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« Cinés Méditerranée » : le cinéma en sobre majesté  

Après l’Afrique Noire et les États-Unis, Stephan Zaubitzer a photographié les salles de cinéma dans cinq pays méditerranéens. Un travail exposé à la bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence

Après la révolution numérique, le succès des plateformes, la multiplication des chaînes cinéma, après les confinements, et au seuil d’une crise énergétique, quel présent et quel avenir pour la salle de cinéma ? Le festival Image de Ville proposait d’y réfléchir, croisant comme à son habitude différentes approches, théorique et universitaire, pratique et professionnelle. Sensible aussi, avec la très belle exposition de Stephan Zaubitzer qui, après un travail similaire en Afrique Noire et aux États Unis, a photographié, à partir de 2010, les salles de cinéma désaffectées ou encore ouvertes dans cinq pays méditerranéens (Tunisie, Algérie, Maroc, Égypte et Liban).

Superbe déchéance

Du Mahraba à Tetouan, il ne reste qu’un volume vide occupé par un parking et la trace rectangulaire d’un écran sur un mur décrépi. La salle bleue de L’Oriental à Hamman-Lif  offre le spectacle théâtralisé de gravats tombés d’un plafond défoncé et de rideaux déchirés. Certains cinémas conservent de la superbe dans leur déchéance. Tel Le Liberté de Medenine, clos et tagué mais intact et toujours couronné du mot « CINE » en lettres capitales. Tel le fier Olympia au lourd diadème de colonnades, à Menzel Bourguiba. D’autres comme Le Florida à Beyrouth se sont fondus dans le quartier, leurs vestiges d’enseignes à peine identifiables. Ou ont été investis par des commerces sous un fronton rouillé comme Le Hilton à Saida. D’autres encore, comme le Rio, cinéma de plein-air à Alexandrie ou Le Colisée à Marrakech arborant son architecture moderniste, s’affirment dans la cité. Et les fauteuils rouges des grandes salles vides, saisis en plongée, de dos ou de face, dans leurs alignements graphiques, attendent les spectateurs.

Passé colonial et futur hasardeux

Par cet inventaire-état des lieux, Stephen Zaubitzer documente non seulement le patrimoine et la mémoire mais aussi le devenir du cinéma. Pourquoi ces photos de lieux que la plupart d’entre nous ne connaissons pas nous touchent-elles ? Outre le talent du photographe, la qualité de ses cadrages, la curiosité des façades qu’il nous montre, souvent marquées par un passé colonial, ces lieux portent une charge émotionnelle particulière. La vie est passée par là, la grande histoire de tous et les histoires de chacun dans le secret des salles obscures. Là, des yeux se sont ouverts, des larmes ont coulé, des rires ont fusé, des désirs et des rêves sont allés des films à la vie. Ces temples désertés seraient-ils encore hantés ? Souvent les habitants d’un quartier lui donnent le nom du cinéma qui est ou était là, dit le photographe. Le Rivoli, Le Lynx, le Colorado, Le Shéhérazade, Le Goya, le Colisée, le Byblos, le El Maghreb (ex Régent), le El Khayam (ex Debussy)… les amers d’un voyage au cœur des villes à ne pas rater.

ÉLISE PADOVANI

Ciné Méditerranée, de Stephan Zaubitzer
Jusqu’au 19 novembre
Bibliothèque Méjanes, Aix-en-Provence

Une proposition d’Image de ville, avec le concours de l’Aflam, la bibliothèque Méjanes, Les Écrans du Sud et l’Institut de l’image.

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