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Déformer pour gouverner (les esprits)

Doit-on s’attendre, dans les médias, à ces continuels petits arrangements avec les faits ? Nous vivons désormais dans un pays où le Premier ministre a été choisi dans un inédit déni de réalité. Les quelques députés macronistes qui siègent encore à l’Assemblée, et doivent leur poste au report des voix de gauche contre le RN, vont-ils longtemps nier qu’ils agissent contre la volonté de leurs électeurs ? 

Nous vivons désormais dans un pays toujours plus riche pour ses riches, et austère pour les autres, qui écrit « égalité » sur ses frontispices mais voit la faim revenir massivement dans ses familles. Cela ne se résoudra qu’en changeant de politique économique. Mais  dire cela expose immédiatement au soupçon d’extrémisme et de populisme. Abasourdis par les combats perdus et le dénigrement constant, quel budget 2025 les Français vont-ils accepter, quelles coupes supplémentaires pour l’école, l’hôpital, les transports publics, les politiques sociales, la culture ?

Cela n’adviendra pas sans qu’une étape supplémentaire soit franchie, pour éteindre les  foyers de résistance où l’esprit résiste encore à la manipulation des esprits. 

Faire taire les « élites »

« Recherche public désespérément : pourquoi seuls les profs vont au théâtre ? » C’est le titre d’un article surtitré « Salle vide », paru dans Marianne le 9 septembre 2024.  La syntaxe déjà en est amusante : le point d’interrogation, au bout d’une phrase affirmative, brouille la compréhension. Isabelle Barbéris, la journaliste enseignante agrégée de littérature, sait ce qu’est une question. S’interroge-t-elle vraiment ou affirme t-elle que les salles (vides) sont remplies exclusivement de profs (comme elle) ? 

Son glissement se poursuit avec des arguments d’autorité : Stanislavski, Firmin Gémier, Jean Vilar bien sûr, sont convoqués pour parler de la place essentielle du public. Qui manque à l’appel, donc. Les raisons en sont avancées, souvent dans des digressions, comme incidemment : les « obsessions militantes » font « fuir » les spectateurs, puisque l’ « entre-soi culturel utilise la scène comme miroir de ses certitudes (souvent militantes) ».

Manipulation des faits

Ces conclusions hâtives reposent sur des chiffres existants, mais isolés : effectivement des études de 2022 montrent que le nombre de spectateurs des théâtres a baissé, depuis le Covid, de 22% dans le public et de 30 % dans le privé. Or 2023 a vu une augmentation de 19%, ce qui relativise la baisse du public, qui demeure réelle, mais faible.

Mais surtout, aucune étude n’a relevé que les salles sont « vides », ni même que le taux de fréquentation est en baisse : c’est l’offre de représentations qui s’est multipliée puis écroulée après le Covid. Le nombre de levers de rideau, donc de places disponibles pour le public, est aujourd’hui au plus bas depuis longtemps, faute de financements suffisants.

Le Festival d’Avignon est symptomatique de cet état de fait, complexe : le déplacement et raccourcissement imposé pour les J.O. n’a pas impacté le « taux de remplissage » des salles, qui avoisine les 100 %, mais a impacté néanmoins le nombre de spectateurs, la durée étant notablement raccourcie. 

Au Off, victime multifactorielle de l’appauvrissement du public et des compagnies, les spectacles « militants » ont bien mieux résisté que les seuls en scène. Et à Marseille, Château-Arnoux, Martigues, Cavaillon, les théâtres publics ont affiché complet toute la saison dernière, alors même que le nombre de spectateurs baissait, faute d’offre… 

Merci aux gens d’esprit

Attaquer les idées « souvent militantes » des artistes est le propre des dictatures. Tout comme s’en prendre aux profs, en les culpabilisant de préférer sortir que scroller. On ne dira jamais assez merci aux enseignants d’aller cultiver leur sens critique et leur connaissance du monde, afin de les transmettre, et combattre les déformations idéologiques du réel qu’on nous impose.  

AGNÈS FRECHEL 

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