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À Africapt, une « Aïcha » bien vivante 

Prix du Jury dans la catégorie fictions du festival aptois, le film de Mehdi M. Barsaoui se saisit d’un fait divers insolite pour dessiner une critique éloquente de la société tunisienne

Tout comme son premier long métrage, Le Fils, le scenario d’Aicha s’inspire d’un fait réel survenu en 2019 : une jeune femme après un accident de voiture avait eu l’idée de se faire passer pour morte, pour tester l’amour des siens.

Aya, vit dans le sud de la Tunisie, à Tozeur, avec ses parents qui voudraient la marier avec un homme plus âgé et plus fortuné, ce qui aiderait la famille, pauvre. Aya travaille dans un hôtel  et a depuis quatre ans une relation clandestine avec le directeur, Youssef, un homme marié qui lui promet sans cesse de divorcer. Sur une route de montagne, le grand taxi qui transporte les employés et une passagère embarquée en chemin tombe dans un ravin et prend feu. Sept corps, sept victimes dont la liste est envoyée par la direction de l’hôtel. Mais la seule survivante, Aya, décide de ne rien dire. Elle est déclarée morte et assiste, entièrement voilée, à sa propre inhumation.

Désormais, elle s’appelle Amira, part à Tunis et va partager un appartement avec Lobna (Yasmine Dimassi), qui se dit doctorante en sciences humaines. Lobna va l’entrainer dans les folles nuits ou l’on boit, où l’on danse, où l’on drague, jusqu’au soir où un drame se produit dans la boite de nuit. Amira, impliquée, est interrogée par la police, confrontée à son mensonge et à ceux des autres. C’est ainsi que sa route croise celle de Farès, chef adjoint de la police qu’interprète Nidhal Saadi (une star en Tunisie).

Portrait d’une femme en quête de liberté, Aicha est aussi la radioscopie d’un pays où règnent la corruption et l’oppression de la police, l’injustice sociale, où les femmes sont soumises aux pressions de la famille et du patriarcat. Le voyage initiatique d’Aya-Amira est filmé par la caméra portée d’Antoine Héberlé, le directeur de la photo, qui avait déjà travaillé sur  Un Fils. Il ne la lâche pas : gros plans de face à Tozeur, aux couleurs aussi ternes que son quotidien, la ville qu’elle veut quitter. À Tunis, la caméra la suit, nous permettant de découvrir la capitale avec ses yeux. Une ville qui la fascine, pleine de couleurs d’énergie et de mystère. Fatma Sfar qui interprète cette femme en changement, est excellente, montrant avec subtilité, toutes ses facettes.

Questions de société, d’intimité, de politique, de police, de suspense s’entremêlent dans ce film superbement mis en scène. La musique d’Amine Bouhafa, narrative, y contribue largement. «  Tozeur n’est pas filmé comme Tunis. Aya n’est pas filmée comme Amira qui n’est pas filmée comme Aïcha. […] Je devais être constamment vigilant pour m’assurer la cohérence de l’histoire et l’évolution du personnage », précise Mehdi M. Barsaoui. C’est réussi ! Il a su à travers son histoire et ses personnages contrastés montrer la complexité des rapports humains. : Aïcha, qui en arabe littéral, signifie « vivant » a donné son titre au film. Il suffit de le voir pour comprendre pourquoi.

ANNIE GAVA

Aïcha a été projeté le 10 novembre dans le cadre du festival Africapt.
En salles le 19 mars 2025

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