mercredi 2 octobre 2024
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La Galerie éphémère : place à l’art durable 

Jusqu’au 5 février, direction les Salines de Villeneuve, à 15 kilomètres au sud de Montpellier, où une ancienne maison des sauniers se transforme en galerie des étangs. Entre art et nature, Zébuline a visité les lieux lors de la résidence artistique qui a précédé cette 11e édition

En arrivant aux Salines de Villeneuve, difficile de ne pas se laisser submerger par la beauté du paysage sous le soleil d’hiver. On s’attarderait bien à écouter le clapotis de l’étang malgré le vent qui s’amuse à nous glacer les oreilles. Ce week-end, dans le cadre de La Galerie éphémère, une foule assortie d’écharpes et de bonnets va se presser au bord de l’étang ainsi qu’à l’entrée de la demeure singulière située en retrait. Une ancienne maison de sauniers, dernier témoin du passé industriel d’un lieu où les hommes ont récolté le sel dès le XIIe siècle, et jusqu’à la fin des années 1960. Le bâtiment a des faux-airs de maison hantée, un cadenas est attaché à une barrière, rien ne filtre à travers les fenêtres. Un écriteau précise au promeneur imprudent : « Pas d’accès. Résidence en cours. Ouverture 03/02/2023 ». 

On a rendez-vous avec Cahuate Milk, alias Tanguy Soulairol, photographe et plasticien bien connu du milieu culturel montpelliérain. Il fait partie de l’association Inkartad, en charge de la direction artistique de l’événement aux côtés d’Aline Riou et Olivier Scher. C’est au détour d’une collaboration de Cahuate Milk avec ce dernier, naturaliste et photographe, que l’histoire de cette galerie au bord des étangs est née, presque par hasard. En 2013, la première édition attire 500 personnes. Au fil des ans, le succès est grandissant. En 2021, en pleine crise du Covid, la neuvième édition de La Galerie éphémère ne se visite que virtuellement, pour la plus grande frustration des amateurs d’art. Comme une revanche, ils seront 4000 en trois jours à faire le déplacement l’année suivante. 

En 2023, rien ne change. Le cadre est aussi exceptionnel qu’immuable : les Salines de Villeneuve, site protégé sous la responsabilité du Conservatoire d’espaces naturels d’Occitanie. À cheval entre les communes de Villeneuve-lès-Maguelone, Mireval et Vic-la-Gardiole, il compose un paysage lagunaire unique de près de 300 hectares. C’est la raison pour laquelle l’événement se déroule à l’occasion de la Journée mondiale des zones humides, qui célèbre la signature en 1971 de la convention de Ramsar destinée à mieux protéger ces espaces fragiles.

Déconstruire les perspectives
La résidence de création dure à peine six jours, notre venue a un avant-goût presque frustrant. La visiter, c’est comme fouiller dans les frigos d’une cuisine de restaurant en essayant de deviner à quoi ressemblera le plat une fois servi. Ici, pas d’assiette, mais une exposition à déguster pièce par pièce. À commencer par une cuisine dont les fenêtres donnent sur l’étang. À défaut de pouvoir y boire un café, on y apprécie le papier-peint réalisé avec l’illustrateur-naturaliste Cyril Girard. À l’étage, plusieurs installations sont en cours, il y a de la couleur sur les murs, des sculptures en attente d’être accrochées, une pièce où chacun peut recycler des matériaux en bon état issus des éditions précédentes. Au bout du couloir, on reconnait les formes graphiques dessinées par l’artiste Siko

Résidence © Federico Drigo

Vient une pièce sombre, dont les murs noirs sont décorés des peintures mystérieuses de Célia Teboul, le fruit d’un travail réalisé en partenariat avec le CNRS. On poursuit la visite dans un dédale de couloirs, tandis que Cahuate Milk décrit l’ambiance sonore qui va redonner vie à l’une des pièces. Jules Hidrot est en train de coller des fragments de clichés de bâtiments architecturaux tout en déconstruisant les perspectives. Plus loin, quelques illustrations bleutées de Nadège Féron sont déjà installées. On redescend en empruntant un escalier qui garde les traces des éditions précédentes. 

En bas, la première salle est destinée à accueillir les illustrations de Rachel Weasel Fisher, mais pour l’instant seules quelques dentelles de papercut (papier finement découpé) donnent des indices sur l’univers graphique que le visiteur va être amené à traverser. L’artiste installée à Montpellier participe à sa deuxième édition, tout comme la photographe Élise Ortiou Campon, qui présente son travail photographique à la fin du parcours.

Un condensé d’art
Pas question d’en dévoiler plus, car La Galerie éphémère est avant tout une immersion pleine de surprises pour le visiteur. « C’est un condensé d’art, des univers très différents qui se côtoient au sein d’un même parcours : de l’illustration, du graffiti, de la photo, de la sculpture… On essaie de montrer le spectre le plus large possible en termes de pratiques artistiques », détaille Cahuate Milk. Avec dans l’idée de créer des passerelles lors d’un événement à la fois familial et grand public. Ici, ni censure ni thématique imposée, mais des artistes qui s’inspirent des lieux, de la nature omniprésente comme de son passé industriel. 

Cette année, ils sont une douzaine à exposer (ainsi que deux groupes de musique), essentiellement des artistes régionaux, sous la houlette de l’association Inkartad, qui leur laisse carte blanche. « Chacun fait ce qu’il veut, c’est un lieu d’expérimentation qui leur permet de sortir de leur zone de confort, précise Cahuate Milk. On laisse les artistes libres tout en leur proposant de bénéficier de notre regard artistique. Avec Inkartad, on fait de l’accompagnement d’artistes émergents et locaux tout au long de l’année. » Selon lui, la résidence fait pleinement partie du processus, permettant de « fédérer en connectant les artistes entre eux ». Depuis 2013, 150 artistes ont été exposés ici.

Pour prolonger la visite, différentes actions de sensibilisation à la nature sont proposées l’après-midi : balades natures, observation des oiseaux, ludothèque écologique… Alors que près de 80 bénévoles sont engagés dans l’événement, un groupe Facebook a été créé pour mutualiser les trajets. En partant, chacun pourra se prendre en photo devant un tableau souvenir réalisé en 3D par le duo Maj qui devrait laisser la part belle au flamant rose, mascotte malgré lui d’une Galerie éphémère 100% nature. 

ALICE ROLLAND

La Galerie éphémère
3 au 5 février  
Salines de Villeneuve
Villeneuve-lès-Maguelone
Entrée libre
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