.

Pourquoi l’héritage culturel grec de votre père est-il si marqué dans vos compositions ?
C’est imprimé en moi. J’écoute ces musiques depuis bébé. Mais c’est quelque chose que je ne partageais pas avec mes collègues au collège ou au lycée parce que c’était très personnel. Si j’avais fait écouter ça à mes potes, ils n’auraient pas eu les codes pour apprécier vraiment le truc. Je ne l’avais pas formulé mais je pense qu’aujourd’hui, j’essaie de le partager avec plus de gens. Et c’est naturel pour moi de le faire.

Pensez-vous que l’usage de l’autotune soit devenu une condition pour séduire la jeune génération ?
C’est mon paradoxe et je me garderais de trouver une logique à tout ça. C’est un outil comme l’était la distorsion sur les guitares dans les années 1970. Il y a des sonorités qui me parlent, j’ai aussi grandi avec Daft Punk. C’est générationnel, je ne sais pas comment ça va évoluer. Pour l’instant je l’utilise, mais peut-être qu’un jour j’arriverais à chanter ! [rires]

L’indolence voire la nonchalance que vous dégagez vous ressemble-t-elle vraiment ?
J’imagine. En tous les cas, je n’ai pas travaillé une posture. La timidité ressemble parfois à la nonchalance. On ne peut pas se cacher quand on commence à se montrer !

Vous considérez-vous autant peintre que musicien ?
Oui, même si là je ne peins plus depuis un petit moment parce que je voulais aller au bout de cet album. J’ai mis du temps à le finir parce que je l’ai pris très à cœur et j’ai tout fait tout seul.

Laquelle de ces deux disciplines artistiques influe le plus l’autre ?
Ça se croise. J’aime écrire de façon imagée. Et il y a une approche picturale dans mes clips.

Avec la sortie de ce premier album, tout semble s’accélérer pour vous. Cette montée en puissance de votre carrière vous fait-elle craindre un changement de vie radical ?
C’est radical dans le sens où j’enchaîne des dates de tournée et je n’avais jamais fait ça. C’est la première fois que j’ai un calendrier jusqu’à la fin de l’année. Je vais voir comment je vais le vivre. Ça demande de connaître ses limites. J’essaye de positiver tout ça parce que j’ai très envie de défendre cet album.

Marseille est devenu une ville à la mode. Pensez-vous que cela contribue à l’engouement que vous rencontrez ?
Je ne sais pas mais sûrement. Pour moi, ce n’est pas un business plan.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Premier Degré, de Johan Papaconstantino
Animal63

Théâtre du Maquis : 40 ans de résistance   

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Pit Goedert et Florence Hautier dans _Comédie entre les murs_ de Jean-Philippe Domecq, une crétion de 1992

Zébuline. Quarante ans de théâtre, ça se fête en effet ! Comment tout a été décidé ? 

Pierre Béziers. Cette célébration a été décidée assez tard, même si l’idée a été forgée durant les années de pandémie. On le fait avec nos moyens qui ne sont guère importants malgré les aides fidèles de la ville d’Aix-en-Provence et du département. Bien sûr ce sera un peu au-dessus de nos moyens, comme d’habitude [rires]. Sur les quarante spectacles que l’on a construits, certains ont vieilli, tout ne mérite pas d’être gardé, mais j’ai envie de reprendre Baga d’après le roman de Robert Pinget. C’est un texte que j’ai peu joué et que j’aime beaucoup. Elle est sans doute dans l’air du temps, tout comme Et l’acier s’envole aussi qui va ouvrir cette fête théâtrale, en écho involontaire et terrible à la guerre en Ukraine. Nous sommes très heureux de reprendre ce spectacle à l’Ouvre-Boîte. Ensuite, on va monter une sorte de cabaret avec les chansons de scène que nous avons composées au fil des années pour raconter l’histoire du Maquis en quatre soirées, chacune reprenant dix ans de la troupe. Le tout est regroupé sous le titre générique Seule la légende est vraie. Le mensonge est assumé, l’important n’est pas ici la vérité exacte, mais l’histoire que nous créons. Nous réinventons notre histoire… personne ne devrait être coincé dans ses origines.

Quelle évolution en quarante ans ?

On a vieilli [rires]. Mais les principes restent toujours les mêmes. Il s’agit de faire un théâtre d’acteurs. Les comédiens sont libres de leurs mouvements. On discute beaucoup et la mise en scène découle toujours d’une écriture de plateau. Nous ne nous ancrons pas dans un théâtre de l’intime ou de l’introspection, mais plutôt dans un théâtre de la relation avec les personnages et le public. On a évolué de plus en plus dans ce sillon, en s’appuyant de plus en plus sur le public et de moins en moins derrière le quatrième mur. Aujourd’hui, pour ces quarante ans, on se replonge dans les dossiers, les vidéos, les images. C’est très émouvant et nous souhaitons partager cette émotion avec le public.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

Et l’acier s’envole aussi
Du 24 au 26 mars
Seule la légende est vraie
Du 10 au 13 mai
L’Ouvre-Boîte, Aix-en-Provence
04 42 38 94 38 
theatredumaquis.com

« Last Dance » ouvre Music & Cinema

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Last Dance © Box Production

Qu’est-ce qui fait un « bon » film d’ouverture ? C’est d’abord un bon film bien sûr mais c’est aussi une proposition qui rassemble le public, toutes générations et toutes sensibilités confondues, une luciole parmi d’autres dans ce printemps marseillais. Last Dance de Delphine Lehericey, qui malgré son titre ouvrait le bal du festival Music & Cinema Marseille (MCM) au cinéma Artplexe, était un choix parfait ! Le public ne s’y est pas trompé, qui a applaudi longuement la réalisatrice helvète installée en Belgique.

Last Dance est une comédie sur le deuil, la famille, l’amour, l’art qui ne se contente pas de consoler mais transforme et accomplit la vie. Le film commence d’ailleurs par une madeleine proustienne géante et une réflexion du grand écrivain sur le temps vécu et le temps réécrit.

Entrer dans la danse

À 75 ans, Germain, retraité casanier, perd brutalement Lise sa femme qui se préparait avec passion à un spectacle de danse contemporaine. Fidèle à la promesse mutuelle que les vieux amoureux s’étaient faite d’achever ce que l’autre avait entrepris si la mort l’en empêchait, voilà notre septuagénaire déterminé à remplacer Lise à pied (pas trop levé) dans la troupe de la Ribot. Adopté par le groupe des danseurs, il participe avec opiniâtreté aux répétitions quotidiennes, à l’insu de ses enfants qui le surprotègent jusqu’à l’infantilisation cocasse. Sa double vie génère un comique de situation réjouissant et l’apprentissage chorégraphique maladroit qui le libère corps et âme, est proprement bouleversant.

Le film, à la belle écriture, nous épargne les flashes back, joue sur les équilibres fragiles entre rire et larmes, vie et mort. Germain écrit à sa femme défunte comme tous deux le faisaient au début de leur histoire dans un jeu oulipien et romantique. Orphée allait chercher Eurydice aux enfers grâce à sa lyre, Germain par la danse prolonge les désirs de Lise, la conduit encore un peu dans la vie qu’elle aimait pour assumer un deuil commun.

La réalisatrice affirme que la danse contemporaine « permet une utilisation très démocratique du corps. Comme dans le film Ratatouille (2007), où l’on dit que tout le monde peut cuisiner, elle permet à tout le monde de monter sur scène. » On ne sait pas si tout le monde peut monter sur scène mais, dans le rôle de Germain, sous la houlette de la chorégraphe Maria Ribot (Lion d’Or à Venise en 2020 pour l’ensemble de sa carrière) qui joue ici, à merveille, son propre rôle et signe toutes les chorégraphies du film, la performance de François Berléand est remarquable.

Last Dance but not least… le festival MCM déploie sa programmation jusqu’à samedi.

ÉLISE PADOVANI

Le film sera sur les écrans en septembre.

Brut de campagne

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L'été des charognes © Emilie Heidsieck

Hubert Colas ne se souvient plus qui, de Thierry Raynaud ou de lui, a lu le premier L’été des charognes. Toujours est-il que l’ouvrage paru en 2017 a autant marqué le metteur en scène que celui qui deviendra l’acteur unique de l’adaptation au théâtre de ce premier roman de Simon Johannin. Ce dernier commencera par être invité au festival actoral pour une lecture de son livre, puis en résidence d’écriture à La cômerie avant de s’installer à Marseille. « J’ai trouvé une écriture forte et vive dont l’originalité et l’oralité sont extrêmement puissantes. Et surtout un rapport à la littérature assez brut, presque charnel, avec une espèce d’innocence et à la fois sans complaisance sur l’état d’une certaine jeunesse dans la ruralité. Un choc littéraire passionnant », résume Hubert Colas.

Rudesse des mots
L’été des charognes est l’histoire d’une famille rurale très modeste vivant à l’écart d’un village et dont le plus jeune des fils est le narrateur très cru. Le récit hyper-réaliste du quotidien d’une jeunesse où les rapports, qu’ils soient entre humains, avec les animaux ou la nature, s’expriment avec une brutalité naturelle et sans jugement. Derrière la rudesse des mots et des situations peut se dégager une certaine sensualité. Sans être un récit initiatique, l’ouvrage est traversé de premières expériences, de découvertes qui mèneront le personnage principal de l’enfance au début de l’âge adulte. Apparaît alors un regard sur le monde évolutif, à la maturité grandissante, qui confère au roman une portée intemporelle voire universelle.
Pour sa mise en scène, Hubert Colas a pu s’appuyer sur le langage « très paysager, presque cinématographique » du texte afin d’« inventer un espace qui permet de figurer l’imaginaire ». S’il travaille sur l’image en utilisant notamment la vidéo, il mise davantage sur « la capacité de l’interprète à créer une oralité et sur celle du spectateur à écouter une écriture » que sur un décor réaliste pour « traduire l’espace presque naturaliste qui est le paysage du roman ».

LUDOVIC TOMAS

L’été des charognes Mise en scène Hubert Colas
Du 23 au 26 mars
Théâtre des Calanques, Marseille

Un auteur dans l’actualité

Après avoir obtenu le prix littéraire de la Vocation en 2017, L’été des charognes (éditions Allia) fait l’objet d’une adaptation en bande dessinée par Sylvain Bordesoules à paraître prochainement. Simon Johannin publiera quant à lui son deuxième roman au mois de mai sous le titre Le dialogue. Le même mois, il sera également à la rédaction artistique d’If, la revue des arts et des écritures contemporaines dirigée par Hubert Colas.

« Rencontre, partage et création » : la règle de trois de Music & Cinema

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Ciné-concer, master class, clôture 2022 © Leila Macaire

Zébuline. En 2022, le festival Music & Cinema s’est déroulé au cinéma l’Artplexe, un unique lieu pour mieux accueillir invités et public. Qu’en est-il cette année ?

Gaëlle  Rodeville. C’est le même concept, on souhaite conserver cette proximité. Notre Q.G. sera là et le théâtre de l’Odéon, le Conservatoire et la brasserie Le Blum sont mis à notre disposition. Mais on a fait des partenariats avec d’autres salles comme le Gyptis et le Videodrome2. 

Music & Cinema, ce sont des rencontres, des invités d’honneur, les traditionnels programmes « Accords en duo », « Ostinato », des cartes blanches, des master class… Quels sont les rendez-vous exceptionnels de cette édition ?

On essaie de créer chaque année de nouvelles catégories, mais tout est important ! Ce qui est exceptionnel, depuis qu’on est à Marseille, c’est la venue d’équipes de films avec parfois plus de dix personnes. Par exemple, pour La Nuit du verre d’eau, présenté en avant première, [le 28 mars à 19 h], il y aura Nathalie Baye, Pierre Rochefort, le réalisateur Carlos Chahine, les deux productrices… On aura donc des rencontres plus importantes entre les équipes et le public.

Gaëlle Rodeville © A.G

Il y a aussi les compétitions. Combien avez-vous reçu de films cette année ? Comment se présente cette cuvée 2023 ? 

Ça a été plus compliqué que d’habitude. En terme de propositions artistiques, la cuvée des courts métrages a été moins bonne. D’habitude on travaille toujours à partir de la compétition courte pour fabriquer les programmations parallèles. Des Nuits du court, par exemple. Cette année, on n’a pas pu le faire parce qu’on n’avait pas suffisamment de films de qualité, selon nos critères. Ou plutôt on en avait, mais que des films français, et l’idée, pour un festival international, c’est plutôt de proposer une diversité culturelle. Pour les Ciné-gourmands, ces rendez-vous de 45 minutes entre midi et deux, destinés à ceux qui travaillent, j’avais espéré pouvoir les faire avec ce qu’on avait de nouveau. Mais cela n’a pas été possible. On a reçu entre 1600 et 1800 courts et pour les longs, on a doublé les candidatures spontanées avec 500 films. On en a retenu dix. 

Si vous aviez trois mots à associer à l’édition 2023 ?

Ce serait rencontre, partage et création. Et ce dernier volet, il nous tient particulièrement à cœur. Comme avec Captures d’audace, qu’on va proposer le 29 mars et qui place le public au cœur d’une performance. Ce dispositif est né pendant le confinement sous l’impulsion du jazzman Charles Papasoff et de la cinéaste Marie-Hélène Panisset au Canada. D’abord, c’était très basique : des musiciens faisaient des captations en studio, puis des concerts sans la scène. Après le confinement, les artistes remontent sur scène et la capture d’audace évolue. La création dans les théâtres et salles de cinéma devient interactive avec le public. Il s’y agrège d’autres disciplines artistiques. Pour celle spécialement créée à l’occasion de ce festival, des musiciens venus du Canada rencontreront trois musiciens d’origine marseillaise. Ensemble ils vont créer ce concert-spectacle qui sera filmé, mis dans une capsule, puis diffusée dans un circuit télévisuel et cinématographique. Ce sont des moments magiques de création que seuls les festivals peuvent offrir en live.

Quel est le film d’ouverture ? 

Il s’agit de Last Dance de Delphine Lehericey, où un retraité interprété avec virtuosité par François Berléand perd sa femme et, parce qu’il le lui a promis, termine ce qu’elle avait entrepris. Un film qui part du deuil pour parler de la vie, et qui n’est pas du tout triste !

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ÉLISE PADOVANI ET ANNIE GAVA 

Music & Cinema
Du 27 mars au 1er avril
Divers lieux, Marseille
music-cinema.com

L’ImpruDanse : Draguignan sous haute tension

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Batsheva - Momo © Ascaf

Pour le lancement de sa 7e édition, le festival L’ImpruDanse a choisi de voyager en compagnie de Guy Delahaye qui dévoile une série de travaux inédits en noir et blanc et, fait rarissime, en couleur. Celui qui se définit avant tout comme un « artisan de la photographie » a sélectionné quelques instants de rencontres magiques avec les figures internationales qu’il côtoie depuis plus de cinquante ans : Pina Bausch, Carolyn Carlson, Jean-Claude Gallotta… Un écrin de danse photographique pour une programmation volontairement ouverte aux expressions les plus diverses. 

Du mouvement
À commencer par celle poétique et engagée de Florence Bernard qui, dans Je suis tigre, plonge deux jeunes adolescents dans un univers textuel, acrobatique, théâtral et chorégraphique pour sensibiliser les plus jeunes à un sujet brûlant : l’exil. Celle éclectique et vibrionnante de Nacim Battou dont la partition collective Dividus a fait l’effet d’une tornade à Avignon l’été dernier en affirmant haut et fort la nécessité d’un art vivant même si tout disparaît… Celle acrobatique et ludique de Pierre Rigal qui, fidèle à son écriture millimétrée, entrechoque les performances de neuf interprètes pris au piège du Hasard et de ses failles dans un jeu de dés ambigu ! Celle pulsionnelle et explosive de Fouad Boussouf avec sa pièce Näss (Les Gens), exclusivement masculine, qui puise sa force dans l’expression individuelle et collective, dans l’énergie transcendée. Celle théâtrale et envoûtante de Rosalba Torres Guerrero et Koen Augustijnen issus des célèbres Ballets C de la B, inspirée des chants de lamentation grecs appelés « miroloï ». Dans leur Lamenta, ils associent chants traditionnels et danse contemporaine dans une écriture volontairement plus abstraite que de coutume pour évoquer le départ, la disparition, l’absence. Comme un nouveau rituel cathartique. 

Dividus – Nacim Battou © Thomas Bohl

Le clou du festival est sans conteste la création inédite de la Batsheva Dance Company, Momo, présentée à Draguignan avant La Villette à Paris dans le cadre du hors les murs de Chaillot ! Une soirée exceptionnelle qui affichait déjà complet avant que Théâtres en Dracénie ne propose la projection du film documentaire Mr Gaga, sur les pas de Ohad Naharin de Tomer Heymann qui a ouvert les festivités le 7 mars dernier.  

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

L’ImpruDanse
Jusqu’au 1er avril
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
theatresendracenie.com

La sourde oreille

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La musique classique n’a décidément pas le public qu’elle mérite … Et les huées récoltées par l’orchestre national de Lyon le 17 mars dernier ont de quoi en scandaliser plus d’un. Bien plus fréquente chez les fanatiques d’opéra que dans toute autre discipline artistique, cette pratique d’un autre âge, mobilisée quasi-exclusivement à l’égard de cet art pourtant si exigeant a de quoi étonner. Ces cris de rage et autres interpellations ne succédaient pourtant pas, ce soir-là, à une prestation jugée insuffisante ou, comme c’est malheureusement trop souvent l’usage, à des choix radicaux de mise en scène. Non : elles n’avaient pour but que de sanctionner un communiqué pourtant très mesuré lu par le bassoniste François Apap, rappelant la difficulté et la pénibilité d’un parcours de musicien, et la nécessité de ne pas renverser un système de retraites déjà fragile pour ces métiers. 

« Ferme ta gueule et joue »

La première de Carmen à l’Opéra de Marseille s’était ouverte le mois dernier sur des invectives similaires. « Ferme ta gueule et joue », et autres « on est ici pour la musique, rien d’autre ! » émanaient d’un parterre mécontent de devoir attendre quelques minutes de plus avant d’assister au spectacle. Maintenir ces représentations coûteuses et ambitieuses, à l’heure où les journées de mobilisation aboutissent à de nombreuses annulations, ne suffit pas à calmer la rage de ce public-là. Oublie-t-il, ou méconnaît-il, la réalité et la pénibilité de ces métiers ? Que sait-il des difficultés économiques sans précédent rencontrés par le secteur culturel ? Peut-être s’en moque-t-il, lui qui, dans sa grande majorité, touche déjà une retraite à laquelle la génération suivante n’aura peut-être pas accès. Peut-être ne sait-il pas que l’inflation et surtout les coupes budgétaires opérées par les institutions fragilisent plus que jamais les arts et le spectacle vivant. Ou peut-être choisit-il, pour son bon plaisir qui n’honore pas les œuvres qu’il prétend aimer, de faire une fois de plus la sourde oreille.

SUZANNE CANESSA

« Le Capitaine Volkonogov s’est échappé », les fautes de nos pairs

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Il en aura fallu, du temps, pour que Le Capitaine Volkonogov s’est échappé trouve le chemin des salles. Écrit et achevé bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ce troisième long-métrage co-réalisé par Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov en semble pourtant, d’une certaine façon, annonciateur. Tourné en pleine épidémie de Covid-19 avec le soutien du ministère de la Culture, salué à la Mostra de Venise en 2021, il n’est cependant jamais sorti en Russie depuis. Il a même valu à ses deux réalisateurs un exil prolongé en Azerbaïdjan.

Récit des grandes purges staliniennes, Le Capitaine Volkonogov s’est échappé ne se présente cependant pas comme un documentaire à charge sur cette année sombre où près de 750 000 citoyens soviétiques furent assassinés par le NKVD. Sans rien occulter de la violence à l’œuvre, le couple Merkoulova-Tchoupov recourt cependant à une esthétique et à un ton empruntés au conte et à la satire, dans la droite lignée de leur précédent long-métrage, L’Homme qui a surpris tout le monde, sorti en 2018. D’aucuns leur ont reproché ce goût de l’onirisme, qui sait faire cohabiter le grotesque et le tragique pour mieux dire le réel. D’autres verront dans cette réalisation au cordeau, maîtrisée de bout en bout, des emprunts au meilleur du thriller télévisuel, où le couple a déjà fait ses preuves – sur les acclamés Call-Center et Anna K. Mais il faudrait bien de la mauvaise foi pour accuser Le Capitaine Volkonogov s’est échappé d’esthétiser sa violence, ou de céder à des facilités de mise en scène.

On plonge donc tête la première dans une Russie de 1938 cauchemardesque, quelque peu altérée dans son imaginaire : costumes plus proches des années 1980, grain de l’image évoquant les années 2000… Le climat, paranoïaque à souhait, évoque bien d’autres époques, et bien d’autres grands films. Il est surtout propice à une résonnance entre ces différents chapitres sombres de l’Histoire de la Russie, et d’ailleurs. Le magistral Yuriy Borisov, déjà aperçu, entre autres, chez Kirill Serebrennikov, prête ses traits anguleux et sa présence monstre à Fedor Volkonogov. Ce bourreau qui, après avoir dispensé ses services au NKVD, se voit à son tour poursuivi pour des faits de trahison fantaisistes, et contraint à une fuite vers sa possible rédemption. Mais la faute semble, ici comme ailleurs, décidément insoluble.

SUZANNE CANESSA

Le Capitaine Volkonogov s’est échappé de Natalia Merkoulova et Alexeï Tchoupov

En salle le 29 mars

« Je verrai toujours vos visages », le pouvoir des liens

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« Je ne suis pas très douée pour montrer du doigt tout ce qui ne va pas. Ce qui m’anime, c’est de montrer ce qui marche. » Cette confidence, lâchée au fil d’une rencontre avec la réalisatrice Jeanne Herry, résume à elle seule l’originalité et la force de ce cinéma décidément singulier. Héritier d’un certain cinéma social, soucieux de montrer les marges, leurs rouages et les petits miracles qui s’y nichent, il emprunte également ses intrigues, sa force narrative et son sens du symbole au genre policier.

Porté par une direction d’acteurs millimétrée, Je verrai toujours vos visages se révèle tout aussi efficace et puissant que Pupille, son précédent long-métrage, sorti il y a cinq ans. On retrouve d’ailleursplusieurs acteurs et actrices déjà présents dans Pupille : Élodie Bouchez, de moins en moins rare (et c’est tant mieux !) ; Gilles Lellouche, de nouveau sollicité pour mettre à mal sa virilité naturelle ; et évidemment Miou-Miou, mère de la scénariste et réalisatrice, sur une partition plus délicate. La distribution est ici carrément superlative : Adèle Exarchopoulos, Jean-Pierre Darroussin, Leïla Bekhti, Denis Podalydès et Fred Testot complètent ce casting cinq étoiles, en compagnie de nouveaux venus plus que prometteurs. Soit Suliane Brahim, Dali Benssalah ou encore Birane Ba, tous plus talentueux les uns que les autres.

Le tout pourrait cependant sonner bien faux. Après s’être, avec Pupille, intéressée aux mécanismes de l’adoption en y scrutant chaque étape (accouchement sous X, aide sociale à l’enfance …) c’est aux rouages de la justice restaurative que Je verrai toujours vos visages s’intéresse. On y croise des victimes de violences et des auteurs d’infractions, confrontés les uns aux autres par des dispositifs propices à de beaux échanges. Délinquants, criminels, victimes se rencontrent sous le regard et la supervision d’interlocuteurs attentifs pour comprendre, apprendre et grandir. Casse-gueule, le dispositif fonctionne cependant à pleins tubes. Il faut dire que la réalisatrice est, de son propre aveu, « passionnée avant tout par le lien : par ceux qui les nouent, les défont … Par leur effritement mais aussi par leur renforcement. C’est vraiment tout ce qui m’intéresse. »Et cela se voit.

SUZANNE CANESSA

Je verrai toujours vos visages, de Jeanne Herry

En salle le 29 mars

Le film a été présenté en avant-première au cinéma Le Cézanne à Aix-en-Provence, et suivi d’une rencontre avec son équipe.