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« Une odeur de lit défait »

Macha Makeïeff revient dans le Sud avec une mise en scène de Dom Juan de Molière qui fait la peau du prédateur sexuel. Entretien

Zébuline. Après Les Femmes savantes, après Tartuffe, pourquoi revenir à Molière ? 

Macha Makeïeff. Il a écrit Dom Juan entre les deux versions de Tartuffe, et les pièces ont beaucoup à voir. Elles ont été créées par la même troupe d’acteurs, et j’ai aussi aimé retrouver les miens dans cette suite, avec quatre jeunes acteurs formidables qui les ont rejoints… En dehors de ce côté humain, le point commun est la thématique de la prédation. Elle apparaît dans Tartuffe pour devenir le thème central de Dom Juan, qui n’est pas plus la religion ou le « Ciel » que dans Tartuffe. Je dégage le surnaturel et je parle d’emprise. Don Juan* est, dès l’entrée, un personnage perdu, qui va mourir. Molière avait vraiment le génie pour comprendre les ressorts de la séduction, sa perversité, et le poids du patriarcat. Les femmes y sont toujours dans des impasses épouvantables et le patriarcat engendre des monstres. Don Juan en est un, comme de nombreux hommes de Molière.

Vous déplacez l’intrigue au XVIIIe siècle, où le libertinage a un autre sens…

Oui. Ce glissement permet de mieux faire sentir la dislocation de l’aristocratie. Don Juan est tué par les siens. Et au niveau plastique, le XVIIIe m’intéresse, et permet de faire sentir cette odeur de lit défait. Mon Don Juan, enfermé chez lui, est sadien. Il entretient une relation de proximité, d’amour, de violence, avec son valet, comme Sade et Latour. Il est au bout du rouleau, voué à la mort. Comme chez Sade, tous viennent chez lui. 

Même les paysannes ? 

Je n’ai jamais aimé cette scène avec ces accents, ce comique de classe, de mépris. Elle me gêne, socialement, politiquement. Alors je l’ai transposée. Don Juan, comme Sade, fait du théâtre, les paysannes sont des comédiennes et il se met en scène comme prédateur. Chez lui.

Est-ce-que vous aimez certains aspects de votre « grand seigneur méchant homme » ? Sa liberté, son panache ?

C’est un monstre. Sa liberté est celle, sadienne, de détruire, de faire le mal. S’il a une faille qui peut émouvoir, c’est celle d’avoir été un gosse rejeté et nié par son père, qui dit sa « honte de l’avoir fait naître », ce qui est une parole d’une violence absolue pour un fils. Les pères produisent des monstres quand ils ne donnent pas de place à leurs fils. C’est une faille de Don Juan qui peut émouvoir, mais n’excuse pas.

Sa prédation sexuelle ? 

Oui, ce « non » des femmes qu’il faut enfin entendre. Elvire est un personnage très fort, qui évolue, se heurte à un mur dans la première scène, puis revient. Dans sa dernière scène, par deux fois, elle dit « non ». D’habitude, on entend peu ce « non ». Je veux qu’il résonne, comme la fin d’un système et d’un monde. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

*Molière écrit « Don Juan » pour désigner son personnage, et « Dom Juan » comme titre de sa pièce, sans doute pour la différencier des Don Juan précédents, et pour faire allusion au « dominus », le maître. 

Dom Juan
Du 25 au 28 septembre
Théâtre Liberté, Scène nationale de Toulon
chateauvallon-liberte.fr

Du 15 au 18 octobre
Jeu de Paume, Aix-en-Provence
lestheatres.net

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