mercredi 12 mars 2025
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La tempête des passions mauvaises

L’écriture du dramaturge suédois, emporté par le Covid en 2021, est d’une hallucinante virtuosité. Comme peu d’auteurs dramatiques savent le faire, il laisse reposer la compréhension de ses pièces sur les seuls dialogues entre les personnages. Ici deux couples, Alma et Robert, acteurs qui viennent de jouer une première, et Hedda et Jonas, leurs amis. 

Dans le huis clos d’un salon bourgeois ils se déchirent, le temps d’une nuit, et se révèlent, s’agressent, se soutiennent, s’aiment et se haïssent, sans que l’on sache vraiment, au fond, ce qu’ils jouent et ce qu’ils vivent, quand ils mentent, fantasment, ou parlent vrai, et quelle est la réalité des sentiments qu’ils éprouvent. « Je plaisante… », disent-ils quand ils sont allés trop loin, c’est à dire dès les premières répliques. Puis le whisky aidant, les paroles sortent sans retenue, au-delà des frontières de l’irréparable. Qui adviendra, on le sait tous, mais comment ?

Les sentiments fusent 

La mise en scène de Charles Berling est d’une simplicité qui a tout de l’évidence : plaçant une partie du public sur scène, et une autre tout prêt, il sature l’espace de regards et de corps, reflétés encore par des surfaces métalliques réfléchissantes, fausses fenêtres où la pluie glisse mais dont aucun air ne provient. Ainsi, il enferme ses acteurs dans un enclos irrespirable. Et les laisse se débattre comme des tigres en cage, lui même jouant Robert, acteur maladivement jaloux de son épouse maladivement sarcastique. 

Au plus près, les spectateurs frémissent d’un verre qui se brise, d’un mouvement brutal. Le rire fuse aussi, comme un soulagement, les dialogues laissant aussi surgir un comique ironique salvateur. La violence sexuelle, l’échec et le renoncement, l’amertume, l’ennui, la jalousie surtout, du succès et du corps, de l’amour et de l’envie, tous les sentiments, les souvenirs, strient l’espace, comme habité aussi par un traumatisme historique. Alma, porte en elle une pulsion de mort et Lars Norén, qui déclarait regretter de ne pas être juif, n’échappe pas au stéréotype de la belle artiste juive intellectuelle ténébreuse et stérile. Bérengère Warluzel, judicieusement et constamment excessive, l’incarne à fleur de peau, entourée par Alain Fromager monstrueux mais constamment délicat, Caroline Proust frustrée et drôle jusqu’à l’épouvante, et Charles Berling, souverain de distance, et de colère. 

AGNÈS FRESCHEL

C’est si simple l’amour a été créé le 5 mars au Théâtre Liberté, Scène nationale de Toulon. Il est donné jusqu’au 21 mars.

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