mercredi 2 octobre 2024
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Une Martha Argerich divine au Palais du Pharo 

Invitée par Marseille Concert et l’Opéra, la pianiste argentino-suisse a sublimé les œuvres de Mozart et Beethoven

Dédié à la mémoire Nicholas Angelich, le programme pensé par Martha Argerich a su faire de sa simplicité son atout principal. Soit deux concertos des plus grands maîtres du genre, Mozart et Beethoven, interprétés respectivement par Akane Sakai, grande amie de Martha Argerich dont elle dirige le festival à Hambourg, et Argerich elle-même, en compagnie de l’Orchestre Philharmonique de Marseille.

La pianiste japonaise s’empare du fascinant Concerto n°9 avec délicatesse et poésie. L’orchestre, à l’écoute de ses subtils changements de tempi et d’inflexion, où la pulsation s’emballe et se brouille, s’enroule dans ses arpèges aux tournants souvent inattendus. Les trilles s’y font plus mélancoliques que doucereusement mélodieux. Akane Sakaï prend le risque de la lenteur, de la dissonance exposée dans toute sa splendeur, dans ses échanges avec l’orchestre comme dans ses nombreux passages solistes, qui laissent. Cette sensibilité reste intacte dans la Mazurka de Spielmann donnée en bis, ainsi que dans les Contes de ma mère l’Oye donnés en intégralité en bis par les deux musiciennes, visiblement ravies de partager ensemble ce joli moment.

Insuffler du génie

Au retour de l’entracte, Martha Argerich s’impose dès l’introduction orchestrale du Concerto n°2, menée tambour battant par la direction énergique de Lionel Bringuier. Le toucher est ici tout aussi cristallin, mais redoutablement articulé. Chaque note semble ici se voir accorder la même intention, et chaque trait, chaque thème, chaque mélodie chante avec le même supplément d’âme, la même intensité. L’adagio central rappelle évidemment Mozart : ses chromatismes singuliers et prodigieux, ses changements d’humeur imprévisibles. Les gavottes de la Suite anglaise n°3 données en bis rappellent habilement ce que le piano concertant de Mozart doit au contrepoint de Bach. Les voix se chamaillent, s’imitent et se répondent sur des phrases touchant tour à tour au tragique, au grotesque ou à la plaisanterie. Rares sont les interprètes sachant insuffler du génie à des partitions pourtant déjà sublimes : Martha Argerich est de celles-là, et le public, lui hurlant des « je t’aime ! » à chaque sortie de scène, ne semble pas s’y tromper. 

SUZANNE CANESSA

Concert donné le 17 décembre à l’auditorium du Palais du Pharo, Marseille. 
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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