vendredi 4 octobre 2024
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Concert pour sauver des vies

Pour la deuxième année, SOS Méditerranée organise un grand concert populaire à Marseille. Rap et électro sont au programme, au Dock des Suds. François Thomas, président de SOS Méditerranée, en explique les enjeux

Zébuline. La première édition a été une soirée festive et mémorable…

François Thomas. Oui, il y avait énormément de monde, et l’événement nous a permis de financer une semaine en mer, et de sauver des vies. Grâce aux Mutuelles de France et à la Solimut, grâce au soutien de la Ville de Marseille, la billetterie est entièrement reversée à SOS Méditerranée. Grâce à Zamdane aussi, qui réunit autour de lui des artistes dont le soutien est essentiel. 

Pourquoi organiser un concert de rap et d’électro ?

Les missions de SOS Méditerranée sont de sauver, protéger et témoigner. Organiser des événements culturels relève du témoignage, destiné à faire comprendre ce qui se passe en Méditerranée, et à éveiller ou raviver la solidarité, dans un discours ambiant qui aujourd’hui n’est pas très favorable. 

Vos événements culturels sont habituellement davantage littéraires, théâtraux, dans des établissements plus feutrés que le Dock des Suds. Pourquoi cette programmation à Marseille ? 

Parce qu’à Marseille le soutien est massif et populaire, et parce que c’est le siège de notre association. Il nous arrive dans d’autres villes d’organiser des concerts de ce type, mais pas à cette échelle. À Marseille, de nombreux bénévoles jeunes sont impliqués dans l’association, et sont très actifs. Nous voulions aussi être présents avec un événement qui les concerne davantage. Il y aura donc les 20 amis de Zamdane de 20 h à minuit, puis le collectif Fissa pour un concert 100 % électro. Cela n’empêche pas ceux qui préfèrent des formes différentes de concerts de faire des dons !

Pourquoi ces dons sont-ils aujourd’hui nécessaires ? 

Pour sauver des vies. Il y a eu depuis 10 ans 30 000 morts dénombrées en Méditerranée, dont 24 000 en Méditerranée centrale. Ce sont les ONG qui font le travail de sauvetage. SOS Méditerranée a sauvé 40 915 personnes en mer depuis sa création, 6 480 en 2024 pour l’instant. Il faut dire ce qui se passe, ces chiffres dénombrent des vies humaines, des morts. Les États ne font pas leur travail. Je suis marin de métier, capitaine retraité de la marine marchande, je sais que nous agissons dans le respect strict du droit maritime. Les États dérogent à leur zone de responsabilité, et manquent à leur devoir de sauvetage. 

C’est-à-dire ? 

Au delà des eaux territoriales, il y a des « zones de responsabilité », officielles, cartographiées, où les États qui en ont la charge ont un devoir de coordination et d’organisation des secours. Quand il y a un homme à la mer, toutes les embarcations doivent converger pour le rechercher et le sauver, et c’est l’État en charge de la zone de responsabilité d’organiser et de coordonner ces secours. Le problème est que depuis 2018 la zone de responsabilité de cette route, au-delà des eaux territoriales, est attribuée à la Libye. L’Europe a accepté que l’Italie s’en dégage. Or les gardes côtes libyens,  non seulement ne répondent pas à nos demandes et ne transmettent pas les appels de détresse, mais ils tirent en l’air quand ils nous voient approcher des embarcations, empêchant les secours.

Et la Libye reçoit des fonds européens pour financer sa responsabilité en mer ? 

Oui, des fonds fiduciaires. L’Europe lui fournit des équipements et des bateaux. Le bateau des garde-côtes libyens qui nous a tiré dessus cet été était italien. Il y a d’ailleurs une enquête de la Cour des comptes européenne au sujet de ces fonds fiduciaires. Avec ces bateaux, ils empêchent le sauvetage et ramènent les réfugiés vers l’enfer libyen.

Pourquoi parler d’enfer ? 

Quel autre mot ? La Libye reste complètement instable. On y pratique un trafic d’êtres humains très lucratif. Les personnes que nous secourons en mer se sont enfuies de leurs centres de rétention, et en sont parfois à leur quatrième ou cinquième tentative. Dans ces centres ils sont rançonnés, torturés, forcés au travail, et les femmes y sont systématiquement violées. Nous avons le devoir de les aider à se soustraire à cet enfer, quand elles parviennent à s’en échapper. Ce n’est pas une question de politique d’immigration, une question de droite ou de gauche. Les chiffres officiels des morts sur cette route sont établis par l’Office Maritime International à partir des corps retrouvés en mer et des disparus répertoriés. Mais quand les embarcations disparaissent sans trace, quand nous retrouvons des embarcations vides, comment comptabiliser ? 

Vous voulez dire que les 30 000 morts en Méditerranée sont sans doute sous estimés ?

Oui, évidemment.

Votre mission de sauvetage s’arrête quand vous avez trouvé un port sûr. Qu’en-est il après ?  Les changements politiques en Italie, en Europe, ont-ils modifié vos sauvetages ? 

Oui. Les pays ont le devoir d’attribuer un port de débarquement pour les rescapés sauvés en mer. Un port sûr. L’Italie obéit à la loi internationale et nous attribue des ports mais quand elle nous fait débarquer à Ancône nous avons 4 jours et demi en mer à l’aller, puis encore 4 jours et demi pour retourner sur site. Pendant ce temps des hommes meurent. 

Mais l’Italie n’est pas la seule responsable, la Croix rouge italienne fait d’ailleurs un travail remarquable quand nous cessons notre mission. Il ne faut pas laisser seuls les pays qui sont en première ligne migratoire, l’Espagne, la Grèce, l’Italie. Ils ne peuvent pas accueillir tous les réfugiés qui débarquent, qui doivent être répartis entre les pays européens. Il y a des lois internationales qui doivent s’appliquer, pour que cette tragédie s’arrête.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Concert en soutien à SOS Méditerranée
5 octobre
Dock des Suds, Marseille

« Les pouvoirs publics sont défaillants »

Audrey Garino, adjointe au maire (PCF) en charge des Affaires sociales et de la Solidarité, explique le soutien de la Ville de Marseille

Zébuline. Pour la deuxième année, vous apportez vote soutien à l’organisation d’un concert de SOS Méditerranée. Quelles en sont les raisons ? 

Audrey Garino. Depuis que nous sommes élus nous apportons un soutien déterminé à cette association qui sauve des vies en place de pouvoirs publics défaillants. Nous avons voté une subvention de 130 000 euros, parce que le soutien des collectivités, face à cette défaillance, est indispensable. Et quand la Solimut et les Mutuelles de France sont venues nous solliciter pour l’organisation de ce concert l’an dernier, nous avons immédiatement suivi. Car notre soutien ne peut se cantonner à une aide financière, il doit être politique.

SOS Méditerranée dit que sauver des gens en mer n’est pas politique… 

Ce n’est pas partisan, cela doit tous nous concerner. Mais en tant que responsables politiques il est de notre devoir de relayer le travail de SOS Méditerranée, de faire entendre sa justesse, son importance. De faire passer son message humanitaire pour qu’il soit entendu de ceux qui, en France et en Europe, refusent d’appliquer le droit maritime et international. 

A.F.

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